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Nice - Patrimoine vivant; Histoires de familles

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    Le Point
    24 juin 2004

    Nice - Patrimoine vivant; Histoires de familles

    AUTEUR: Christophe Courau

    Le Bottin de Nice est un livre d'histoire. Les patronymes des grandes
    familles, certaines établies depuis le Moyen Age, y côtoient des noms
    de lignées immigrées du Piémont, réfugiées de Russie ou rapatriées
    d'Algérie - sans parler des Français « de l'intérieur ». Autant de
    tribus à convoquer pour raconter la saga de cette ville à part.

    Ils sont tous niçois. Sacristain, médecin, employée municipale,
    avocat à la retraite, ou responsable des chauffeurs de la ville,
    chacun d'entre eux porte un nom illustre. Ce sont les descendants des
    « consuls », ces quelque 340 familles qui ont dirigé Nice pendant
    quatre siècles, du XVe au XVIIe.

    La plupart de ces patronymes renommés figurent toujours dans le
    bottin local.« Les consuls n'étaient pas confinés à un cercle social
    » , observe Hervé Barelli, chargé de mission Patrimoine et Culture
    régionale auprès du sénateur-maire. Celui qui se définit en souriant
    comme« chargé des affaires autochtones » récuse toute idée de
    dynasties.« S'il fallait vraiment caractériser ces familles, il
    vaudrait mieux utiliser le mot de tribus , assure-t-il.On serait,
    pour la plupart d'entre elles, bien incapable de retracer avec
    certitude leurs liens avec les consuls qui portaient leur nom. Mis à
    part certaines familles nobles, bien identifiées. » Mais une partie
    de la noblesse locale est issue de la bourgeoisie :« Les bourgeois
    qui ont bien servi les intérêts du prince de Savoie, chef de l'Etat
    du comté de Nice jusqu'en 1860, ont été anoblis » , rappelle
    l'historien.

    Grands ancêtres

    L'histoire a ainsi retenu le nom de la famille Peyre. Etablie à Nice
    depuis au moins 1333, elle devient l'une des riches familles
    marchandes du XVIe siècle. Le grand ancêtre s'appelle Guido. Il aura
    quatre fils, dont les diverses branches participeront régulièrement à
    la vie de la cité. Le fils aîné, Honoré, sera consul en 1756 et son
    propre fils, Jean-Baptiste, le sera à son tour en 1610. Le deuxième
    fils, Guido, sera trésorier de la ville entre 1569 et 1576. Parmi ses
    descendants, on note un certain Pierre-Jean, docteur ès lois et
    avocat au sénat de Nice, mais aussi Louis-François, consul en 1707,
    ou encore Ange-Louis, coseigneur de Chteauneuf.

    Le troisième fils de Guido, Lancelot, exercera la fonction d'avocat
    et l'un de ses héritiers, Emmanuel Philibert, poursuivant la
    tradition juridique de la famille, sera au XIXe siècle avocat général
    du royaume de Savoie. Enfin, le dernier rejeton de Guido Peyre, Jean,
    sera anobli en 1617. La nombreuse descendance de ce riche commerçant,
    devenu marquis de Chteauneuf, donnera à de nombreuses reprises des
    consuls à la ville. En 1828, le dernier descendant du marquisat
    disparaît sans héritier. Le titre passera, de fille en neveu, jusqu'à
    la famille de Cessole.

    Noblesse savoyarde

    Cette dernière famille est, elle aussi, issue du commerce. Joseph
    Spitalieri, négociant, s'établit à Nice au début du XVIIIe siècle.
    Son fils, Honoré-François, sera consul à deux reprises et acquiert le
    fief comtal de Cessole, dans le Piémont. La famille Spitalieri de
    Cessole restera active dans la vie politique niçoise tout au long du
    XIXe siècle. En 1937, le dernier des Cessole, Victor, fera don de sa
    bibliothèque à la ville.

    Parmi ceux qui ont eu la chance d'être anoblis par les Savoie avant
    1860 figurent aussi les Avigdor. Cette famille d'origine juive
    s'installe à Nice au XVIIe siècle. Isaac Samuel, né à Nice en 1694,
    démarre un florissant commerce d'étoffe. Un siècle plus tard, Avigdor
    Aîné et Fils constitue l'une des plus importantes sociétés de négoce
    de Méditerranée. Les Avigdor se lancent alors dans la banque et
    créent une filature de soie.

    Un Avigdor deviendra officier municipal en 1800, puis consul de
    Prusse. Son fils, Moïse-Jules, député au parlement de Savoie, sera
    anobli par le duc de Savoie. La dernière représentante de la famille,
    qui habitait encore New York il y a une dizaine d'années, n'oubliera
    pas sa ville d'origine : elle a légué sa collection de tableaux au
    musée des Beaux-Arts de Nice.

    Nouveaux notables

    Avec le rattachement définitif du comté de Nice à la France, la
    plupart des grandes maisons aristocratiques partent pour l'Italie, où
    le duc de Savoie va devenir roi d'Italie. Ne restent à Nice que des
    familles bourgeoises, dont quelques-unes seront anoblies par Napoléon
    III. Peu importe. Au milieu du XIXe siècle, la particule n'est plus
    indispensable à la notabilité.

    Ainsi, François Maulausséna (1844-1882), fils de notaire devenu
    avocat puis membre du conseil communal en 1855, choisira de se
    rallier à la France. Devenu maire, puis député, il s'efforce de faire
    valoir Nice auprès des autorités parisiennes. La fin de l'Empire le
    prend par surprise et Malausséna démissionne. Son fils reprendra la
    tradition en devenant à son tour député.

    Une simple recherche dans l'annuaire du nom de Malausséna donne
    aujourd'hui encore 58 réponses pour la seule ville de Nice. De même,
    le nom de Baréty est encore porté le long de la baie des Anges.
    Alexandre Barety (1844-1918) exerce la profession de médecin. Il
    fonde l'Academia nissarda, avant d'entrer en politique. Il finira
    vice-président du conseil général. Son fils Léon Barety (1883-1971)
    est, lui, président du conseil général des Alpes-Maritimes. Député,
    plusieurs fois ministre, il plaidera inlassablement pour l'expansion
    française outre-mer.

    « Définir aujourd'hui les grandes familles niçoises reste très
    compliqué » , souffle Hervé Barelli. Selon l'historien, celles
    d'avant 1860 se sont alliées sans difficultés aux immigrants
    italiens. Ces « vieux Niçois » se regroupent au sein de l'Academia
    nissarda, dont les membres doivent prouver que leurs parents et leurs
    grands-parents étaient niçois. Principalement catholiques, ils se
    retrouvent aussi au sein d'associations religieuses comme
    l'archiconfrérie de la Sainte-Croix (les pénitents blancs). Quant à
    la présence israélite, elle a toujours été importante à Nice.« Au
    départ, elle est principalement constituée des juifs chassés de
    France ou d'Espagne qui se sont installés ici pour fuir les
    persécutions. Aujourd'hui, la grande majorité d'entre eux sont des
    rapatriés d'Afrique du Nord » , explique le chargé de mission. Malgré
    une présence ancienne, peu de Russes sont devenus des notables
    niçois.

    C'est à peine si l'on compte un docteur, Michel Rosanoff, dont une
    rue rappelle l'attachement à la ville.

    Arméniens et Italiens

    En revanche, les 2 000 à 3 000 familles arméniennes implantées dans
    le quartier de la Madeleine se sont assimilés rapidement aux
    immigrants italiens. Ils partageaient leurs conditions économiques
    difficiles et se sont mis à parler lalengua nissart . Plus tard, les
    pieds-noirs, qui viendront s'installer en grand nombre, pèseront d'un
    poids politique et social non négligeable dans la vie de la cité. On
    n'oubliera pas non plus la grande diaspora corse, toujours importante
    en ville.« Nice a longtemps été l'université la plus proche de Corse,
    avant la création récente de Corte » , rappelle Hervé Barelli.

    Mais Nice est aussi peuplée de « Français de l'intérieur », attirés
    par la douceur de vivre de la Côte d'Azur. Une autre tribu bien
    difficile à cerner. La maison des provinces, dans le vieux Nice,
    regroupe d'ailleurs une vingtaine d'associations de néo-Niçois venus
    des quatre coins de France, Bretons ou Berrichons de Nice...« Puisque
    ces associations continuent d'exister, peut-être que ces gens ne se
    considèrent pas comme des Niçois à part entière... » , s'interroge
    Hervé Barelli.
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