Le Monde, France
07 octobre 2004
La Commission européenne entrouvre la porte à la Turquie
UNION EUROPEENNE
Le collège des commissaires se prononce, mercredi 6 octobre, pour
l'ouverture des négociations d'adhésion avec Ankara. Mais ce
processus est durci et une clause de rupture est introduite. Les
discussions devront se poursuivre une dizaine d'années pour
satisfaire les conditions de l'UE
Arnaud Leparmentier
BRUXELLES de notre bureau européen
C'est par un « oui » assorti denombreusesconditions que la Commission
européenne devait répondre, mercredi 6 octobre, à la demande de la
Turquie d'ouvrir des négociations d'adhésion. Dans sa recommandation
de 9 pages, le collège des commissaires européens se prononce pour
l'ouverture de négociations maisdurcit sensiblement ce processus de
discussion, précisant que « les résultats ne peuvent être garantis à
l'avance ». Une clause de suspension des négociations est introduite
et plusieurs restrictions sont faites concernant la liberté de
circulation des travailleurs turcs et le versement des aides
européennes. La Turquie s'agace des nombreusesréserves exprimésdans
les pays européens. En France, M. Bayrou, opposant à l'adhésion de la
Turquie, demande que le gouvernement engage sa responsabilité.
TEXTE-ARTICLE:
La Commission européenne devait proposer, mercredi 6 octobre, à
l'Union européenne (UE) d'ouvrir des négociations d'adhésion avec la
Turquie. Dans une recommandation de neuf pages, l'institution
présidée par Romano Prodi propose d'encadrer strictement le processus
d'adhésion. Le texte, qui tente de répondre à toutes les questions
posées par une éventuelle entrée de la Turquie dans l'UE, servira de
base de travail aux chefs d'Etat et de gouvernement, qui doivent
décider au plus tard le 17 décembre de l'ouverture des négociations.
Mercredi, M. Prodi cherchait à obtenir l'unanimité au sein de son
collège sur ce texte, espérant grce à d'ultimes amendements rallier
les commissaires les plus réticents.
Critères démocratiques.
La Commission estime que « la Turquie satisfait suffisamment aux
critères politiques et recommande l'ouverture de négociations ».
Cette appréciation est conditionnée à la mise en oeuvre d'une série
de lois déjà votées, en particulier le nouveau code pénal et la loi
sur les associations. Ankara a accompli « des progrès substantiels
dans son processus de réforme politique », mais des problèmes
demeurent dans le respect concret de l'Etat de droit, des minorités
religieuses, des droits syndicaux. La torture et les mauvais
traitements ayant suscité de graves interrogations chez de nombreux
commissaires, la recommandation précise qu' « en dépit des efforts
importants la mise en oeuvre doit être encore consolidée ». Elle
ajoute que « l'irréversibilité du processus de réforme, en
particulier sa mise en oeuvre, devra être confirmée sur une plus
longue période ». La recommandation insiste sur la nécessité de
débattre avec la société civile. Cette disposition a pour objectif de
forcer les autorités turques à discuter avec les organisations non
gouvernementales (ONG).
Des négociations à l'issue ouverte.
La Turquie n'est pas assurée de devenir membre de l'Union. « Il
s'agit d'un processus ouvert dont les résultats ne peuvent pas être
garantis à l'avance », précise la recommandation, qui ajoute qu '«
indépendamment du résultat des négociations ou du processus de
ratification qui pourrait en découler, les relations entre l'Union
européenne et la Turquie doivent garantir que la Turquie reste ancrée
aux structures européennes ». Sans expliciter la piste d'un «
partenariat privilégié », réclamé par l'UMP en France et la droite
allemande, le texte débattu mercredi ouvrait la voie à un scénario
autre que l'adhésion, en cas d'échec des négociations ou des
référendums sur l'adhésion.
La suspension des négociations.
La Commission a prévu un système de « frein à main », selon la
formule d'un rédacteur du projet, si la Turquie ne confirme pas sa
démocratisation. « En cas de violation grave et persistante des
principes de liberté, de démocratie, de respect des droits de l'homme
et des libertés fondamentales, la Commission recommande la suspension
des négociations et le conseil en décide à la majorité », préconise
la recommandation. Le texte précise que les conférences
intergouvernementales exigent l'unanimité, ce qui permet de
réaffirmer le droit de veto de chaque Etat.
Une adhésion prévue vers 2015.
La Commission précise que l'adhésion ne pourra pas avoir lieu avant
que les Européens aient décidé du budget européen à partir de 2014.
Cela équivaut à prévoir une adhésion vers 2015. Les négociations
seraient conduites de manière plus stricte que par le passé. Pour
clore un chapitre de négociations, la Commission ne se contentera pas
de promesses de réformes, mais devra tirer un bilan satisfaisant de
leur mise en oeuvre.
La non-liberté de circulation des travailleurs turcs.
De nombreux pays européens craignent un afflux d'immigrés turcs. La
Commission précise que « des clauses de sauvegarde permanentes
pourraient être envisagées pour la libre circulation des travailleurs
». Cette mesure, qui ne fait pas l'unanimité, vise à rassurer les
populations européennes mais priverait les Turcs d'une des libertés
fondamentales de l'Union.
Préservation des politiques agricole et régionale.
La Commission estime que le coût de l'adhésion sera de 0,17 % du
produit intérieur brut (PIB) de l'Union (environ 25 milliards d'euros
à l'horizon 2020). Le texte ne prévoit pas un relèvement du plafond
du budget de l'Union, actuellement fixé à 1,27 % du PIB. Il précise
que les négociations se feront « sur la base de l'acquis »
communautaire, ce qui signifie que c'est la Turquie qui devra
s'adapter à l'UE et pas l'inverse. Pour éviter que l'essentiel des
subsides des politiques agricole et régionale soit absorbé par la
Turquie, « des dispositions spécifiques pourront être exigées ». La
Turquie pourrait donc avoir un traitement à part en Europe.
Chypre et l'Arménie.
Le texte ne fait pas de la résolution du problème de Chypre, non
reconnue par la Turquie, qui occupe sa partie nord, une condition
préalable à l'ouverture des négociations. Il évoque le problème
indirectement en rappelant que les négociations « se tiennent dans le
cadre d'une conférence intergouvernementale comprenant tous les Etats
membres de l'Union ». Ce libellé, censé rappeler à la Turquie qu'elle
doit cheminer vers une reconnaissance de Chypre, était jugé
insuffisant par certains commissaires.
Le projet de recommandation ne mentionne pas explicitement l'Arménie,
mais insistait sur la nécessité de profiter de la période de
négociation pour que la Turquie améliore ses relations avec ses
voisins.
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
07 octobre 2004
La Commission européenne entrouvre la porte à la Turquie
UNION EUROPEENNE
Le collège des commissaires se prononce, mercredi 6 octobre, pour
l'ouverture des négociations d'adhésion avec Ankara. Mais ce
processus est durci et une clause de rupture est introduite. Les
discussions devront se poursuivre une dizaine d'années pour
satisfaire les conditions de l'UE
Arnaud Leparmentier
BRUXELLES de notre bureau européen
C'est par un « oui » assorti denombreusesconditions que la Commission
européenne devait répondre, mercredi 6 octobre, à la demande de la
Turquie d'ouvrir des négociations d'adhésion. Dans sa recommandation
de 9 pages, le collège des commissaires européens se prononce pour
l'ouverture de négociations maisdurcit sensiblement ce processus de
discussion, précisant que « les résultats ne peuvent être garantis à
l'avance ». Une clause de suspension des négociations est introduite
et plusieurs restrictions sont faites concernant la liberté de
circulation des travailleurs turcs et le versement des aides
européennes. La Turquie s'agace des nombreusesréserves exprimésdans
les pays européens. En France, M. Bayrou, opposant à l'adhésion de la
Turquie, demande que le gouvernement engage sa responsabilité.
TEXTE-ARTICLE:
La Commission européenne devait proposer, mercredi 6 octobre, à
l'Union européenne (UE) d'ouvrir des négociations d'adhésion avec la
Turquie. Dans une recommandation de neuf pages, l'institution
présidée par Romano Prodi propose d'encadrer strictement le processus
d'adhésion. Le texte, qui tente de répondre à toutes les questions
posées par une éventuelle entrée de la Turquie dans l'UE, servira de
base de travail aux chefs d'Etat et de gouvernement, qui doivent
décider au plus tard le 17 décembre de l'ouverture des négociations.
Mercredi, M. Prodi cherchait à obtenir l'unanimité au sein de son
collège sur ce texte, espérant grce à d'ultimes amendements rallier
les commissaires les plus réticents.
Critères démocratiques.
La Commission estime que « la Turquie satisfait suffisamment aux
critères politiques et recommande l'ouverture de négociations ».
Cette appréciation est conditionnée à la mise en oeuvre d'une série
de lois déjà votées, en particulier le nouveau code pénal et la loi
sur les associations. Ankara a accompli « des progrès substantiels
dans son processus de réforme politique », mais des problèmes
demeurent dans le respect concret de l'Etat de droit, des minorités
religieuses, des droits syndicaux. La torture et les mauvais
traitements ayant suscité de graves interrogations chez de nombreux
commissaires, la recommandation précise qu' « en dépit des efforts
importants la mise en oeuvre doit être encore consolidée ». Elle
ajoute que « l'irréversibilité du processus de réforme, en
particulier sa mise en oeuvre, devra être confirmée sur une plus
longue période ». La recommandation insiste sur la nécessité de
débattre avec la société civile. Cette disposition a pour objectif de
forcer les autorités turques à discuter avec les organisations non
gouvernementales (ONG).
Des négociations à l'issue ouverte.
La Turquie n'est pas assurée de devenir membre de l'Union. « Il
s'agit d'un processus ouvert dont les résultats ne peuvent pas être
garantis à l'avance », précise la recommandation, qui ajoute qu '«
indépendamment du résultat des négociations ou du processus de
ratification qui pourrait en découler, les relations entre l'Union
européenne et la Turquie doivent garantir que la Turquie reste ancrée
aux structures européennes ». Sans expliciter la piste d'un «
partenariat privilégié », réclamé par l'UMP en France et la droite
allemande, le texte débattu mercredi ouvrait la voie à un scénario
autre que l'adhésion, en cas d'échec des négociations ou des
référendums sur l'adhésion.
La suspension des négociations.
La Commission a prévu un système de « frein à main », selon la
formule d'un rédacteur du projet, si la Turquie ne confirme pas sa
démocratisation. « En cas de violation grave et persistante des
principes de liberté, de démocratie, de respect des droits de l'homme
et des libertés fondamentales, la Commission recommande la suspension
des négociations et le conseil en décide à la majorité », préconise
la recommandation. Le texte précise que les conférences
intergouvernementales exigent l'unanimité, ce qui permet de
réaffirmer le droit de veto de chaque Etat.
Une adhésion prévue vers 2015.
La Commission précise que l'adhésion ne pourra pas avoir lieu avant
que les Européens aient décidé du budget européen à partir de 2014.
Cela équivaut à prévoir une adhésion vers 2015. Les négociations
seraient conduites de manière plus stricte que par le passé. Pour
clore un chapitre de négociations, la Commission ne se contentera pas
de promesses de réformes, mais devra tirer un bilan satisfaisant de
leur mise en oeuvre.
La non-liberté de circulation des travailleurs turcs.
De nombreux pays européens craignent un afflux d'immigrés turcs. La
Commission précise que « des clauses de sauvegarde permanentes
pourraient être envisagées pour la libre circulation des travailleurs
». Cette mesure, qui ne fait pas l'unanimité, vise à rassurer les
populations européennes mais priverait les Turcs d'une des libertés
fondamentales de l'Union.
Préservation des politiques agricole et régionale.
La Commission estime que le coût de l'adhésion sera de 0,17 % du
produit intérieur brut (PIB) de l'Union (environ 25 milliards d'euros
à l'horizon 2020). Le texte ne prévoit pas un relèvement du plafond
du budget de l'Union, actuellement fixé à 1,27 % du PIB. Il précise
que les négociations se feront « sur la base de l'acquis »
communautaire, ce qui signifie que c'est la Turquie qui devra
s'adapter à l'UE et pas l'inverse. Pour éviter que l'essentiel des
subsides des politiques agricole et régionale soit absorbé par la
Turquie, « des dispositions spécifiques pourront être exigées ». La
Turquie pourrait donc avoir un traitement à part en Europe.
Chypre et l'Arménie.
Le texte ne fait pas de la résolution du problème de Chypre, non
reconnue par la Turquie, qui occupe sa partie nord, une condition
préalable à l'ouverture des négociations. Il évoque le problème
indirectement en rappelant que les négociations « se tiennent dans le
cadre d'une conférence intergouvernementale comprenant tous les Etats
membres de l'Union ». Ce libellé, censé rappeler à la Turquie qu'elle
doit cheminer vers une reconnaissance de Chypre, était jugé
insuffisant par certains commissaires.
Le projet de recommandation ne mentionne pas explicitement l'Arménie,
mais insistait sur la nécessité de profiter de la période de
négociation pour que la Turquie améliore ses relations avec ses
voisins.
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress