Agence France Presse
6 mars 2015 vendredi 3:57 PM GMT
Les snipers menacent la paix à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan
Movses/Alibeyli (Arménie) 6 mars 2015
Les habitants du village arménien de Movses, situé près de la
frontière avec l'Azerbaïdjan, soupirent de soulagement en observant
une nappe de brouillard les envelopper: ils sont enfin hors de vue des
tireurs azéris postés en face, sur la montagne Kardach.
"Ce brouillard, c'est notre salut. Quand la visibilité est à zéro, on
sait que les Azéris ne tireront pas", explique à l'AFP Khanoum, une
vieille femme arménienne qui, comme tous les habitants de Movses, vit
dans la peur constante des snipers azéris.
Du côté azéri de la frontière, la peur est tout autant omniprésente.
"Les rues sont désertes pendant la journée", raconte Ismaïl Nabiyev,
qui vit dans le village azeri d'Alibeyli. "Nous ne pouvons pas
organiser de mariage ou de funérailles. Dès qu'ils nous voient nous
rassembler, les Arméniens nous tirent dessus."
La guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan pour le contrôle du
Nagorny-Karabakh, qui a fait 30.000 morts et des centaines de milliers
de réfugiés entre 1988 et 1994, est officiellement terminée.
Mais en réalité, elle n'a jamais pris fin pour ceux qui vivent le long
de la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, comme les villages
de Movses et Alibeyli, pourtant situés à quelque 200 km du
Nagorny-Karabakh, une région d'Azerbaïdjan, à majorité arménienne.
L'année dernière, plus de 70 personnes ont été tuées des deux côtés
dans une série d'accrochages, provoquant la crainte d'une reprise de
ce conflit gelé.
"Nos maisons sont la cible de tirs incessants de la part des
Arméniens", affirme Khatira Aliyeva, une jeune mère de deux enfants,
blessée en février lorsque sa demeure a été visée par des tirs de
snipers de l'autre côté de la frontière.
"J'ai peur de laisser mes enfants aller à l'école. Le matin, nous
courons pour y aller, de peur que les Arméniens nous remarquent et
commencent à tirer", confie-t-elle. "Après l'école, les enfants
restent à la maison, c'est trop dangereux de les laisser jouer
dehors".
Le cauchemar de cette jeune femme se répète à l'identique de l'autre
côté de la frontière, à Movses.
"Les Azéris tirent jour et nuit, sur nos maisons, sur de simples
citoyens, des gens qui travaillent dans leurs vergers", raconte
Soudarik Aperian, une vieille dame de 82 ans. "J'ai peur d'allumer les
lumières la nuit. Dès qu'ils voient de la lumière à nos fenêtres, ils
commencent à tirer", affirme-t-elle.
- une 'escalade sans précédent' -
Malgré des décennies de négociations via une médiation internationale,
les deux camps n'ont toujours pas signé d'accord de paix final, depuis
la conclusion d'un cessez-le-feu en 1994.
Pour la communauté internationale, le Nagorny-Karabakh fait partie de
l'Azerbaïdjan. Autoproclamée "République du Nagorny-Karabakh", la
région est soutenue financièrement et militairement par Erevan.
Elle a été désertée par la communauté azérie qui y vivait avant la
guerre et qui représentait environ 25% de la population totale. Les
145.000 habitants du Nagorny Karabakh sont aujourd'hui presque tous
arméniens.
Bakou continue de revendiquer la région: en février, son président
Ilham Aliev a affirmé que la paix sera menacée tant que l'Arménie
poursuivra son "occupation du Nagorny-Karabakh" et de sept autres
régions azéries adjacentes, soit au total 20% du pays.
En janvier, le président arménien Serge Sarkissian avait menacé de
répondre à toute attaque des forces azéries.
"En cas de concentration massive et menaçante à notre frontière ou au
bord de la ligne de démarcation, nous nous réservons le droit de
procéder à une frappe préventive", avait-il lancé à son voisin riche
en ressources pétrolières.
Le mois de janvier a été particulièrement meurtrier: au moins 12
personnes ont été tuées et 18 blessées dans des tirs à la frontière,
provoquant l'inquiétude de l'Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE).
"Depuis l'été 2014, nous assistons à une escalade sans précédent", a
indiqué à l'AFP Mubariz Ahmedoglu, directeur du Centre azéri des
Innovations politiques. "L'Arménie et l'Azerbaïdjan ont déployé de
l'artillerie de gros calibre le long de la ligne de front".
A Erevan, l'expert arménien Sergueï Minassian, du think-tank Caucasus
Institute, livre la même analyse: "Au cours des vingt dernières
années, la situation sur le terrain n'a jamais été aussi tendue et
dangereuse qu'aujourd'hui."
Un habitant de Movses résume: "Notre futur est tout aussi nébuleux que
ce brouillard sur la montagne Kardach".
mkh-eg-im-all/nm/mr
From: A. Papazian
6 mars 2015 vendredi 3:57 PM GMT
Les snipers menacent la paix à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan
Movses/Alibeyli (Arménie) 6 mars 2015
Les habitants du village arménien de Movses, situé près de la
frontière avec l'Azerbaïdjan, soupirent de soulagement en observant
une nappe de brouillard les envelopper: ils sont enfin hors de vue des
tireurs azéris postés en face, sur la montagne Kardach.
"Ce brouillard, c'est notre salut. Quand la visibilité est à zéro, on
sait que les Azéris ne tireront pas", explique à l'AFP Khanoum, une
vieille femme arménienne qui, comme tous les habitants de Movses, vit
dans la peur constante des snipers azéris.
Du côté azéri de la frontière, la peur est tout autant omniprésente.
"Les rues sont désertes pendant la journée", raconte Ismaïl Nabiyev,
qui vit dans le village azeri d'Alibeyli. "Nous ne pouvons pas
organiser de mariage ou de funérailles. Dès qu'ils nous voient nous
rassembler, les Arméniens nous tirent dessus."
La guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan pour le contrôle du
Nagorny-Karabakh, qui a fait 30.000 morts et des centaines de milliers
de réfugiés entre 1988 et 1994, est officiellement terminée.
Mais en réalité, elle n'a jamais pris fin pour ceux qui vivent le long
de la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, comme les villages
de Movses et Alibeyli, pourtant situés à quelque 200 km du
Nagorny-Karabakh, une région d'Azerbaïdjan, à majorité arménienne.
L'année dernière, plus de 70 personnes ont été tuées des deux côtés
dans une série d'accrochages, provoquant la crainte d'une reprise de
ce conflit gelé.
"Nos maisons sont la cible de tirs incessants de la part des
Arméniens", affirme Khatira Aliyeva, une jeune mère de deux enfants,
blessée en février lorsque sa demeure a été visée par des tirs de
snipers de l'autre côté de la frontière.
"J'ai peur de laisser mes enfants aller à l'école. Le matin, nous
courons pour y aller, de peur que les Arméniens nous remarquent et
commencent à tirer", confie-t-elle. "Après l'école, les enfants
restent à la maison, c'est trop dangereux de les laisser jouer
dehors".
Le cauchemar de cette jeune femme se répète à l'identique de l'autre
côté de la frontière, à Movses.
"Les Azéris tirent jour et nuit, sur nos maisons, sur de simples
citoyens, des gens qui travaillent dans leurs vergers", raconte
Soudarik Aperian, une vieille dame de 82 ans. "J'ai peur d'allumer les
lumières la nuit. Dès qu'ils voient de la lumière à nos fenêtres, ils
commencent à tirer", affirme-t-elle.
- une 'escalade sans précédent' -
Malgré des décennies de négociations via une médiation internationale,
les deux camps n'ont toujours pas signé d'accord de paix final, depuis
la conclusion d'un cessez-le-feu en 1994.
Pour la communauté internationale, le Nagorny-Karabakh fait partie de
l'Azerbaïdjan. Autoproclamée "République du Nagorny-Karabakh", la
région est soutenue financièrement et militairement par Erevan.
Elle a été désertée par la communauté azérie qui y vivait avant la
guerre et qui représentait environ 25% de la population totale. Les
145.000 habitants du Nagorny Karabakh sont aujourd'hui presque tous
arméniens.
Bakou continue de revendiquer la région: en février, son président
Ilham Aliev a affirmé que la paix sera menacée tant que l'Arménie
poursuivra son "occupation du Nagorny-Karabakh" et de sept autres
régions azéries adjacentes, soit au total 20% du pays.
En janvier, le président arménien Serge Sarkissian avait menacé de
répondre à toute attaque des forces azéries.
"En cas de concentration massive et menaçante à notre frontière ou au
bord de la ligne de démarcation, nous nous réservons le droit de
procéder à une frappe préventive", avait-il lancé à son voisin riche
en ressources pétrolières.
Le mois de janvier a été particulièrement meurtrier: au moins 12
personnes ont été tuées et 18 blessées dans des tirs à la frontière,
provoquant l'inquiétude de l'Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (OSCE).
"Depuis l'été 2014, nous assistons à une escalade sans précédent", a
indiqué à l'AFP Mubariz Ahmedoglu, directeur du Centre azéri des
Innovations politiques. "L'Arménie et l'Azerbaïdjan ont déployé de
l'artillerie de gros calibre le long de la ligne de front".
A Erevan, l'expert arménien Sergueï Minassian, du think-tank Caucasus
Institute, livre la même analyse: "Au cours des vingt dernières
années, la situation sur le terrain n'a jamais été aussi tendue et
dangereuse qu'aujourd'hui."
Un habitant de Movses résume: "Notre futur est tout aussi nébuleux que
ce brouillard sur la montagne Kardach".
mkh-eg-im-all/nm/mr
From: A. Papazian