LA FORCE DU PEUPLE ARMENIEN RESIDE DANS SA DECENTRALISATION
Publie le : 23-03-2015
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=86840
Info Collectif VAN -www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
invite a liere cet article publie sur le site Repair le 18 mars 2015.
Repair
mercredi 18 mars 2015
Razmik Panossian
Politologue canadien, Directeur du Departement des Communautes
Armeniennes de la Fondation Calouste Gulbenkian (Lisbonne)
Dans cet essai, Razmik Panossian explique qu'il est temps de degriser
ce qu'il nomme l'>, repond Erevan. Il est, après tout, le seul
Etat survivant (sans oublier l'Artsakh). Beaucoup dans la diaspora
acceptent cela et se tournent vers l'Armenie, mais sans toutefois
y retourner. D'autres repondent : , soulignent-ils, des autorites sovietiques dans les elections du Catholicosat
en 1956 a Antelias au Liban), le Comite central du Parti communiste
armenien a decide en 1957 de developper de nouvelles politiques et
de nouveaux instruments pour augmenter l'influence de l'Armenie
sovietique sur la diaspora. La manifestation la plus concrète de
cette nouvelle politique a ete la creation de la Spiurkahayutyan Hed
Meshagutayin Gabi Gomide5 (Comite pour les liens culturels avec les
Armeniens de la diaspora), suivie par la publication de magazines,
manuels, et d'autres initiatives, qui visaient toutes la diaspora. Un
document revelateur de 1974 dans les archives, intitule en Armenie, la plus grande des
multiples vagues de rapatriement. Loin d'etre une entite passive, la
diaspora, sous la direction des partis et des organisations politiques
communautaires mobilises, s'est organisee et a defendu des questions
nationales. Elle-meme etait divisee selon des lignes ideologiques :
certains dans la diaspora soutenaient la patrie sovietique dès les
annees 1920, tandis que d'autres rejetaient le regime communiste. Il
est interessant de retracer l'evolution de l'organisation la plus
influente de diaspora, le parti antisovietique dachnak, du rejet total
de la Republique dans les annees 1920 et 1930 a l'acceptation comme
une patrie dans les annees 1970 et 1980. Alors que le > global se reproduisait au sein des communautes importantes de
la diaspora armenienne, les militants des deux côtes ont contribue
a sa construction et a son entretien. Neanmoins, en depit du rideau
de fer intra-communautaire, la vision de l'Armenie sovietique et de
ses allies dans la diaspora a fini par devenir hegemonique.
Les gouvernements postsovietiques en Armenie, parfois soutenus
par des conseillers de la diaspora, ont toujours adhere a cette
logique. Bien sûr, il ya eu un changement significatif dans l'attitude
d'Erevan envers la diaspora, en particulier entre les gouvernements
Ter-Petrossian et Kotcharian. Comme les administrations successives
ont tendu la main a la diaspora, la poussee d'inspiration sovietique
a la centralisation et au contrôle est restee. Parfois explicitement,
a d'autres moments implicitement. Le ressentiment actuel chez certains
intellectuels et dirigeants de la diaspora envers l'Armenie est une
reaction aux tentatives de ses fonctionnaires pour contrôler -- ou a
tout du moins diriger la diaspora -- que ce soit par des mecanismes
institutionnels ou ideologiques.
En ce qui concerne la tendance au contrôle, la diaspora n'est pas en
reste et il convient egalement de noter que, dans les annees 1990,
une attitude prevalait chez certains leaders de la diaspora, notamment
dans le parti dachnak : en tant que leaders de la nation,
ils devaient gouverner l'Armenie independante -- ou au moins avoir leur
mot a dire dans sa politique -- sans avoir aucune presence serieuse
en Armenie. La mobilisation de la diaspora (generalement couronnee
de succès) contre les politiques de rapprochement de l'Armenie
vis-a-vis de la Turquie (par exemple, les Protocoles de 2009) est un
autre exemple de l'affirmation des priorites de la diaspora. Quand
il s'agit de relations avec la Turquie, les Armeniens de la diaspora
sentent qu'ils ont leur mot a dire legitime, et qu'ils devraient etre
en mesure d'influencer, si ce n'est definir, la politique.
Contrôler la diaspora armenienne a partir d'un centre --que ce soit
Erevan ou ailleurs -- est impossible. La diaspora est trop diverse,
trop decentralisee et trop independante pour etre contrôlee, du moins
avec succès. Elle peut certes etre affaiblie, mais elle ne peut pas
etre contrôlee efficacement. Et ne devrait pas l'etre. Sa force meme,
et la force du peuple armenien, resident dans le fait que la nation
a toujours ete decentralisee. La culture armenienne a survecu au
genocide en raison de sa decentralisation, en raison de ses multiples
centres culturels et multiples communautes de la diaspora. Ni les
Jeunes-Turcs, ni le regime de terreur de Staline n'ont pu detruire
complètement tout un peuple parce qu'il y avait des Armeniens ailleurs.
La centralisation et le contrôle sont les deux faces d'une meme pièce
(et incarnes dans de nombreux Etats). Les deux sont, a mon avis,
prejudiciables a la survie du peuple armenien. Voici les trois raisons
pour lesquelles je crois qu'ils sont des strategies dangereuses :
Premièrement, comme mentionne ci-dessus, ils sont historiquement
etrangers a l'experience de la nation armenienne. L'>, avec
ses nuances de centralisation, a ete un cri de ralliement rhetorique
pendant des siècles, creant des poètes et des hommes politiques de
la communaute, mais pas des decideurs politiques serieux. Meme si
nous revenons sept siècles en arrière, jusqu'aux derniers royaumes
armeniens existants, nous voyons qu'il y avait des Etats extremement
decentralises avec de puissants princes locaux qui maintenaient le
roi en echec. La centralisation ne fait tout simplement pas partie
de la tradition politique armenienne. La centralisation communiste
s'est accomplie dans le sang et la douleur, et n'a finalement pas
reussi en Armenie.
Deuxièmement, dans la conjoncture actuelle, posons-nous la question
honnetement : la centralisation vers où, et le contrôle par qui ?
L'Armenie elle-meme est confrontee a une serie de graves problèmes.
Oui, c'est le seul Etat armenien survivant, mais c'est un pays avec
des institutions faibles, un système politique dans lequel le pouvoir
reel est exerce par des moyens informels, un système economique
oligarchique, et des politiques etrangères et militaires qui sont
entièrement a la charge d'une superpuissance regionale. Malgre les
nombreux succès qu'a remportes l'Armenie au cours des deux dernières
decennies, elle reste neanmoins un etat relativement faible dans un
voisinage difficile, avec un problème d'emigration considerable. Ce
n'est tout simplement pas une bonne politique que d'en faire le point
de debut et de fin de tout ce qui est armenien. Avoir une diaspora
forte et independante est l'equivalent d'une
Publie le : 23-03-2015
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mercredi 18 mars 2015
Razmik Panossian
Politologue canadien, Directeur du Departement des Communautes
Armeniennes de la Fondation Calouste Gulbenkian (Lisbonne)
Dans cet essai, Razmik Panossian explique qu'il est temps de degriser
ce qu'il nomme l'>, repond Erevan. Il est, après tout, le seul
Etat survivant (sans oublier l'Artsakh). Beaucoup dans la diaspora
acceptent cela et se tournent vers l'Armenie, mais sans toutefois
y retourner. D'autres repondent : , soulignent-ils, des autorites sovietiques dans les elections du Catholicosat
en 1956 a Antelias au Liban), le Comite central du Parti communiste
armenien a decide en 1957 de developper de nouvelles politiques et
de nouveaux instruments pour augmenter l'influence de l'Armenie
sovietique sur la diaspora. La manifestation la plus concrète de
cette nouvelle politique a ete la creation de la Spiurkahayutyan Hed
Meshagutayin Gabi Gomide5 (Comite pour les liens culturels avec les
Armeniens de la diaspora), suivie par la publication de magazines,
manuels, et d'autres initiatives, qui visaient toutes la diaspora. Un
document revelateur de 1974 dans les archives, intitule en Armenie, la plus grande des
multiples vagues de rapatriement. Loin d'etre une entite passive, la
diaspora, sous la direction des partis et des organisations politiques
communautaires mobilises, s'est organisee et a defendu des questions
nationales. Elle-meme etait divisee selon des lignes ideologiques :
certains dans la diaspora soutenaient la patrie sovietique dès les
annees 1920, tandis que d'autres rejetaient le regime communiste. Il
est interessant de retracer l'evolution de l'organisation la plus
influente de diaspora, le parti antisovietique dachnak, du rejet total
de la Republique dans les annees 1920 et 1930 a l'acceptation comme
une patrie dans les annees 1970 et 1980. Alors que le > global se reproduisait au sein des communautes importantes de
la diaspora armenienne, les militants des deux côtes ont contribue
a sa construction et a son entretien. Neanmoins, en depit du rideau
de fer intra-communautaire, la vision de l'Armenie sovietique et de
ses allies dans la diaspora a fini par devenir hegemonique.
Les gouvernements postsovietiques en Armenie, parfois soutenus
par des conseillers de la diaspora, ont toujours adhere a cette
logique. Bien sûr, il ya eu un changement significatif dans l'attitude
d'Erevan envers la diaspora, en particulier entre les gouvernements
Ter-Petrossian et Kotcharian. Comme les administrations successives
ont tendu la main a la diaspora, la poussee d'inspiration sovietique
a la centralisation et au contrôle est restee. Parfois explicitement,
a d'autres moments implicitement. Le ressentiment actuel chez certains
intellectuels et dirigeants de la diaspora envers l'Armenie est une
reaction aux tentatives de ses fonctionnaires pour contrôler -- ou a
tout du moins diriger la diaspora -- que ce soit par des mecanismes
institutionnels ou ideologiques.
En ce qui concerne la tendance au contrôle, la diaspora n'est pas en
reste et il convient egalement de noter que, dans les annees 1990,
une attitude prevalait chez certains leaders de la diaspora, notamment
dans le parti dachnak : en tant que leaders de la nation,
ils devaient gouverner l'Armenie independante -- ou au moins avoir leur
mot a dire dans sa politique -- sans avoir aucune presence serieuse
en Armenie. La mobilisation de la diaspora (generalement couronnee
de succès) contre les politiques de rapprochement de l'Armenie
vis-a-vis de la Turquie (par exemple, les Protocoles de 2009) est un
autre exemple de l'affirmation des priorites de la diaspora. Quand
il s'agit de relations avec la Turquie, les Armeniens de la diaspora
sentent qu'ils ont leur mot a dire legitime, et qu'ils devraient etre
en mesure d'influencer, si ce n'est definir, la politique.
Contrôler la diaspora armenienne a partir d'un centre --que ce soit
Erevan ou ailleurs -- est impossible. La diaspora est trop diverse,
trop decentralisee et trop independante pour etre contrôlee, du moins
avec succès. Elle peut certes etre affaiblie, mais elle ne peut pas
etre contrôlee efficacement. Et ne devrait pas l'etre. Sa force meme,
et la force du peuple armenien, resident dans le fait que la nation
a toujours ete decentralisee. La culture armenienne a survecu au
genocide en raison de sa decentralisation, en raison de ses multiples
centres culturels et multiples communautes de la diaspora. Ni les
Jeunes-Turcs, ni le regime de terreur de Staline n'ont pu detruire
complètement tout un peuple parce qu'il y avait des Armeniens ailleurs.
La centralisation et le contrôle sont les deux faces d'une meme pièce
(et incarnes dans de nombreux Etats). Les deux sont, a mon avis,
prejudiciables a la survie du peuple armenien. Voici les trois raisons
pour lesquelles je crois qu'ils sont des strategies dangereuses :
Premièrement, comme mentionne ci-dessus, ils sont historiquement
etrangers a l'experience de la nation armenienne. L'>, avec
ses nuances de centralisation, a ete un cri de ralliement rhetorique
pendant des siècles, creant des poètes et des hommes politiques de
la communaute, mais pas des decideurs politiques serieux. Meme si
nous revenons sept siècles en arrière, jusqu'aux derniers royaumes
armeniens existants, nous voyons qu'il y avait des Etats extremement
decentralises avec de puissants princes locaux qui maintenaient le
roi en echec. La centralisation ne fait tout simplement pas partie
de la tradition politique armenienne. La centralisation communiste
s'est accomplie dans le sang et la douleur, et n'a finalement pas
reussi en Armenie.
Deuxièmement, dans la conjoncture actuelle, posons-nous la question
honnetement : la centralisation vers où, et le contrôle par qui ?
L'Armenie elle-meme est confrontee a une serie de graves problèmes.
Oui, c'est le seul Etat armenien survivant, mais c'est un pays avec
des institutions faibles, un système politique dans lequel le pouvoir
reel est exerce par des moyens informels, un système economique
oligarchique, et des politiques etrangères et militaires qui sont
entièrement a la charge d'une superpuissance regionale. Malgre les
nombreux succès qu'a remportes l'Armenie au cours des deux dernières
decennies, elle reste neanmoins un etat relativement faible dans un
voisinage difficile, avec un problème d'emigration considerable. Ce
n'est tout simplement pas une bonne politique que d'en faire le point
de debut et de fin de tout ce qui est armenien. Avoir une diaspora
forte et independante est l'equivalent d'une