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Un nouveau génocide, un siècle après 1915 ?

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  • Un nouveau génocide, un siècle après 1915 ?

    Le Vif/L'Express
    13 Mars 2015

    Un nouveau génocide, un siècle après 1915 ?

    Par Gérald Papy



    La destruction du patrimoine assyrien témoigne de la volonté des
    terroristes de l'Etat islamique d'éradiquer toute présence chrétienne
    d'Irak. Et dans le même temps, le martyre des chrétiens de Syrie
    continue. Entreprise génocidaire ?

    Une ampleur sans précédent ? Enlèvement à grande échelle

    ' Cette tragédie est loin d'être seulement un enjeu culturel : c'est
    un enjeu de sécurité majeur. On voit bien comment les terroristes
    utilisent la destruction du patrimoine dans une stratégie de terreur,
    pour déstabiliser et manipuler les populations, et assurer leur
    domination. ' En tentant, dès la fin du mois de février, d'alerter la
    communauté internationale, Irina Bokova, la directrice générale de
    l'Unesco (l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la
    science et la culture) a pris la mesure de la gravité des destructions
    des joyaux de la civilisation assyrienne par le groupe terroriste Etat
    islamique. ' A coups de hache, de masse et de marteau piqueur ', les
    islamistes ont détruit des pièces d'une valeur inestimable du Musée de
    Mossoul, deuxième ville d'Irak conquise en juin 2014, avant de s'en
    prendre, quelques jours plus tard, au patrimoine à ciel ouvert de
    Nimroud, capitale pendant 150 ans de l'empire assyrien qui prospéra du
    IXe au VIIe siècle avant Jésus-Christ. La cité de Khorsabad, qui lui
    succéda, aurait, elle aussi, subi les foudres des fous de dieu.

    Les terroristes de Daech avaient déjà procédé, sur les territoires
    qu'ils contrôlent en Irak et en Syrie, à une épuration
    confessionnelle, plaçant les chrétiens et les autres minorités
    religieuses devant un faux choix : se convertir à l'islam ; s'ils n'y
    consentaient pas, survivre comme des citoyens de seconde zone, ou
    fuir. L'éradication des vestiges de la civilisation chrétienne
    assyrienne s'inscrit dans la même ligne. Il est vraisemblable que les
    affidés d'Abou Bakr al-Baghdadi soient résolus à effacer toute trace
    de la période pré-islamique de la région. Ils ne sont pas les premiers
    djihadistes à perpétrer semblable crime de guerre, passible de la Cour
    pénale internationale. En mars 2001, les talibans afghans avaient
    réduit en ruines les Bouddhas de Bmyn ; en 2012, les djihadistes du
    groupe Ansar Dine avaient profité de leur éphémère occupation du nord
    du Mali pour raser les mausolées aux saints musulmans de Tombouctou.
    Le saccage du patrimoine assyrien apparaît cependant inédit par son
    ampleur.

    Joseph Yacoub, professeur honoraire de l'Université catholique de
    Lyon, voit dans ces destructions patrimoniales ' une volonté
    d'éradiquer la mémoire des communautés chrétiennes, physiquement et
    culturellement '. Ethnocide et génocide se conjugueraient pour
    éliminer les dernières présences chrétiennes en Mésopotamie. ' On
    assiste au même processus qu'en 1915 lors du génocide arménien et
    assyro-chaldéen par les troupes du gouvernement Jeunes-Turcs ',
    souligne le spécialiste (lire page 64). L'intervention, même limitée,
    de la communauté internationale, qui a constitué une coalition pour
    bombarder les positions de l'Etat islamique depuis août 2014, et
    l'élan de solidarité de la diaspora créeraient un contexte pourtant
    sensiblement différent. Sursaut salutaire ? La réaction des puissances
    occidentales concernées aux atteintes au patrimoine antique apparaît
    pour le moins timide. Raison pour laquelle les associations
    assyriennes de Belgique ont sollicité le soutien de l'Union européenne
    lors d'une manifestation le 9 mars à Bruxelles. Parmi les
    revendications, un appui à la création, dans la plaine de Ninive,
    d'une région autonome chrétienne et yézidie au sein d'un Etat fédéral
    irakien et un soutien militaire. ' Plutôt que l'envoi de troupes
    militaires étrangères dont on se souvient de l'échec dans un passé
    récent, pourquoi ne pas aider à la formation et à l'armement de
    groupes armés chrétiens ? Beaucoup de jeunes d'Irak et de la diaspora
    sont prêts à combattre au sein des Unités de protection de la plaine
    de Ninive existantes ', explique Naher Arslan, un des organisateurs.

    S'il le fallait encore, les derniers développements de la situation
    des chrétiens en Syrie cette fois témoignent de l'urgence d'une aide.
    Les forces de l'Union démocratique kurde (PYD, alliée du Parti des
    travailleurs du Kurdistan de Turquie, PKK) et les groupes armés
    assyriens ont été impuissants à contrecarrer la dernière offensive de
    l'Etat islamique qui a permis la conquête des villages chrétiens de la
    rive droite du Khabour, fleuve du nord-est syrien, et quelques-uns de
    la rive gauche. Quelque 250 chrétiens assyriens ont été enlevés,
    environ 5 000 ont fui vers les localités refuges de Hassaké et de
    Qamishli. Le sort de la plupart des otages restait incertain en milieu
    de semaine alors qu'une vingtaine ont été libérés, grce à
    l'intervention de dirigeants de tribus sunnites locales et
    vraisemblablement contre rançon ; ce qui tendrait tout de même à
    prouver que la possibilité de négocier avec les islamistes,
    fussent-ils les plus radicaux, existe.

    Ironie de l'Histoire, insiste Joseph Yacoub, les chrétiens du Khabour
    sont les enfants des déportés des massacres de 1933 en Irak, eux-mêmes
    rescapés du génocide de 1915 en Turquie sous l'empire ottoman et
    réfugiés dans un premier temps en Iran...

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