TURQUIE : LA CARICATURE D'ISLAMISTES, ET SES LIMITES
Publié le : 30-03-2015
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=87011
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
propose cet article d'Etienne Copeaux, chercheur francais spécialiste
de la Turquie, publié sur son blog susam-sokak.fr le 24 mars 2015.
Susam-Sokak
Esquisse n° 54-2 - La caricature d'islamistes, et ses limites
21 Mars 2015
Publié par Etienne Copeaux
Dans l'article précédent, je voulais simplement rappeler la
mémoire d'un caricaturiste turc assassiné avec 36 autres artistes
et intellectuels en 1993. Mais il y a, dans plusieurs dessins des
artistes qui lui ont rendu hommage, un procédé graphique que je
dois souligner pour avancer dans l'analyse. Lorsque les incendiaires
de l'hôtel Madımak sont représentés, ils le sont invariablement
dans des tenues Â" islamistes Â" : vêtus de djellabas, coiffés de
turbans, de calottes, ou du couvre-chef propre aux imams (sarık),
chaussés des socques qu'on met pour les ablutions, parfois affublés
d'un chapelet (tesbih).
Or, sur les nombreuses photos de la foule des émeutiers visibles
sur Internet, on ne peut distinguer que quelques personnes répondant
partiellement a ce signalement. L'immense majorité des émeutiers,
tous des hommes, sont jeunes, imberbes, et sans caractère particulier
sauf lorsqu'ils font de la main le signe du Loup gris (index et
auriculaire dressé, majeur et annulaire joints au pouce). Apparemment,
la foule est composée tant d'activistes d'extrême-droite que
d'islamistes (index seul dressé, symbole de l'unicité de Dieu).
Les caricaturistes présentés précédemment se sont conformés a
un modèle qui préexistait dans la société, et qui s'est encore
développé durant l'année d'exercice du pouvoir par la coalition
Refahyol. En dehors de cette période, il n'était guère visible dans
la réalité, mais chaque apparition, a Istanbul ou Ankara, d'un tel
Â" déguisé Â" dans un lieu public éloigné des quartiers les plus
réactionnaires était une aubaine pour les photographes de presse, et
le porteur de djellaba apparaissait presque immanquablement en une des
journaux laïcistes. L'image se répandait et les dessinateurs avaient
justement besoin d'une cible graphique visible et reconnaissable,
identifiable immédiatement par la tenue dite Â" islamique Â". En
dotant, en outre, ces barbus de visages aux expressions haineuses,
en placant dans leurs mains des bidons d'essence ou des torches
brÃ"lantes, on obtient la caricature-type de l'islamiste.
On ne peut parler de mensonge graphique, car c'est bien l'islam
politique, secondé par l'extrême-droite, qui a tué a Sivas en
1993. La tenue imaginée des émeutiers permet aux dessinateurs un
raccourci commode, une lisibilité immédiate, une dénonciation
plus efficace par extrapolation d'un modèle plutôt marginal. En
France, Plantu, dans Le Monde, a fait le même raccourci chaque fois
qu'il placait une kalachnikov a l'épaule d'un barbu en djellaba. Le
stéréotype est désormais ancré dans les cerveaux, il est un code
dont la construction obéit a la règle de la visibilité.
Lire la suite sur le blog d'Etienne Copeaux susam-sokak.fr.
Lire aussi :
Turquie: Asaf Kocak, caricaturiste mort a Sivas (1993)
Source/Lien : Infos Collectif VAN
From: A. Papazian
Publié le : 30-03-2015
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de la Turquie, publié sur son blog susam-sokak.fr le 24 mars 2015.
Susam-Sokak
Esquisse n° 54-2 - La caricature d'islamistes, et ses limites
21 Mars 2015
Publié par Etienne Copeaux
Dans l'article précédent, je voulais simplement rappeler la
mémoire d'un caricaturiste turc assassiné avec 36 autres artistes
et intellectuels en 1993. Mais il y a, dans plusieurs dessins des
artistes qui lui ont rendu hommage, un procédé graphique que je
dois souligner pour avancer dans l'analyse. Lorsque les incendiaires
de l'hôtel Madımak sont représentés, ils le sont invariablement
dans des tenues Â" islamistes Â" : vêtus de djellabas, coiffés de
turbans, de calottes, ou du couvre-chef propre aux imams (sarık),
chaussés des socques qu'on met pour les ablutions, parfois affublés
d'un chapelet (tesbih).
Or, sur les nombreuses photos de la foule des émeutiers visibles
sur Internet, on ne peut distinguer que quelques personnes répondant
partiellement a ce signalement. L'immense majorité des émeutiers,
tous des hommes, sont jeunes, imberbes, et sans caractère particulier
sauf lorsqu'ils font de la main le signe du Loup gris (index et
auriculaire dressé, majeur et annulaire joints au pouce). Apparemment,
la foule est composée tant d'activistes d'extrême-droite que
d'islamistes (index seul dressé, symbole de l'unicité de Dieu).
Les caricaturistes présentés précédemment se sont conformés a
un modèle qui préexistait dans la société, et qui s'est encore
développé durant l'année d'exercice du pouvoir par la coalition
Refahyol. En dehors de cette période, il n'était guère visible dans
la réalité, mais chaque apparition, a Istanbul ou Ankara, d'un tel
Â" déguisé Â" dans un lieu public éloigné des quartiers les plus
réactionnaires était une aubaine pour les photographes de presse, et
le porteur de djellaba apparaissait presque immanquablement en une des
journaux laïcistes. L'image se répandait et les dessinateurs avaient
justement besoin d'une cible graphique visible et reconnaissable,
identifiable immédiatement par la tenue dite Â" islamique Â". En
dotant, en outre, ces barbus de visages aux expressions haineuses,
en placant dans leurs mains des bidons d'essence ou des torches
brÃ"lantes, on obtient la caricature-type de l'islamiste.
On ne peut parler de mensonge graphique, car c'est bien l'islam
politique, secondé par l'extrême-droite, qui a tué a Sivas en
1993. La tenue imaginée des émeutiers permet aux dessinateurs un
raccourci commode, une lisibilité immédiate, une dénonciation
plus efficace par extrapolation d'un modèle plutôt marginal. En
France, Plantu, dans Le Monde, a fait le même raccourci chaque fois
qu'il placait une kalachnikov a l'épaule d'un barbu en djellaba. Le
stéréotype est désormais ancré dans les cerveaux, il est un code
dont la construction obéit a la règle de la visibilité.
Lire la suite sur le blog d'Etienne Copeaux susam-sokak.fr.
Lire aussi :
Turquie: Asaf Kocak, caricaturiste mort a Sivas (1993)
Source/Lien : Infos Collectif VAN
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