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La societe turque commence a s'interroger sur la question armenienne

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  • La societe turque commence a s'interroger sur la question armenienne

    Agence France Presse
    19 janvier 2005 mercredi 8:45 AM GMT

    La société turque commence à s'interroger sur la question arménienne
    (PAPIER D'ANGLE)

    ISTANBUL

    Alors qu'à Istanbul une exposition consacrée à la vie quotidienne des
    Arméniens en Anatolie au début du XXe siècle bat des records
    d'entrées, la société turque commence à s'interroger sur la question
    arménienne, occultée pendant 90 ans par l'histoire officielle.

    Inaugurée le 8 janvier, l'exposition "Mon cher frère" a accueilli
    quelque 6.000 visiteurs en une dizaine de jours selon ses
    organisateurs, un record pour une galerie stambouliote.

    A travers 500 cartes postales d'époque, "Mon cher frère" s'efforce de
    démontrer, chiffres à l'appui et ville par ville, l'omniprésence des
    communautés arméniennes sur le territoire ottoman et leur rôle dans
    la société.

    "En Turquie, l'histoire a toujours été enseignée par rapport au seul
    peuple turc, comme s'il n'y avait jamais eu que lui sur ce
    territoire. Quand on parle des Arméniens, ils ne sont pas décrits
    comme une partie intégrante de la société mais comme une source de
    problèmes", explique Osman Koker, directeur de l'exposition.

    "C'est pour remplir ce vide, parce que j'ai une fille de 11 ans qui
    reçoit ce genre d'éducation à l'école que j'ai décidé de publier un
    livre et de monter une exposition", poursuit cet historien devenu
    éditeur.

    "Sans cette prise de conscience, il restera impossible de discuter
    des événements de 1915", ajoute-t-il, en référence aux massacres
    d'Arméniens commis entre 1915 et 1917 par les armées ottomanes.

    Convaincu des interrogations croissantes de la société turque sur son
    propre passé, M. Koker n'en estime pas moins qu'un changement de
    mentalités prendra du temps. "Une majorité du public, surtout en
    province, considère encore le simple mot d'Arménien comme une
    insulte", estime-t-il.

    Même si une poignée d'universitaires et d'historiens amateurs ont
    entrepris de revisiter l'histoire turque, on ne brise pas aisément un
    tabou profondément installé dans les esprits par 90 ans d'histoire
    officielle.

    "Jusqu'en 1980, les manuels scolaires turcs ne parlaient tout
    simplement pas des massacres d'Arméniens", résume Fabio Salomoni,
    auteur d'un mémoire sur le système scolaire turc.

    "Avec les premières reconnaissances du "génocide" par des Etats
    occidentaux et la multiplication des attentats de l'Asala (une
    organisation terroriste arménienne), un paragraphe a ensuite été
    ajouté excluant toute responsabilité turque dans la mort des
    Arméniens, expliquée par un contexte de guerre et les rigueurs
    climatiques", poursuit-il.

    Si la Turquie reconnaît la réalité des massacres, elle récuse le
    terme de "génocide" et les chiffres de 1,2 à 1,3 million de morts
    avancés les Arméniens, estimant le nombre de victimes à 250.000 ou
    300.000.

    Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a certes inauguré début
    décembre -peu avant le sommet européen de Bruxelles, qui a donné une
    date à Ankara pour le début de négociations d'adhésion à l'Union
    européenne- un musée arménien à Istanbul, mais il n'est pas question
    de revenir sur les dogmes en vigueur.

    Plusieurs officines subventionnées par l'Etat continuent ainsi de
    mener des recherches censées démontrer que s'il y a eu génocide,
    celui-ci a plutôt été perpétré par les Arméniens contre les Turcs.

    "On ne peut pas parler de changement profond au niveau étatique",
    commente Tarin Karakasli, du journal arménien Agos. "L'évolution a
    lieu dans l'élite intellectuelle, qui commence à discuter ouvertement
    du sujet, à encourager la publication d'ouvrages alternatifs".

    La jeune femme se félicite du rôle joué par l'UE, qui "contribue à
    briser le tabou arménien" en encourageant la démocratisation de la
    Turquie, mais déplore la position de la France, souhaitant faire de
    la reconnaissance du "génocide" un préalable à l'adhésion turque.

    "Ces pressions ne servent à rien, la question ne pourra se résoudre
    que par des dynamiques internes", estime-t-elle.

    "La population turque n'a pas encore pleinement conscience du
    problème; dans ce contexte, imposer une solution ne peut que susciter
    des réactions hostiles", renchérit Etyen Mahcupyan, Arménien
    d'Istanbul et chroniqueur du quotidien Zaman.
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