HISTOIRE
Histoire d'une destruction : Le sort des biens de l'Eglise Arménienne à Adana
Par Mehmet Polatel
Mehmet Polatel est un historien dont les travaux se concentrent sur
l'histoire de la fin de l'Empire Ottoman et les débuts de la
République Turque. Les centres d'intérêt pour ses recherches sont les
domaines de la puissance, de la formation de l'état , les changement à
l'intérieur des sociétés, le nationalisme et le génocide. Il a conduit
des recherches sur le sort des biens des Arméniens dans l'Empire
Ottoman et la République de Turquie. Il est actuellement doctorant en
philosophie à l'Université Bogazici et assistant de recherche au
Département d'Histoire à l'Université de Koc à Istanbul. Il est
également chercheur à la Fondation Internationale Hrant Dink.
Les processus génocidaires impliquent la perte de grandes quantités de
vies humaines. La motivation profonde en arrière de tels processus est
toujours liée à la destruction d'un certain groupe de personnes.
Cependant, ce ne sont pas seulement des personnes qui constituent une
communauté ; l'idée de communauté est aussi liée aux valeurs
partagées, aux usages quotidiens, à la culture, à la littérature et à
la religion. Le processus génocidaire ne vise pas seulement certains
groupes de personnes, mais aussi les symboles, les constructions, les
monuments qui leur appartiennent. Cet article examine le sort des
édifices religieux à Adana après le Génocide Arménien de 1915, dans un
processus de destruction qui visait à éradiquer les preuves de la
présence arménienne dans la région.
La région d'Adana a été habitée par les Arméniens depuis le 4ème
siècle. Comme Adana était l'une des premières régions de l'Empire
Ottoman à intégrer le monde de l'économie par la production
cotonnière, elle représentait pour les Arméniens un endroit favorable
à leur prospérité. Cette prospérité se reflétait dans le nombre
d'écoles, de monastères, et d'églises en activité dans la région. Les
Arméniens occupés au commerce et à l'artisanat, participaient
activement à la vie publique de la ville. Avec le district d'Adana,
Tarse, Hadjin, Sis et Cebel-i Bereket constituaient les quatre régions
majeures de la province d'Adana où se trouvait une importante présence
arménienne. L'organisation administrative de l'état ottoman étant basé
sur le système du millet, les Arméniens se voyaient offerte une
représentation au conseil administratif basée sur la différence de
religion. Les communautés apostoliques, catholiques et protestantes
étaient représentées dans ce conseil par leurs chefs religieux. Les
Arméniens d'Adana vivaient principalement dans le quartier
Khidir-Ilvas, autour de l'église Notre Dame, et au centre de la ville,
autour de la paroisse Saint-Etienne. Le dynamisme de la vie
intellectuelle et éducative présente dans la communauté était l'image
de son importance en nombre et de sa prospérité[ii]. Les collèges
Abkarian, Ashkhenian et Aramian comptaient 1 500 étudiants en 1913.
Une école de filles accueillait également plus de 500 étudiantes.
D'après les statistiques du Patriarcat, il y avait 25 écoles avec 1
947 étudiants de sexe masculin, 808 étudiantes, et 69 enseignants dans
la province. Sept de ces écoles se trouvaient à Sis, qui accueillaient
476 garçons et 165 filles, avec 19 enseignants [iii].
Génocide et Biens Arméniens
A la suite de la décision de déportation, le Comité Union et Progrès a
exercé un contrôle méticuleux sur le devenir des biens arméniens. Deux
processus parallèles ont été appliqués les biens arméniens : l'un
légal et l'autre illégal. Le processus légal a commencé avec la
décision du cabinet de protéger les biens arméniens laissés derrière
eux et les allouer aux immigrants des Balkans et du Caucase[iv]. Une
autre décision légale était l'ordre secret d'informer les
gouvernements locaux de la gestion des biens arméniens. Cet ordre
secret prévoyait la création de commissions de liquidation pour gérer
les biens, y comprises les ventes de biens meubles et la distribution
de terres, logements et produits agricoles aux immigrants et aux
tribus[v]. Finalement, le 27 septembre 1915, le CUP adoptait une loi
qui s'appliquait aux biens arméniens abandonnés, qualifiée de loi
temporaire : `la loi relative aux passifs et aux actifs des
populations qui ont été envoyées ailleurs`[vi]. Alors qu'elle ne
contenaient aucune disposition différente de l'ordre secret, elle
tendait à légaliser les mesures de l'ordre secret. Dans un sens
pratique, le CUP a employé les biens à des fins diverses :
l'installation des immigrants nouvellement arrivés[vii],
l'instauration d'une économie nationale[viii], et leur affectation aux
besoins de l'état, du peuple et de l'armée[ix]. Les lieux sacrés tels
ls églises et les monastères étaient exclus des processus
d'expropriation et d'appropriation. Il a été déclaré qu'ils seraient
protégés et qu'on en prendrait soin. Les marchandises, les images et
livres saints des églises devaient être enregistrés et préservés. Dans
un autre règlement adopté en novembre 1915 définissant les procédures
de liquidation, le droit d'usage des équipements provenant des écoles
et des monastères a été transféré au Ministère de l'Education[x].
Cette déclaration, cependant, est restée sur le papier et les biens
déclarés protégés ont été eux aussi confisqués par l'état.
Confiscation à Adana
Le but du CUP était de désarméniser la province d'Adana, qui
comprenait la plaine d'Adana, Mersin, Sis et Tarse, pour les remplir
d'immigrants musulmans des Balkans et du Caucase. Le génocide a frappé
Adana à l'été 1915, lorsque le CUP a ordonné la déportation des
Arméniens des villages de la province d'Adana. Dans cet ordre, le
gouvernement réclamait également le nom des villages et le nombre des
déportés[xi]. Le gouvernement CUP a ensuite visé les villes de la
province. La déportation complète des Arméniens de Sis a été décrétée
le 17 juin 1915[xii]. D'autres villes ont suivi les unes après les
autres. En octobre 1915, 9 000 Arméniens ont été déportés de Dortyol.
En dehors des employés des chemins de fer de Baghdad Railway et des
officiers militaires, les Arméniens devaient être `déportés sans
exception` (bila-istisna teb id) [xiii]. La Commission des Biens
Abandonnés de Dortyol était autorisée à procéder à la liquidation des
biens immeubles des Arméniens et à son transfert à la population
musulmane[xiv]. Les biens immeubles ont été destinés à divers usages,
à facettes multiples, comme par exemple attirer le milieu turc des
affaires à Adana, et à installer des immigrants musulmans venus des
Balkans dans les villages et villes désormais vides.
Selon le propre cahier de note de Talaat, 699 immeubles ont été
confisqués dans la province d'Adana.
Tableau I : Immeubles d'Adana confisqués :
Nom du District - Nombre
Tarse - 9
Cebel-i Bereket - 5
Kozan (Sis)- 229
Kars - 22
Hadjin - 50
Hadjin Shar - 25
Hadjin Rumlar - 25
Feke - 30
Feke Karadere - 25
Feke Karaköy - 130
Feke Yerebakan - 30
Feke Dikme - 30
Ceyhan - 86
Total - 699
Source : Bardakcý, 2008, p.93.
Ces immeubles allaient de la maison individuelle à la grande ferme et
au domaine. Les pertes à Sis/Kozan sont frappantes : elles comptent
pour un tiers à tous les immeubles confisqués dans l'ensemble de la
province d'Adana.
L'état ottoman a également confisqué des biens appartenant à la
communauté. Huit écoles et églises, couvrant une surface de 14 400 m²
d'une valeur estimée de 46 400 livres-or turques, ont été saisies par
l'état. Cinquante six immeubles de la communauté et terrains, couvrant
16 488 m² et valant 43 785 livres-or turques, ont été également
saisis[xv].
Le Catholicossat de Sis dominait la ville et siégeait dans une grande
construction-btie sur 1 250 000 m² - avec 50 chambres et salles.
L'immeuble était revêtu de dalles de Kutahya de qualité et accueillait
une bibliothèque de 4 000 livres et 400 manuscrits, ainsi qu'un musée
d'arts antiques. La taxe payée par le Catholicossat s'élevait à
environ 100 000 livres-or turques. Le diocèse était en outre en
possession d'une église historique et d'immeubles résidentiels
couvrant 14 500 m² et valant 2 000 livres-or turques. Le Catholicossat
était de plus propriétaire de plusieurs maisons et magasins, de deux
moulins à eau, d'un jardin de 10 000 m², d'un champ de 30 000 m² et
une ferme de 10 000 m² avec remises, écuries, terrains, 130 vaches, 30
mulets et des troupeaux de chèvres et de moutons. Les propriétés du
Catholicossat à Sis couvraient au total 11 687 000 m² et valaient 167
520 livres turques-or[xvi].
Les églises dans les provinces et du voisinage ont aussi subi des
pertes astronomiques. Ces pertes ont été chiffrées et indexées dans
les archives du Catholicossat d'Antélias, au Liban[xvii].
L'Eglise Sainte Mère de Dieu dans les environs de Hidir Ilyas ;
Une école dans l'enceinte de cette église (Ferman [décret] de février
1816) : 6 000m², 25 000 livres-or turques ;
Saint Etienne et école dans les environs de Bucak, brûlées en 1909
(Ferman perdu) 5 000 m² 18 000 livres-or turques ;
Eglise à Hiristiyankoy (Ferman de mars 1848) : 1 000 m², 1 000
livres-or turques ;
Eglise à Incirlik (Ferman perdu) 800 m² 800 livres-or turques ;
Eglise à Sheikh Murad (Ferman perdu) 1 000 m², 1 000 livres-or turques ;
Eglise à Abdo-oghlu, brûlée pendant l'occupation française (Ferman
perdu) : 200 m 200 livres-or turques ;
Eglise à Missis, brûlée pendant l'occupation française ( Ferman
perdu) 400 m² 400 livres-or turques.
L'état a fait des biens arméniens des usages divers. Certains ont été
transférés à des firmes turques. D'autres ont été distribués aux
fonctionnaires et citoyens. Les btiments importants comme les églises
ont été transformés en prisons. Les autorités locales d'Adana avaient
offert de convertir six constructions en prisons. Dans un rapport au
ministère de l'intérieur, le gouverneur d'Adana soutint qu'Adana avait
un sérieux besoin d'une prison nouvelle et proposa de transformer une
église - et l'école près de cette église- en prison moyennant-
quelques modifications[xviii]. Le ministère de l'intérieur accepta
l'offre et autorisa le gouverneur à mettre le projet à exécution.
Finalement, ces endroits pieux qu'on avait déclarés `protégés` furent
convertis en prisons[xix].
Avant ce changement, la prison n'était qu'une pièce dans le vieux
commissariat. Ce n'est as par hasard que ce commissariat fut lui aussi
déplacé dans un autre immeuble, qui faisait partie de la propriété
d'un Arménien[xx]. Les édifices religieux et les champs appartenant à
l'église ont également été destinés à des usages divers. D'après les
mémoires de Damar Arikoglu, qui était le délégué du CUP à Adana et qui
représentait la province au titre de parlementaire de 1920 à 1946, un
centre d'apprentissage fut installé dans la cour d'une ville
arménienne de la province[xxi].
Après 1918, les Arméniens d'Adana qui survécurent essayèrent de
retourner dans leurs maisons. La restitution rencontra très vite des
obstacles. Les héritiers des victimes et des déportés qui étaient
morts rencontrèrent des difficultés lorsqu'ils tentèrent de récupérer
leurs biens. Le principe de l'`apparition en personne` (isbat-i vucud)
prévalait, et seule la personne enregistrée comme propriétaire du bien
pouvait en demander la restitution. Beaucoup de ces personnes avaient
été bien sûr tuées, ou avaient souvent perdu leurs documents.
Quelques douzaines de Maronites, de Catholiques grecs, et d'Arméniens
catholiques restèrent dans la région. Ces communautés avaient
également été dépossédées à Adana, Mersin et Tarse. L'état avait
confisqué les entrepôts, les presbytères, les églises, les jardins,
les fermes, les maisons, et les couvents, et en usa pour ses propres
besoins. Comme le traité de Lausanne n'avait nommé spécifiquement
aucun groupe dont le statut de minorité était garanti, le gouvernement
déclarait que ces communautés n'étaient pas couvertes par le Traité de
Lausanne, et par conséquent n'avait aucun des droits garantis pour les
communauté minoritaires. Le gouvernement ordonna la saisie de toutes
les propriétés appartenant à ces communautés le 21 janvier 1926. Le
clocher de l'église maronite de Tarse a été démoli et l'église
convertie en siège du gouvernement du district en 1928. Les propriétés
maronites et grecques catholiques ont été données au ministère de
l'éducation[xxii].
Les dirigeants Jeunes Turcs s'en sont également pris au Frère Ignace
Terzian le chassant de Tarse, puis ont terrorisé le prêtre Jean
Khalkovian de Mersin. Les journaux locaux ont contribué à cette
politique de harcèlement en lançant une campagne de diffamation contre
Khalkovian, soutenant qu'il avait coopéré avec les forces d'occupation
françaises. Khalkovian a été par la suite déporté à Kastamonu et a été
expulsé de Turquie en 1926, En enlevant de la scène un personnage de
la communauté de cette importance, les autorités se sont encore plus
senties libres de confisquer la propriété de la communauté Catholique
arménienne - 18 hectares de terres agricoles, un entrepôt, des
ateliers et beaucoup d'autres biens. La communauté était dépouillée à
un point que le dernier Catholique arménien d 'Adana, Monseigneur
Pascal Keklikian, était locataire du gouvernement pour ldes immeubles
appartenant en propre à la communauté Catholique. Bien qu'il ait tenté
d'améliorer la condition de sa communauté, ses efforts se sont avérés
vains, l'état étant déterminé à détruire cette communauté même qu'il
essayait de protéger. En janvier 1927, le gouverneur d'Adana, Resat
Mimaroglu (1880-1953), ordonna la confiscation systématique de tous
les biens Catholiques arménien de cette province. La communauté avait
dorénavant tout perdu : son église, son presbytère, ses écles, ses
ateliers, ses terres, ses maisons. Keklikian découragé et vaincu
n'avait d'autre option que s'en aller en Syrie[xxiii].
C'est un mythe largement répandu que les états ottomans et turcs ont
protégé les biens arméniens, spécialement ceux des lieux de culte.
C'est répandu à un point que l'on peut trouver ce mythe, qui ne repose
sur aucune réalité historique, dans les déclarations des dirigeants
non seulement de l'état turc amis aussi des USA. On devrait cependant
regarder l'histoire sans aucune visée politique pour voir la
différence entre mythe et réalité. Ce court article a essayé de le
faire, partageant une motivation avec d'autres, pour regarder
l'histoire du Génocide Arménien d'un point de vue purement
intellectuel et exempt de considérations politiques.
[i]Cet article est basé sur l'étude Confiscation et Destruction : La
Saisie par les Jeunes Turcs des biens Arméniens. (Continuum, Londres/
New York, 2011) par Ugur Umit Ungor et Mehmet Polatel.
[ii] Raymond H. Kévorkian and Paul B. Paboudjian, Les Arméniens dans
l'empire ottoman à la veille du génocide (Paris : Editions d'Art et
d'Histoire, 1992), pp. 265-7.
[iii] Kévork K. Baghdjian, La confiscation, par le gouvernement turc,
des biens arméniens dits abandonnés' (Montréal : K.K. Baghdjian,
1987), p. 253.
[iv] Archives du Premier Ministre(BOA)Meclis-i Vukela Mazbatasý,
198/24, in Baþbakanlýk Devlet Arþivleri Genel Müdürlüðü Osmanlý
Arþivleri Daire Baþkanlýðý (2007), Osmanlý Belgelerinde Ermenilerin
Sevk ve Ýskaný, Ankara, pp. 155-157.
[v] Document original dans Genelkurmay Askeri Tarih ve Staratejik Etüd
Baþkanlýðý (décembre 1982), `Ahval-i Harbiye ve Zaruret-i Fevkalde-i
Siyasiye dolayýsýyla Mahall-i Ahire Nakilleri Ýcra Edilen Ermenilere
Ait Emval ve Emlk ve Arazinin Keyfiyet-i Ýdaresi Hakkýnda
Talimnamedir,' Askeri Tarih Belgeleri Dergisi, pp. 147-153. Pour la
traduction du document original dans le Directorat Général de la
presse et de l'information du Premier Ministre (1982), Documents,
Ankara pp 74-80.
[vi] Takvim-i Vakayi, 28 octobre 1915, no : 2303
[vii] Un exemple pour l'installation des Immigrants ; Archives
Républicaines du Premier Ministre (BCA), 272, 12, 36, 10, 1, 5 octobre
1915 et 16 octobre 1915, un exemple pour l'usage des biens pour les
besoins des immigrants BOA/DH.ÞFR, 61/247, Ministère de l'Intérieur à
Trébizonde, 3 mars 1916
[viii] Un exemple pour montrer la distribution des biens des Arméniens
aux Musulmans pour développer l'économie nationale. BOA/DH.SFR,
59/239, 6 janvier 1916
[ix] Un exemple pour l'armée : BOA/DH.SFR, 55-A/143, 8 septembre 1915,
un exemple pour être employé dans le public BOA/DH.SFR, 55/330, 24
août 1915
[x] Takvim-i Vakayi, 10 novembre 1915, no : 2343
[xi] BOA, DH.ÞFR 53/113, Ministère de l'Interieur à Adana, Bitlis,
Alep, Erzerum 25 mai 1915.
[xii] BOA, DH.ÞFR 54/51, Ministère de l'Intérieur à Adana 25 mai 1915.
[xiii] BOA, DH.EUM 68/89, 2. Þube, Fethi à Ministère de l'intérieur 11
octobre 1915.
[xiv] BOA, DH.ÞFR 54/346, Ministère de l'Intérieur à Adana, 6 juillet1915.
[xv] Baghdjian, La confiscation, p. 73.
[xvi] ibid., pp. 74-5.
[xvii] ibid., p. 275.
[xviii] BOA, DH.MB.HPS 49/31, 14 mai 1916.
[xix] BOA, DH.MB.HPS 49/22, correspondence datée du 24 octobre 1915 et
6 janvier 1916.
[xx] BOA, DH.EUM.MH 162/105, 24 septembre 1917.
[xxi] Damar Arýkoðlu, Hatýralarým (Istanbul : Tan Matbaasý, 1961), p. 95.
[xxii] Vahé Tachjian, La France en Cilicie et en Haute-Mésopotamie :
aux confins de la Turquie, de la Syrie et de l'Irak, 1919-1933 (Paris
: Karthala, 2004), pp. 225-6.
[xxiii] ibid., pp. 228-9.
http://www.armenianweekly.com/2011/10/14/a-history-of-destruction/
Traduction et commentaire de Gilbert Béguian
Parlant des quelques Maronites, Grecs catholiques et Arméniens
catholiques qui restaient malgré tout à Adana, Mersin et Tarse au
début des années 20, et qui se sont vus spoliés de leurs biens,
l'auteur, par ailleurs très soucieux du détail, aurait pu préciser que
le `gouvernement` qui a terminé ici cette entreprise de pillage
organisé, invoquant le Traité de Lausanne, est le gouvernement de
Mustafa Kemal Ataturk.
La `livre-or turque` que l'auteur emploie en général pour évaluer les
biens n'a aucune base monétaire officielle. On cherche donc vainement
quelle valeur pourraient avoir ces biens aujourd'hui.
Enfin, il faut une fois de plus se souvenir que dans les archives, le
chercheur ne peut trouver que ce qui a fait l'objet d'un écrit. A
condition ensuite que cet écrit soit recueilli par quelqu'un et remis
aux archives, que personne par la suite ne l'ait retiré, détruit ou
`égaré` et que des archivistes l'aient indexé. Il faut donc se faire à
l'idée, que de toutes façons, les quantités indiquées dans de telles
études sont parcellaires et éloignées de la réalité locale et à
fortiori de la réalité d'ensemble.
dimanche 23 octobre 2011,
Stéphane ©armenews.com
Histoire d'une destruction : Le sort des biens de l'Eglise Arménienne à Adana
Par Mehmet Polatel
Mehmet Polatel est un historien dont les travaux se concentrent sur
l'histoire de la fin de l'Empire Ottoman et les débuts de la
République Turque. Les centres d'intérêt pour ses recherches sont les
domaines de la puissance, de la formation de l'état , les changement à
l'intérieur des sociétés, le nationalisme et le génocide. Il a conduit
des recherches sur le sort des biens des Arméniens dans l'Empire
Ottoman et la République de Turquie. Il est actuellement doctorant en
philosophie à l'Université Bogazici et assistant de recherche au
Département d'Histoire à l'Université de Koc à Istanbul. Il est
également chercheur à la Fondation Internationale Hrant Dink.
Les processus génocidaires impliquent la perte de grandes quantités de
vies humaines. La motivation profonde en arrière de tels processus est
toujours liée à la destruction d'un certain groupe de personnes.
Cependant, ce ne sont pas seulement des personnes qui constituent une
communauté ; l'idée de communauté est aussi liée aux valeurs
partagées, aux usages quotidiens, à la culture, à la littérature et à
la religion. Le processus génocidaire ne vise pas seulement certains
groupes de personnes, mais aussi les symboles, les constructions, les
monuments qui leur appartiennent. Cet article examine le sort des
édifices religieux à Adana après le Génocide Arménien de 1915, dans un
processus de destruction qui visait à éradiquer les preuves de la
présence arménienne dans la région.
La région d'Adana a été habitée par les Arméniens depuis le 4ème
siècle. Comme Adana était l'une des premières régions de l'Empire
Ottoman à intégrer le monde de l'économie par la production
cotonnière, elle représentait pour les Arméniens un endroit favorable
à leur prospérité. Cette prospérité se reflétait dans le nombre
d'écoles, de monastères, et d'églises en activité dans la région. Les
Arméniens occupés au commerce et à l'artisanat, participaient
activement à la vie publique de la ville. Avec le district d'Adana,
Tarse, Hadjin, Sis et Cebel-i Bereket constituaient les quatre régions
majeures de la province d'Adana où se trouvait une importante présence
arménienne. L'organisation administrative de l'état ottoman étant basé
sur le système du millet, les Arméniens se voyaient offerte une
représentation au conseil administratif basée sur la différence de
religion. Les communautés apostoliques, catholiques et protestantes
étaient représentées dans ce conseil par leurs chefs religieux. Les
Arméniens d'Adana vivaient principalement dans le quartier
Khidir-Ilvas, autour de l'église Notre Dame, et au centre de la ville,
autour de la paroisse Saint-Etienne. Le dynamisme de la vie
intellectuelle et éducative présente dans la communauté était l'image
de son importance en nombre et de sa prospérité[ii]. Les collèges
Abkarian, Ashkhenian et Aramian comptaient 1 500 étudiants en 1913.
Une école de filles accueillait également plus de 500 étudiantes.
D'après les statistiques du Patriarcat, il y avait 25 écoles avec 1
947 étudiants de sexe masculin, 808 étudiantes, et 69 enseignants dans
la province. Sept de ces écoles se trouvaient à Sis, qui accueillaient
476 garçons et 165 filles, avec 19 enseignants [iii].
Génocide et Biens Arméniens
A la suite de la décision de déportation, le Comité Union et Progrès a
exercé un contrôle méticuleux sur le devenir des biens arméniens. Deux
processus parallèles ont été appliqués les biens arméniens : l'un
légal et l'autre illégal. Le processus légal a commencé avec la
décision du cabinet de protéger les biens arméniens laissés derrière
eux et les allouer aux immigrants des Balkans et du Caucase[iv]. Une
autre décision légale était l'ordre secret d'informer les
gouvernements locaux de la gestion des biens arméniens. Cet ordre
secret prévoyait la création de commissions de liquidation pour gérer
les biens, y comprises les ventes de biens meubles et la distribution
de terres, logements et produits agricoles aux immigrants et aux
tribus[v]. Finalement, le 27 septembre 1915, le CUP adoptait une loi
qui s'appliquait aux biens arméniens abandonnés, qualifiée de loi
temporaire : `la loi relative aux passifs et aux actifs des
populations qui ont été envoyées ailleurs`[vi]. Alors qu'elle ne
contenaient aucune disposition différente de l'ordre secret, elle
tendait à légaliser les mesures de l'ordre secret. Dans un sens
pratique, le CUP a employé les biens à des fins diverses :
l'installation des immigrants nouvellement arrivés[vii],
l'instauration d'une économie nationale[viii], et leur affectation aux
besoins de l'état, du peuple et de l'armée[ix]. Les lieux sacrés tels
ls églises et les monastères étaient exclus des processus
d'expropriation et d'appropriation. Il a été déclaré qu'ils seraient
protégés et qu'on en prendrait soin. Les marchandises, les images et
livres saints des églises devaient être enregistrés et préservés. Dans
un autre règlement adopté en novembre 1915 définissant les procédures
de liquidation, le droit d'usage des équipements provenant des écoles
et des monastères a été transféré au Ministère de l'Education[x].
Cette déclaration, cependant, est restée sur le papier et les biens
déclarés protégés ont été eux aussi confisqués par l'état.
Confiscation à Adana
Le but du CUP était de désarméniser la province d'Adana, qui
comprenait la plaine d'Adana, Mersin, Sis et Tarse, pour les remplir
d'immigrants musulmans des Balkans et du Caucase. Le génocide a frappé
Adana à l'été 1915, lorsque le CUP a ordonné la déportation des
Arméniens des villages de la province d'Adana. Dans cet ordre, le
gouvernement réclamait également le nom des villages et le nombre des
déportés[xi]. Le gouvernement CUP a ensuite visé les villes de la
province. La déportation complète des Arméniens de Sis a été décrétée
le 17 juin 1915[xii]. D'autres villes ont suivi les unes après les
autres. En octobre 1915, 9 000 Arméniens ont été déportés de Dortyol.
En dehors des employés des chemins de fer de Baghdad Railway et des
officiers militaires, les Arméniens devaient être `déportés sans
exception` (bila-istisna teb id) [xiii]. La Commission des Biens
Abandonnés de Dortyol était autorisée à procéder à la liquidation des
biens immeubles des Arméniens et à son transfert à la population
musulmane[xiv]. Les biens immeubles ont été destinés à divers usages,
à facettes multiples, comme par exemple attirer le milieu turc des
affaires à Adana, et à installer des immigrants musulmans venus des
Balkans dans les villages et villes désormais vides.
Selon le propre cahier de note de Talaat, 699 immeubles ont été
confisqués dans la province d'Adana.
Tableau I : Immeubles d'Adana confisqués :
Nom du District - Nombre
Tarse - 9
Cebel-i Bereket - 5
Kozan (Sis)- 229
Kars - 22
Hadjin - 50
Hadjin Shar - 25
Hadjin Rumlar - 25
Feke - 30
Feke Karadere - 25
Feke Karaköy - 130
Feke Yerebakan - 30
Feke Dikme - 30
Ceyhan - 86
Total - 699
Source : Bardakcý, 2008, p.93.
Ces immeubles allaient de la maison individuelle à la grande ferme et
au domaine. Les pertes à Sis/Kozan sont frappantes : elles comptent
pour un tiers à tous les immeubles confisqués dans l'ensemble de la
province d'Adana.
L'état ottoman a également confisqué des biens appartenant à la
communauté. Huit écoles et églises, couvrant une surface de 14 400 m²
d'une valeur estimée de 46 400 livres-or turques, ont été saisies par
l'état. Cinquante six immeubles de la communauté et terrains, couvrant
16 488 m² et valant 43 785 livres-or turques, ont été également
saisis[xv].
Le Catholicossat de Sis dominait la ville et siégeait dans une grande
construction-btie sur 1 250 000 m² - avec 50 chambres et salles.
L'immeuble était revêtu de dalles de Kutahya de qualité et accueillait
une bibliothèque de 4 000 livres et 400 manuscrits, ainsi qu'un musée
d'arts antiques. La taxe payée par le Catholicossat s'élevait à
environ 100 000 livres-or turques. Le diocèse était en outre en
possession d'une église historique et d'immeubles résidentiels
couvrant 14 500 m² et valant 2 000 livres-or turques. Le Catholicossat
était de plus propriétaire de plusieurs maisons et magasins, de deux
moulins à eau, d'un jardin de 10 000 m², d'un champ de 30 000 m² et
une ferme de 10 000 m² avec remises, écuries, terrains, 130 vaches, 30
mulets et des troupeaux de chèvres et de moutons. Les propriétés du
Catholicossat à Sis couvraient au total 11 687 000 m² et valaient 167
520 livres turques-or[xvi].
Les églises dans les provinces et du voisinage ont aussi subi des
pertes astronomiques. Ces pertes ont été chiffrées et indexées dans
les archives du Catholicossat d'Antélias, au Liban[xvii].
L'Eglise Sainte Mère de Dieu dans les environs de Hidir Ilyas ;
Une école dans l'enceinte de cette église (Ferman [décret] de février
1816) : 6 000m², 25 000 livres-or turques ;
Saint Etienne et école dans les environs de Bucak, brûlées en 1909
(Ferman perdu) 5 000 m² 18 000 livres-or turques ;
Eglise à Hiristiyankoy (Ferman de mars 1848) : 1 000 m², 1 000
livres-or turques ;
Eglise à Incirlik (Ferman perdu) 800 m² 800 livres-or turques ;
Eglise à Sheikh Murad (Ferman perdu) 1 000 m², 1 000 livres-or turques ;
Eglise à Abdo-oghlu, brûlée pendant l'occupation française (Ferman
perdu) : 200 m 200 livres-or turques ;
Eglise à Missis, brûlée pendant l'occupation française ( Ferman
perdu) 400 m² 400 livres-or turques.
L'état a fait des biens arméniens des usages divers. Certains ont été
transférés à des firmes turques. D'autres ont été distribués aux
fonctionnaires et citoyens. Les btiments importants comme les églises
ont été transformés en prisons. Les autorités locales d'Adana avaient
offert de convertir six constructions en prisons. Dans un rapport au
ministère de l'intérieur, le gouverneur d'Adana soutint qu'Adana avait
un sérieux besoin d'une prison nouvelle et proposa de transformer une
église - et l'école près de cette église- en prison moyennant-
quelques modifications[xviii]. Le ministère de l'intérieur accepta
l'offre et autorisa le gouverneur à mettre le projet à exécution.
Finalement, ces endroits pieux qu'on avait déclarés `protégés` furent
convertis en prisons[xix].
Avant ce changement, la prison n'était qu'une pièce dans le vieux
commissariat. Ce n'est as par hasard que ce commissariat fut lui aussi
déplacé dans un autre immeuble, qui faisait partie de la propriété
d'un Arménien[xx]. Les édifices religieux et les champs appartenant à
l'église ont également été destinés à des usages divers. D'après les
mémoires de Damar Arikoglu, qui était le délégué du CUP à Adana et qui
représentait la province au titre de parlementaire de 1920 à 1946, un
centre d'apprentissage fut installé dans la cour d'une ville
arménienne de la province[xxi].
Après 1918, les Arméniens d'Adana qui survécurent essayèrent de
retourner dans leurs maisons. La restitution rencontra très vite des
obstacles. Les héritiers des victimes et des déportés qui étaient
morts rencontrèrent des difficultés lorsqu'ils tentèrent de récupérer
leurs biens. Le principe de l'`apparition en personne` (isbat-i vucud)
prévalait, et seule la personne enregistrée comme propriétaire du bien
pouvait en demander la restitution. Beaucoup de ces personnes avaient
été bien sûr tuées, ou avaient souvent perdu leurs documents.
Quelques douzaines de Maronites, de Catholiques grecs, et d'Arméniens
catholiques restèrent dans la région. Ces communautés avaient
également été dépossédées à Adana, Mersin et Tarse. L'état avait
confisqué les entrepôts, les presbytères, les églises, les jardins,
les fermes, les maisons, et les couvents, et en usa pour ses propres
besoins. Comme le traité de Lausanne n'avait nommé spécifiquement
aucun groupe dont le statut de minorité était garanti, le gouvernement
déclarait que ces communautés n'étaient pas couvertes par le Traité de
Lausanne, et par conséquent n'avait aucun des droits garantis pour les
communauté minoritaires. Le gouvernement ordonna la saisie de toutes
les propriétés appartenant à ces communautés le 21 janvier 1926. Le
clocher de l'église maronite de Tarse a été démoli et l'église
convertie en siège du gouvernement du district en 1928. Les propriétés
maronites et grecques catholiques ont été données au ministère de
l'éducation[xxii].
Les dirigeants Jeunes Turcs s'en sont également pris au Frère Ignace
Terzian le chassant de Tarse, puis ont terrorisé le prêtre Jean
Khalkovian de Mersin. Les journaux locaux ont contribué à cette
politique de harcèlement en lançant une campagne de diffamation contre
Khalkovian, soutenant qu'il avait coopéré avec les forces d'occupation
françaises. Khalkovian a été par la suite déporté à Kastamonu et a été
expulsé de Turquie en 1926, En enlevant de la scène un personnage de
la communauté de cette importance, les autorités se sont encore plus
senties libres de confisquer la propriété de la communauté Catholique
arménienne - 18 hectares de terres agricoles, un entrepôt, des
ateliers et beaucoup d'autres biens. La communauté était dépouillée à
un point que le dernier Catholique arménien d 'Adana, Monseigneur
Pascal Keklikian, était locataire du gouvernement pour ldes immeubles
appartenant en propre à la communauté Catholique. Bien qu'il ait tenté
d'améliorer la condition de sa communauté, ses efforts se sont avérés
vains, l'état étant déterminé à détruire cette communauté même qu'il
essayait de protéger. En janvier 1927, le gouverneur d'Adana, Resat
Mimaroglu (1880-1953), ordonna la confiscation systématique de tous
les biens Catholiques arménien de cette province. La communauté avait
dorénavant tout perdu : son église, son presbytère, ses écles, ses
ateliers, ses terres, ses maisons. Keklikian découragé et vaincu
n'avait d'autre option que s'en aller en Syrie[xxiii].
C'est un mythe largement répandu que les états ottomans et turcs ont
protégé les biens arméniens, spécialement ceux des lieux de culte.
C'est répandu à un point que l'on peut trouver ce mythe, qui ne repose
sur aucune réalité historique, dans les déclarations des dirigeants
non seulement de l'état turc amis aussi des USA. On devrait cependant
regarder l'histoire sans aucune visée politique pour voir la
différence entre mythe et réalité. Ce court article a essayé de le
faire, partageant une motivation avec d'autres, pour regarder
l'histoire du Génocide Arménien d'un point de vue purement
intellectuel et exempt de considérations politiques.
[i]Cet article est basé sur l'étude Confiscation et Destruction : La
Saisie par les Jeunes Turcs des biens Arméniens. (Continuum, Londres/
New York, 2011) par Ugur Umit Ungor et Mehmet Polatel.
[ii] Raymond H. Kévorkian and Paul B. Paboudjian, Les Arméniens dans
l'empire ottoman à la veille du génocide (Paris : Editions d'Art et
d'Histoire, 1992), pp. 265-7.
[iii] Kévork K. Baghdjian, La confiscation, par le gouvernement turc,
des biens arméniens dits abandonnés' (Montréal : K.K. Baghdjian,
1987), p. 253.
[iv] Archives du Premier Ministre(BOA)Meclis-i Vukela Mazbatasý,
198/24, in Baþbakanlýk Devlet Arþivleri Genel Müdürlüðü Osmanlý
Arþivleri Daire Baþkanlýðý (2007), Osmanlý Belgelerinde Ermenilerin
Sevk ve Ýskaný, Ankara, pp. 155-157.
[v] Document original dans Genelkurmay Askeri Tarih ve Staratejik Etüd
Baþkanlýðý (décembre 1982), `Ahval-i Harbiye ve Zaruret-i Fevkalde-i
Siyasiye dolayýsýyla Mahall-i Ahire Nakilleri Ýcra Edilen Ermenilere
Ait Emval ve Emlk ve Arazinin Keyfiyet-i Ýdaresi Hakkýnda
Talimnamedir,' Askeri Tarih Belgeleri Dergisi, pp. 147-153. Pour la
traduction du document original dans le Directorat Général de la
presse et de l'information du Premier Ministre (1982), Documents,
Ankara pp 74-80.
[vi] Takvim-i Vakayi, 28 octobre 1915, no : 2303
[vii] Un exemple pour l'installation des Immigrants ; Archives
Républicaines du Premier Ministre (BCA), 272, 12, 36, 10, 1, 5 octobre
1915 et 16 octobre 1915, un exemple pour l'usage des biens pour les
besoins des immigrants BOA/DH.ÞFR, 61/247, Ministère de l'Intérieur à
Trébizonde, 3 mars 1916
[viii] Un exemple pour montrer la distribution des biens des Arméniens
aux Musulmans pour développer l'économie nationale. BOA/DH.SFR,
59/239, 6 janvier 1916
[ix] Un exemple pour l'armée : BOA/DH.SFR, 55-A/143, 8 septembre 1915,
un exemple pour être employé dans le public BOA/DH.SFR, 55/330, 24
août 1915
[x] Takvim-i Vakayi, 10 novembre 1915, no : 2343
[xi] BOA, DH.ÞFR 53/113, Ministère de l'Interieur à Adana, Bitlis,
Alep, Erzerum 25 mai 1915.
[xii] BOA, DH.ÞFR 54/51, Ministère de l'Intérieur à Adana 25 mai 1915.
[xiii] BOA, DH.EUM 68/89, 2. Þube, Fethi à Ministère de l'intérieur 11
octobre 1915.
[xiv] BOA, DH.ÞFR 54/346, Ministère de l'Intérieur à Adana, 6 juillet1915.
[xv] Baghdjian, La confiscation, p. 73.
[xvi] ibid., pp. 74-5.
[xvii] ibid., p. 275.
[xviii] BOA, DH.MB.HPS 49/31, 14 mai 1916.
[xix] BOA, DH.MB.HPS 49/22, correspondence datée du 24 octobre 1915 et
6 janvier 1916.
[xx] BOA, DH.EUM.MH 162/105, 24 septembre 1917.
[xxi] Damar Arýkoðlu, Hatýralarým (Istanbul : Tan Matbaasý, 1961), p. 95.
[xxii] Vahé Tachjian, La France en Cilicie et en Haute-Mésopotamie :
aux confins de la Turquie, de la Syrie et de l'Irak, 1919-1933 (Paris
: Karthala, 2004), pp. 225-6.
[xxiii] ibid., pp. 228-9.
http://www.armenianweekly.com/2011/10/14/a-history-of-destruction/
Traduction et commentaire de Gilbert Béguian
Parlant des quelques Maronites, Grecs catholiques et Arméniens
catholiques qui restaient malgré tout à Adana, Mersin et Tarse au
début des années 20, et qui se sont vus spoliés de leurs biens,
l'auteur, par ailleurs très soucieux du détail, aurait pu préciser que
le `gouvernement` qui a terminé ici cette entreprise de pillage
organisé, invoquant le Traité de Lausanne, est le gouvernement de
Mustafa Kemal Ataturk.
La `livre-or turque` que l'auteur emploie en général pour évaluer les
biens n'a aucune base monétaire officielle. On cherche donc vainement
quelle valeur pourraient avoir ces biens aujourd'hui.
Enfin, il faut une fois de plus se souvenir que dans les archives, le
chercheur ne peut trouver que ce qui a fait l'objet d'un écrit. A
condition ensuite que cet écrit soit recueilli par quelqu'un et remis
aux archives, que personne par la suite ne l'ait retiré, détruit ou
`égaré` et que des archivistes l'aient indexé. Il faut donc se faire à
l'idée, que de toutes façons, les quantités indiquées dans de telles
études sont parcellaires et éloignées de la réalité locale et à
fortiori de la réalité d'ensemble.
dimanche 23 octobre 2011,
Stéphane ©armenews.com