JOURNAL THE GARDIAN
Les Arméniens veulent que soit reconnu comme crime le massacre de 1915
par Geoffrey Robertson
En 1915 la Grande Bretagne était déterminée à dénoncer le Génocide
arménien, et pourquoi l'avons-nous depuis déclassé en 'tragédie' ?
Juste avant l'invasion de la Pologne, Adolf Hitler pressait ses
généraux pour qu'ils ne se laissent aller à aucune pitié à l'égard de
ses populations - il ne fallait avoir en cela aucun scrupule, parce
qu' "après tout, qui se souvient encore de l'extermination des
Arméniens ? ". À l'approche du centenaire du Génocide arménien - il
avait été commencé le 24 avril 1915, avec l'arrestation puis la "
disparition " des intellectuels et des dirigeants de la communauté Ã
Constantinople - la commémoration de la mort de plus de la moitié du
peuple arménien est plus importante que jamais. Mais pour autant,
comme s'en prévalait Hitler en 1939 (et c'est toujours le cas
aujourd'hui), ce crime contre l'humanité commis par les Turcs
ottomans, le massacre de la majeure partie de ce peuple, un peuple
chrétien de la première heure, n'a toujours pas été condamné, ni même
fait l'objet, de la part de la Turquie, d'aucune excuse ou réparation.
Les " Jeunes Turcs " à la tête du gouvernement ottoman n'ont pas
employé de chambres à gaz, mais ils ont massacré les hommes et conduit
les femmes, enfants et vieillards dans des marches de la mort Ã
travers le désert en des lieux dont on n'entend le nom aujourd'hui que
parce qu'ils ont été envahis par l'EI. Ils sont morts en route par
centaines de milliers, par la faim ou par les agressions, et beaucoup
de survivants moururent finalement du typhus dans des camps de
concentration. Le gouvernement avait ordonné ces déportations forcées
en 1915, puis pris des décrets pour la saisie de leurs terres et
maisons et églises en prétextant qu'ils avaient été 'abandonnés'.
La destruction de plus de un million d'Arméniens avait été déclaré
'crime contre l'humanité' par la Grande Bretagne, la France et la
Russie en 1915, et ces alliés s'étaient formellement engagés à punir
ce que les USA, à la fin de la guerre, avaient qualifié de 'crime
gigantesque - un attentat systématique contre une race entière'. Mais
le Traité de Sèvres, envisagé pour punir les Jeunes turcs pour ce
'crime colossal' - aujourd'hui appelé 'génocide'- n'a jamais été mis
en application. La Turquie moderne, selon certaines sources, finance
massivement une campagne de négation du génocide, prétendant que les
marches de la mort n'étaient que des 'réinstallations' décidées parce
que nécessaires pour des raisons militaires, et que les massacres
(alors que l'Euphrate portait tellement de cadavres que son cours
était dévié), n'étaient l'oeuvre que de quelques fonctionnaires
'désobéissants'. En Turquie, aujourd'hui, vous pouvez aller en prison
- et certains s'y trouvent - pour avoir affirmé qu'il y a eu un
génocide en 1915, ce qui caractérise le crime d' " insulte Ã
l'identité turque " dans la section 301 du code pénal turc.
À l'inverse, dans certains pays européens, nier le Génocide arménien
est punissable pénalement. Les parlements de nombreuses démocraties -
France, Allemagne, Espagne, Hollande, Russie, Grèce et Canada par
exemple le reconnaissent explicitement, tout comme 43 états des
États-Unis. Le problème est que la Turquie - 'névralgique' sur cette
question (le terme a été employé en privé par le Foreign Office pour
qualifier cette attitude) - a menacé de représailles et qu'elle est
trop importante, d'un point de vue géopolitique, pour être provoquée
par l'affirmation du génocide, par crainte de la mise à exécution de
ses menaces de fermeture des bases de l'Otan, et de fermeture de ses
frontières aux réfugiés. C'est ainsi que Barak Obama, qui avait
carrément condamné le Génocide arménien en 2008 et promis de le faire
lorsqu'il serait élu président, n'ose prononcer le mot "g". À la
place, il l'appelle Meds Yeghern ('le grand crime', en arménien) tout
en assurant que son opinion n'a pas changé, mais il faut aller sur
Google voir dans son discours de campagne de 2008, si l'on veut
connaître son opinion qu'il s'agit d'un génocide.
S'agissant de la Grande Bretagne, l'affaire est encore plus étrange.
Nulle nation n'était en 1915, plus déterminée à poursuivre et à punir
ce qu'elle qualifiait de 'crime contre l'humanité'. Les preuves des
atrocités réunies dans le Livre Bleu d'Arnold Toynbee, bien que publié
par le gouvernement à des fins de propagande, ont résisté à toutes les
tentatives de les discréditer. Winston Churchill a condamné les "
infmes massacre et déportation généralisées des Arméniens... dans un
Holocauste administratif ", et la Grande Bretagne essaya même
d'organiser le procès de quelques-uns des auteurs à Malte, pour
constater qu'il n'y avait aucun droit pénal international à cette
époque permettant de punir les fonctionnaires du gouvernement pour
avoir massacré leur propre peuple. Cependant, dans les années
récentes, le Foreign Office a donner des instructions aux ministres,
afin d'appeler les événements 'tragédie' tout en niant le génocide
parce que 'la preuve n'est pas suffisamment incontestable' - un
oxymore (une chose est incontestable ou elle ne l'est pas).
Le Foreign Office savait certainement que cette ' incontestabilité
insuffisante ' était louche : un mémorandum interne obtenu grce au
Freedom of Information Act [Loi sur l'Accès à l'Information] confirme
que ' le gouvernement de Sa Majesté est exposé à des critiques d'un
point de vue éthique. Mais étant donnée l'importance de nos relations
(politiques, stratégiques et commerciales) avec la Turquie... la ligne
actuelle est la seule option pratique '. Les ministres avaient
également été instruits d'éviter de participer à toute commémoration
du Génocide arménien, et d'en éviter toute mention lors des
commémorations du Jour de l'Holocauste. Cette position ne peut être
maintenue, particulièrement après que la Cour Internationale de
Justice ait déclaré la Serbie coupable de génocide à Srebrenica, pour
avoir tué 8 000 hommes et avoir déporté jusqu'à 25 000 femmes et
enfants. L'exigence que la preuve soit ' suffisamment incontestable '
avait été alors abandonnée par le Foreign Office (en dépit de
l'affirmation dans le site internet du gouvernement turc que telle est
toujours la position du Royaume Uni), et on partit à la recherche
d'une formule qui réponde à la question : " Le gouvernement de sa
Majesté reconnaîtra-t-il le Génocide arménien ? " sans répondre à la
question.
À présent, le Foreign Office prétend manifester son empathie avec les
'souffrances' du peuple arménien dans la 'tragédie' de 1915, et dit
qu'il n'appartient pas au gouvernement de décider dans une 'question
de droit compliquée'. Il a bougé les 'lignes' passant du génocide
insuffisamment incontestable à l'évitement du génocide - une évolution
dans la bonne direction. L'an passé, il y a même eu des discussions au
Foreign Office à propos de la remise au Musée Arménien du Génocide des
copies de quelques dossiers des Archives Nationales attestant des
atrocités ottomanes : cela fut finalement abandonné, sensément parce
que le coût de photocopie de 431,20 £ ne pouvait être supporté, mais
probablement parce que les Turcs seraient devenus fous furieux.
Les dossiers du Foreign office ont enregistré récemment une
approbation pour une 'plus active participation' aux événements du
centenaire, mais il n'y a eu pour l'instant, aucune levée de
l'interdiction de toute référence au Génocide arménien le jour de
l'Holocauste. La véritable mise à l'épreuve de la volonté du
gouvernement d'accepter la vérité historique sera l'envoi d'un
ministre de premier plan - ou d'aucun ministre - à la commémoration du
Génocide à Erevan, la capitale de l'Arménie, le 24 avril. Des
ministres seront présents à Gallipoli pour le centenaire du malheureux
débarquement britannique-Anzac aux Dardanelles le 25 avril, et il
serait simple pour eux de s'y venir en avion au départ d'Erevan, s'il
n'y avait ce doute sur une interdiction d'entrer de la part de la
Turquie.
Les débarquements des Dardanelles ont en fait servi de déclencheur au
commencement du génocide, et (avec l'activité des troupes russes sur
le front oriental de la Turquie) ont servi d'excuse pour la
destruction des Arméniens, au prétexte qu'ils pourraient soutenir
l'invasion alliée. Mais la preuve de l'intention génocidaire du
gouvernement est accablante, donnée comme ils l'ont fait par les
diplomates horrifiés allemands et italiens, par ceux de la neutre
Amérique, à qui les dirigeants jeunes turcs avouèrent qu'ils allaient
éliminer 'le problème arménien' en éliminant les Arméniens.
On ne peut jamais justifier un génocide. Raphaël Lemkin, le juriste
polonais qui créa le mot l'avait compris, lui qui travailla sans
relche pour que soit reconnu l'annihilation des Arméniens comme crime
international. Dans la Convention sur le Génocide des Nations-Unies de
1948, le but que s'était fixé Lemkin fut atteint. Sa définition du
crime comporte la destruction d'une partie d'un groupe racial ou
religieux par l'imposition de conditions mettant sa vie en péril
(telles que les marches à la mort). Appliqué à 1915, cela fournit un
verdict de culpabilité, au-delà du doute raisonnable.
Il y a de cela, bien sûr, un siècle : est-ce que cela importe ? Un
siècle est juste dans les limites de la mémoire vivante : l'an passé,
une dame vieille de 103 ans, alors une petite fille que sa mère
portait dans ses bras à travers les sables brûlants, a pris le thé
avec Obama et la plus populaire des descendantes arméniennes (Kim
Kardashian !). Les plaies mentales et le traumatisme psychologique
pour les enfants et les petits-enfants des survivants à travers a
diaspora continuera jusqu'Ã ce que la Turquie reconnaisse le crime, et
présente ses excuses.
Le droit international peut y contribuer : il y a des biens expropriés
en 1915 qui peuvent encore être tracés, et beaucoup d'églises ruinées
peuvent être restaurées et rendues. Les Arméniens veulent la
restitution de leurs terres historiques en Turquie de l'Est, ce qui
est trop demandé (bien que j'ai suggéré que le majestueux Ararat, qui
domine Erevan, soit restitué par la Turquie dans un geste de
réconciliation. Mais ce qu'ils veulent le plus, c'est ce dont ils sont
tout à fait fondés à obtenir : une reconnaissance de la Turquie, et
pour cela, par le Royaume Uni, que ce qui s'est passé en 1915 n'était
pas une tragédie mais un crime. Un crime contre l'humanité - comme
disait la Grand Bretagne en 1915, et devrait, en 2015, le dire Ã
nouveau.
Geoffrey Robertson
The Guardian
http://www.theguardian.com/books/2015/jan/23/armenians-want-acknowledgment-that-1915-massacre-was-crime-geoffrey-robertson
23 janvier 2015
Traduction Gilbert Béguian
Le livre de Geoffrey Robertson, An Inconvenient Genocide : Who Now
Remembers the Armenians ? est publié par Random House.
dimanche 25 janvier 2015,
Stéphane (c)armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=107368
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
Les Arméniens veulent que soit reconnu comme crime le massacre de 1915
par Geoffrey Robertson
En 1915 la Grande Bretagne était déterminée à dénoncer le Génocide
arménien, et pourquoi l'avons-nous depuis déclassé en 'tragédie' ?
Juste avant l'invasion de la Pologne, Adolf Hitler pressait ses
généraux pour qu'ils ne se laissent aller à aucune pitié à l'égard de
ses populations - il ne fallait avoir en cela aucun scrupule, parce
qu' "après tout, qui se souvient encore de l'extermination des
Arméniens ? ". À l'approche du centenaire du Génocide arménien - il
avait été commencé le 24 avril 1915, avec l'arrestation puis la "
disparition " des intellectuels et des dirigeants de la communauté Ã
Constantinople - la commémoration de la mort de plus de la moitié du
peuple arménien est plus importante que jamais. Mais pour autant,
comme s'en prévalait Hitler en 1939 (et c'est toujours le cas
aujourd'hui), ce crime contre l'humanité commis par les Turcs
ottomans, le massacre de la majeure partie de ce peuple, un peuple
chrétien de la première heure, n'a toujours pas été condamné, ni même
fait l'objet, de la part de la Turquie, d'aucune excuse ou réparation.
Les " Jeunes Turcs " à la tête du gouvernement ottoman n'ont pas
employé de chambres à gaz, mais ils ont massacré les hommes et conduit
les femmes, enfants et vieillards dans des marches de la mort Ã
travers le désert en des lieux dont on n'entend le nom aujourd'hui que
parce qu'ils ont été envahis par l'EI. Ils sont morts en route par
centaines de milliers, par la faim ou par les agressions, et beaucoup
de survivants moururent finalement du typhus dans des camps de
concentration. Le gouvernement avait ordonné ces déportations forcées
en 1915, puis pris des décrets pour la saisie de leurs terres et
maisons et églises en prétextant qu'ils avaient été 'abandonnés'.
La destruction de plus de un million d'Arméniens avait été déclaré
'crime contre l'humanité' par la Grande Bretagne, la France et la
Russie en 1915, et ces alliés s'étaient formellement engagés à punir
ce que les USA, à la fin de la guerre, avaient qualifié de 'crime
gigantesque - un attentat systématique contre une race entière'. Mais
le Traité de Sèvres, envisagé pour punir les Jeunes turcs pour ce
'crime colossal' - aujourd'hui appelé 'génocide'- n'a jamais été mis
en application. La Turquie moderne, selon certaines sources, finance
massivement une campagne de négation du génocide, prétendant que les
marches de la mort n'étaient que des 'réinstallations' décidées parce
que nécessaires pour des raisons militaires, et que les massacres
(alors que l'Euphrate portait tellement de cadavres que son cours
était dévié), n'étaient l'oeuvre que de quelques fonctionnaires
'désobéissants'. En Turquie, aujourd'hui, vous pouvez aller en prison
- et certains s'y trouvent - pour avoir affirmé qu'il y a eu un
génocide en 1915, ce qui caractérise le crime d' " insulte Ã
l'identité turque " dans la section 301 du code pénal turc.
À l'inverse, dans certains pays européens, nier le Génocide arménien
est punissable pénalement. Les parlements de nombreuses démocraties -
France, Allemagne, Espagne, Hollande, Russie, Grèce et Canada par
exemple le reconnaissent explicitement, tout comme 43 états des
États-Unis. Le problème est que la Turquie - 'névralgique' sur cette
question (le terme a été employé en privé par le Foreign Office pour
qualifier cette attitude) - a menacé de représailles et qu'elle est
trop importante, d'un point de vue géopolitique, pour être provoquée
par l'affirmation du génocide, par crainte de la mise à exécution de
ses menaces de fermeture des bases de l'Otan, et de fermeture de ses
frontières aux réfugiés. C'est ainsi que Barak Obama, qui avait
carrément condamné le Génocide arménien en 2008 et promis de le faire
lorsqu'il serait élu président, n'ose prononcer le mot "g". À la
place, il l'appelle Meds Yeghern ('le grand crime', en arménien) tout
en assurant que son opinion n'a pas changé, mais il faut aller sur
Google voir dans son discours de campagne de 2008, si l'on veut
connaître son opinion qu'il s'agit d'un génocide.
S'agissant de la Grande Bretagne, l'affaire est encore plus étrange.
Nulle nation n'était en 1915, plus déterminée à poursuivre et à punir
ce qu'elle qualifiait de 'crime contre l'humanité'. Les preuves des
atrocités réunies dans le Livre Bleu d'Arnold Toynbee, bien que publié
par le gouvernement à des fins de propagande, ont résisté à toutes les
tentatives de les discréditer. Winston Churchill a condamné les "
infmes massacre et déportation généralisées des Arméniens... dans un
Holocauste administratif ", et la Grande Bretagne essaya même
d'organiser le procès de quelques-uns des auteurs à Malte, pour
constater qu'il n'y avait aucun droit pénal international à cette
époque permettant de punir les fonctionnaires du gouvernement pour
avoir massacré leur propre peuple. Cependant, dans les années
récentes, le Foreign Office a donner des instructions aux ministres,
afin d'appeler les événements 'tragédie' tout en niant le génocide
parce que 'la preuve n'est pas suffisamment incontestable' - un
oxymore (une chose est incontestable ou elle ne l'est pas).
Le Foreign Office savait certainement que cette ' incontestabilité
insuffisante ' était louche : un mémorandum interne obtenu grce au
Freedom of Information Act [Loi sur l'Accès à l'Information] confirme
que ' le gouvernement de Sa Majesté est exposé à des critiques d'un
point de vue éthique. Mais étant donnée l'importance de nos relations
(politiques, stratégiques et commerciales) avec la Turquie... la ligne
actuelle est la seule option pratique '. Les ministres avaient
également été instruits d'éviter de participer à toute commémoration
du Génocide arménien, et d'en éviter toute mention lors des
commémorations du Jour de l'Holocauste. Cette position ne peut être
maintenue, particulièrement après que la Cour Internationale de
Justice ait déclaré la Serbie coupable de génocide à Srebrenica, pour
avoir tué 8 000 hommes et avoir déporté jusqu'à 25 000 femmes et
enfants. L'exigence que la preuve soit ' suffisamment incontestable '
avait été alors abandonnée par le Foreign Office (en dépit de
l'affirmation dans le site internet du gouvernement turc que telle est
toujours la position du Royaume Uni), et on partit à la recherche
d'une formule qui réponde à la question : " Le gouvernement de sa
Majesté reconnaîtra-t-il le Génocide arménien ? " sans répondre à la
question.
À présent, le Foreign Office prétend manifester son empathie avec les
'souffrances' du peuple arménien dans la 'tragédie' de 1915, et dit
qu'il n'appartient pas au gouvernement de décider dans une 'question
de droit compliquée'. Il a bougé les 'lignes' passant du génocide
insuffisamment incontestable à l'évitement du génocide - une évolution
dans la bonne direction. L'an passé, il y a même eu des discussions au
Foreign Office à propos de la remise au Musée Arménien du Génocide des
copies de quelques dossiers des Archives Nationales attestant des
atrocités ottomanes : cela fut finalement abandonné, sensément parce
que le coût de photocopie de 431,20 £ ne pouvait être supporté, mais
probablement parce que les Turcs seraient devenus fous furieux.
Les dossiers du Foreign office ont enregistré récemment une
approbation pour une 'plus active participation' aux événements du
centenaire, mais il n'y a eu pour l'instant, aucune levée de
l'interdiction de toute référence au Génocide arménien le jour de
l'Holocauste. La véritable mise à l'épreuve de la volonté du
gouvernement d'accepter la vérité historique sera l'envoi d'un
ministre de premier plan - ou d'aucun ministre - à la commémoration du
Génocide à Erevan, la capitale de l'Arménie, le 24 avril. Des
ministres seront présents à Gallipoli pour le centenaire du malheureux
débarquement britannique-Anzac aux Dardanelles le 25 avril, et il
serait simple pour eux de s'y venir en avion au départ d'Erevan, s'il
n'y avait ce doute sur une interdiction d'entrer de la part de la
Turquie.
Les débarquements des Dardanelles ont en fait servi de déclencheur au
commencement du génocide, et (avec l'activité des troupes russes sur
le front oriental de la Turquie) ont servi d'excuse pour la
destruction des Arméniens, au prétexte qu'ils pourraient soutenir
l'invasion alliée. Mais la preuve de l'intention génocidaire du
gouvernement est accablante, donnée comme ils l'ont fait par les
diplomates horrifiés allemands et italiens, par ceux de la neutre
Amérique, à qui les dirigeants jeunes turcs avouèrent qu'ils allaient
éliminer 'le problème arménien' en éliminant les Arméniens.
On ne peut jamais justifier un génocide. Raphaël Lemkin, le juriste
polonais qui créa le mot l'avait compris, lui qui travailla sans
relche pour que soit reconnu l'annihilation des Arméniens comme crime
international. Dans la Convention sur le Génocide des Nations-Unies de
1948, le but que s'était fixé Lemkin fut atteint. Sa définition du
crime comporte la destruction d'une partie d'un groupe racial ou
religieux par l'imposition de conditions mettant sa vie en péril
(telles que les marches à la mort). Appliqué à 1915, cela fournit un
verdict de culpabilité, au-delà du doute raisonnable.
Il y a de cela, bien sûr, un siècle : est-ce que cela importe ? Un
siècle est juste dans les limites de la mémoire vivante : l'an passé,
une dame vieille de 103 ans, alors une petite fille que sa mère
portait dans ses bras à travers les sables brûlants, a pris le thé
avec Obama et la plus populaire des descendantes arméniennes (Kim
Kardashian !). Les plaies mentales et le traumatisme psychologique
pour les enfants et les petits-enfants des survivants à travers a
diaspora continuera jusqu'Ã ce que la Turquie reconnaisse le crime, et
présente ses excuses.
Le droit international peut y contribuer : il y a des biens expropriés
en 1915 qui peuvent encore être tracés, et beaucoup d'églises ruinées
peuvent être restaurées et rendues. Les Arméniens veulent la
restitution de leurs terres historiques en Turquie de l'Est, ce qui
est trop demandé (bien que j'ai suggéré que le majestueux Ararat, qui
domine Erevan, soit restitué par la Turquie dans un geste de
réconciliation. Mais ce qu'ils veulent le plus, c'est ce dont ils sont
tout à fait fondés à obtenir : une reconnaissance de la Turquie, et
pour cela, par le Royaume Uni, que ce qui s'est passé en 1915 n'était
pas une tragédie mais un crime. Un crime contre l'humanité - comme
disait la Grand Bretagne en 1915, et devrait, en 2015, le dire Ã
nouveau.
Geoffrey Robertson
The Guardian
http://www.theguardian.com/books/2015/jan/23/armenians-want-acknowledgment-that-1915-massacre-was-crime-geoffrey-robertson
23 janvier 2015
Traduction Gilbert Béguian
Le livre de Geoffrey Robertson, An Inconvenient Genocide : Who Now
Remembers the Armenians ? est publié par Random House.
dimanche 25 janvier 2015,
Stéphane (c)armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=107368
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress