" OÙ EN EST LA TURQUIE AVEC SON " PROBLÈME ARMENIEN " ? " PAR SAHIN ALPAY
par Stephane
armenews
vendredi7 mai 2010
PRESSE TURQUE
Sahin Alpay, sans doute pour montrer la generosite de l'intelligentsia
turque, nous apprend qu'un diplomate avait suggere a Gul de proposer
aux Armeniens d'Erevan la citoyennete turque ! Selon lui, une majorite
de turcs qui connaissant l'histoire sont en gros d'accord avec le
gouvernement pour ne voir dans 'les evenements' de 1915 que des
tueries entre musulmans et Armeniens ! On n'est plus très loin des
luttes intercommunautaires de banlieue ! Mais le journaliste nous
ressert le couplet sur la vocation des parlements qui n'est pas de
porter des jugements sur des faits historiques. On sait bien, depuis
Geoffrey Robertson, que "genocide" est un terme juridique, un crime
defini dans le droit international. L'histoire, ce sont des faits,
et les parlements, qui creent du droit, caracterisent ces faits en
genocide. Collectif d'historiens effarouches et autres Chandernagor
ou Lang ont assez balade les Armeniens avec ca...
On craint que ce long article, reprenant au fond contre-verites
et faux-fuyants, n'apportera rien, si ce n'est la reponse a la
question-titre, 'où en est la Turquie avec son problème armenien' :
nulle part.
Mais il y a quand meme une lueur : on pourra voir dans cet article
au detour de l'avant dernier paragraphe, dans son sens direct,
l'expression -Genocide Armenien- libre de tout guillemet. Certainement
une première dans un journal turc depuis longtemps.
Gilbert Beguian
" Où en est la Turquie avec son " Problème armenien " ? "
SAHIN ALPAY
La Turquie a un problème connu sous le nom de 'problème armenien'. Il
concerne la facon dont l'etat turc et la societe turque doivent faire
face a leur histoire relativement a la grande tragedie qui toucha
les Armeniens ottomans, quand les dictateurs de Union et Progrès,
pendant la Première Guerre Mondiale, en reponse a la revolte des
nationalistes armeniens qui se sont mis aux côtes de l'ennemi russe,
ont puni les citoyens armeniens dans leur presque totalite en les
deportant de force en Syrie, provoquant la mort de plusieurs centaines
de milliers d'entre eux par des massacres, la famine et les epidemies.
Cette question a ressurgi recemment quand la Commission des Affaires
etrangères de la Chambre des Representants de l'"allie strategique"
de la Turquie, a adopte le 4 mars une resolution pour appeler le
President a declarer genocide les deportations et les massacres des
Armeniens ottoman en 1915. Une semaine plus tard, le 11 mars, le
parlement de Suède, le pays supportant le plus fort la candidature
la Turquie pour sa candidature a l'Union Europeenne, adoptait une
resolution appelant a la reconnaissance non seulement du genocide des
Assyriens, mais aussi des Armeniens et des grecs pontiques en Turquie.
Le parlement suedois est devenu le 20 ème parlement a reconnaître le
'Genocide Armenien'. Contestant les resolutions, le gouvernement
turc a rappele ses ambassadeurs a Washington et a Stockholm pour
consultations, une mesure qui n'a pas ete prise quand les parlements
francais, allemand, italien, polonais et russe avaient adopte des
resolutions similaires.
Il y a differentes approches au problème armenien en Turquie, a la
fois au niveau societal et gouvernemental. La plupart de ceux qui ont
quelques connaissances des evenements de la Première Guerre Mondiale
dans l'empire ottoman souscrivent a la ligne officielle qui soutient
en gros que ce qui s'est passe etaient des tueries reciproques de
Musulmans et d'Armeniens. Avec eux se trouvent aussi ceux qui partagent
le souci que si les massacres d'Armeniens etaient consideres comme
genocide, les Armeniens demanderaient des restitutions de propriete et
des compensations, et que l'Armenie ferait des demandes territoriales
a la Turquie. Il y a cependant aussi une minorite dans la societe
turque, en nombre croissant au moins depuis 2005, qui reconnaissent
que le massacre d'Armeniens ottomans a ete une vaste tragedie, voire
un genocide intentionnel comparable a l'Holocauste, et soutenant que
les Armeniens meritent au moins qu'on leur demande pardon.
Ces gens ont organise, peu après que le gouvernement turc ait
propose au gouvernement d'Armenie de negocier afin d'aller vers une
normalisation des relations entre les deux pays, une conference a
Istanbul qui abordait la question "qu'est-il arrive aux Armeniens
ottomans ? " Quand le journaliste turco-armenien Hrant Dink a ete
assassine par des ultranationalistes (suspectes d'avoir des liens avec
l'"etat profond" turc) en 2007, au moins 100 000 personnes marchaient
derrière son cercueil en criant "nous sommes tous des Armeniens ! "
En 2008, plus de 30 000 personnes ont signe une declaration demandant
pardon a leurs "frères et soeurs armeniens" pour ce qui s'etait passe
en 1915. Et quand le president Gul avait visite Erevan, la meme annee,
un ambassadeur a la retraite suggera que le gouvernement turc, ne
serait-ce que de facon symbolique, paie des indemnites aux familles
des victimes des deportations et offre la citoyennete turque a ceux
qui le souhaiteraient .
Il y a cependant des differences d'opinion parmi une minorite. Un
plus petit groupe croit que les resolutions sur le genocide adoptees
par un nombre croissant de parlements aident la Turquie a regarder
son histoire en face. Pour la plupart, ils croient que les parlements
n'ont pas vocation a porter des jugements sur des faits historiques,
que les resolutions sont seulement motivees par des considerations
l'humanitaires ou idealistes, mais aussi par l'espoir de gagner des
voix lors des elections ou pour se venger de la Turquie pour telle
ou telle raison. Ils pensent que pour obtenir de la Turquie qu'elle
regarde son histoire en face, il est necessaire d'ôter le voile de
l'ignorance au sein du peuple turc sur le sort des Armeniens ottomans,
aidee en cela par la normalisation des relations entre la Turquie et
l'Armenie. Ils ressentent les resolutions negativement parce qu'elles
declenchent des reactions nationalistes et genent par consequent la
normalisation des relations. J'appartiens resolument a ce groupe.
Vis a vis du gouvernement, on peut soutenir que le parti au
pouvoir actuellement, le Parti Justice et Developpement (AKP) se
distingue des gouvernements precedents qui ont refuse d'etablir
des relations diplomatiques avec l'Armenie et ferme les frontières
lorsque les Armeniens ont envahi l'Azerbaïdjan dans la guerre pour le
Nagorno-Karabagh. Ce gouvernement a propose au gouvernement armenien
en 2005 des negociations en vue de normaliser leurs relations entre
les deux pays, et les negociations sont allees jusqu'a la signature
par les deux parties de protocoles en octobre l'an passe pour etablir
des relations diplomatiques et ouvrir les frontières. La ratification
des protocoles s'est malheureusement bloquee, due principalement
a Ankara, sous la pression de l'Azerbaïdjan, avec laquelle elle a
des liens culturels et economiques, et la puissant lobby azeri en
Turquie declarant que la ratification depend de l'acceptation par
l'Armenie de faire des pas vers la normalisation avec l'Azerbaïdjan. Et
malheureusement l'Armenie, qui occupe le cinquième du territoire de
l'Azerbaïdjan, forcant près de un million d'Azeris a la condition
d'immigres dans leur propre pays, ne donne aucun signe dans ce sens.
Il y a une difference d'opinions concernant la politique de l'AKP
parmi ceux qui pensent que la Turquie doit faire face a son histoire.
Certains pensent qu'il n'est pas different des autres gouvernements
niant le genocide Armenien ou tragedie. D'autres donnent du credit a
l'idee que le gouvernement AKP, lui aussi, croit que la normalisation
avec l'Armenie est necessaire si la Turquie veut affronter son passe.
Il est possible aussi que le gouvernement AKP soit lui meme divise
sur ce point.
Que peut-il etre fait a ce stade pour aider a resoudre le problème
armenien de la Turquie ? Nous le verrons dans un prochain article.
par Stephane
armenews
vendredi7 mai 2010
PRESSE TURQUE
Sahin Alpay, sans doute pour montrer la generosite de l'intelligentsia
turque, nous apprend qu'un diplomate avait suggere a Gul de proposer
aux Armeniens d'Erevan la citoyennete turque ! Selon lui, une majorite
de turcs qui connaissant l'histoire sont en gros d'accord avec le
gouvernement pour ne voir dans 'les evenements' de 1915 que des
tueries entre musulmans et Armeniens ! On n'est plus très loin des
luttes intercommunautaires de banlieue ! Mais le journaliste nous
ressert le couplet sur la vocation des parlements qui n'est pas de
porter des jugements sur des faits historiques. On sait bien, depuis
Geoffrey Robertson, que "genocide" est un terme juridique, un crime
defini dans le droit international. L'histoire, ce sont des faits,
et les parlements, qui creent du droit, caracterisent ces faits en
genocide. Collectif d'historiens effarouches et autres Chandernagor
ou Lang ont assez balade les Armeniens avec ca...
On craint que ce long article, reprenant au fond contre-verites
et faux-fuyants, n'apportera rien, si ce n'est la reponse a la
question-titre, 'où en est la Turquie avec son problème armenien' :
nulle part.
Mais il y a quand meme une lueur : on pourra voir dans cet article
au detour de l'avant dernier paragraphe, dans son sens direct,
l'expression -Genocide Armenien- libre de tout guillemet. Certainement
une première dans un journal turc depuis longtemps.
Gilbert Beguian
" Où en est la Turquie avec son " Problème armenien " ? "
SAHIN ALPAY
La Turquie a un problème connu sous le nom de 'problème armenien'. Il
concerne la facon dont l'etat turc et la societe turque doivent faire
face a leur histoire relativement a la grande tragedie qui toucha
les Armeniens ottomans, quand les dictateurs de Union et Progrès,
pendant la Première Guerre Mondiale, en reponse a la revolte des
nationalistes armeniens qui se sont mis aux côtes de l'ennemi russe,
ont puni les citoyens armeniens dans leur presque totalite en les
deportant de force en Syrie, provoquant la mort de plusieurs centaines
de milliers d'entre eux par des massacres, la famine et les epidemies.
Cette question a ressurgi recemment quand la Commission des Affaires
etrangères de la Chambre des Representants de l'"allie strategique"
de la Turquie, a adopte le 4 mars une resolution pour appeler le
President a declarer genocide les deportations et les massacres des
Armeniens ottoman en 1915. Une semaine plus tard, le 11 mars, le
parlement de Suède, le pays supportant le plus fort la candidature
la Turquie pour sa candidature a l'Union Europeenne, adoptait une
resolution appelant a la reconnaissance non seulement du genocide des
Assyriens, mais aussi des Armeniens et des grecs pontiques en Turquie.
Le parlement suedois est devenu le 20 ème parlement a reconnaître le
'Genocide Armenien'. Contestant les resolutions, le gouvernement
turc a rappele ses ambassadeurs a Washington et a Stockholm pour
consultations, une mesure qui n'a pas ete prise quand les parlements
francais, allemand, italien, polonais et russe avaient adopte des
resolutions similaires.
Il y a differentes approches au problème armenien en Turquie, a la
fois au niveau societal et gouvernemental. La plupart de ceux qui ont
quelques connaissances des evenements de la Première Guerre Mondiale
dans l'empire ottoman souscrivent a la ligne officielle qui soutient
en gros que ce qui s'est passe etaient des tueries reciproques de
Musulmans et d'Armeniens. Avec eux se trouvent aussi ceux qui partagent
le souci que si les massacres d'Armeniens etaient consideres comme
genocide, les Armeniens demanderaient des restitutions de propriete et
des compensations, et que l'Armenie ferait des demandes territoriales
a la Turquie. Il y a cependant aussi une minorite dans la societe
turque, en nombre croissant au moins depuis 2005, qui reconnaissent
que le massacre d'Armeniens ottomans a ete une vaste tragedie, voire
un genocide intentionnel comparable a l'Holocauste, et soutenant que
les Armeniens meritent au moins qu'on leur demande pardon.
Ces gens ont organise, peu après que le gouvernement turc ait
propose au gouvernement d'Armenie de negocier afin d'aller vers une
normalisation des relations entre les deux pays, une conference a
Istanbul qui abordait la question "qu'est-il arrive aux Armeniens
ottomans ? " Quand le journaliste turco-armenien Hrant Dink a ete
assassine par des ultranationalistes (suspectes d'avoir des liens avec
l'"etat profond" turc) en 2007, au moins 100 000 personnes marchaient
derrière son cercueil en criant "nous sommes tous des Armeniens ! "
En 2008, plus de 30 000 personnes ont signe une declaration demandant
pardon a leurs "frères et soeurs armeniens" pour ce qui s'etait passe
en 1915. Et quand le president Gul avait visite Erevan, la meme annee,
un ambassadeur a la retraite suggera que le gouvernement turc, ne
serait-ce que de facon symbolique, paie des indemnites aux familles
des victimes des deportations et offre la citoyennete turque a ceux
qui le souhaiteraient .
Il y a cependant des differences d'opinion parmi une minorite. Un
plus petit groupe croit que les resolutions sur le genocide adoptees
par un nombre croissant de parlements aident la Turquie a regarder
son histoire en face. Pour la plupart, ils croient que les parlements
n'ont pas vocation a porter des jugements sur des faits historiques,
que les resolutions sont seulement motivees par des considerations
l'humanitaires ou idealistes, mais aussi par l'espoir de gagner des
voix lors des elections ou pour se venger de la Turquie pour telle
ou telle raison. Ils pensent que pour obtenir de la Turquie qu'elle
regarde son histoire en face, il est necessaire d'ôter le voile de
l'ignorance au sein du peuple turc sur le sort des Armeniens ottomans,
aidee en cela par la normalisation des relations entre la Turquie et
l'Armenie. Ils ressentent les resolutions negativement parce qu'elles
declenchent des reactions nationalistes et genent par consequent la
normalisation des relations. J'appartiens resolument a ce groupe.
Vis a vis du gouvernement, on peut soutenir que le parti au
pouvoir actuellement, le Parti Justice et Developpement (AKP) se
distingue des gouvernements precedents qui ont refuse d'etablir
des relations diplomatiques avec l'Armenie et ferme les frontières
lorsque les Armeniens ont envahi l'Azerbaïdjan dans la guerre pour le
Nagorno-Karabagh. Ce gouvernement a propose au gouvernement armenien
en 2005 des negociations en vue de normaliser leurs relations entre
les deux pays, et les negociations sont allees jusqu'a la signature
par les deux parties de protocoles en octobre l'an passe pour etablir
des relations diplomatiques et ouvrir les frontières. La ratification
des protocoles s'est malheureusement bloquee, due principalement
a Ankara, sous la pression de l'Azerbaïdjan, avec laquelle elle a
des liens culturels et economiques, et la puissant lobby azeri en
Turquie declarant que la ratification depend de l'acceptation par
l'Armenie de faire des pas vers la normalisation avec l'Azerbaïdjan. Et
malheureusement l'Armenie, qui occupe le cinquième du territoire de
l'Azerbaïdjan, forcant près de un million d'Azeris a la condition
d'immigres dans leur propre pays, ne donne aucun signe dans ce sens.
Il y a une difference d'opinions concernant la politique de l'AKP
parmi ceux qui pensent que la Turquie doit faire face a son histoire.
Certains pensent qu'il n'est pas different des autres gouvernements
niant le genocide Armenien ou tragedie. D'autres donnent du credit a
l'idee que le gouvernement AKP, lui aussi, croit que la normalisation
avec l'Armenie est necessaire si la Turquie veut affronter son passe.
Il est possible aussi que le gouvernement AKP soit lui meme divise
sur ce point.
Que peut-il etre fait a ce stade pour aider a resoudre le problème
armenien de la Turquie ? Nous le verrons dans un prochain article.