QU'EST-CE QUI FAIT UNE DIASPORA ?
Jean Eckian
armenews.com
lundi 29 aout 2011
Chronique
Je suis l'un des membres d'une liste d'envoi et d'un groupe Facebook
qui partage des articles de journaux et autres elements d'information
interessant le monde armenien. L'un des sujets de discussion
aborde recemment etait le statut des Armeniens de Constantinople,
les Bolsahays. Un recent article d'Armenian Weekly, en commentaire a
la visite de la ministre de la diaspora Hranush Hakobyan a Istanbul
d'il y a peu de temps, traite egalement de cette question.
Des generations et des generations d'Armeniens ont vecu ici ; des
familles qui n'ont d'autre origine que Bolis ont considere cette
ville comme la leur pendant peut-etre un millenaire.
Les Bolsahays constituent-ils une diaspora ? Dans quels sens du mot ?
La question se pose parce qu'il y a eu a Byzance, Constantinople et
Istanbul une presence armenienne depuis des temps immemoriaux. Des
generations et des generations d'Armeniens ont vecu ici ; des familles
qui n'ont d'autre origine que Bolis ont considere cette ville comme
la leur pendant peut-etre un millenaire. Il est vrai qu'Istanbul
se trouve en dehors des terres ancestrales armeniennes, mais elle
etait la capitale de l'empire qui dominait la presque totalite de ces
terres. Beaucoup d'Armeniens meme de nos jours, ont ici une histoire
qui remonte a une generation, ou deux, ou trois, commencee en Turquie
de l'est ou du sud d'aujourd'hui, sans parler de la recente presence
ici d'Armeniens de la Republique d'Armenie.
Mais les choses sont differentes a Constantinople, parce que
la presence armenienne dans cette ville remonte a très longtemps,
au-dela de la memoire vivante et des annales de l'histoire. Il n'existe
que peu de communautes armeniennes de ce type : c'est le cas de Nor
Jougha ou Isfahan, en Iran, et de Jerusalem. Les Armeniens qui se
sont etablis en Europe Centrale et en Europe de l'Est après la chute
d'Ani au 11ème siècle ont eu une presence forte et influente dans la
culture et le commerce de la region jusqu'au moins le debut du 20eme
siècle, peut-etre meme jusqu'a nos jours. Il y a des vieux quartiers
armeniens dans beaucoup de villes en Pologne, en Hongrie, en Roumanie,
en Ukraine et en Crimee, en Bulgarie et ailleurs, et des mentions
armeniennes figurent dans les armoiries des villes de la region,
il existe meme une ville entière connue sous le nom d'Armenopolis
(Hayakaghak, ou Gherla, en Roumanie).
Ces lieux sont-ils pour autant des lieux de "diaspora" ?
Naturellement, une "diaspora" est une "dispersion", le deplacement
oblige d'un peuple au-dela des frontières de sa patrie. Le terme a son
origine dans la conquete des Juifs et leur deplacement en Mesopotamie,
comme le rapporte l'Ancien Testament. Dans le cas des Armeniens, il ne
fait pas de doute que la chute d'Ani, les deportations de l'Ancienne
Jougha par Shah Abbas au 17ème siècle, et bien sûr, le Genocide
Armenien, etaient des evenements imposes au peuple armenien. Mais il
semble que les Armeniens aient un esprit aventureux et qu'ils soient
alles tout a fait volontairement au-dela de la Perse et de l'Inde
et de l'Extreme Orient, allant meme jusqu'au Nord de la Russie,
rejoignant des compatriotes plus âges qui s'y etaient installes, au
depart d'autres colonies, pendant le règne de Catherine la Grande. Il
est sûr qu'une diaspora armenienne existait avant le Genocide Armenien.
Plus recemment, les Armeniens se sont bien etablis dans beaucoup
de regions et se sont bien integres dans leur nouvelle societe tout
en d'efforcant de maintenir leur identite et leur culture. Puis est
advenue ce qu'on peut appeler "une seconde diaspora", c'est-a dire un
deplacement en masse vers un nouvel endroit après l'etablissement
initial hors des terres ancestrales. C'est le cas de beaucoup
d'Armeniens dans les Ameriques, en Europe, et aujourd'hui en Australie.
Les differentes societes traitent les Armeniens differemment ; si, au
Moyen Orient, où ils sont plus nombreux, les differences religieuses
et les conditions culturelles et d'education, permettent aux eglises
et autres institutions d'obtenir plus de resultats dans la transmission
de la langue et de l'heritage, les Armeniens en Occident plus seculier
sont plus rapides a s'integrer dans des societes où le règne de la
loi est le lien qui rapproche les personnes les unes des autres, avec
des attitudes diverses vis-a-vis de la langue ou de la religion ou
des autres aspects de la culture. Mais il y a des differences meme en
Occident. Les Armeniens du Quebec peuvent parler couramment les trois
langues, tandis qu'après trois ou quatre generations les Armeniens
americains de la Nouvelle Angleterre, pas très eloignee, ne parlent
que l'anglais. Differentes communautes armeniennes ont ainsi traverse
des histoires differentes et en consequence, ont acquis des caractères
differents. Elles peuvent etre considerees comme etant "des diasporas",
par opposition a "la Diaspora", c'est-a -dire, le concept general
des Armeniens a travers le monde, hors de la Republique d'Armenie.
Mais par rapport aux Armeniens de la Republique d'Armenie, que dire
des Armeniens d'Artsakh ou du Javakhk ? La question de l'Artsakh n'est
toujours pas finalisee. On peut supposer que les Armeniens ont la-bas
defendu et garde une parie de la terre de leurs ancetres. Dans la
Georgie voisine, il y a les Armeniens du Javakhk, region historiquement
consideree comme une partie des terres de leurs ancetres, et il y
a aussi les Armeniens de Tbilissi. La capitale de la Georgie n'est
pas consideree comme armenienne en termes de territoire, mais elle a
ete un centre armenien majeur politique, culturel et educatif pendant
des siècles, jusqu'a la revolution russe. Comme dans le cas de Bolis,
la presence armenienne a Tiflis, bien au-dela de la memoire vivante,
remonte loin dans l'histoire. Quel type de "diaspora" les Armeniens
de cette ville constituent-ils, et comment la comparaison se fait-elle
avec leurs concitoyens de Georgie, les Armeniens du Javakhk ?
Il est malaise de tracer une limite lorsqu'on aborde de telles
questions. Si l'on posait la question a un Armenien de ces regions,
il considererait bien sûr son pays comme etant le sien dans tous les
sens du mot. Pour un Armenien d'une "seconde diaspora", par contre,
la vie dans le pays precedent est encore dans sa memoire vive ; y
avoir ete en quelque sorte un etranger fait qu'il se considère comme
etranger dans les lieux où il s'est etabli le plus recemment. Les
deux portent simultanement un attachement emotionnel et psychologique
envers la Republique d'Armenie. De tels sentiments se diluent plus ou
moins selon le lieu où l'on vit. Ils sont particulièrement difficiles
a preserver pour les Armeniens de Turquie, où existent de fortes
tensions politiques, communautaires et religieuses qui restent encore
a resoudre.
Une autre facon d'evaluer ces nuances serait d'etudier la place prise
par la presence armenienne aux yeux des non-Armeniens qui y vivent.
Bien sûr, beaucoup de personnes au Liban savent qui sont les Armeniens,
et reconnaissent spontanement leur presence dans le pays et leur
place dans la societe libanaise. L'Americain moyen, par contre, n'a
probablement jamais entendu parler des Armeniens, bien que quelqu'un
pris au hasard dans les rues de Los Angeles ou de Boston devrait,
selon toute probabilite, savoir qui sont les Armeniens.
La duree de la presence armenienne en un lieu et le nombre d'Armeniens
qui s'y trouvent constituent des facteurs importants lorsqu'on veut
marquer ces fines lignes qui existent entre des communautes immigrees
recentes et des diasporas bien etablies, et qui pourront conduire a une
presence armenienne formant un element du caractère du lieu considere.
Le dernier stade qualitativement distinct, qui va au-dela de la
communaute, ou diaspora, est celui où a la fois les Armeniens et les
non-Armeniens du lieu considèrent la presence armenienne en quelque
sorte essentielle pour ce lieu. Peu de villes ou de regions au cours
de l'histoire peuvent entrer dans cette categorie, mais il semble
qu'aujourd'hui, leur influence soit en baisse a Istanbul, Tbilissi,
Isfahan et Jerusalem, tandis qu'ils sont en hausse a Los Angeles et a
Moscou. Quelle sorte d'Armeniens et quelle sorte de presence armenienne
trouvera-t-on aux Etats-Unis et en Russie dans les generations a venir,
Dieu seul le sait.
Comme telle, la diaspora a devant elle des temps difficiles pour
trouver sa place. Il y a une necessite, dans la nature des diasporas,
d'etre flexible, c'est certain, mais cela peut aussi rendre certaines
diasporas moins disponibles - ou tout au moins, moins previsibles. On
n'y peut rien, etant donne qu'au cours des quelques decennies qui
viennent de s'ecouler - et bien sûr, au siècle passe - le peuple
armenien a vu se produire des grands bouleversements. A present, avec
une Republique Independante d'Armenie, la dynamique des diasporas,
leur presence et leur rôle, et leur lien avec la Republique sont en
perpetuel changement. Le Ministère de la Diaspora de la Republique
d'Armenie est sense reguler ce changement, mais souffre lui-aussi de
ses propres limitations.
Une partie du defi reside dans la volonte de gerer ces profondes
differences philosophiques entre les communautes migrantes les plus
recentes, les diasporas etablies, et les presences historiques, avec
le cas particulier du Javakhk, et les scenarios plus compliques des
regions où se trouvent simultanement plus d'une espèce de diaspora
armenienne comme indique plus haut.
Pour l'ensemble des Armeniens, par consequent, seule la Republique
d'Armenie peut servir de point de ralliement tangible et durable. Mais
cela implique que soit construit et consolide un etat - quelque chose
de très different d'une simple communaute, meme si cette communaute
devait durer pendant des siècles.
* Nareg Seferian est un jeune homme qui est ne et a grandi a New
Delhi, Inde. Il a vecu, etudie et travaille en Armenie un peu plus
de cinq ans avant de poursuivre son education aux Etats-Unis, où il
est actuellement etudiant en dernière annee au Collège Saint-Jean a
Santa Fe, Nouveau-Mexique. Il s'exprime regulièrement sur propre blog,
comme sur plusieurs autres, notamment estudiantins et egalement dans
la presse armenienne des Etats Unis. Durant son sejour en Armenie,
il a participe comme benevole a plusieurs programmes, dont ceux de
Land and Culture Organisation, Naregatsi Art Institute, Armenian
Volunteer Corps, Birthright Armenia, Habitat for Humanity Armenia,
Ministry of Foreign Affairs...
Il est interesse par la philosophie politique, la litterature,
les sciences et les mathematiques, la musique, la religion et la
spiritualite, les langues et les cultures du monde.
A propos de la religion : Être chretien en Amerique (en anglais)
Jean Eckian
armenews.com
lundi 29 aout 2011
Chronique
Je suis l'un des membres d'une liste d'envoi et d'un groupe Facebook
qui partage des articles de journaux et autres elements d'information
interessant le monde armenien. L'un des sujets de discussion
aborde recemment etait le statut des Armeniens de Constantinople,
les Bolsahays. Un recent article d'Armenian Weekly, en commentaire a
la visite de la ministre de la diaspora Hranush Hakobyan a Istanbul
d'il y a peu de temps, traite egalement de cette question.
Des generations et des generations d'Armeniens ont vecu ici ; des
familles qui n'ont d'autre origine que Bolis ont considere cette
ville comme la leur pendant peut-etre un millenaire.
Les Bolsahays constituent-ils une diaspora ? Dans quels sens du mot ?
La question se pose parce qu'il y a eu a Byzance, Constantinople et
Istanbul une presence armenienne depuis des temps immemoriaux. Des
generations et des generations d'Armeniens ont vecu ici ; des familles
qui n'ont d'autre origine que Bolis ont considere cette ville comme
la leur pendant peut-etre un millenaire. Il est vrai qu'Istanbul
se trouve en dehors des terres ancestrales armeniennes, mais elle
etait la capitale de l'empire qui dominait la presque totalite de ces
terres. Beaucoup d'Armeniens meme de nos jours, ont ici une histoire
qui remonte a une generation, ou deux, ou trois, commencee en Turquie
de l'est ou du sud d'aujourd'hui, sans parler de la recente presence
ici d'Armeniens de la Republique d'Armenie.
Mais les choses sont differentes a Constantinople, parce que
la presence armenienne dans cette ville remonte a très longtemps,
au-dela de la memoire vivante et des annales de l'histoire. Il n'existe
que peu de communautes armeniennes de ce type : c'est le cas de Nor
Jougha ou Isfahan, en Iran, et de Jerusalem. Les Armeniens qui se
sont etablis en Europe Centrale et en Europe de l'Est après la chute
d'Ani au 11ème siècle ont eu une presence forte et influente dans la
culture et le commerce de la region jusqu'au moins le debut du 20eme
siècle, peut-etre meme jusqu'a nos jours. Il y a des vieux quartiers
armeniens dans beaucoup de villes en Pologne, en Hongrie, en Roumanie,
en Ukraine et en Crimee, en Bulgarie et ailleurs, et des mentions
armeniennes figurent dans les armoiries des villes de la region,
il existe meme une ville entière connue sous le nom d'Armenopolis
(Hayakaghak, ou Gherla, en Roumanie).
Ces lieux sont-ils pour autant des lieux de "diaspora" ?
Naturellement, une "diaspora" est une "dispersion", le deplacement
oblige d'un peuple au-dela des frontières de sa patrie. Le terme a son
origine dans la conquete des Juifs et leur deplacement en Mesopotamie,
comme le rapporte l'Ancien Testament. Dans le cas des Armeniens, il ne
fait pas de doute que la chute d'Ani, les deportations de l'Ancienne
Jougha par Shah Abbas au 17ème siècle, et bien sûr, le Genocide
Armenien, etaient des evenements imposes au peuple armenien. Mais il
semble que les Armeniens aient un esprit aventureux et qu'ils soient
alles tout a fait volontairement au-dela de la Perse et de l'Inde
et de l'Extreme Orient, allant meme jusqu'au Nord de la Russie,
rejoignant des compatriotes plus âges qui s'y etaient installes, au
depart d'autres colonies, pendant le règne de Catherine la Grande. Il
est sûr qu'une diaspora armenienne existait avant le Genocide Armenien.
Plus recemment, les Armeniens se sont bien etablis dans beaucoup
de regions et se sont bien integres dans leur nouvelle societe tout
en d'efforcant de maintenir leur identite et leur culture. Puis est
advenue ce qu'on peut appeler "une seconde diaspora", c'est-a dire un
deplacement en masse vers un nouvel endroit après l'etablissement
initial hors des terres ancestrales. C'est le cas de beaucoup
d'Armeniens dans les Ameriques, en Europe, et aujourd'hui en Australie.
Les differentes societes traitent les Armeniens differemment ; si, au
Moyen Orient, où ils sont plus nombreux, les differences religieuses
et les conditions culturelles et d'education, permettent aux eglises
et autres institutions d'obtenir plus de resultats dans la transmission
de la langue et de l'heritage, les Armeniens en Occident plus seculier
sont plus rapides a s'integrer dans des societes où le règne de la
loi est le lien qui rapproche les personnes les unes des autres, avec
des attitudes diverses vis-a-vis de la langue ou de la religion ou
des autres aspects de la culture. Mais il y a des differences meme en
Occident. Les Armeniens du Quebec peuvent parler couramment les trois
langues, tandis qu'après trois ou quatre generations les Armeniens
americains de la Nouvelle Angleterre, pas très eloignee, ne parlent
que l'anglais. Differentes communautes armeniennes ont ainsi traverse
des histoires differentes et en consequence, ont acquis des caractères
differents. Elles peuvent etre considerees comme etant "des diasporas",
par opposition a "la Diaspora", c'est-a -dire, le concept general
des Armeniens a travers le monde, hors de la Republique d'Armenie.
Mais par rapport aux Armeniens de la Republique d'Armenie, que dire
des Armeniens d'Artsakh ou du Javakhk ? La question de l'Artsakh n'est
toujours pas finalisee. On peut supposer que les Armeniens ont la-bas
defendu et garde une parie de la terre de leurs ancetres. Dans la
Georgie voisine, il y a les Armeniens du Javakhk, region historiquement
consideree comme une partie des terres de leurs ancetres, et il y
a aussi les Armeniens de Tbilissi. La capitale de la Georgie n'est
pas consideree comme armenienne en termes de territoire, mais elle a
ete un centre armenien majeur politique, culturel et educatif pendant
des siècles, jusqu'a la revolution russe. Comme dans le cas de Bolis,
la presence armenienne a Tiflis, bien au-dela de la memoire vivante,
remonte loin dans l'histoire. Quel type de "diaspora" les Armeniens
de cette ville constituent-ils, et comment la comparaison se fait-elle
avec leurs concitoyens de Georgie, les Armeniens du Javakhk ?
Il est malaise de tracer une limite lorsqu'on aborde de telles
questions. Si l'on posait la question a un Armenien de ces regions,
il considererait bien sûr son pays comme etant le sien dans tous les
sens du mot. Pour un Armenien d'une "seconde diaspora", par contre,
la vie dans le pays precedent est encore dans sa memoire vive ; y
avoir ete en quelque sorte un etranger fait qu'il se considère comme
etranger dans les lieux où il s'est etabli le plus recemment. Les
deux portent simultanement un attachement emotionnel et psychologique
envers la Republique d'Armenie. De tels sentiments se diluent plus ou
moins selon le lieu où l'on vit. Ils sont particulièrement difficiles
a preserver pour les Armeniens de Turquie, où existent de fortes
tensions politiques, communautaires et religieuses qui restent encore
a resoudre.
Une autre facon d'evaluer ces nuances serait d'etudier la place prise
par la presence armenienne aux yeux des non-Armeniens qui y vivent.
Bien sûr, beaucoup de personnes au Liban savent qui sont les Armeniens,
et reconnaissent spontanement leur presence dans le pays et leur
place dans la societe libanaise. L'Americain moyen, par contre, n'a
probablement jamais entendu parler des Armeniens, bien que quelqu'un
pris au hasard dans les rues de Los Angeles ou de Boston devrait,
selon toute probabilite, savoir qui sont les Armeniens.
La duree de la presence armenienne en un lieu et le nombre d'Armeniens
qui s'y trouvent constituent des facteurs importants lorsqu'on veut
marquer ces fines lignes qui existent entre des communautes immigrees
recentes et des diasporas bien etablies, et qui pourront conduire a une
presence armenienne formant un element du caractère du lieu considere.
Le dernier stade qualitativement distinct, qui va au-dela de la
communaute, ou diaspora, est celui où a la fois les Armeniens et les
non-Armeniens du lieu considèrent la presence armenienne en quelque
sorte essentielle pour ce lieu. Peu de villes ou de regions au cours
de l'histoire peuvent entrer dans cette categorie, mais il semble
qu'aujourd'hui, leur influence soit en baisse a Istanbul, Tbilissi,
Isfahan et Jerusalem, tandis qu'ils sont en hausse a Los Angeles et a
Moscou. Quelle sorte d'Armeniens et quelle sorte de presence armenienne
trouvera-t-on aux Etats-Unis et en Russie dans les generations a venir,
Dieu seul le sait.
Comme telle, la diaspora a devant elle des temps difficiles pour
trouver sa place. Il y a une necessite, dans la nature des diasporas,
d'etre flexible, c'est certain, mais cela peut aussi rendre certaines
diasporas moins disponibles - ou tout au moins, moins previsibles. On
n'y peut rien, etant donne qu'au cours des quelques decennies qui
viennent de s'ecouler - et bien sûr, au siècle passe - le peuple
armenien a vu se produire des grands bouleversements. A present, avec
une Republique Independante d'Armenie, la dynamique des diasporas,
leur presence et leur rôle, et leur lien avec la Republique sont en
perpetuel changement. Le Ministère de la Diaspora de la Republique
d'Armenie est sense reguler ce changement, mais souffre lui-aussi de
ses propres limitations.
Une partie du defi reside dans la volonte de gerer ces profondes
differences philosophiques entre les communautes migrantes les plus
recentes, les diasporas etablies, et les presences historiques, avec
le cas particulier du Javakhk, et les scenarios plus compliques des
regions où se trouvent simultanement plus d'une espèce de diaspora
armenienne comme indique plus haut.
Pour l'ensemble des Armeniens, par consequent, seule la Republique
d'Armenie peut servir de point de ralliement tangible et durable. Mais
cela implique que soit construit et consolide un etat - quelque chose
de très different d'une simple communaute, meme si cette communaute
devait durer pendant des siècles.
* Nareg Seferian est un jeune homme qui est ne et a grandi a New
Delhi, Inde. Il a vecu, etudie et travaille en Armenie un peu plus
de cinq ans avant de poursuivre son education aux Etats-Unis, où il
est actuellement etudiant en dernière annee au Collège Saint-Jean a
Santa Fe, Nouveau-Mexique. Il s'exprime regulièrement sur propre blog,
comme sur plusieurs autres, notamment estudiantins et egalement dans
la presse armenienne des Etats Unis. Durant son sejour en Armenie,
il a participe comme benevole a plusieurs programmes, dont ceux de
Land and Culture Organisation, Naregatsi Art Institute, Armenian
Volunteer Corps, Birthright Armenia, Habitat for Humanity Armenia,
Ministry of Foreign Affairs...
Il est interesse par la philosophie politique, la litterature,
les sciences et les mathematiques, la musique, la religion et la
spiritualite, les langues et les cultures du monde.
A propos de la religion : Être chretien en Amerique (en anglais)