Paris-Normandie
mercredi 14 janvier 2015
Survivre à un génocide
Drame. En faisant un film sur fond de génocide arménien, le
réalisateur germano-turc Fatih Akin affirme son droit à la liberté
d'expression. « The Cut », un lien entre les peuples.
Le génocide arménien qui s'est déroulé entre 1915 et 1917 est toujours
un sujet sensible en Turquie, une raison de plus pour Fatih Akin de
s'en emparer : « Ce sujet me hantait et très vite j'ai ressenti le
besoin d'en faire un film. Je me suis dit que j'en ferais un film dont
l'histoire entrerait dans le cadre de ces événements, à la fois pour
que le peuple turc et les autres en prennent connaissance, mais aussi
pour permettre une réflexion sur ce sujet et ouvrir un espace consacré
à la liberté d'expression, un des plus beaux accomplissements des
sociétés démocratiques. »
Le réalisateur germano-turc en profite pour conclure une trilogie sur
l'Amour, la Mort et le Diable, entamée en 2004 avec Head on (Ours d'or
à Berlin), poursuivie en 2007 avec De l'autre côté. Aujourd'hui, voici
The Cut où ceux qui infligent délibérément des blessures aux autres
représentent le diable.
Pour parler de ce sujet grave, Fatih Akin n'a cédé sur rien. Résultat
: une fresque de plus de deux heures pendant laquelle le spectateur
suit l'odyssée d'un forgeron arménien séparé de sa femme et de ses
deux filles. Enrôlé de force dans l'armée ottomane, comme ses
compagnons d'infortune, il n'est pas envoyé au front mais doit casser
des cailloux jusqu'Ă ce que mort s'en suive. Lui survivra, comme il
survivra au génocide. Pour mémoire, en 1914, l'empire ottoman a
rejoint l'Allemagne et la Triple Alliance. Les Arméniens accusés
d'avoir pactisé avec les Russes deviennent l'ennemi à abattre.
Un héros muet
Certains reprocheront à Fatih Akin d'avoir esquivé les massacres, la
déportation, l'enlèvement des femmes, c'est que le réalisateur a
préféré distiller ces atrocités à travers le parcours hors du commun
de son personnage, un héros de la vie quotidienne qui s'accroche à la
vie pour rechercher les siens : une quĂŞte sur plus de dix ans qui le
mène à La Havane puis en Floride. « Cet homme n'a pas existé. Il est
né de mes recherches. J'ai lu une centaine d'ouvrages sur le sujet,
recueillis des témoignages de survivants, lu des documents sur les
orphelinats, des récits sur les maisons closes d'Alep... Il est le
produit unique de toutes ces histoires authentiques. »
Cet homme est incarné par Tahar Rahim qui porte le film de bout en
bout. Il donne la douceur du Père Noël à ce père de famille, et la
force du Prophète à cet Arménien qui traverse toutes les épreuves avec
détermination. Ce Nazaret Manoogian, héros fragile qui perd la parole
suite à une blessure infligée à la gorge, « est un symbole de la
liberté d'expression qui est menacée et que nous devons défendre »
affirme le rĂ©alisateur lors de l'avant-première au cinĂ©ma Le CĂ©sar Ă
Marseille. C'Ă©tait le mercredi 7 janvier, quelques heures Ă peine
après l'attentat à Charlie Hebdo.
Geneviève Cheval
The Cut
De Fatih Akin (Allemagne/France) avec Tahar Rahim, Simon Abkarian,
Makram Khoury...
mercredi 14 janvier 2015
Survivre à un génocide
Drame. En faisant un film sur fond de génocide arménien, le
réalisateur germano-turc Fatih Akin affirme son droit à la liberté
d'expression. « The Cut », un lien entre les peuples.
Le génocide arménien qui s'est déroulé entre 1915 et 1917 est toujours
un sujet sensible en Turquie, une raison de plus pour Fatih Akin de
s'en emparer : « Ce sujet me hantait et très vite j'ai ressenti le
besoin d'en faire un film. Je me suis dit que j'en ferais un film dont
l'histoire entrerait dans le cadre de ces événements, à la fois pour
que le peuple turc et les autres en prennent connaissance, mais aussi
pour permettre une réflexion sur ce sujet et ouvrir un espace consacré
à la liberté d'expression, un des plus beaux accomplissements des
sociétés démocratiques. »
Le réalisateur germano-turc en profite pour conclure une trilogie sur
l'Amour, la Mort et le Diable, entamée en 2004 avec Head on (Ours d'or
à Berlin), poursuivie en 2007 avec De l'autre côté. Aujourd'hui, voici
The Cut où ceux qui infligent délibérément des blessures aux autres
représentent le diable.
Pour parler de ce sujet grave, Fatih Akin n'a cédé sur rien. Résultat
: une fresque de plus de deux heures pendant laquelle le spectateur
suit l'odyssée d'un forgeron arménien séparé de sa femme et de ses
deux filles. Enrôlé de force dans l'armée ottomane, comme ses
compagnons d'infortune, il n'est pas envoyé au front mais doit casser
des cailloux jusqu'Ă ce que mort s'en suive. Lui survivra, comme il
survivra au génocide. Pour mémoire, en 1914, l'empire ottoman a
rejoint l'Allemagne et la Triple Alliance. Les Arméniens accusés
d'avoir pactisé avec les Russes deviennent l'ennemi à abattre.
Un héros muet
Certains reprocheront à Fatih Akin d'avoir esquivé les massacres, la
déportation, l'enlèvement des femmes, c'est que le réalisateur a
préféré distiller ces atrocités à travers le parcours hors du commun
de son personnage, un héros de la vie quotidienne qui s'accroche à la
vie pour rechercher les siens : une quĂŞte sur plus de dix ans qui le
mène à La Havane puis en Floride. « Cet homme n'a pas existé. Il est
né de mes recherches. J'ai lu une centaine d'ouvrages sur le sujet,
recueillis des témoignages de survivants, lu des documents sur les
orphelinats, des récits sur les maisons closes d'Alep... Il est le
produit unique de toutes ces histoires authentiques. »
Cet homme est incarné par Tahar Rahim qui porte le film de bout en
bout. Il donne la douceur du Père Noël à ce père de famille, et la
force du Prophète à cet Arménien qui traverse toutes les épreuves avec
détermination. Ce Nazaret Manoogian, héros fragile qui perd la parole
suite à une blessure infligée à la gorge, « est un symbole de la
liberté d'expression qui est menacée et que nous devons défendre »
affirme le rĂ©alisateur lors de l'avant-première au cinĂ©ma Le CĂ©sar Ă
Marseille. C'Ă©tait le mercredi 7 janvier, quelques heures Ă peine
après l'attentat à Charlie Hebdo.
Geneviève Cheval
The Cut
De Fatih Akin (Allemagne/France) avec Tahar Rahim, Simon Abkarian,
Makram Khoury...