24 Hueres, Suisse
28 janv 2015
La norme pénale antiraciste débattue jusqu'Ã Strasbourg
Affaire PerinçekLa Suisse a affronté mercredi Dogu Perinçek devant la
Cour européenne des droits de l'homme. Le Turc avait nié le génocide
arménien
L'audience que tenait hier la Grande Chambre de la Cour européenne des
droits de l'homme (CEDH) était haute en symboles. Les juges de
Strasbourg ont réexaminé une affaire opposant la Suisse à Dogu
Perinçek. En 2007, ce nationaliste turc a été condamné par la justice
vaudoise pour discrimination raciale après avoir qualifié le génocide
arménien de «mensonge international» (lire ci-dessous). En 2013, la
Cour a donné une première fois tort à la Suisse, qui a fait recours.
Le nouveau jugement tombera ultérieurement. Mais déjÃ, une question se
pose: quelles pourraient être ses conséquences pour la Suisse?
Audience people
D'un côté, Berne reproche au Turc d'avoir violé la norme pénale
antiraciste. De l'autre, Dogu Perinçek brandit la liberté
d'expression. Au niveau international, cette affaire prend une
dimension particulière alors que les Arméniens commémorent cette année
le centenaire du génocide. Dans le même temps, les attentats de Paris
contre Charlie Hebdo ont relancé le débat sur la liberté d'expression
et ses limites.
Hier matin, Ã Strasbourg, les ingrédients passionnels étaient donc lÃ,
pimentés par un détail people: Amal Alamuddin, l'épouse de George
Clooney, représentait l'Arménie. Résultat? Selon l'ATS, environ 40
journalistes et 400?personnes étaient inscrites pour suivre cette
audience, et de nombreux manifestants étaient présents devant le
btiment. Pour la Suisse, l'enjeu est particulièrement important.
Cette affaire touche à deux questions importantes: la participation de
notre pays à la CEDH et l'avenir de la norme pénale antiraciste, tous
deux remis en cause par l'UDC.
En 2013, après la première décision de la CEDH, la droite dure avait
déjà demandé une révision de la norme antiraciste. Interviewé mardi
dans Le Temps, l'avocat et conseiller national UDC Yves Nidegger, qui
défend la position des associations turques de Suisse romande dans
cette affaire, pose l'enjeu en ces termes: «Si la Grande Chambre
désavoue la Suisse, soit l'on modifie l'article 261 bis, soit on
quitte la CEDH.» La norme antiraciste est-elle en danger? «Nous
appliquons déjà cette règle avec beaucoup de retenue, répond Folco
Galli, chef de la communication à l'Office fédéral de la justice
(OFJ). Nous attendons maintenant le jugement définitif pour savoir
quelle sera notre marge de manÅ`uvre.»
La conseillère nationale Elisabeth Schneider-Schneiter (PDC/BL), qui a
assisté Ã l'audience, estime pour sa part que «si la Suisse perd, il
faudra prouver que cette norme est compatible avec la CEDH». Elle note
au passage qu'il est «étonnant de voir l'UDC se réjouir d'une
condamnation de la Suisse à Strasbourg, elle qui critique
habituellement les juges étrangers».
Interprétation conforme
Selon Maya Hertig, directrice du Département de droit public Ã
l'Université de Genève, l'UDC «construit un faux problème». La
professeure estime qu'il faut garder le sens des proportions: «La
norme antiraciste condamne la négation du génocide, mais aussi ` et
surtout ` l'incitation à la haine, que la Suisse est tenue de
combattre en vertu de la Convention sur l'élimination de toutes les
formes de discrimination raciale. Les débats à Strasbourg ne portent
donc que sur une partie de cet article.» A ses yeux, il est par
ailleurs «très peu probable» que l'arrêt de la Grande Chambre remette
en cause la criminalisation de toute forme de négationnisme. Et
d'ajouter que «la Cour a jusqu'Ã présent donné raison aux Etats dans
des affaires portant sur la négation de l'Holocauste».
La professeure estime donc que, si la Suisse était condamnée, elle
n'aurait «pas nécessairement» besoin de réviser son droit. Selon elle,
la justice helvétique pourrait très probablement adopter une
interprétation de la loi conforme au jugement de Strasbourg. Pour
cela, il faudra attendre l'arrêt de la Grande Chambre pour en
déterminer la portée et les enjeux exacts. (24 heures)
http://www.24heures.ch/suisse/politique/norme-penale-antiraciste-debattue-jusqu-strasbourg/story/30497489
28 janv 2015
La norme pénale antiraciste débattue jusqu'Ã Strasbourg
Affaire PerinçekLa Suisse a affronté mercredi Dogu Perinçek devant la
Cour européenne des droits de l'homme. Le Turc avait nié le génocide
arménien
L'audience que tenait hier la Grande Chambre de la Cour européenne des
droits de l'homme (CEDH) était haute en symboles. Les juges de
Strasbourg ont réexaminé une affaire opposant la Suisse à Dogu
Perinçek. En 2007, ce nationaliste turc a été condamné par la justice
vaudoise pour discrimination raciale après avoir qualifié le génocide
arménien de «mensonge international» (lire ci-dessous). En 2013, la
Cour a donné une première fois tort à la Suisse, qui a fait recours.
Le nouveau jugement tombera ultérieurement. Mais déjÃ, une question se
pose: quelles pourraient être ses conséquences pour la Suisse?
Audience people
D'un côté, Berne reproche au Turc d'avoir violé la norme pénale
antiraciste. De l'autre, Dogu Perinçek brandit la liberté
d'expression. Au niveau international, cette affaire prend une
dimension particulière alors que les Arméniens commémorent cette année
le centenaire du génocide. Dans le même temps, les attentats de Paris
contre Charlie Hebdo ont relancé le débat sur la liberté d'expression
et ses limites.
Hier matin, Ã Strasbourg, les ingrédients passionnels étaient donc lÃ,
pimentés par un détail people: Amal Alamuddin, l'épouse de George
Clooney, représentait l'Arménie. Résultat? Selon l'ATS, environ 40
journalistes et 400?personnes étaient inscrites pour suivre cette
audience, et de nombreux manifestants étaient présents devant le
btiment. Pour la Suisse, l'enjeu est particulièrement important.
Cette affaire touche à deux questions importantes: la participation de
notre pays à la CEDH et l'avenir de la norme pénale antiraciste, tous
deux remis en cause par l'UDC.
En 2013, après la première décision de la CEDH, la droite dure avait
déjà demandé une révision de la norme antiraciste. Interviewé mardi
dans Le Temps, l'avocat et conseiller national UDC Yves Nidegger, qui
défend la position des associations turques de Suisse romande dans
cette affaire, pose l'enjeu en ces termes: «Si la Grande Chambre
désavoue la Suisse, soit l'on modifie l'article 261 bis, soit on
quitte la CEDH.» La norme antiraciste est-elle en danger? «Nous
appliquons déjà cette règle avec beaucoup de retenue, répond Folco
Galli, chef de la communication à l'Office fédéral de la justice
(OFJ). Nous attendons maintenant le jugement définitif pour savoir
quelle sera notre marge de manÅ`uvre.»
La conseillère nationale Elisabeth Schneider-Schneiter (PDC/BL), qui a
assisté Ã l'audience, estime pour sa part que «si la Suisse perd, il
faudra prouver que cette norme est compatible avec la CEDH». Elle note
au passage qu'il est «étonnant de voir l'UDC se réjouir d'une
condamnation de la Suisse à Strasbourg, elle qui critique
habituellement les juges étrangers».
Interprétation conforme
Selon Maya Hertig, directrice du Département de droit public Ã
l'Université de Genève, l'UDC «construit un faux problème». La
professeure estime qu'il faut garder le sens des proportions: «La
norme antiraciste condamne la négation du génocide, mais aussi ` et
surtout ` l'incitation à la haine, que la Suisse est tenue de
combattre en vertu de la Convention sur l'élimination de toutes les
formes de discrimination raciale. Les débats à Strasbourg ne portent
donc que sur une partie de cet article.» A ses yeux, il est par
ailleurs «très peu probable» que l'arrêt de la Grande Chambre remette
en cause la criminalisation de toute forme de négationnisme. Et
d'ajouter que «la Cour a jusqu'Ã présent donné raison aux Etats dans
des affaires portant sur la négation de l'Holocauste».
La professeure estime donc que, si la Suisse était condamnée, elle
n'aurait «pas nécessairement» besoin de réviser son droit. Selon elle,
la justice helvétique pourrait très probablement adopter une
interprétation de la loi conforme au jugement de Strasbourg. Pour
cela, il faudra attendre l'arrêt de la Grande Chambre pour en
déterminer la portée et les enjeux exacts. (24 heures)
http://www.24heures.ch/suisse/politique/norme-penale-antiraciste-debattue-jusqu-strasbourg/story/30497489