REVUE DE PRESSE
L'Arménie au coeur
Du film The Cut De Fathi Akin jusqu'Ã Sayat Nova de Serguei Paradjanov
Nous célébrons le tristement centième anniversaire d'une des horreurs
majeures du XXe siècle ; une horreur qui résonne profondément avec ce
que nous vivons au présent : le Génocide arménien de mars 1915. Il
anticipait ce qui allait suivre : de l'arménien au juif et au tzigane,
il n'y a qu'un pas. Il était précédé par ces innombrables massacres
fanatiques qui scandent l'histoire de l'occident dit civilisé : la
croisade contre les Albigeois et l'extermination des Cathares - Ã
Byzance des bogomiles, l'inquisition et ses buchers, les plantations
coloniales, la terreur républicaine française puis russe... (Ils
égorgeaient comme le fait Daesh avec la guillotine au nom de la vérité
révolutionnaire.. !). Les bourreaux ont fait école : au Cambodge, au
Rwanda et ailleurs.
Les grands mystiques de l'Islam ont été aussi crucifiés : ce fut le
cas du sublime Attar auteur de la Conférence des oiseaux, proche dans
ses confessions de la figure christique qu'il évoque. Il mourut en
martyr cloué sur une porte..
Qu'un jeune cinéaste allemand d'origine turque, Fatih Akin s'empare du
génocide arménien marque une étape majeure : son film The Cut sorti en
2014 est bouleversant a plus d'un titre : il s'ouvre en mars 1915 Ã
Mardin dans une paisible bourgade d'Anatolie et évoque la vie heureuse
d'une famille arménienne Nazaret Margoosian est forgeron et père de
deux jumelles. Mais l'horreur éclate bientôt : celle du génocide
perpétré par le pouvoir Ottoman allié à l'Allemagne dans la première
guerre mondiale. Comme le rappelle le commentaire initial, ce fut une
sorte de diversion raciste et populiste d'autorités nationalistes
désignant à leur opinion publique un ennemi intérieur à éliminer. Les
Arméniens mais aussi d'autres minorités comme la communauté
syro-araméenne. J'ai effectué, il y a douze ans un pèlerinage au Sinaï
en compagnie du père Jacoubi, prêtre de cette église toujours très
vivante. Il évoquait avec émotion comment toute sa famille qui vivait
près de la frontière syrienne avait été atrocement exterminée alors.
Les scènes du massacre par égorgement des hommes déportés dans le
désert et celle des camps de réfugiés ou femmes et enfants meurent de
faim, résonnent avec notre présent : Qu'avons donc nous faits - ou
n'avons pas faits - pour être toujours témoin de la même atroce
barbarie ?
Le génocide de 1915 ne fut pas motivé pourtant par des raisons
religieuses : ceux qui le décidèrent appartenaient à l'élite
stambouliote des jeunes turcs laïcs issus du parti kémaliste. Certains
appartenaient même à la branche turque d'une franc maçonnerie alors en
plein essor. Une contradiction de plus à méditer.
Compassion et pardon
Fatih Akin, dans l'itinéraire de ce père muet, qui arrive à survivre,
délivre un message de compassion et d'espoir : Nazaret est sauvé par
son bourreau - libéré de prison pour égorger et qui a honte de ce rôle
imposé. Il sauve Nazaret devenu muet et lui demande son pardon.
Bédouins et commerçants musulmans recueillent et sauvent Nazaret
l'Arménien. Quand il retrouve les traces de ses filles dans un
orphelinat du Liban : un message s'affiche : - Demandez et il vous
sera donné. Pourtant Nazaret, malgré son prénom n'est pas un
pratiquant. Est-il croyant ? Autrement sans nul doute. Considéré comme
un sale juif par des brutes américaines racistes et blanches qui
l'assomment et le laissent pour mort, il retrouve l'une de ses
jumelles. Happy End de cette road movie transocéanique d'Alep et de
Beyrouth à Cuba et Minneapolis, vers la lumière du coeur aimant,
au-delà de toutes les adversités.
L'Aménie éternelle
J'ai eu depuis toujours l'Arménie au coeur. Enfant puis adolescent Ã
Lyon, nous aimions le quartier arabe de la Guillotière et son grand
souk : le magasin Bahadourian ou on trouvait touts ce qui vient
d'orient et de la Méditerranée. Son patriarche, philanthrope, qui
construit la basilique toute proche, a été reconnu, décoré et son
magasin a été classé monument historique.
Plus tard j'ai découvert l'art et la spiritualité arménienne :
Grégoire de Narek l'un de ses grands Saints (autour de l'an mille) est
aussi un immense poète qui a laissé un livre de prières en
quatre-vingt-douze odes, comparable au Grand canon de Saint André de
Crète. J'assistais à la liturgie célébrée dans la basilique lyonnaise
à l'invitation d'un prêtre rencontré aussi lors d'un colloque
orthodoxe. Elle est belle et comme l'est aussi la liturgie araméenne.
Les chants et les longues mélopées orientales diatoniques des sept
modes, sont harmonisés et accompagnés de l'orgue. La paroisse est
accueillante, hospitalière et permet la Communion Eucharistique.
A la Réunion j'eus le bonheur de rencontrer Arthur et son épouse, qui
tenaient le restaurant achalandé Le cabanon sur le front de mer de
Saint Pierre dont je fus un pilier. Nous avons échangé sur la musique
et les grandes voix arméniennes d'Aznavour à Lize Sarian.
Sayat Nova
Mais comment ne pas évoquer surtout le cinéaste majeur de l'Arménie,
Serguei Paradjanov (Sarkis Paradjanian), décédé en 1990. Il a pu
réaliser, comme Andreï Tarkovski, des films à contre courant en pleine
époque soviétique. Les chevaux de feu, et surtout Sayat Nova (couleur
de la Grenade - un film consacré la figure de l'un des grands bardes
de l'Arménie au XVIIIeme siècle, poète errant, en quête de Dieu et de
la beauté. Le film de Paradjanov est sans dialogue, repose sur la
succession onirique de tableaux avec au centre, la grande procession
liturgique sortant de la basilique d'Etchaniazin - le sanctuaire
premier de l'Arménie.
Paradjanov, esthète, homosexuel, fut incarcéré cinq ans par le pouvoir
soviétique. Un comité se créa en France pour sa libération et son
accueil en France, ce à quoi il aspirait et qui finit par aboutir.
Malade, il choisit de terminer ses jours en Erevan.
Une magnifique exposition lui a été consacrée en 2002 par le musée de
l'école des beaux Beaux arts à Paris, qui reprenait en particulier ses
oeuvres plastiques et ses étonnants collages.
La voix de mes soupirs
Le gémissement de mon coeur
Le cri de mes lamentations
Vers Toi je les élève en offrande,
À Toi qui vois les secrets
Grégoire de Narek (Editions du cerf traduction d'Isaac Kechichian)
Les éditions Montparnasse proposent un coffret des films de S. Paradjanov
Jean-François Reverzy
http://www.temoignages.re/chroniques/di-sak-na-pou-di/l-armenie-au-coeur,81848.html
samedi 21 mars 2015,
Stéphane (c)armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=108985
L'Arménie au coeur
Du film The Cut De Fathi Akin jusqu'Ã Sayat Nova de Serguei Paradjanov
Nous célébrons le tristement centième anniversaire d'une des horreurs
majeures du XXe siècle ; une horreur qui résonne profondément avec ce
que nous vivons au présent : le Génocide arménien de mars 1915. Il
anticipait ce qui allait suivre : de l'arménien au juif et au tzigane,
il n'y a qu'un pas. Il était précédé par ces innombrables massacres
fanatiques qui scandent l'histoire de l'occident dit civilisé : la
croisade contre les Albigeois et l'extermination des Cathares - Ã
Byzance des bogomiles, l'inquisition et ses buchers, les plantations
coloniales, la terreur républicaine française puis russe... (Ils
égorgeaient comme le fait Daesh avec la guillotine au nom de la vérité
révolutionnaire.. !). Les bourreaux ont fait école : au Cambodge, au
Rwanda et ailleurs.
Les grands mystiques de l'Islam ont été aussi crucifiés : ce fut le
cas du sublime Attar auteur de la Conférence des oiseaux, proche dans
ses confessions de la figure christique qu'il évoque. Il mourut en
martyr cloué sur une porte..
Qu'un jeune cinéaste allemand d'origine turque, Fatih Akin s'empare du
génocide arménien marque une étape majeure : son film The Cut sorti en
2014 est bouleversant a plus d'un titre : il s'ouvre en mars 1915 Ã
Mardin dans une paisible bourgade d'Anatolie et évoque la vie heureuse
d'une famille arménienne Nazaret Margoosian est forgeron et père de
deux jumelles. Mais l'horreur éclate bientôt : celle du génocide
perpétré par le pouvoir Ottoman allié à l'Allemagne dans la première
guerre mondiale. Comme le rappelle le commentaire initial, ce fut une
sorte de diversion raciste et populiste d'autorités nationalistes
désignant à leur opinion publique un ennemi intérieur à éliminer. Les
Arméniens mais aussi d'autres minorités comme la communauté
syro-araméenne. J'ai effectué, il y a douze ans un pèlerinage au Sinaï
en compagnie du père Jacoubi, prêtre de cette église toujours très
vivante. Il évoquait avec émotion comment toute sa famille qui vivait
près de la frontière syrienne avait été atrocement exterminée alors.
Les scènes du massacre par égorgement des hommes déportés dans le
désert et celle des camps de réfugiés ou femmes et enfants meurent de
faim, résonnent avec notre présent : Qu'avons donc nous faits - ou
n'avons pas faits - pour être toujours témoin de la même atroce
barbarie ?
Le génocide de 1915 ne fut pas motivé pourtant par des raisons
religieuses : ceux qui le décidèrent appartenaient à l'élite
stambouliote des jeunes turcs laïcs issus du parti kémaliste. Certains
appartenaient même à la branche turque d'une franc maçonnerie alors en
plein essor. Une contradiction de plus à méditer.
Compassion et pardon
Fatih Akin, dans l'itinéraire de ce père muet, qui arrive à survivre,
délivre un message de compassion et d'espoir : Nazaret est sauvé par
son bourreau - libéré de prison pour égorger et qui a honte de ce rôle
imposé. Il sauve Nazaret devenu muet et lui demande son pardon.
Bédouins et commerçants musulmans recueillent et sauvent Nazaret
l'Arménien. Quand il retrouve les traces de ses filles dans un
orphelinat du Liban : un message s'affiche : - Demandez et il vous
sera donné. Pourtant Nazaret, malgré son prénom n'est pas un
pratiquant. Est-il croyant ? Autrement sans nul doute. Considéré comme
un sale juif par des brutes américaines racistes et blanches qui
l'assomment et le laissent pour mort, il retrouve l'une de ses
jumelles. Happy End de cette road movie transocéanique d'Alep et de
Beyrouth à Cuba et Minneapolis, vers la lumière du coeur aimant,
au-delà de toutes les adversités.
L'Aménie éternelle
J'ai eu depuis toujours l'Arménie au coeur. Enfant puis adolescent Ã
Lyon, nous aimions le quartier arabe de la Guillotière et son grand
souk : le magasin Bahadourian ou on trouvait touts ce qui vient
d'orient et de la Méditerranée. Son patriarche, philanthrope, qui
construit la basilique toute proche, a été reconnu, décoré et son
magasin a été classé monument historique.
Plus tard j'ai découvert l'art et la spiritualité arménienne :
Grégoire de Narek l'un de ses grands Saints (autour de l'an mille) est
aussi un immense poète qui a laissé un livre de prières en
quatre-vingt-douze odes, comparable au Grand canon de Saint André de
Crète. J'assistais à la liturgie célébrée dans la basilique lyonnaise
à l'invitation d'un prêtre rencontré aussi lors d'un colloque
orthodoxe. Elle est belle et comme l'est aussi la liturgie araméenne.
Les chants et les longues mélopées orientales diatoniques des sept
modes, sont harmonisés et accompagnés de l'orgue. La paroisse est
accueillante, hospitalière et permet la Communion Eucharistique.
A la Réunion j'eus le bonheur de rencontrer Arthur et son épouse, qui
tenaient le restaurant achalandé Le cabanon sur le front de mer de
Saint Pierre dont je fus un pilier. Nous avons échangé sur la musique
et les grandes voix arméniennes d'Aznavour à Lize Sarian.
Sayat Nova
Mais comment ne pas évoquer surtout le cinéaste majeur de l'Arménie,
Serguei Paradjanov (Sarkis Paradjanian), décédé en 1990. Il a pu
réaliser, comme Andreï Tarkovski, des films à contre courant en pleine
époque soviétique. Les chevaux de feu, et surtout Sayat Nova (couleur
de la Grenade - un film consacré la figure de l'un des grands bardes
de l'Arménie au XVIIIeme siècle, poète errant, en quête de Dieu et de
la beauté. Le film de Paradjanov est sans dialogue, repose sur la
succession onirique de tableaux avec au centre, la grande procession
liturgique sortant de la basilique d'Etchaniazin - le sanctuaire
premier de l'Arménie.
Paradjanov, esthète, homosexuel, fut incarcéré cinq ans par le pouvoir
soviétique. Un comité se créa en France pour sa libération et son
accueil en France, ce à quoi il aspirait et qui finit par aboutir.
Malade, il choisit de terminer ses jours en Erevan.
Une magnifique exposition lui a été consacrée en 2002 par le musée de
l'école des beaux Beaux arts à Paris, qui reprenait en particulier ses
oeuvres plastiques et ses étonnants collages.
La voix de mes soupirs
Le gémissement de mon coeur
Le cri de mes lamentations
Vers Toi je les élève en offrande,
À Toi qui vois les secrets
Grégoire de Narek (Editions du cerf traduction d'Isaac Kechichian)
Les éditions Montparnasse proposent un coffret des films de S. Paradjanov
Jean-François Reverzy
http://www.temoignages.re/chroniques/di-sak-na-pou-di/l-armenie-au-coeur,81848.html
samedi 21 mars 2015,
Stéphane (c)armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=108985