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De l'actualité du génocide des Arméniens, par Ara Toranian

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  • De l'actualité du génocide des Arméniens, par Ara Toranian

    EDITORIAL
    De l'actualité du génocide des Arméniens, par Ara Toranian


    2015 s'annonçait comme une année décisive pour la connaissance et la
    reconnaissance publique du génocide arménien. Et si l'on procède au
    bout de ce trimestre à un premier bilan d'étape, elle est en train de
    tenir ses promesses. Rien qu'en France, pas moins de 60 livres sur la
    question ont été publiés depuis un an. Le président de la République
    s'est personnellement impliqué dans ce combat. Plusieurs oeuvres de
    fictions cinématographiques et documentaires ont déjà été diffusées ou
    sont en cours de préparation. Les conférences se multiplient sur tout
    le territoire et un grand colloque international, de dimension
    exceptionnelle par le nombre d'intervenants et leur qualité est
    organisé dans les plus prestigieuses universités de la capitale. Et la
    presse commence à ouvrir ses colonnes à cette page honteuse de
    l'histoire.

    Sur le plan européen le Parlement de Strasbourg a adopté le 17 mars
    une résolution enjoignant tous ses États membres, et surtout la
    Turquie à reconnaître le génocide. Aux États-Unis, on voit également
    naître une mobilisation sans précédent, autour d'initiatives qui
    réunissent les plus importantes autorités morales du pays, comme Élie
    Wiesel, ou ses figures les plus populaires, à l'instar de l'acteur
    Georges Clooney, très engagé dans les causes humanitaires. Le 18 mars,
    39 élus du Congrès américain ont appelé à une reconnaissance pleine et
    entière du crime par le Président Obama. En Russie, Vladimir Poutine a
    d'ores et déjà fait savoir qu'il se rendrait à la commémoration
    internationale du génocide qui aura lieu le 24 avril à Erevan. Une
    cérémonie qui s'annonce comme le point d'orgue des manifestations du
    souvenir, mais non comme un point final de la mobilisation. Tout
    indique en effet que les événements vont prendre encore plus d'ampleur
    durant l'année, à commencer en France par la grande exposition au
    cours de laquelle, pendant deux mois et demi, la Mairie de Paris
    accueillera le mémorial du génocide de Dzidzernagapert. Sans compter
    d'autres initiatives qu'il serait prématuré d'évoquer.

    Tous ces éléments tendent à montrer non seulement la mobilisation du
    monde arménien à l'occasion de ce triste anniversaire, mais également
    une certaine prise de conscience internationale quant à la nécessité
    de revenir sur le génocide de 1915, à l'heure où une actualité
    régionale récente a remis au centre de l'attention des crimes dont le
    modèle plonge précisément dans cette expérience. Et ce, tant au niveau
    de la sauvagerie de leur mode opératoire, que de leurs soubassements
    idéologiques. Djihadisme aujourd'hui, panislamisme puis panturquisme
    mtiné de fanatisme religieux hier, il s'agit dans tous les cas de
    totalitarismes, qui trouvent leur ancrage dans un même socle
    dogmatique et qui conspirent avec la même obsession à l'abolition de
    toute forme de différence spirituelle ou culturelle dans leur sphère
    d'influence - a fortiori à l'égard d'entités aussi hérétiques à leurs
    yeux que peut l'être l'Arménie.

    Il ne se passe plus un jour sans que l'on ait à déplorer les
    conséquences dramatiques de ces doctrines sur les chrétiens d'Orient,
    les Yézidis, les Kurdes, les forces démocratiques. On en retrouve
    également la trace dans les stratégies d'étouffement visant cette
    petite aire d'altérité qui résiste, vaille que vaille, entre Erevan et
    Stépanakert. Ces boucheries qui puisent aujourd'hui leur source dans
    un djihadisme échevelé, lui-même objectivement encouragé par les
    velléités ottomanistes des autorités turques actuelles, donnent une
    résonance particulière à la commémoration du génocide. Elles montrent
    qu'en cent ans, rien n'a hélas beaucoup changé dans cette zone : les
    mécanismes qui ont conduit à l'éradication des Arméniens, des
    chrétiens, des Yézidis ou des Juifs sont toujours à l'oeuvre. Et, faute
    d'avoir instruit en temps et en heure le procès de ces idéologies
    criminelles, comme on a réglé le sort du nazisme après la Deuxième
    Guerre mondiale, ou comme les ex-peuples soviétiques ont fait celui du
    stalinisme, elles continuent à produire leurs effets dévastateurs. Pas
    seulement au Moyen-Orient. En témoigne la vague de terrorisme sans
    précédent à laquelle doivent faire face les démocraties.

    Ce qui est en train de se jouer, avec ce centième anniversaire du
    génocide de 1915, n'a pas seulement trait à la justice - ô combien
    tardive ! - pour le peuple arménien, au besoin impérieux de rattraper
    le temps perdu en matière de réparations ou au combat pour la dignité
    humaine. Les enjeux sont aussi liés à la défense de ces poches
    d'exception culturelle, dont celle du Haut-Karabagh, qui n'ont pas
    encore été englouties par le fléau du totalitarisme religieux et de
    l'expansionnisme, en particulier dans ses versions actuelles, qu'elles
    soient ottomanistes ou djihadistes. Il s'agit, en filigrane, de
    réactiver une résistance démocratique susceptible de faire barrage à
    une barbarie multiforme, qu'on n'a pas voulu éradiquer il y a cent ans
    et qui ressurgit aujourd'hui, sous d'autres masques.

    Ara Toranian

    dimanche 29 mars 2015,
    Ara (c)armenews.com
    http://www.armenews.com/article.php3?id_article=109613

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