HISTOIRE - ARMENIENS, L'AUTRE GENOCIDE
Valeurs Actuelles
25 mars 2015
1915. Depuis un siècle, les Armeniens se battent pour un mot. S'ils
ont renonce a des reparations materielles, ils veulent que le massacre
qui a frappe plus de la moitie des leurs dans l'Empire ottoman prenne
le nom de genocide.
Le signal fut donne le 24 avril 1915. Six cents notables et
intellectuels armeniens d'Istanbul furent arretes et assassines
ce jour-la sur ordre du gouvernement jeune-turc. Ce fut le debut
d'une vaste operation deployee principalement en Anatolie ainsi qu'en
Cilicie, où se concentrent les 2 millions d'Armeniens qui vivent alors
dans l'Empire ottoman. Dans les provinces de Van, Bitlis, Erzurum,
les populations armeniennes apprennent qu'elles ont de quelques heures
a quelques jours selon les lieux pour rassembler leurs affaires et
partir vers une destination inconnue. Une fois eloignes des villes,
les hommes sont separes de leur famille et executes.
Les femmes, les enfants et les vieillards continuent leur route a pied,
sans nourriture et quasi sans eau. Sur la route de leur calvaire,
certaines femmes vendent leurs enfants contre un peu de pain aux
Turcs et aux Arabes en quete d'esclaves. Les mères peuvent ainsi
esperer que leurs enfants ne mourront pas. Ils deviendront musulmans.
Les jeunes femmes et les plus beaux enfants ont davantage de chances
de survie. Les autres rejoignent Deir ez-Zor, dans le desert de Syrie,
où ils vont mourir dans des campements de fortune.
Talaat Pacha, le ministre de l'Interieur (il sera promu grand vizir,
c'est-a-dire chef du gouvernement, après le massacre), a donne des
instructions : > Toutes les branches de l'administration collaborent a ce
plan coordonne par l'Organisation speciale du Comite union et progrès,
le nom officiel du parti jeune turc au pouvoir. Elles s'appuient aussi
sur une participation populaire sous forme de pogroms et de pillages.
Les banquiers et les riches commercants sont particulièrement detestes
du petit peuple. Les syriaques, les Grecs, les juifs, les chaldeens
subissent le meme sort que les Armeniens. Des eglises et des ecoles
sont detruites par milliers.
Cependant, dans les grandes villes de la côte mediterraneenne,
le mouvement est rapidement stoppe : des diplomates allemands et
americains, comme Henry Morgenthau, sont choques. Ils alertent
leur gouvernement et la presse internationale. Certains Armeniens
sont sauves par des "justes" comme le consul americain en poste a
Kharpout, Leslie Davies. Le maire de Malatya, Mustafa agha Aziz oglou,
est assassine par son propre fils pour avoir sauve des chretiens. En
Cilicie, une flotte francaise conduite par le croiseur Guichen evacue
plusieurs milliers de refugies vers Port-Saïd, en Egypte. Cet episode
est raconte, en 1933, dans un roman a succès de Franz Werfel, interdit
dans l'Allemagne hitlerienne, les Quarante Jours du Musa Dagh. Mais
quand il s'agit de l'adapter au cinema, quelques annees plus tard,
le gouvernement turc fait pression sur la MGM, a Hollywood, pour
arreter le projet...Lire la suite...
À lire Le Genocide armenien, de la memoire outragee a la memoire
partagee, de Michel Marian, Albin Michel, 176 pages, 17 EURO (en
librairie le 2 avril). Detruire les Armeniens, histoire d'un genocide,
de Mikaël Nichanian, PUF, 288 pages, 21 EURO. À voir The Cut, la
blessure, film de Fatih Akin, janvier 2015.
http://www.valeursactuelles.com/armeniens-lautre-genocide-51487
Valeurs Actuelles
25 mars 2015
1915. Depuis un siècle, les Armeniens se battent pour un mot. S'ils
ont renonce a des reparations materielles, ils veulent que le massacre
qui a frappe plus de la moitie des leurs dans l'Empire ottoman prenne
le nom de genocide.
Le signal fut donne le 24 avril 1915. Six cents notables et
intellectuels armeniens d'Istanbul furent arretes et assassines
ce jour-la sur ordre du gouvernement jeune-turc. Ce fut le debut
d'une vaste operation deployee principalement en Anatolie ainsi qu'en
Cilicie, où se concentrent les 2 millions d'Armeniens qui vivent alors
dans l'Empire ottoman. Dans les provinces de Van, Bitlis, Erzurum,
les populations armeniennes apprennent qu'elles ont de quelques heures
a quelques jours selon les lieux pour rassembler leurs affaires et
partir vers une destination inconnue. Une fois eloignes des villes,
les hommes sont separes de leur famille et executes.
Les femmes, les enfants et les vieillards continuent leur route a pied,
sans nourriture et quasi sans eau. Sur la route de leur calvaire,
certaines femmes vendent leurs enfants contre un peu de pain aux
Turcs et aux Arabes en quete d'esclaves. Les mères peuvent ainsi
esperer que leurs enfants ne mourront pas. Ils deviendront musulmans.
Les jeunes femmes et les plus beaux enfants ont davantage de chances
de survie. Les autres rejoignent Deir ez-Zor, dans le desert de Syrie,
où ils vont mourir dans des campements de fortune.
Talaat Pacha, le ministre de l'Interieur (il sera promu grand vizir,
c'est-a-dire chef du gouvernement, après le massacre), a donne des
instructions : > Toutes les branches de l'administration collaborent a ce
plan coordonne par l'Organisation speciale du Comite union et progrès,
le nom officiel du parti jeune turc au pouvoir. Elles s'appuient aussi
sur une participation populaire sous forme de pogroms et de pillages.
Les banquiers et les riches commercants sont particulièrement detestes
du petit peuple. Les syriaques, les Grecs, les juifs, les chaldeens
subissent le meme sort que les Armeniens. Des eglises et des ecoles
sont detruites par milliers.
Cependant, dans les grandes villes de la côte mediterraneenne,
le mouvement est rapidement stoppe : des diplomates allemands et
americains, comme Henry Morgenthau, sont choques. Ils alertent
leur gouvernement et la presse internationale. Certains Armeniens
sont sauves par des "justes" comme le consul americain en poste a
Kharpout, Leslie Davies. Le maire de Malatya, Mustafa agha Aziz oglou,
est assassine par son propre fils pour avoir sauve des chretiens. En
Cilicie, une flotte francaise conduite par le croiseur Guichen evacue
plusieurs milliers de refugies vers Port-Saïd, en Egypte. Cet episode
est raconte, en 1933, dans un roman a succès de Franz Werfel, interdit
dans l'Allemagne hitlerienne, les Quarante Jours du Musa Dagh. Mais
quand il s'agit de l'adapter au cinema, quelques annees plus tard,
le gouvernement turc fait pression sur la MGM, a Hollywood, pour
arreter le projet...Lire la suite...
À lire Le Genocide armenien, de la memoire outragee a la memoire
partagee, de Michel Marian, Albin Michel, 176 pages, 17 EURO (en
librairie le 2 avril). Detruire les Armeniens, histoire d'un genocide,
de Mikaël Nichanian, PUF, 288 pages, 21 EURO. À voir The Cut, la
blessure, film de Fatih Akin, janvier 2015.
http://www.valeursactuelles.com/armeniens-lautre-genocide-51487