THEATRE
Centenaire du génocide arménien : le lanceur d'alerte Lepsius inspire
une création à Nice
Nice, 28 mars 2015 (AFP) - En cette année du centenaire du génocide
arménien, comment perpétuer le souvenir ? La première mise en scène du
jeune acteur Hovnatan Avédikian fait résonner au Thétre national de
Nice (TNN) la voix méconnue du pasteur allemand Johannes Lepsius qui
tenta en vain d'empêcher en 1915 les massacres. "Arménien de la
quatrième génération, on me dit qu'il faut se souvenir, se souvenir de
ce que je n'ai pas vécu", énonce ce proche collaborateur de la
nouvelle directrice du thétre niçois Irina Brook. A 33 ans, ce fils
d'un acteur né en Arménie ne veut pas "perpétuer un rapport aveugle et
émotionnel à l'Histoire" mais plutôt déchiffrer le contexte historique
de l'époque, en mettant en scène cette pièce intitulée "Le Cercle de
l'ombre"(jusqu'au 1er avril). Occasion de faire connaître le destin
incroyable de Johannes Lepsius (1858-1926), missionnaire allemand dans
l'empire ottoman au secours des minorités chrétiennes, qui rencontra
en 1915 Ã Istanbul le ministre de la guerre Enver Pacha dans l'espoir
d'arrêter déportations et massacres des Arméniens. Le parti des
Jeunes-Turcs, mu par une idéologie nationaliste, est alors au pouvoir.
Rentré en Allemagne, le pasteur réclamera des sanctions contre le
régime auprès de son gouvernement, mais ce dernier ne souhaite pas
mettre en péril, en pleine première guerre mondiale, son alliance
scellée avec l'empire ottoman. L'humaniste, lanceur d'alerte menacé de
mort, retournera à Istanbul rédiger un rapport secret sur les
massacres et terminera sa vie en exil en Italie.
En 1930, en pleine montée du parti national-socialiste en Allemagne,
l'écrivain Franz Werfel prend connaissance du rapport et l'intègre
dans deux chapitres de son ouvrage "Les quarante jours du Musa Dagh"
sur le génocide arménien. L'ouvrage sera publié en 1934 et
immédiatement interdit par Aldolf Hitler arrivé au pouvoir...
Ce sont précisément ces chapitres qui ont été adaptés pour cette
création. Hovnatan Avédikian a ainsi choisi de prendre de la distance
et donner la parole à un témoin clef, aux bourreaux et à leurs alliés
allemands, plutôt qu'aux victimes dont la présence est juste suggérée
par un furtif convoi humain poussant ses affaires.
- "des mots assez simples sur une histoire complexe" -
"Quand j'ai découvert ces deux chapitres, j'ai pu mettre des mots
assez simples sur une histoire complexe", confie-t-il. "Il y a peu de
témoins de l'époque et il faut savoir précisément qui on accuse", note
le jeune metteur en scène, qui s'est nourri de conseils historiques.
"J'ai grandi avec cette problématique et je pose des questions.
Comment est-ce possible ? Qui a perpétré le génocide arménien ? Qui
sont les pachas qui se sont appuyés sur l'idéologie nationaliste ?" Et
sa pièce fait l'effet d'une troublante caisse de résonance avec la
situation actuelle du Moyen-Orient, où l'existence de minorités est
menacée.
Cette création courte, en un acte, Hovnatan l'a faite pour "les 16-17
ans". Il tient beaucoup à ses rencontres personnalisées avec des
lycéens, souvent venus de quartiers modestes. "Je leur dit de sauver
l'humanité et de jeter leurs téléphones portables !", précise l'acteur
"en colère" contre un monde anesthésié et éloigné de l'intense
communion du monde thétral.
De fait, la pièce est accessible et didactique, tout en jouant sur la
légèreté et les parenthèses dansées au son du violoncelle ou du piano.
Au premier rang une brochette de jeunes, sans doute nouveaux au
thétre, sourient devant les facéties acrobatiques et rires
sardoniques des acteurs, tout en se concentrant sur les moments plus
graves.
"Plus de 100.000 Arméniens ont déjà pris le chemin de l'exil, en plein
désert de Mésopotamie !", s'inquiète Johannes Lipsius qui tente de
parlementer avec le ministre de la guerre. "La question arménienne
n'existe pas", lui rétorque Enver Pacha, qui vient de couper une tête
et en rit.
"Cette alliance germano-turque nous rend complices aux yeux de
l'histoire", dit le juste de retour dans son pays, reçu à la
chancellerie par un bureaucrate qui se sert des verres de champagne et
pousse la chansonnette sur son piano. "Je dois témoigner", répète ce
Don Quichote, seul contre tous à Istanbul pour écrire sur
l'innommable.
dimanche 29 mars 2015,
Ara (c)armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=109637
Centenaire du génocide arménien : le lanceur d'alerte Lepsius inspire
une création à Nice
Nice, 28 mars 2015 (AFP) - En cette année du centenaire du génocide
arménien, comment perpétuer le souvenir ? La première mise en scène du
jeune acteur Hovnatan Avédikian fait résonner au Thétre national de
Nice (TNN) la voix méconnue du pasteur allemand Johannes Lepsius qui
tenta en vain d'empêcher en 1915 les massacres. "Arménien de la
quatrième génération, on me dit qu'il faut se souvenir, se souvenir de
ce que je n'ai pas vécu", énonce ce proche collaborateur de la
nouvelle directrice du thétre niçois Irina Brook. A 33 ans, ce fils
d'un acteur né en Arménie ne veut pas "perpétuer un rapport aveugle et
émotionnel à l'Histoire" mais plutôt déchiffrer le contexte historique
de l'époque, en mettant en scène cette pièce intitulée "Le Cercle de
l'ombre"(jusqu'au 1er avril). Occasion de faire connaître le destin
incroyable de Johannes Lepsius (1858-1926), missionnaire allemand dans
l'empire ottoman au secours des minorités chrétiennes, qui rencontra
en 1915 Ã Istanbul le ministre de la guerre Enver Pacha dans l'espoir
d'arrêter déportations et massacres des Arméniens. Le parti des
Jeunes-Turcs, mu par une idéologie nationaliste, est alors au pouvoir.
Rentré en Allemagne, le pasteur réclamera des sanctions contre le
régime auprès de son gouvernement, mais ce dernier ne souhaite pas
mettre en péril, en pleine première guerre mondiale, son alliance
scellée avec l'empire ottoman. L'humaniste, lanceur d'alerte menacé de
mort, retournera à Istanbul rédiger un rapport secret sur les
massacres et terminera sa vie en exil en Italie.
En 1930, en pleine montée du parti national-socialiste en Allemagne,
l'écrivain Franz Werfel prend connaissance du rapport et l'intègre
dans deux chapitres de son ouvrage "Les quarante jours du Musa Dagh"
sur le génocide arménien. L'ouvrage sera publié en 1934 et
immédiatement interdit par Aldolf Hitler arrivé au pouvoir...
Ce sont précisément ces chapitres qui ont été adaptés pour cette
création. Hovnatan Avédikian a ainsi choisi de prendre de la distance
et donner la parole à un témoin clef, aux bourreaux et à leurs alliés
allemands, plutôt qu'aux victimes dont la présence est juste suggérée
par un furtif convoi humain poussant ses affaires.
- "des mots assez simples sur une histoire complexe" -
"Quand j'ai découvert ces deux chapitres, j'ai pu mettre des mots
assez simples sur une histoire complexe", confie-t-il. "Il y a peu de
témoins de l'époque et il faut savoir précisément qui on accuse", note
le jeune metteur en scène, qui s'est nourri de conseils historiques.
"J'ai grandi avec cette problématique et je pose des questions.
Comment est-ce possible ? Qui a perpétré le génocide arménien ? Qui
sont les pachas qui se sont appuyés sur l'idéologie nationaliste ?" Et
sa pièce fait l'effet d'une troublante caisse de résonance avec la
situation actuelle du Moyen-Orient, où l'existence de minorités est
menacée.
Cette création courte, en un acte, Hovnatan l'a faite pour "les 16-17
ans". Il tient beaucoup à ses rencontres personnalisées avec des
lycéens, souvent venus de quartiers modestes. "Je leur dit de sauver
l'humanité et de jeter leurs téléphones portables !", précise l'acteur
"en colère" contre un monde anesthésié et éloigné de l'intense
communion du monde thétral.
De fait, la pièce est accessible et didactique, tout en jouant sur la
légèreté et les parenthèses dansées au son du violoncelle ou du piano.
Au premier rang une brochette de jeunes, sans doute nouveaux au
thétre, sourient devant les facéties acrobatiques et rires
sardoniques des acteurs, tout en se concentrant sur les moments plus
graves.
"Plus de 100.000 Arméniens ont déjà pris le chemin de l'exil, en plein
désert de Mésopotamie !", s'inquiète Johannes Lipsius qui tente de
parlementer avec le ministre de la guerre. "La question arménienne
n'existe pas", lui rétorque Enver Pacha, qui vient de couper une tête
et en rit.
"Cette alliance germano-turque nous rend complices aux yeux de
l'histoire", dit le juste de retour dans son pays, reçu à la
chancellerie par un bureaucrate qui se sert des verres de champagne et
pousse la chansonnette sur son piano. "Je dois témoigner", répète ce
Don Quichote, seul contre tous à Istanbul pour écrire sur
l'innommable.
dimanche 29 mars 2015,
Ara (c)armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=109637