FRANCE
La négation du génocide arménien en débat devant la CEDH
Strasbourg (AFP) - Peut-on être condamné pour avoir contesté le
caractère génocidaire du massacre, il y a un siècle, d'au moins
500.000 Arméniens ? La Suisse, l'Arménie et la Turquie ont exposé
mercredi leurs arguments divergents devant la Cour européenne des
droits de l'Homme (CEDH), appelée à trancher définitivement cette
question.
La CEDH rendra sa décision d'ici plusieurs mois sur cette controverse
qui oppose un homme politique turc aux autorités helvétiques, dans un
contexte de vifs débats dans le monde autour des limites de la liberté
d'expression.
Dogu Perinçek est venu lui-même mercredi plaider sa cause devant les
17 juges européens. Il se plaint d'avoir subi une atteinte à sa
liberté d'expression : en 2007, il a été condamné en Suisse à une
amende pour avoir qualifié, lors de conférences publiques, de
"mensonge international" la thèse d'un génocide arménien.
Dans un arrêt de première instance, en décembre 2013, la CEDH lui
avait donné raison. Elle avait rappelé qu'elle pouvait admettre des
limites à la liberté d'expression, à condition que celles-ci soient
solidement justifiées, ce qui n'était pas le cas selon elle dans cette
affaire. La Suisse a demandé, et obtenu, que l'affaire soit à nouveau
examinée, cette fois devant l'instance suprême de la CEDH, la Grande
chambre.
Les propos controversés de M. Perinçek équivalaient à "accuser les
Arméniens de falsifier l'Histoire, une des formes les plus aiguës de
discrimination raciale", a argumenté mercredi le représentant des
autorités helvétiques, Frank Schürmann, évoquant un "trouble grave Ã
l'ordre public".
"L'enjeu est très important pour le peuple arménien", a renchéri Amal
Alamuddin, avocate de renommée internationale choisie pour représenter
Erevan dans cette affaire hautement symbolique.
En donnant raison fin 2013 au requérant, la CEDH a "porté atteinte Ã
l'honneur de ceux qui ont péri et renforcé les négationnistes", s'est
alarmée l'avocate anglo-libanaise, devenue en septembre l'épouse de la
star hollywoodienne George Clooney . Elle a fustigé par ailleurs le
"bilan honteux" d'Ankara en matière de liberté d'expression.
Pas de "vérité d'Etat" -
Dans le camp opposé, les avocats de M. Perinçek, mais également ceux
du gouvernement turc, ont soutenu que le génocide arménien ne faisait
pas l'objet d'un "consensus général", contrairement à la Shoah.
L'argument avait d'ailleurs été repris à son compte par la CEDH, dans
sa première décision de 2013. La Cour ne s'était pas pour autant
prononcée sur l'ampleur des massacres subis par les Arméniens en 1915
ni sur l'opportunité de qualifier ces faits de "génocide".
La Turquie a toujours refusé d'admettre toute élimination planifiée,
évoquant la mort d'environ 500.000 Arméniens (contre 1,5 million selon
l'Arménie), lors de combats ou à cause de famines.
Cent ans après les faits, on ne peut admettre sur cette question des
"vérités historiques d'Etat" ou autres "dogmes législatifs", a
souligné l'un des défenseurs de M. Perinçek, Laurent Pech. Son client,
a-t-il souligné, "n'a ni contesté ni fait l'apologie des massacres, ni
incité à la haine contre les Arméniens", mais seulement nié une
intention génocidaire de la part des autorités ottomanes de l'époque.
"Le requérant n'est pas seul à défendre ces positions", a dit le
représentant du gouvernement turc, Stefan Talmon, pour qui "les
limites de la liberté d'expression ne doivent pas se fonder sur la
sensibilité de tel ou tel groupe mais sur des normes objectives".
En outre, si la négation de la Shoah nourrit l'antisémitisme, nier le
génocide arménien de 1915 "n'a pas le même effet" car "il n'existe pas
aujourd'hui de haine contre les Arméniens" comparable à celle contre
les juifs, a-t-il soutenu.
Pendant et après l'audience, la controverse s'est poursuivie au dehors
: quelque 600 manifestants turcs, selon la police, s'étaient
rassemblés devant le btiment de la CEDH. Ils brandissaient des
drapeaux turcs et des portraits du fondateur de la Turquie moderne,
Kemal Atatürk, et ont acclamé le requérant à sa sortie.
Sur le trottoir d'en face, de l'autre côté d'un cordon de policiers,
une vingtaine de manifestants arméniens proclamaient sur une pancarte
"Non au négationnisme, l'Europe doit agir".
jeudi 29 janvier 2015,
Stéphane (c)armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=107512
La négation du génocide arménien en débat devant la CEDH
Strasbourg (AFP) - Peut-on être condamné pour avoir contesté le
caractère génocidaire du massacre, il y a un siècle, d'au moins
500.000 Arméniens ? La Suisse, l'Arménie et la Turquie ont exposé
mercredi leurs arguments divergents devant la Cour européenne des
droits de l'Homme (CEDH), appelée à trancher définitivement cette
question.
La CEDH rendra sa décision d'ici plusieurs mois sur cette controverse
qui oppose un homme politique turc aux autorités helvétiques, dans un
contexte de vifs débats dans le monde autour des limites de la liberté
d'expression.
Dogu Perinçek est venu lui-même mercredi plaider sa cause devant les
17 juges européens. Il se plaint d'avoir subi une atteinte à sa
liberté d'expression : en 2007, il a été condamné en Suisse à une
amende pour avoir qualifié, lors de conférences publiques, de
"mensonge international" la thèse d'un génocide arménien.
Dans un arrêt de première instance, en décembre 2013, la CEDH lui
avait donné raison. Elle avait rappelé qu'elle pouvait admettre des
limites à la liberté d'expression, à condition que celles-ci soient
solidement justifiées, ce qui n'était pas le cas selon elle dans cette
affaire. La Suisse a demandé, et obtenu, que l'affaire soit à nouveau
examinée, cette fois devant l'instance suprême de la CEDH, la Grande
chambre.
Les propos controversés de M. Perinçek équivalaient à "accuser les
Arméniens de falsifier l'Histoire, une des formes les plus aiguës de
discrimination raciale", a argumenté mercredi le représentant des
autorités helvétiques, Frank Schürmann, évoquant un "trouble grave Ã
l'ordre public".
"L'enjeu est très important pour le peuple arménien", a renchéri Amal
Alamuddin, avocate de renommée internationale choisie pour représenter
Erevan dans cette affaire hautement symbolique.
En donnant raison fin 2013 au requérant, la CEDH a "porté atteinte Ã
l'honneur de ceux qui ont péri et renforcé les négationnistes", s'est
alarmée l'avocate anglo-libanaise, devenue en septembre l'épouse de la
star hollywoodienne George Clooney . Elle a fustigé par ailleurs le
"bilan honteux" d'Ankara en matière de liberté d'expression.
Pas de "vérité d'Etat" -
Dans le camp opposé, les avocats de M. Perinçek, mais également ceux
du gouvernement turc, ont soutenu que le génocide arménien ne faisait
pas l'objet d'un "consensus général", contrairement à la Shoah.
L'argument avait d'ailleurs été repris à son compte par la CEDH, dans
sa première décision de 2013. La Cour ne s'était pas pour autant
prononcée sur l'ampleur des massacres subis par les Arméniens en 1915
ni sur l'opportunité de qualifier ces faits de "génocide".
La Turquie a toujours refusé d'admettre toute élimination planifiée,
évoquant la mort d'environ 500.000 Arméniens (contre 1,5 million selon
l'Arménie), lors de combats ou à cause de famines.
Cent ans après les faits, on ne peut admettre sur cette question des
"vérités historiques d'Etat" ou autres "dogmes législatifs", a
souligné l'un des défenseurs de M. Perinçek, Laurent Pech. Son client,
a-t-il souligné, "n'a ni contesté ni fait l'apologie des massacres, ni
incité à la haine contre les Arméniens", mais seulement nié une
intention génocidaire de la part des autorités ottomanes de l'époque.
"Le requérant n'est pas seul à défendre ces positions", a dit le
représentant du gouvernement turc, Stefan Talmon, pour qui "les
limites de la liberté d'expression ne doivent pas se fonder sur la
sensibilité de tel ou tel groupe mais sur des normes objectives".
En outre, si la négation de la Shoah nourrit l'antisémitisme, nier le
génocide arménien de 1915 "n'a pas le même effet" car "il n'existe pas
aujourd'hui de haine contre les Arméniens" comparable à celle contre
les juifs, a-t-il soutenu.
Pendant et après l'audience, la controverse s'est poursuivie au dehors
: quelque 600 manifestants turcs, selon la police, s'étaient
rassemblés devant le btiment de la CEDH. Ils brandissaient des
drapeaux turcs et des portraits du fondateur de la Turquie moderne,
Kemal Atatürk, et ont acclamé le requérant à sa sortie.
Sur le trottoir d'en face, de l'autre côté d'un cordon de policiers,
une vingtaine de manifestants arméniens proclamaient sur une pancarte
"Non au négationnisme, l'Europe doit agir".
jeudi 29 janvier 2015,
Stéphane (c)armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=107512