swissinfo.ch - �Suisse
30 avr. 2011�
Charles Aznavour, oubli�u temps qui passe
Par Bernard L�ot, swissinfo.ch
Le Salon du Livre de Gen� recevait ce samedi Charles Aznavour,
chanteur, compositeur, acteur, auteur et� ambassadeur d'Arm�e en
Suisse. L'occasion pour nous de parler avec lui d'�iture, de
l'Arm�e, et d'une vie riche de presque 87 printemps.
Un hôtel dans le centre de Gen�. Charles Aznavour est venu en voisin
` il habite le bout du lac L�n depuis plusieurs d�nnies. D�ndu,
accueillant, la m� silhouette, le m� visage qu'il y a 10, 20, 30
ans. Et une vivacit�ue les ann� n'ont pas �uss� Avec toujours
aussi cet �nnant m�nge de conscience de soi-m� et d'humilit�
swissinfo.ch: Rencontrer les gens sans la distance qu'implique la
sc�, c'est important?
Charles Aznavour: Je rencontre r�li�ment mon public en dehors de
la sc�: je suis quelqu'un qui fait les magasins lui-m�, je n'ai
pas de garde du corps, je m� une vie normale, conviviale. Comme je
parle plusieurs langues, je peux en plus communiquer avec des gens qui
viennent d'endroits tr�diff�nts. C'est en s'appuyant sur ce public
qu'on rencontre tous les jours que l'on est le plus proche pour �ire
pour lui, aussi.
swissinfo.ch: �L'int�ale� de vos textes de chansons est parue fin
2010. Vous avez dit un jour que le chanteur Aznavour supportait la
critique, mais pas l'auteur�.
C.A.: C'est toujours le cas. Je ne vois pas pourquoi quelqu'un qui
�it un article me critiquerait pour mon �iture. Je peux �ire un
article. Est-ce qu'il peut �ire une chanson? Voil�la diff�nce.
Je suis tr�dur pour ça. Parce que je pr�nds que mes chansons sont
tr�bien �ites. Pas celles du d�t. Mais il y a eu une �lution
au fil des ann�, qui a men� une sorte de perfection ` pas tout �fait, on n'est jamais parfait ` qu'on ne trouvera pas chez beaucoup.
swissinfo.ch: Dans le livre �A voix basse�, vous comparez l'�iture
d'une chanson �la photo, un instantan�C.A.: Regardez, j'ai toujours un appareil photo avec moi. C'est vrai
que je fixe des lieux, des gens. Des photos que souvent je ne garde
pas, parce que quand j'en ai tir�'essence, cela me suffit.
swissinfo.ch: Beaucoup de vos chansons ont � �ites �partir d'une
situation r�le?
C.A.: Oui. Ce que l'on raconte, ce que l'on dit, ce qu'on perçoit. Une
confidence. Je viens d'�ire une chanson sur la Shoah. Mais c'est une
chanson d'amour. Pourquoi? Parce que j'ai crois�n jour une personne
qui avait rencontr�a femme dans un camp de concentration. Et qui
avait donc trouv�'amour dans le camp de concentration. Ma chanson,
c'est ça. L'amour est n�ans un endroit qui est un d�stre, une
horreur.
swissinfo.ch: L'Arm�e est le pays hôte d'honneur de ce Salon du
Livre. C'est donc �lement Charles Aznavour, l'ambassadeur d'Arm�e
en Suisse, nomm�n 2009, qui est l�
C.A.: Ça, je l'ai fait vendredi, pour l'ouverture. Aujourd'hui, je
suis l'auteur français des chansons et des bouquins que j'ai �its.
M� si je suis comme le caf�r� - quand on met la cr� dans le
caf�on ne peut plus les dissocier - dans ma vie et dans mon m�er,
l'Arm�e et la France sont totalement s�r�. Je n'ai jamais ni�es racines arm�ennes, mais ma vraie culture de base est française
et restera française.
swissinfo.ch: A ce propos: dans le livre �A voix basse�, vous �quez
largement l'Arm�e et soulignez votre lien tr�fort �la France.
Mais pas un mot sur la Suisse. Vous voulez nous fâcher?
C.A.: La Suisse est un havre. Tout est beaucoup plus calme, plus
pudique, m� les feux rouges mettent beaucoup de temps �passer au
vert et vice-versa! C'est un pays que je respecte et que j'aime
beaucoup. J'ai fait naturaliser mes enfants. Mais je n'ai pas voulu
moi-m� me faire naturaliser pour une raison de fid�t�La France a
donn� mes parents la possibilit�'avoir une vie normale, et
d'�ver leurs enfants. Je ne pouvais pas trahir cela. J'ai quitt�a
France tr�fâch�elle m'avait fait beaucoup de mal. J'y ai subi un
vrai lynchage ` pas aussi fort que celui que connaît Sarkozy, mais
quand m� pas mal.
swisinfo.ch: Vous soutenez �Les r�rb�s de la m�ire�, une �uvre
en m�ire du g�cide arm�en qui doit �e inaugur��Gen� en
2013. Un projet qui suscite quelques vagues dans la communaut�urque
de Suisse.
C.A.: Je l'ai trouv�ublimement beau. Plus suisse qu'arm�en, bien
que ce soit un jeune Arm�en qui l'ait conçu. Ce n'est pas un
monument aux morts, c'est un lieu formidable: on dirait une Rambla, où
on viendrait pour rencontrer une future fianc�
Aznavour, une �iture n�dans un mal de vivre. (swissinfo)
swissinfo.ch: Vous voyez un lien entre votre �iture et votre origine
arm�enne, avec le drame qui l'accompagne.
C.A.: Ce qui m'a rapproch�es difficult�des gens, c'est ça. Le mal
de vivre est l� On trouve cela chez les Arm�ens, mais aussi les
Espagnols, les Juifs, les Maghr�ns aujourd'hui, comme on l'a trouv�hez les Noirs am�cains. J'ai lu des po�s de femmes arm�ennes,
anonymes, et c'est tr�proche de ma mani� d'�ire.
swissinfo.ch: Vous avez publi�uatre livres autobiographiques, et un
cinqui�, �D'une porte l'autre�, paraîtra en septembre. Comment
relier la timidit�la pudeur que vous �quez souvent, et cette envie
de vous raconter?
C.A.: L'�iture est un exutoire. Parce que je fais de l'�iture, pas
de la litt�ture. J'ai mis du temps ��ire en prose, parce que ma
culture ne me le permettait pas. Il ne faut pas nier les lacunes qu'on
a eues ou qu'on a encore.
La parole, c'est autre chose. On vous regarde en m� temps. Vous
voyez les yeux des autres, leurs r�tions. Et c'est se mettre �nu
devant les gens. Moi je me mets �nu en sc�, parce que je suis un
com�en dans la chanson.
Pour �D'une porte l'autre�, j'ai trouv�e titre chez C�ne: �D'un
château l'autre�. On fait sauter le �û qui coupe la phrase et qui en
enl� l'�n po�que. J'aime bien parfois en r�rer �ceux qui
m'ont apport�uelque chose. L'homme qu'�it C�ne ne m'int�sse
pas. Mais l'�ivain, on ne peut pas le nier. Est-ce que je sais
comment �it Th�hile Gauthier, ou les autres? Etait-il antis�te
ou autre chose? Ce qui reste, c'est l'�uvre.
swissinfo.ch: En lisant vos ouvrages, on se dit qu'il y a un côt�aradoxal chez vous. Une vie enti� consacr�au spectacle, d�l'enfance, et en m� temps, votre dimension raisonnable, sage, ce
côt�r��pieds sur terre�.
C.A.: Vous savez, quand on est un fils d'�grant, on est oblig�'avoir les pieds sur terre. On voit bien les difficult�qu'ont
connues nos parents pour nous �ver correctement, proprement, pour
faire passer le mauvais �la trappe et nous montrer que le bon
existait aussi.
swissinfo.ch: Cette ann�est celle de votre grand retour �la sc�,
amorc�e printemps en Belgique et en Italie, avant l'Olympia cet
automne, une tourn�en France et un crochet par Gen�. Pourquoi ce
retour?
C.A.: La retraite, c'est l'antichambre de la mort. Je n'ai pas envie
de mourir tout de suite, moi. Tant que je suis encore capable de faire
quelque chose, je vais le faire. Et je serai suffisamment lucide pour
reconnaître le moment où je n'�irai plus des choses int�ssantes.
Plus j'�is, plus je r�ise que je n'aurai pas le temps de finir
tout ce que j'ai commenc� �ire. J'ai des tas de sujets qui sont
encore �l'�t d'embryon, ou �moiti�crits, mais je n'arrive pas �tout terminer, parce que d'autres id� arrivent! Le temps va me
manquer, oui. A moins que je vive jusqu'�120 ans�
swissinfo.ch: Apr�une vie enti� de spectacles, qu'est ce qui passe
dans votre t� quand vous entrez aujourd'hui en sc�?
C.A.: J'esp� que les musiciens ne vont pas faire de b�ses avec les
nouvelles orchestrations et que ma m�ire ne me fera pas trop d�ut.
Je n'ai pas le trac, j'ai des angoisses. Ce n'est pas pareil. Le trac,
ça paralyse. Les angoisses, ça �ctrise.
Bernard L�ot, swissinfo.ch
Gen�
http://www.swissinfo.ch/fre/culture/lire_ecouter/Charles_Aznavour,_oublie_du_temps_qui_passe.html?c id=30114170
30 avr. 2011�
Charles Aznavour, oubli�u temps qui passe
Par Bernard L�ot, swissinfo.ch
Le Salon du Livre de Gen� recevait ce samedi Charles Aznavour,
chanteur, compositeur, acteur, auteur et� ambassadeur d'Arm�e en
Suisse. L'occasion pour nous de parler avec lui d'�iture, de
l'Arm�e, et d'une vie riche de presque 87 printemps.
Un hôtel dans le centre de Gen�. Charles Aznavour est venu en voisin
` il habite le bout du lac L�n depuis plusieurs d�nnies. D�ndu,
accueillant, la m� silhouette, le m� visage qu'il y a 10, 20, 30
ans. Et une vivacit�ue les ann� n'ont pas �uss� Avec toujours
aussi cet �nnant m�nge de conscience de soi-m� et d'humilit�
swissinfo.ch: Rencontrer les gens sans la distance qu'implique la
sc�, c'est important?
Charles Aznavour: Je rencontre r�li�ment mon public en dehors de
la sc�: je suis quelqu'un qui fait les magasins lui-m�, je n'ai
pas de garde du corps, je m� une vie normale, conviviale. Comme je
parle plusieurs langues, je peux en plus communiquer avec des gens qui
viennent d'endroits tr�diff�nts. C'est en s'appuyant sur ce public
qu'on rencontre tous les jours que l'on est le plus proche pour �ire
pour lui, aussi.
swissinfo.ch: �L'int�ale� de vos textes de chansons est parue fin
2010. Vous avez dit un jour que le chanteur Aznavour supportait la
critique, mais pas l'auteur�.
C.A.: C'est toujours le cas. Je ne vois pas pourquoi quelqu'un qui
�it un article me critiquerait pour mon �iture. Je peux �ire un
article. Est-ce qu'il peut �ire une chanson? Voil�la diff�nce.
Je suis tr�dur pour ça. Parce que je pr�nds que mes chansons sont
tr�bien �ites. Pas celles du d�t. Mais il y a eu une �lution
au fil des ann�, qui a men� une sorte de perfection ` pas tout �fait, on n'est jamais parfait ` qu'on ne trouvera pas chez beaucoup.
swissinfo.ch: Dans le livre �A voix basse�, vous comparez l'�iture
d'une chanson �la photo, un instantan�C.A.: Regardez, j'ai toujours un appareil photo avec moi. C'est vrai
que je fixe des lieux, des gens. Des photos que souvent je ne garde
pas, parce que quand j'en ai tir�'essence, cela me suffit.
swissinfo.ch: Beaucoup de vos chansons ont � �ites �partir d'une
situation r�le?
C.A.: Oui. Ce que l'on raconte, ce que l'on dit, ce qu'on perçoit. Une
confidence. Je viens d'�ire une chanson sur la Shoah. Mais c'est une
chanson d'amour. Pourquoi? Parce que j'ai crois�n jour une personne
qui avait rencontr�a femme dans un camp de concentration. Et qui
avait donc trouv�'amour dans le camp de concentration. Ma chanson,
c'est ça. L'amour est n�ans un endroit qui est un d�stre, une
horreur.
swissinfo.ch: L'Arm�e est le pays hôte d'honneur de ce Salon du
Livre. C'est donc �lement Charles Aznavour, l'ambassadeur d'Arm�e
en Suisse, nomm�n 2009, qui est l�
C.A.: Ça, je l'ai fait vendredi, pour l'ouverture. Aujourd'hui, je
suis l'auteur français des chansons et des bouquins que j'ai �its.
M� si je suis comme le caf�r� - quand on met la cr� dans le
caf�on ne peut plus les dissocier - dans ma vie et dans mon m�er,
l'Arm�e et la France sont totalement s�r�. Je n'ai jamais ni�es racines arm�ennes, mais ma vraie culture de base est française
et restera française.
swissinfo.ch: A ce propos: dans le livre �A voix basse�, vous �quez
largement l'Arm�e et soulignez votre lien tr�fort �la France.
Mais pas un mot sur la Suisse. Vous voulez nous fâcher?
C.A.: La Suisse est un havre. Tout est beaucoup plus calme, plus
pudique, m� les feux rouges mettent beaucoup de temps �passer au
vert et vice-versa! C'est un pays que je respecte et que j'aime
beaucoup. J'ai fait naturaliser mes enfants. Mais je n'ai pas voulu
moi-m� me faire naturaliser pour une raison de fid�t�La France a
donn� mes parents la possibilit�'avoir une vie normale, et
d'�ver leurs enfants. Je ne pouvais pas trahir cela. J'ai quitt�a
France tr�fâch�elle m'avait fait beaucoup de mal. J'y ai subi un
vrai lynchage ` pas aussi fort que celui que connaît Sarkozy, mais
quand m� pas mal.
swisinfo.ch: Vous soutenez �Les r�rb�s de la m�ire�, une �uvre
en m�ire du g�cide arm�en qui doit �e inaugur��Gen� en
2013. Un projet qui suscite quelques vagues dans la communaut�urque
de Suisse.
C.A.: Je l'ai trouv�ublimement beau. Plus suisse qu'arm�en, bien
que ce soit un jeune Arm�en qui l'ait conçu. Ce n'est pas un
monument aux morts, c'est un lieu formidable: on dirait une Rambla, où
on viendrait pour rencontrer une future fianc�
Aznavour, une �iture n�dans un mal de vivre. (swissinfo)
swissinfo.ch: Vous voyez un lien entre votre �iture et votre origine
arm�enne, avec le drame qui l'accompagne.
C.A.: Ce qui m'a rapproch�es difficult�des gens, c'est ça. Le mal
de vivre est l� On trouve cela chez les Arm�ens, mais aussi les
Espagnols, les Juifs, les Maghr�ns aujourd'hui, comme on l'a trouv�hez les Noirs am�cains. J'ai lu des po�s de femmes arm�ennes,
anonymes, et c'est tr�proche de ma mani� d'�ire.
swissinfo.ch: Vous avez publi�uatre livres autobiographiques, et un
cinqui�, �D'une porte l'autre�, paraîtra en septembre. Comment
relier la timidit�la pudeur que vous �quez souvent, et cette envie
de vous raconter?
C.A.: L'�iture est un exutoire. Parce que je fais de l'�iture, pas
de la litt�ture. J'ai mis du temps ��ire en prose, parce que ma
culture ne me le permettait pas. Il ne faut pas nier les lacunes qu'on
a eues ou qu'on a encore.
La parole, c'est autre chose. On vous regarde en m� temps. Vous
voyez les yeux des autres, leurs r�tions. Et c'est se mettre �nu
devant les gens. Moi je me mets �nu en sc�, parce que je suis un
com�en dans la chanson.
Pour �D'une porte l'autre�, j'ai trouv�e titre chez C�ne: �D'un
château l'autre�. On fait sauter le �û qui coupe la phrase et qui en
enl� l'�n po�que. J'aime bien parfois en r�rer �ceux qui
m'ont apport�uelque chose. L'homme qu'�it C�ne ne m'int�sse
pas. Mais l'�ivain, on ne peut pas le nier. Est-ce que je sais
comment �it Th�hile Gauthier, ou les autres? Etait-il antis�te
ou autre chose? Ce qui reste, c'est l'�uvre.
swissinfo.ch: En lisant vos ouvrages, on se dit qu'il y a un côt�aradoxal chez vous. Une vie enti� consacr�au spectacle, d�l'enfance, et en m� temps, votre dimension raisonnable, sage, ce
côt�r��pieds sur terre�.
C.A.: Vous savez, quand on est un fils d'�grant, on est oblig�'avoir les pieds sur terre. On voit bien les difficult�qu'ont
connues nos parents pour nous �ver correctement, proprement, pour
faire passer le mauvais �la trappe et nous montrer que le bon
existait aussi.
swissinfo.ch: Cette ann�est celle de votre grand retour �la sc�,
amorc�e printemps en Belgique et en Italie, avant l'Olympia cet
automne, une tourn�en France et un crochet par Gen�. Pourquoi ce
retour?
C.A.: La retraite, c'est l'antichambre de la mort. Je n'ai pas envie
de mourir tout de suite, moi. Tant que je suis encore capable de faire
quelque chose, je vais le faire. Et je serai suffisamment lucide pour
reconnaître le moment où je n'�irai plus des choses int�ssantes.
Plus j'�is, plus je r�ise que je n'aurai pas le temps de finir
tout ce que j'ai commenc� �ire. J'ai des tas de sujets qui sont
encore �l'�t d'embryon, ou �moiti�crits, mais je n'arrive pas �tout terminer, parce que d'autres id� arrivent! Le temps va me
manquer, oui. A moins que je vive jusqu'�120 ans�
swissinfo.ch: Apr�une vie enti� de spectacles, qu'est ce qui passe
dans votre t� quand vous entrez aujourd'hui en sc�?
C.A.: J'esp� que les musiciens ne vont pas faire de b�ses avec les
nouvelles orchestrations et que ma m�ire ne me fera pas trop d�ut.
Je n'ai pas le trac, j'ai des angoisses. Ce n'est pas pareil. Le trac,
ça paralyse. Les angoisses, ça �ctrise.
Bernard L�ot, swissinfo.ch
Gen�
http://www.swissinfo.ch/fre/culture/lire_ecouter/Charles_Aznavour,_oublie_du_temps_qui_passe.html?c id=30114170