TURQUIE : RAPPORT SUR LES BIENS PILLES DES ARMENIENS
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=69673
Publie le : 11-12-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - " Après deux annees de
recherches detaillees et laborieuses dans des milliers de documents,
la fondation Hrant Dink a Istanbul a produit un travail monumental sur
le statut passe et present des proprietes qui ont un jour appartenues
a des fondations caritatives armeniennes a Istanbul - proprietes qui
ont toutes ete confisquees par le gouvernement turc au cours de ces
dernières decennies. L'etude, comprenant quelque 400 pages, fournit
une liste des proprietes saisies, illustrant la vue d'ensemble et
l'enormite des pillages subis par les ecoles, les orphelinats, les
eglises et les hôpitaux armeniens d'Istanbul, qui dependaient des
revenus generes par les proprietes pour survivre. " Raffi Bedrosyan,
l'auteur de l'article ci-dessous, conclut : " l'enormite de ce
transfert de richesse devient très difficile a evaluer. Peu surprenant
donc, que l'on resiste a affronter l'histoire ou a reconnaître les
faits. "
Par un hasard facetieux, ce livre, Declaration 2012, paraît alors que
l'Etat turc entame toute une serie de procedures internationales pour
reclamer aux plus grands musees du monde, des ~\uvres artistiques de
grande valeur qui auraient ete " volees " en Turquie - des ~\uvres
grecques pour l'essentiel - au cours des derniers siècles.
Curieusement, c'est la Cour europeenne des Droits de l'Homme qu'Ankara
a saisie dans le but de recuperer les richesses de " son " patrimoine
historique - exposees dans de grands musees etrangers - au motif que
" Chaque personne physique ou morale a droit a la jouissance paisible
de ses biens ".
Il va sans dire que si le gouvernement turc obtient gain de cause
devant cette juridiction, les Armeniens seront alors les premiers
interesses pour faire valoir leurs droits sur les spoliations
faramineuses que la Turquie a menees a leur encontre depuis 1915. Le
Collectif VAN vous propose la traduction d'un article en anglais paru
sur le site Armenian Weekly le 6 decembre 2012.
Declaration 2012 : une histoire des proprietes armeniennes saisies
a Istanbul
Poste par Raffi Bedrosyan le 6 decembre 2012
Après deux annees de recherches detaillees et laborieuses dans
des milliers de documents, la fondation Hrant Dink a Istanbul a
produit un travail monumental sur le statut passe et present des
proprietes qui ont un jour appartenues a des fondations caritatives
armeniennes a Istanbul - proprietes qui ont toutes ete confisquees
par le gouvernement turc au cours de ces dernières decennies. L'etude,
comprenant quelque 400 pages, fournit une liste des proprietes saisies,
illustrant la vue d'ensemble et l'enormite des pillages subis par
les ecoles, les orphelinats, les eglises et les hôpitaux armeniens
d'Istanbul, qui dependaient des revenus generes par les proprietes
pour survivre.
Le titre du livre, Declaration 2012, fait reference a la Declaration
de l'Etat turc de 1936, ordonnant a toutes les fondations caritatives
des minorites de dresser une liste de leurs actifs et de leurs
proprietes. Au plus fort de la crise de Chypre en 1975, l'Etat a
legifere de facon arbitraire que toutes les proprietes qui avaient
ete acquises par les fondations caritatives des minorites après 1936,
via des donations, des heritages, des testaments ou qui avaient
ete offertes, etaient declarees illegales, car elles ne figuraient
pas sur les listes de la declaration de 1936. Declaration 2012 fait
reference a cette legislation illogique et revèle la saisie legalisee
mais illicite, ou le vol etatique survenu il y a des annees, ainsi que
les petites mesures prises recemment pour redresser cette injustice
flagrante.
Le livre n'est pas un simple document historique fournissant un
inventaire des proprietes physiques, ou des rapports statistiques et
des declarations juridiques. C'est plutôt l'histoire d'une immense
souffrance humaine, allant d'enfants expulses de leurs ecoles, aux
orphelins n'etant plus capables de trouver un toit ; l'histoire la
plus tragique implique la saisie par l'Etat turc, d'un complexe de
bâtiments de colonie de vacances, litteralement construits par des
enfants orphelins (incluant Hrant Dink lui-meme), et qui a ete vendu
a des personnes privees turques.
Les quatre membres de la Fondation Hrant Dink, Mehmet Polatel, Nora
Mildanoglu, Ozgur Leman Eren et Mehmet Atilgan ont passe au crible
les archives du patriarcat, de l'Eglise et des ecoles, des actes
gouvernementaux et des dossiers de titres de proprietes, les archives
personnelles des avocat des fondations, des cartes anciennes et des
vues generales, des contrats d'achat et de vente ainsi que les propres
dossiers de recherches de Hrant Dink, afin de produire l'histoire
concise de chaque fondation caritative, y compris l'emplacement et
le type des proprietes offertes a chaque fondation, qui ont ensuite
ete saisies par l'Etat, et plus de 200 photographies. L'aspect le plus
dechirant de ce document historique est certainement les photographies,
dont certaines sont reimprimees ici. Les tentatives des membres
de l'equipe de recherche, d'obtenir des documents dans les bureaux
gouvernementaux, ont echoue dans la majorite des cas, bien qu'ils
aient ete en possession d'un document juridique appele Loi sur la
liberte de l'information ; on leur a declare que les titres et actes
notaries des Armeniens, pour la periode 1915-25, ne sont toujours pas
accessibles au public, en raison de la paranoïa officielle qui existe,
et qui les definis en termes de " menaces a la securite de l'Etat. "
Cet article va tenter de resumer les 400 pages du document et de
donner quelques exemples frappants de l'histoire armenienne d'Istanbul.
***
Tout d'abord, voici quelques extrait de l'introduction du livre : "
Ce livre n'est pas l'histoire des bâtiments saisis, faits de pierre
ou de ciment, mais l'histoire de personnes en chair et en os. Ces
institutions et bâtiments saisis etaient les biens cheris de gens
riches et pauvres, jeunes et vieux, d'hommes et de femmes qui avaient
travaille dur pour les creer ou les acquerir. Ces bâtiments injustement
saisis ont donne la vie aux ecoles, aux eglises, aux orphelinats et
aux maisons de retraite de toute la communaute. Le tissu social et
culturel des Armeniens turcs dependait de cette base economique. Nous
souhaitons que des injustices semblables ne se repètent pas a l'avenir,
alors que les gens liront dans ce livre l'explication du 'pourquoi'
et du 'comment' des tentatives pour aneantir la vie et la culture de
notre communaute. La question n'est pas uniquement la confiscation ou
la restitution des proprietes, mais la comprehension de cette dimension
de l'histoire et sa transmission aux generations futures. Tant que
le peuple hereditaire de ces terres est marginalise ou defini comme
'l'autre', tant que les membres des minorites ne sont pas consideres
comme des citoyens egaux, les tentatives de democratisation en Turquie
seront retardees. Nous souhaitons que cette etude contribue a une
confrontation de l'histoire. "
Le livre dresse la liste des fondations caritatives armeniennes et
de leurs actifs. Il y avait 53 fondations caritatives armeniennes a
Istanbul, administrant 18 ecoles et orphelinats, 48 eglises, 2 hôpitaux
et 20 cimetières de la communaute armenienne d'Istanbul, soutenues
par le revenu des locations et des actifs qu'elles possedaient ou qui
leur avaient ete legues par des testaments ou offerts en cadeau. Ces
fondations possedaient 1328 proprietes, dont 661 ont ete saisies par
l'Etat pour plusieurs raisons.
L'etude n'a pas pu determiner le destin de 87 proprietes. Après avoir
epuise tous les recours legaux disponibles devant les tribunaux turcs,
afin de recuperer les proprietes saisies, certaines fondations ont
porte, au cours de ces 10 dernières annees, leurs cas devant la
Cour europeenne des droits de l'homme. Alors qu'elles commencaient a
gagner tous leurs procès et etant donne que les decisions des cours
europeennes etaient contraignantes pour la Turquie, en raison de ses
espoirs d'adhesion a l'Union europeenne, l'Etat turc a recemment decide
de modifier la legislation de 1975 concernant les fondations, qui
avait permis leur saisie legale mais illicite. Grâce a la legislation
amelioree, 143 proprietes, soit environ 10,77 % des 1328 proprietes,
ont aujourd'hui ete rendues aux fondations armeniennes.
Les types de proprietes saisies etaient des immeubles residentiels
d'habitation, des blocs d'appartement residentiels, des unites
de maisons, des terrains vides, des vergers, des fontaines,
des magasins/boutiques, des entrepôts, des usines, des bâtiments
commerciaux, des immeubles de bureaux, des unites de bureaux, des
hôpitaux, des lieux de travail, des colonies de vacances, des eglises,
des ecoles et des cimetières.
" Le statut du proprietaire " des proprietes saisies est liste
en ces termes : inconnu, gouvernement municipal, Tresor Public,
bâtiment public, libre, acte/titre perdu, propriete individuelle,
appartenant a une autre fondation, ou appartenant au Directoire d'Etat
des Fondations.
Le processus par lequel une fondation a obtenu des proprietes
est inscrit comme suit : donation, testament, achat, par decret du
Sultan ottoman. Le processus par lequel les fondations ont perdu leurs
proprietes, est liste en ces termes : saisie de l'Etat, nationalisation
par l'Etat, vente a des individus ou des societes.
Le livre explique certaines histoires de confiscation en details.
Quelques exemples sont fournis ci-dessous.
Ecole Mkhitaryan Bomonti
Voici l'histoire tragique d'une ecole armenienne en activite depuis 200
ans, qui a fini par devenir locataire du bâtiment dont elle avait ete
proprietaire. Neanmoins, le denouement de cette histoire est heureux.
Les Mekhitaristes armeniens catholiques de Venise ont fonde une
ecole de garcons en 1830 dans le quartier de Pera. Afin d'accommoder
la population croissante des elèves dans une meilleure structure
d'enseignement, la fondation scolaire a decide de deplacer l'ecole
dans un bâtiment plus grand. En 1958, elle a achete le site actuel
dans le quartier de Sisli-Bomonti pour 710 000 lires turques, a
une femme du nom d'Emine Tevfika Ayasli. Le nom de l'ecole a ete
change en Ecole primaire catholique armenienne privee Bomonti. En
1979, le Directoire d'Etat des Fondations caritatives a entame des
poursuites contre l'ecole armenienne, puisque cette ecole n'avait pas
ete inscrite dans la Declaration de 1936, argumentant que l'achat de
la nouvelle ecole etait illegal. Le Directoire a exige que l'achat
soit annule et que le bâtiment soit restitue au vendeur, ou aux
heritiers du vendeur. Le tribunal a accepte l'argument et en 1988,
la Cour d'appel a rejete l'appel des Armeniens.
L'acte de propriete de l'ecole a ete remis a l'ancien proprietaire,
qui etait decede ; selon les dernières volontes de son testament,
il a ete remis a ses frères et a la municipalite Ayas-Ankara. (Il
est interessant de noter que le testament d'Ayasli a ete prepare
des annees après que l'ecole a ete legalement vendue a la fondation
armenienne.) Les frères ont vendu leurs parts du bâtiment a une societe
de construction specialisee dans les immeubles d'habitation, nommee
Miltas. En 1998, la municipalite Ayas-Ankara a conclu un contrat de
location avec l'ecole et a commence a lui facturer un loyer. Mais
l'autre proprietaire, Miltas, s'est oppose a l'accord de location
et a entame une procedure judiciaire pour que l'ecole quitte le
bâtiment. En fevrier 1999, Miltas a gagne le procès et le meme jour,
le contenu de l'ecole (incluant les bureaux des elèves, les etagères
et les livres de la bibliothèque, les jouets du jardin d'enfants et
le piano de l'ecole), a ete demenage a l'exterieur, dans la cour de
l'ecole. Confronte a l'incroyable situation de n'avoir soudainement
plus d'ecole au beau milieu de l'hiver, les parents armeniens,
d'une facon exceptionnelle, ont recouru a la resistance passive et
ont commence a camper dans la cour de l'ecole. Le tolle public a
force le maire de la municipalite de Sisli-Istanbul a intervenir
et il s'est arrange pour acheter les parts de Miltas, l'entreprise
de construction. Il a aussi conclu un accord avec la municipalite
d'Ayas pour que l'ecole continue a fonctionner en payant un loyer
a la municipalite Ayas. Naturellement, l'ecole a perdu la plupart
de ses elèves après ces perturbations et leur nombre est tombe a
35. Depuis, la fondation de l'ecole est allee devant les tribunaux
pour reclamer le bâtiment. En novembre 2012, deux jours avant la
publication de ce livre, le procès s'est acheve par la victoire de
l'ecole armenienne. Aujourd'hui, les actes de proprietes ont finalement
ete restitues a la fondation armenienne et l'ecole a arrete de payer
un loyer.
Camps de vacances de Tuzla pour enfants armeniens
Dans les annees 1950, l'Eglise protestante armenienne du quartier
Gedikpasa a Istanbul servait de lieu d'arrivee a de nombreux
orphelins armeniens pauvres et sans domicile, en provenance de villes
anatoliennes en particulier. Ces enfants, assez nombreux dans les
annees 60, suivaient les cours a l'Ecole protestante armenienne de
Gedikpasa dans des conditions acceptables en hiver, mais ils n'avaient
nulle part où aller en ete.
La fondation de l'eglise a decide d'acheter un terrain vide près
de la mer de Marmara, dans la municipalite de Tuzla, pour y creer
une colonie de vacances destinee a ces enfants. En octobre 1962,
l'achat a ete effectue auprès d'un individu denomme Sait Durmaz et
enregistre dans le registre des proprietes de l'eglise, selon toutes
les procedures legales applicables. À partir de ce moment-la, chaque
ete, les enfants, âges de 8 a 12 ans, ont ete charges de construire
des bâtiments pour le camp, sous la supervision d'un constructeur du
nom de Tuzlali Hasan Kalfa.
Les enfants ont tout d'abord dresse des piquets et des tentes de
toile, pour y vivre pendant les travaux de construction. Ensuite ils
ont creuse un puits, pour pomper l'eau necessaire a la construction,
chacun leur tour. Puis les fondations ont ete pretes. Etant donne
que la mer se trouvait a 500 mètres de distance seulement, ils ont
transporte a l'aide de brouettes le sable et le gravier de la plage.
Lentement, mais sûrement, pendant trois etes, le terrain vide s'est
transforme en un complexe de bâtiments de colonies de vacances, avec
des dortoirs, des salles a manger, des espaces de jeux, un terrain de
football, un etang et un gymnase. Les enfants ont mis des grenouilles
et des canards dans l'etang. Les filles et les garcons armeniens
ont appris a parler, a chanter, a jouer, a cuisiner et a faire le
menage ensemble en armenien. Hrant Dink etait l'un de ces garcons ;
sa femme Rakel etait l'une de ces filles.
Ces jours heureux ont pris fin lorsque le Directoire d'Etat des
Fondations s'est adresse aux tribunaux en fevrier 1979, pour faire
annuler le contrat d'achat et faire restituer la propriete a son
proprietaire precedent, affirmant que la Fondation de l'eglise de
Gedikpasa n'avait nullement le droit d'acheter la propriete. Après
quatre ans de procès, le tribunal a annule l'acte de propriete de la
colonie de vacances et a rendu la propriete a son ancien proprietaire,
Sait Durmaz, y compris les installations extraordinaires que les
enfants avaient construites. Le camp, grave dans la memoire de 1500
enfants armeniens, a ete laisse a l'abandon, les cadres des lits ont
rouille, les vitres ont ete cassees et les mauvaises herbes ont tout
envahi. En 1987, la Cour d'appel a approuve la decision du tribunal
precedent. Le proprietaire a vendu le camp a de nouveaux acheteurs,
qui l'ont a leur tour revendu. Plusieurs demandes faites auprès des
tribunaux par la fondation armenienne dans les annees 2000 et plus
recemment en août 2011, ont toutes ete rejetees. L'un des derniers
articles de Hrant, intitule " Humanite, je te ferai un procès ! ... "
etait un cri solennel face a cette injustice flagrante.
Orphelinat Kalfayan
En 1865, une epidemie de cholera a Istanbul a laisse beaucoup
d'enfants orphelins pauvres derrière elle. Une nonne armenienne qui
s'appelait Serpouhi Nechan Kalfayan a decide de prendre soin de 17
orphelines, âgees de 2 a 10 ans, chez elle. Elle a aussi commence a
leur enseigner l'artisanat et la couture. Ces efforts personnels ont
mene a la fondation de l'une des institutions educatives armeniennes
les plus importantes a Istanbul, l'Orphelinat et ecole Kalfayan.
L'orphelinat a survecu jusqu'a la fin des annees 1960, quand
l'ecole a ete expropriee, sans aucune compensation, et demolie
pour la construction des voies express menant au Pont du Bosphore,
entre l'Europe et l'Asie. La fondation possedait un grand terrain où
elle planifiait de transferer l'orphelinat et l'ecole. Le Directoire
d'Etat des Fondations a affirme que puisque ce terrain n'avait pas ete
enregistre dans la Declaration de 1936, elle n'etait pas autorisee
a y construire un nouvel orphelinat, et les orphelins et leurs
professeurs devaient etre rediriges vers d'autres orphelinats. Les
demandes repetees n'ont donne aucun resultat et 150 personnes, le
nombre total des orphelins et du personnel, ont passe les 30 annees
suivantes dans divers bâtiments delabres, jusqu'a ce qu'un nouvel
arrangement soit trouve en 1999, instituant un partage des bâtiments
de l'ecole Semerciyan a Uskudar.
***
Dans un article precedent, paru sur Armenian Weekly, en date du
31 août 2011, intitule, Rapport special : que rend la Turquie aux
Armeniens ? je faisais reference a une autre saisie importante de
biens armeniens par l'Etat : les terrains du cimetière Sourp Hagop qui
avaient ete accordes a la communaute armenienne en 1550 par un decret
du Sultan ottoman Suleyman, pour recompenser son cuisinier armenien,
Manoug Karaseferyan de Van, qui avait decouvert un complot d'espions
allemands visant a empoisonner l'empereur durant le siège de Budapest.
Le cimetière a ete utilise pendant 400 ans, jusque dans les annees
1930, date a laquelle la municipalite d'Istanbul a procede a une
expropriation des terres, après des annees de bataille juridique.
Desormais, ces terres, qui sont entretemps devenues l'un des quartiers
les plus chers et a la mode d'Istanbul, sont occupees par les quartiers
generaux de la radio et de la television publiques, le quartier
general des forces armees turques d'Istanbul, le musee militaire,
de nombreux hôtels de luxe, tels que le Hilton, le Regency Hyatt,
le Divan et divers immeubles d'habitations et de bureaux, ainsi que
par le vaste Parc Taksim, dont certaines allees sont pavees du marbre
des pierres tombales armeniennes.
Le livre Declaration 2012 apporte des informations sur les proprietes
armeniennes perdues a Istanbul, principalement pendant les annees
1970, en raison de l'argument illogique, mais legal, que les
proprietes acquises après 1936 sont considerees comme illegales,
car non listees dans la Declaration de 1936. Mais l'etendue de cette
injustice flagrante, ferait pâle figure au regard de la quantite de
proprietes armeniennes saisies ou perdues après 1915, non seulement
a Istanbul, mais partout en Anatolie, particulièrement en Armenie
historique. Pour illustrer l'enormite meme de la perte, observez ces
chiffres : il y avait plus de 4000 eglises et ecoles armeniennes en
Anatolie, chacune possedant son propre terrain, chacune possedant son
propre revenu, genere par les terres, les proprietes et les actifs
supplementaires. L'eglise Sourp Guiragos, recemment reconstruite a
Diyarbakir, detenait plus de 200 actes et titres de proprietes divers,
concernant des magasins, des maisons, des fermes et des vergers, qui
ont ete confisques par le gouvernement et des personnes physiques qui
y ont erige des immeubles d'habitation, des immeubles de bureaux, des
ecoles publiques, des magasins et des maisons et meme une autoroute.
Heureusement, le processus pour reprendre ces proprietes a deja
commence a Diyarbakir. Les chiffres mentionnes ci-dessus ne concernent
que les eglises et les ecoles armeniennes, c'est-a-dire les bâtiments
que possède la communaute. Ajoutez a ces chiffres les proprietes
appartenant aux individus armeniens prives, comme les maisons,
les magasins, les fermes, les vergers, les usines, les entrepôts,
les mines, etc. et l'enormite de ce transfert de richesse devient
très difficile a evaluer.
Peu surprenant donc, que l'on resiste a affronter l'histoire ou a
reconnaître les faits.
Pour en savoir plus sur le livre, consultez
www.istanbulermenivakiflari.org/tr
Des informations sont egalement disponibles gratuitement auprès de
la Fondation Hrant Dink.
Raffi Bedrosyan est un ingenieur civil et un pianiste, vivant a
Toronto, au Canada. Au cours de ces dernières annees, il a fait don
des benefices de ses concerts et de ses deux CD pour la construction
d'ecoles, d'autoroutes et de programmes de distribution d'eau de gaz
en Armenie et au Karabagh. Il a egalement participe a ces projets en
tant qu'ingenieur benevole. Bedrosyan s'est implique dans le projet
de reconstruction de l'eglise Sourp Guiragos de Diyarbakir, et il
a promu a travers le monde l'importance de ce projet historique qui
represente la première reclamation armenienne des biens de l'Eglise
en Anatolie après 1915. En septembre 2012, il a donne le premier
concert armenien de piano dans l'eglise Sourp Guiragos depuis 1915.
©Traduction de l'anglais C.Gardon pour le Collectif VAN - 11 decembre
2012 - 07:00 - www.collectifvan.org
Lire aussi :
Jusqu'où la Turquie veut-elle etre l'heritière de l'empire ottoman?
Genocide armenien : l'argent du crime finance sa negation
Turquie vs Louvre : le voleur vole
Retour a la rubrique
Source/Lien : Armenian Weekly
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=69673
Publie le : 11-12-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - " Après deux annees de
recherches detaillees et laborieuses dans des milliers de documents,
la fondation Hrant Dink a Istanbul a produit un travail monumental sur
le statut passe et present des proprietes qui ont un jour appartenues
a des fondations caritatives armeniennes a Istanbul - proprietes qui
ont toutes ete confisquees par le gouvernement turc au cours de ces
dernières decennies. L'etude, comprenant quelque 400 pages, fournit
une liste des proprietes saisies, illustrant la vue d'ensemble et
l'enormite des pillages subis par les ecoles, les orphelinats, les
eglises et les hôpitaux armeniens d'Istanbul, qui dependaient des
revenus generes par les proprietes pour survivre. " Raffi Bedrosyan,
l'auteur de l'article ci-dessous, conclut : " l'enormite de ce
transfert de richesse devient très difficile a evaluer. Peu surprenant
donc, que l'on resiste a affronter l'histoire ou a reconnaître les
faits. "
Par un hasard facetieux, ce livre, Declaration 2012, paraît alors que
l'Etat turc entame toute une serie de procedures internationales pour
reclamer aux plus grands musees du monde, des ~\uvres artistiques de
grande valeur qui auraient ete " volees " en Turquie - des ~\uvres
grecques pour l'essentiel - au cours des derniers siècles.
Curieusement, c'est la Cour europeenne des Droits de l'Homme qu'Ankara
a saisie dans le but de recuperer les richesses de " son " patrimoine
historique - exposees dans de grands musees etrangers - au motif que
" Chaque personne physique ou morale a droit a la jouissance paisible
de ses biens ".
Il va sans dire que si le gouvernement turc obtient gain de cause
devant cette juridiction, les Armeniens seront alors les premiers
interesses pour faire valoir leurs droits sur les spoliations
faramineuses que la Turquie a menees a leur encontre depuis 1915. Le
Collectif VAN vous propose la traduction d'un article en anglais paru
sur le site Armenian Weekly le 6 decembre 2012.
Declaration 2012 : une histoire des proprietes armeniennes saisies
a Istanbul
Poste par Raffi Bedrosyan le 6 decembre 2012
Après deux annees de recherches detaillees et laborieuses dans
des milliers de documents, la fondation Hrant Dink a Istanbul a
produit un travail monumental sur le statut passe et present des
proprietes qui ont un jour appartenues a des fondations caritatives
armeniennes a Istanbul - proprietes qui ont toutes ete confisquees
par le gouvernement turc au cours de ces dernières decennies. L'etude,
comprenant quelque 400 pages, fournit une liste des proprietes saisies,
illustrant la vue d'ensemble et l'enormite des pillages subis par
les ecoles, les orphelinats, les eglises et les hôpitaux armeniens
d'Istanbul, qui dependaient des revenus generes par les proprietes
pour survivre.
Le titre du livre, Declaration 2012, fait reference a la Declaration
de l'Etat turc de 1936, ordonnant a toutes les fondations caritatives
des minorites de dresser une liste de leurs actifs et de leurs
proprietes. Au plus fort de la crise de Chypre en 1975, l'Etat a
legifere de facon arbitraire que toutes les proprietes qui avaient
ete acquises par les fondations caritatives des minorites après 1936,
via des donations, des heritages, des testaments ou qui avaient
ete offertes, etaient declarees illegales, car elles ne figuraient
pas sur les listes de la declaration de 1936. Declaration 2012 fait
reference a cette legislation illogique et revèle la saisie legalisee
mais illicite, ou le vol etatique survenu il y a des annees, ainsi que
les petites mesures prises recemment pour redresser cette injustice
flagrante.
Le livre n'est pas un simple document historique fournissant un
inventaire des proprietes physiques, ou des rapports statistiques et
des declarations juridiques. C'est plutôt l'histoire d'une immense
souffrance humaine, allant d'enfants expulses de leurs ecoles, aux
orphelins n'etant plus capables de trouver un toit ; l'histoire la
plus tragique implique la saisie par l'Etat turc, d'un complexe de
bâtiments de colonie de vacances, litteralement construits par des
enfants orphelins (incluant Hrant Dink lui-meme), et qui a ete vendu
a des personnes privees turques.
Les quatre membres de la Fondation Hrant Dink, Mehmet Polatel, Nora
Mildanoglu, Ozgur Leman Eren et Mehmet Atilgan ont passe au crible
les archives du patriarcat, de l'Eglise et des ecoles, des actes
gouvernementaux et des dossiers de titres de proprietes, les archives
personnelles des avocat des fondations, des cartes anciennes et des
vues generales, des contrats d'achat et de vente ainsi que les propres
dossiers de recherches de Hrant Dink, afin de produire l'histoire
concise de chaque fondation caritative, y compris l'emplacement et
le type des proprietes offertes a chaque fondation, qui ont ensuite
ete saisies par l'Etat, et plus de 200 photographies. L'aspect le plus
dechirant de ce document historique est certainement les photographies,
dont certaines sont reimprimees ici. Les tentatives des membres
de l'equipe de recherche, d'obtenir des documents dans les bureaux
gouvernementaux, ont echoue dans la majorite des cas, bien qu'ils
aient ete en possession d'un document juridique appele Loi sur la
liberte de l'information ; on leur a declare que les titres et actes
notaries des Armeniens, pour la periode 1915-25, ne sont toujours pas
accessibles au public, en raison de la paranoïa officielle qui existe,
et qui les definis en termes de " menaces a la securite de l'Etat. "
Cet article va tenter de resumer les 400 pages du document et de
donner quelques exemples frappants de l'histoire armenienne d'Istanbul.
***
Tout d'abord, voici quelques extrait de l'introduction du livre : "
Ce livre n'est pas l'histoire des bâtiments saisis, faits de pierre
ou de ciment, mais l'histoire de personnes en chair et en os. Ces
institutions et bâtiments saisis etaient les biens cheris de gens
riches et pauvres, jeunes et vieux, d'hommes et de femmes qui avaient
travaille dur pour les creer ou les acquerir. Ces bâtiments injustement
saisis ont donne la vie aux ecoles, aux eglises, aux orphelinats et
aux maisons de retraite de toute la communaute. Le tissu social et
culturel des Armeniens turcs dependait de cette base economique. Nous
souhaitons que des injustices semblables ne se repètent pas a l'avenir,
alors que les gens liront dans ce livre l'explication du 'pourquoi'
et du 'comment' des tentatives pour aneantir la vie et la culture de
notre communaute. La question n'est pas uniquement la confiscation ou
la restitution des proprietes, mais la comprehension de cette dimension
de l'histoire et sa transmission aux generations futures. Tant que
le peuple hereditaire de ces terres est marginalise ou defini comme
'l'autre', tant que les membres des minorites ne sont pas consideres
comme des citoyens egaux, les tentatives de democratisation en Turquie
seront retardees. Nous souhaitons que cette etude contribue a une
confrontation de l'histoire. "
Le livre dresse la liste des fondations caritatives armeniennes et
de leurs actifs. Il y avait 53 fondations caritatives armeniennes a
Istanbul, administrant 18 ecoles et orphelinats, 48 eglises, 2 hôpitaux
et 20 cimetières de la communaute armenienne d'Istanbul, soutenues
par le revenu des locations et des actifs qu'elles possedaient ou qui
leur avaient ete legues par des testaments ou offerts en cadeau. Ces
fondations possedaient 1328 proprietes, dont 661 ont ete saisies par
l'Etat pour plusieurs raisons.
L'etude n'a pas pu determiner le destin de 87 proprietes. Après avoir
epuise tous les recours legaux disponibles devant les tribunaux turcs,
afin de recuperer les proprietes saisies, certaines fondations ont
porte, au cours de ces 10 dernières annees, leurs cas devant la
Cour europeenne des droits de l'homme. Alors qu'elles commencaient a
gagner tous leurs procès et etant donne que les decisions des cours
europeennes etaient contraignantes pour la Turquie, en raison de ses
espoirs d'adhesion a l'Union europeenne, l'Etat turc a recemment decide
de modifier la legislation de 1975 concernant les fondations, qui
avait permis leur saisie legale mais illicite. Grâce a la legislation
amelioree, 143 proprietes, soit environ 10,77 % des 1328 proprietes,
ont aujourd'hui ete rendues aux fondations armeniennes.
Les types de proprietes saisies etaient des immeubles residentiels
d'habitation, des blocs d'appartement residentiels, des unites
de maisons, des terrains vides, des vergers, des fontaines,
des magasins/boutiques, des entrepôts, des usines, des bâtiments
commerciaux, des immeubles de bureaux, des unites de bureaux, des
hôpitaux, des lieux de travail, des colonies de vacances, des eglises,
des ecoles et des cimetières.
" Le statut du proprietaire " des proprietes saisies est liste
en ces termes : inconnu, gouvernement municipal, Tresor Public,
bâtiment public, libre, acte/titre perdu, propriete individuelle,
appartenant a une autre fondation, ou appartenant au Directoire d'Etat
des Fondations.
Le processus par lequel une fondation a obtenu des proprietes
est inscrit comme suit : donation, testament, achat, par decret du
Sultan ottoman. Le processus par lequel les fondations ont perdu leurs
proprietes, est liste en ces termes : saisie de l'Etat, nationalisation
par l'Etat, vente a des individus ou des societes.
Le livre explique certaines histoires de confiscation en details.
Quelques exemples sont fournis ci-dessous.
Ecole Mkhitaryan Bomonti
Voici l'histoire tragique d'une ecole armenienne en activite depuis 200
ans, qui a fini par devenir locataire du bâtiment dont elle avait ete
proprietaire. Neanmoins, le denouement de cette histoire est heureux.
Les Mekhitaristes armeniens catholiques de Venise ont fonde une
ecole de garcons en 1830 dans le quartier de Pera. Afin d'accommoder
la population croissante des elèves dans une meilleure structure
d'enseignement, la fondation scolaire a decide de deplacer l'ecole
dans un bâtiment plus grand. En 1958, elle a achete le site actuel
dans le quartier de Sisli-Bomonti pour 710 000 lires turques, a
une femme du nom d'Emine Tevfika Ayasli. Le nom de l'ecole a ete
change en Ecole primaire catholique armenienne privee Bomonti. En
1979, le Directoire d'Etat des Fondations caritatives a entame des
poursuites contre l'ecole armenienne, puisque cette ecole n'avait pas
ete inscrite dans la Declaration de 1936, argumentant que l'achat de
la nouvelle ecole etait illegal. Le Directoire a exige que l'achat
soit annule et que le bâtiment soit restitue au vendeur, ou aux
heritiers du vendeur. Le tribunal a accepte l'argument et en 1988,
la Cour d'appel a rejete l'appel des Armeniens.
L'acte de propriete de l'ecole a ete remis a l'ancien proprietaire,
qui etait decede ; selon les dernières volontes de son testament,
il a ete remis a ses frères et a la municipalite Ayas-Ankara. (Il
est interessant de noter que le testament d'Ayasli a ete prepare
des annees après que l'ecole a ete legalement vendue a la fondation
armenienne.) Les frères ont vendu leurs parts du bâtiment a une societe
de construction specialisee dans les immeubles d'habitation, nommee
Miltas. En 1998, la municipalite Ayas-Ankara a conclu un contrat de
location avec l'ecole et a commence a lui facturer un loyer. Mais
l'autre proprietaire, Miltas, s'est oppose a l'accord de location
et a entame une procedure judiciaire pour que l'ecole quitte le
bâtiment. En fevrier 1999, Miltas a gagne le procès et le meme jour,
le contenu de l'ecole (incluant les bureaux des elèves, les etagères
et les livres de la bibliothèque, les jouets du jardin d'enfants et
le piano de l'ecole), a ete demenage a l'exterieur, dans la cour de
l'ecole. Confronte a l'incroyable situation de n'avoir soudainement
plus d'ecole au beau milieu de l'hiver, les parents armeniens,
d'une facon exceptionnelle, ont recouru a la resistance passive et
ont commence a camper dans la cour de l'ecole. Le tolle public a
force le maire de la municipalite de Sisli-Istanbul a intervenir
et il s'est arrange pour acheter les parts de Miltas, l'entreprise
de construction. Il a aussi conclu un accord avec la municipalite
d'Ayas pour que l'ecole continue a fonctionner en payant un loyer
a la municipalite Ayas. Naturellement, l'ecole a perdu la plupart
de ses elèves après ces perturbations et leur nombre est tombe a
35. Depuis, la fondation de l'ecole est allee devant les tribunaux
pour reclamer le bâtiment. En novembre 2012, deux jours avant la
publication de ce livre, le procès s'est acheve par la victoire de
l'ecole armenienne. Aujourd'hui, les actes de proprietes ont finalement
ete restitues a la fondation armenienne et l'ecole a arrete de payer
un loyer.
Camps de vacances de Tuzla pour enfants armeniens
Dans les annees 1950, l'Eglise protestante armenienne du quartier
Gedikpasa a Istanbul servait de lieu d'arrivee a de nombreux
orphelins armeniens pauvres et sans domicile, en provenance de villes
anatoliennes en particulier. Ces enfants, assez nombreux dans les
annees 60, suivaient les cours a l'Ecole protestante armenienne de
Gedikpasa dans des conditions acceptables en hiver, mais ils n'avaient
nulle part où aller en ete.
La fondation de l'eglise a decide d'acheter un terrain vide près
de la mer de Marmara, dans la municipalite de Tuzla, pour y creer
une colonie de vacances destinee a ces enfants. En octobre 1962,
l'achat a ete effectue auprès d'un individu denomme Sait Durmaz et
enregistre dans le registre des proprietes de l'eglise, selon toutes
les procedures legales applicables. À partir de ce moment-la, chaque
ete, les enfants, âges de 8 a 12 ans, ont ete charges de construire
des bâtiments pour le camp, sous la supervision d'un constructeur du
nom de Tuzlali Hasan Kalfa.
Les enfants ont tout d'abord dresse des piquets et des tentes de
toile, pour y vivre pendant les travaux de construction. Ensuite ils
ont creuse un puits, pour pomper l'eau necessaire a la construction,
chacun leur tour. Puis les fondations ont ete pretes. Etant donne
que la mer se trouvait a 500 mètres de distance seulement, ils ont
transporte a l'aide de brouettes le sable et le gravier de la plage.
Lentement, mais sûrement, pendant trois etes, le terrain vide s'est
transforme en un complexe de bâtiments de colonies de vacances, avec
des dortoirs, des salles a manger, des espaces de jeux, un terrain de
football, un etang et un gymnase. Les enfants ont mis des grenouilles
et des canards dans l'etang. Les filles et les garcons armeniens
ont appris a parler, a chanter, a jouer, a cuisiner et a faire le
menage ensemble en armenien. Hrant Dink etait l'un de ces garcons ;
sa femme Rakel etait l'une de ces filles.
Ces jours heureux ont pris fin lorsque le Directoire d'Etat des
Fondations s'est adresse aux tribunaux en fevrier 1979, pour faire
annuler le contrat d'achat et faire restituer la propriete a son
proprietaire precedent, affirmant que la Fondation de l'eglise de
Gedikpasa n'avait nullement le droit d'acheter la propriete. Après
quatre ans de procès, le tribunal a annule l'acte de propriete de la
colonie de vacances et a rendu la propriete a son ancien proprietaire,
Sait Durmaz, y compris les installations extraordinaires que les
enfants avaient construites. Le camp, grave dans la memoire de 1500
enfants armeniens, a ete laisse a l'abandon, les cadres des lits ont
rouille, les vitres ont ete cassees et les mauvaises herbes ont tout
envahi. En 1987, la Cour d'appel a approuve la decision du tribunal
precedent. Le proprietaire a vendu le camp a de nouveaux acheteurs,
qui l'ont a leur tour revendu. Plusieurs demandes faites auprès des
tribunaux par la fondation armenienne dans les annees 2000 et plus
recemment en août 2011, ont toutes ete rejetees. L'un des derniers
articles de Hrant, intitule " Humanite, je te ferai un procès ! ... "
etait un cri solennel face a cette injustice flagrante.
Orphelinat Kalfayan
En 1865, une epidemie de cholera a Istanbul a laisse beaucoup
d'enfants orphelins pauvres derrière elle. Une nonne armenienne qui
s'appelait Serpouhi Nechan Kalfayan a decide de prendre soin de 17
orphelines, âgees de 2 a 10 ans, chez elle. Elle a aussi commence a
leur enseigner l'artisanat et la couture. Ces efforts personnels ont
mene a la fondation de l'une des institutions educatives armeniennes
les plus importantes a Istanbul, l'Orphelinat et ecole Kalfayan.
L'orphelinat a survecu jusqu'a la fin des annees 1960, quand
l'ecole a ete expropriee, sans aucune compensation, et demolie
pour la construction des voies express menant au Pont du Bosphore,
entre l'Europe et l'Asie. La fondation possedait un grand terrain où
elle planifiait de transferer l'orphelinat et l'ecole. Le Directoire
d'Etat des Fondations a affirme que puisque ce terrain n'avait pas ete
enregistre dans la Declaration de 1936, elle n'etait pas autorisee
a y construire un nouvel orphelinat, et les orphelins et leurs
professeurs devaient etre rediriges vers d'autres orphelinats. Les
demandes repetees n'ont donne aucun resultat et 150 personnes, le
nombre total des orphelins et du personnel, ont passe les 30 annees
suivantes dans divers bâtiments delabres, jusqu'a ce qu'un nouvel
arrangement soit trouve en 1999, instituant un partage des bâtiments
de l'ecole Semerciyan a Uskudar.
***
Dans un article precedent, paru sur Armenian Weekly, en date du
31 août 2011, intitule, Rapport special : que rend la Turquie aux
Armeniens ? je faisais reference a une autre saisie importante de
biens armeniens par l'Etat : les terrains du cimetière Sourp Hagop qui
avaient ete accordes a la communaute armenienne en 1550 par un decret
du Sultan ottoman Suleyman, pour recompenser son cuisinier armenien,
Manoug Karaseferyan de Van, qui avait decouvert un complot d'espions
allemands visant a empoisonner l'empereur durant le siège de Budapest.
Le cimetière a ete utilise pendant 400 ans, jusque dans les annees
1930, date a laquelle la municipalite d'Istanbul a procede a une
expropriation des terres, après des annees de bataille juridique.
Desormais, ces terres, qui sont entretemps devenues l'un des quartiers
les plus chers et a la mode d'Istanbul, sont occupees par les quartiers
generaux de la radio et de la television publiques, le quartier
general des forces armees turques d'Istanbul, le musee militaire,
de nombreux hôtels de luxe, tels que le Hilton, le Regency Hyatt,
le Divan et divers immeubles d'habitations et de bureaux, ainsi que
par le vaste Parc Taksim, dont certaines allees sont pavees du marbre
des pierres tombales armeniennes.
Le livre Declaration 2012 apporte des informations sur les proprietes
armeniennes perdues a Istanbul, principalement pendant les annees
1970, en raison de l'argument illogique, mais legal, que les
proprietes acquises après 1936 sont considerees comme illegales,
car non listees dans la Declaration de 1936. Mais l'etendue de cette
injustice flagrante, ferait pâle figure au regard de la quantite de
proprietes armeniennes saisies ou perdues après 1915, non seulement
a Istanbul, mais partout en Anatolie, particulièrement en Armenie
historique. Pour illustrer l'enormite meme de la perte, observez ces
chiffres : il y avait plus de 4000 eglises et ecoles armeniennes en
Anatolie, chacune possedant son propre terrain, chacune possedant son
propre revenu, genere par les terres, les proprietes et les actifs
supplementaires. L'eglise Sourp Guiragos, recemment reconstruite a
Diyarbakir, detenait plus de 200 actes et titres de proprietes divers,
concernant des magasins, des maisons, des fermes et des vergers, qui
ont ete confisques par le gouvernement et des personnes physiques qui
y ont erige des immeubles d'habitation, des immeubles de bureaux, des
ecoles publiques, des magasins et des maisons et meme une autoroute.
Heureusement, le processus pour reprendre ces proprietes a deja
commence a Diyarbakir. Les chiffres mentionnes ci-dessus ne concernent
que les eglises et les ecoles armeniennes, c'est-a-dire les bâtiments
que possède la communaute. Ajoutez a ces chiffres les proprietes
appartenant aux individus armeniens prives, comme les maisons,
les magasins, les fermes, les vergers, les usines, les entrepôts,
les mines, etc. et l'enormite de ce transfert de richesse devient
très difficile a evaluer.
Peu surprenant donc, que l'on resiste a affronter l'histoire ou a
reconnaître les faits.
Pour en savoir plus sur le livre, consultez
www.istanbulermenivakiflari.org/tr
Des informations sont egalement disponibles gratuitement auprès de
la Fondation Hrant Dink.
Raffi Bedrosyan est un ingenieur civil et un pianiste, vivant a
Toronto, au Canada. Au cours de ces dernières annees, il a fait don
des benefices de ses concerts et de ses deux CD pour la construction
d'ecoles, d'autoroutes et de programmes de distribution d'eau de gaz
en Armenie et au Karabagh. Il a egalement participe a ces projets en
tant qu'ingenieur benevole. Bedrosyan s'est implique dans le projet
de reconstruction de l'eglise Sourp Guiragos de Diyarbakir, et il
a promu a travers le monde l'importance de ce projet historique qui
represente la première reclamation armenienne des biens de l'Eglise
en Anatolie après 1915. En septembre 2012, il a donne le premier
concert armenien de piano dans l'eglise Sourp Guiragos depuis 1915.
©Traduction de l'anglais C.Gardon pour le Collectif VAN - 11 decembre
2012 - 07:00 - www.collectifvan.org
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Source/Lien : Armenian Weekly
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress