La Croix, France
Samedi 22 Décembre 2012
Les chrétiens syriens réfugiés au Liban fêteront Noël, le coeur gros
Reportage 260 000 Syriens se sont réfugiés au Liban depuis mars 2011.
Dix pour cent sont des chrétiens, installés à Beyrouth et à Zahlé,
dans la Bekaa. Paroisses et associations caritatives leur viennent en
aide
par LESEGRETAIN Claire
Beyrouth (liban)
De notre envoyée spéciale
«Ce qu'on fera le soir de Noël ? On dormira ! » Taniel Charabezian,
arménien catholique de Syrie, ne cache pas sa tristesse. Il ajoute,
amer : « Pour fêter Noël, il faut de la joie : nous n'en avons pas.
Impossible d'en avoir quand des proches sont en train de souffrir ! »
Comme s'il lui paraissait indécent de penser à la venue d'un Sauveur
dans les deux pièces humides et sans chauffage de Bourj-Hammoud, le
quartier arménien de Beyrouth, où il habite depuis le 5 septembre,
avec son épouse Jannet et quatre de leurs cinq enfants (un fils,
handicapé mental, est hospitalisé en Syrie), ainsi que son frère
célibataire Michael. « On a dû quitter Alep à cause des bombardements
», expliquent Taniel et Michaël. Tous deux étaient propriétaires d'un
petit garage et sont arrivés à Beyrouth en taxi.
Au Liban, le coût de la vie est trois à quatre fois plus élevé qu'en
Syrie. Le moindre appartement inconfortable en quartier populaire se
loue 300 dollars par mois (environ 230 EUR). Quand il faut ajouter
l'achat de médicaments, comme pour Taniel qui souffre de troubles
cardiaques, les économies fondent à toute vitesse. Ces réfugiés
syriens se tournent alors vers les paroisses et les associations
caritatives qui tentent de leur venir en aide. Las, celles-ci sont
débordées. « En trois mois, depuis septembre, 100 000 réfugiés syriens
sont arrivés au Liban et se sont enregistrés au Haut-Commissariat aux
réfugiés des Nations unies (UNHCR), alors qu'ils n'étaient que 30 000
entre mars 2011 et août 2012 », constate Kamal Sioufi, président du
Centre des migrants de la Caritas-Liban. Dans la réalité, ce chiffre
de 130 000 Syriens enregistrés, dont 90 % de musulmans sunnites et 10
% de chrétiens, serait à multiplier par deux, estime-t-on, car bon
nombre, craignant des représailles sur leurs proches restés au pays,
préfèrent ne pas se faire connaître. « Au moins 260 000 réfugiés
syriens ont besoin d'aide et, si l'on compte également tous les
Syriens logés chez des proches ou qui travaillent ici depuis
longtemps, on arrive à plus de 800 000 Syriens vivant au Liban »,
complète Kamal Sioufi qui ne cache pas que cela est « trop » pour un
pays de 4,2 millions d'habitants en pleine crise économique.
Le sort de la famille arménienne Edian, qui a également fui Alep en
septembre pour s'installer au 6e étage (sans ascenseur) d'un immeuble
de Bourj-Hammoud, est un peu plus enviable. Le mari, Hakop, étant
Libanais il vivait en Syrie depuis 1991 , il peut travailler : depuis
deux semaines, il est gardien de nuit dans une société de Beyrouth
pour 320 EUR mensuels. Ce qui permettra au jeune couple d'acheter,
pour Noël, quelques friandises pour leurs jumelles de 10 ans et leur
garçonnet de 2 ans. « Nous irons à la messe de Noël », assure Hakop en
dévoilant fièrement le visage du Christ qu'il s'est fait tatouer, il y
a longtemps, sur le bras gauche. Sa femme Rulla, orthodoxe, met sa
foi, elle, en la Vierge Marie. « Elle répond toujours à mes prières »,
affirme-t-elle en rapportant qu'un prêtre lui a providentiellement
donné les 5 EUR dont elle avait besoin pour acheter de quoi manger.
Le cas de cette famille maronite originaire d'Alep est encore
différent. Antoine, chef d'une fabrique d'huiles essentielles (avec 15
employés) et gérant d'un hôtel de standing de 130 chambres, a fui la
Syrie le 11 août avec sa femme et leurs quatre enfants. « On craignait
surtout les kidnappings, les familles d'entrepreneurs étant les
premières visées », explique ce chrétien engagé qui loue, depuis cinq
mois, un appartement dans le centre de Beyrouth, en partie grce aux
salaires de ses deux grands fils qui ont trouvé du travail. « Tous mes
capitaux sont bloqués en Syrie ; mon usine n'est plus en état de
marche ; l'hôtel a été très endommagé par des bombardements ; je ne
sais combien de temps nous pourrons tenir », explique Antoine qui
n'est pas du genre à attendre sans rien faire : il est déjà en train
de monter un projet de partenariat avec des entrepreneurs chrétiens
libanais qui accepteraient pendant quelque temps de partager leurs
bénéfices en échange du savoir-faire de patrons chrétiens syriens. «
Mais les Libanais n'aiment pas beaucoup les Syriens », soupire
Antoine.
De fait, de nombreux Libanais, y compris parmi les chrétiens, masquent
mal leur rancune à l'égard des Syriens. « Ils nous ont fait tant
souffrir depuis tant d'années », soupire Maha, veuve chrétienne à
Aley, dans le Mont-Liban, en rappelant à demi-mot les quinze années de
guerre civile au Liban (1975-1990) et les nombreux attentats commis
par la Syrie contre des personnalités libanaises. « Je croyais que
cette rancoeur anti-syrienne était surtout le fait des chrétiens, mais
je la constate aussi parmi les sunnites libanais », ajoute Jad
Jabbour, scolastique jésuite et responsable du Réseau jésuite pour les
réfugiés. Officiellement établi au Liban depuis le 1er décembre, JRS a
lancé, dès juin 2012, diverses initiatives en faveur de 150 familles
syriennes, essentiellement musulmanes, réfugiées dans la Bekaa. «
Pendant longtemps, le gouvernement libanais ne parlait pas des
réfugiés syriens ou minimisait leur nombre », poursuit Jad Jabbour qui
voit là « une manière de nier la gravité des événements » en Syrie.
Pourtant sur le terrain, Jad Jabbour et son équipe de bénévoles
constataient que ces réfugiés étaient de plus en plus nombreux et que
les aides ne suffisaient pas. « Ils se sentent délaissés par le monde
entier qui ne fait rien pour les aider », résume-t-il, évoquant la
manière dont les réfugiés chrétiens expriment leur « grande nostalgie
de Noël » : « Ils nous racontent ce qu'ils vivaient dans leur
quartier, la manière dont ils préparaient les fêtes, les magasins où
ils s'approvisionnaient. » Jad Jabbour constate aussi une réelle
différence, dans leur perception de l'avenir, entre réfugiés musulmans
et chrétiens : « Les premiers considèrent que cette épreuve va
déboucher sur du positif ; les seconds pensent que ça ne pourra
qu'être pire ! »
Une partie des chrétiens libanais fait preuve cependant d'une belle
générosité envers les chrétiens de Syrie C'est le cas à Zahlé, grosse
ville de la Bekaa où, depuis mars 2011, se sont installées 400
familles chrétiennes syriennes. Pour leur venir en aide, Mgr Issam
Darwish, dynamique archevêque gréco-catholique de Zahlé et de la
Bekaa, a créé deux comités : l'un, avec une assistante sociale
salariée, pour pallier aux difficultés matérielles des familles
démunies ; l'autre avec trois prêtres, pour accompagner
spirituellement ces familles. Habitué à lever des fonds auprès de la
communauté chrétienne de Zahlé, ainsi qu'en Australie où il a vécu
quinze ans, Mgr Darwish a pu distribuer cette année pour 10 000 EUR de
fioul de chauffage et pour 2000 EUR de matériel scolaire. « Le 24
décembre à 21 heures, comme chaque année, je célébrerai Noël à la
prison de Zahlé, mais le 25 à 10 h 30, la grand-messe dans la
cathédrale accueillera sûrement beaucoup de Syriens catholiques »,
assure-t-il.
L'archevêché de la Bekaa dispose également de deux foyers où sont
hébergés une quarantaine de jeunes chrétiens syriens. « Nous sommes en
train de contacter les maires des villages pour leur demander s'ils
ont des maisons à louer et du travail pour les réfugiés syriens »,
poursuit Mgr Darwish. Au même étage de l'archevêché, des bénévoles de
l'Association gréco-catholique de bienfaisance finissent d'emballer
600 cadeaux de Noël, en les classant par ge et par sexe. « C'est nous
qui achetons tous ces jouets », insiste Georges Chammas,
vice-président de cette association vieille de cent vingt-sept ans qui
dispose d'un budget annuel de 100 000 EUR, dont une moitié provient
des rentes rapportées par les propriétés immobilières de l'archevêché.
Autre bel exemple de générosité libanaise : celui de Najat. Cette
enseignante chrétienne du collège jésuite Notre-Dame de Jamhour, à
Beyrouth, a hébergé chez elle entre décembre 2011 et février 2012, une
famille syrienne catholique de trois enfants ayant fui en taxi leur
ville de Koussair, dans la région de Homs. « Ils étaient entrés en
contact avec un jésuite de Jamhour mais, lui, ne savait où les envoyer
Comme j'avais de la place, j'ai proposé de les dépanner », sourit
Najat avant d'ajouter que, ce soir de décembre 2011, elle a entendu
résonner en elle le verset de l'Évangile : « J'étais étranger et vous
m'avez accueilli ». « J'ai vu Jésus en eux », poursuit avec modestie
la jeune femme qui continue de rendre régulièrement visite à ses
protégés. Le père qui était commerçant, a rapidement trouvé du travail
; depuis peu, il tient un salon de coiffure pour hommes dans la
banlieue nord de Beyrouth, à proximité de l'école protestante où le
fils de 9 ans et les jumeaux de 5 ans ont pu être inscrits
gratuitement. La mère a également trouvé un emploi de couturière. Si
bien qu'avec ces deux salaires, le couple a déniché un appartement
suffisamment grand pour accueillir les parents de la mère, arrivés
d'Alep au printemps 2012, puis la belle-soeur de la mère venue avec
ses deux jeunes enfants. « L'an dernier, nous étions allés à la messe
de Noël ensemble ; nous avons continué tous les dimanches ; et ce
Noël, nous serons à nouveau ensemble », conclut Najat.
Du côté protestant aussi, on se démène pour les réfugiés syriens. Dans
l'étroit local de l'association pentecôtiste « Triumphant Mercy
Lebanon » (la grce triomphante du Liban), en plein quartier arménien
d'Achrafieh, à Beyrouth, trois bénévoles confectionnent des dizaines
de gteaux au chocolat. La vente de ces gteaux rapporte chaque mois
quelque 180 EUR, ce qui, ajoutés aux dons récoltés auprès de la
communauté pentecôtiste, permet de distribuer 300 EUR de colis
alimentaires mensuels aux réfugiés syriens. « Nous n'aidons que les
chrétiens car les musulmans reçoivent beaucoup d'aides de la part du
Qatar et du Koweit », affirme Janane Matar, l'épouse du pasteur
pentecôtiste. « Souvent aussi, il nous faut aider les familles
libanaises qui accueillent, car elles ne peuvent subvenir aux besoins
de 6 ou 8 personnes supplémentaires », poursuit Janane, qui, comme
tant d'autres Libanais, s'inquiète de l'enlisement de la situation. «
Que le régime Assad reste ou s'en aille, c'est égal Nous ne pourrons
pas durer des années comme ça, à accueillir des dizaines de milliers
de réfugiés syriens ! »
Samedi 22 Décembre 2012
Les chrétiens syriens réfugiés au Liban fêteront Noël, le coeur gros
Reportage 260 000 Syriens se sont réfugiés au Liban depuis mars 2011.
Dix pour cent sont des chrétiens, installés à Beyrouth et à Zahlé,
dans la Bekaa. Paroisses et associations caritatives leur viennent en
aide
par LESEGRETAIN Claire
Beyrouth (liban)
De notre envoyée spéciale
«Ce qu'on fera le soir de Noël ? On dormira ! » Taniel Charabezian,
arménien catholique de Syrie, ne cache pas sa tristesse. Il ajoute,
amer : « Pour fêter Noël, il faut de la joie : nous n'en avons pas.
Impossible d'en avoir quand des proches sont en train de souffrir ! »
Comme s'il lui paraissait indécent de penser à la venue d'un Sauveur
dans les deux pièces humides et sans chauffage de Bourj-Hammoud, le
quartier arménien de Beyrouth, où il habite depuis le 5 septembre,
avec son épouse Jannet et quatre de leurs cinq enfants (un fils,
handicapé mental, est hospitalisé en Syrie), ainsi que son frère
célibataire Michael. « On a dû quitter Alep à cause des bombardements
», expliquent Taniel et Michaël. Tous deux étaient propriétaires d'un
petit garage et sont arrivés à Beyrouth en taxi.
Au Liban, le coût de la vie est trois à quatre fois plus élevé qu'en
Syrie. Le moindre appartement inconfortable en quartier populaire se
loue 300 dollars par mois (environ 230 EUR). Quand il faut ajouter
l'achat de médicaments, comme pour Taniel qui souffre de troubles
cardiaques, les économies fondent à toute vitesse. Ces réfugiés
syriens se tournent alors vers les paroisses et les associations
caritatives qui tentent de leur venir en aide. Las, celles-ci sont
débordées. « En trois mois, depuis septembre, 100 000 réfugiés syriens
sont arrivés au Liban et se sont enregistrés au Haut-Commissariat aux
réfugiés des Nations unies (UNHCR), alors qu'ils n'étaient que 30 000
entre mars 2011 et août 2012 », constate Kamal Sioufi, président du
Centre des migrants de la Caritas-Liban. Dans la réalité, ce chiffre
de 130 000 Syriens enregistrés, dont 90 % de musulmans sunnites et 10
% de chrétiens, serait à multiplier par deux, estime-t-on, car bon
nombre, craignant des représailles sur leurs proches restés au pays,
préfèrent ne pas se faire connaître. « Au moins 260 000 réfugiés
syriens ont besoin d'aide et, si l'on compte également tous les
Syriens logés chez des proches ou qui travaillent ici depuis
longtemps, on arrive à plus de 800 000 Syriens vivant au Liban »,
complète Kamal Sioufi qui ne cache pas que cela est « trop » pour un
pays de 4,2 millions d'habitants en pleine crise économique.
Le sort de la famille arménienne Edian, qui a également fui Alep en
septembre pour s'installer au 6e étage (sans ascenseur) d'un immeuble
de Bourj-Hammoud, est un peu plus enviable. Le mari, Hakop, étant
Libanais il vivait en Syrie depuis 1991 , il peut travailler : depuis
deux semaines, il est gardien de nuit dans une société de Beyrouth
pour 320 EUR mensuels. Ce qui permettra au jeune couple d'acheter,
pour Noël, quelques friandises pour leurs jumelles de 10 ans et leur
garçonnet de 2 ans. « Nous irons à la messe de Noël », assure Hakop en
dévoilant fièrement le visage du Christ qu'il s'est fait tatouer, il y
a longtemps, sur le bras gauche. Sa femme Rulla, orthodoxe, met sa
foi, elle, en la Vierge Marie. « Elle répond toujours à mes prières »,
affirme-t-elle en rapportant qu'un prêtre lui a providentiellement
donné les 5 EUR dont elle avait besoin pour acheter de quoi manger.
Le cas de cette famille maronite originaire d'Alep est encore
différent. Antoine, chef d'une fabrique d'huiles essentielles (avec 15
employés) et gérant d'un hôtel de standing de 130 chambres, a fui la
Syrie le 11 août avec sa femme et leurs quatre enfants. « On craignait
surtout les kidnappings, les familles d'entrepreneurs étant les
premières visées », explique ce chrétien engagé qui loue, depuis cinq
mois, un appartement dans le centre de Beyrouth, en partie grce aux
salaires de ses deux grands fils qui ont trouvé du travail. « Tous mes
capitaux sont bloqués en Syrie ; mon usine n'est plus en état de
marche ; l'hôtel a été très endommagé par des bombardements ; je ne
sais combien de temps nous pourrons tenir », explique Antoine qui
n'est pas du genre à attendre sans rien faire : il est déjà en train
de monter un projet de partenariat avec des entrepreneurs chrétiens
libanais qui accepteraient pendant quelque temps de partager leurs
bénéfices en échange du savoir-faire de patrons chrétiens syriens. «
Mais les Libanais n'aiment pas beaucoup les Syriens », soupire
Antoine.
De fait, de nombreux Libanais, y compris parmi les chrétiens, masquent
mal leur rancune à l'égard des Syriens. « Ils nous ont fait tant
souffrir depuis tant d'années », soupire Maha, veuve chrétienne à
Aley, dans le Mont-Liban, en rappelant à demi-mot les quinze années de
guerre civile au Liban (1975-1990) et les nombreux attentats commis
par la Syrie contre des personnalités libanaises. « Je croyais que
cette rancoeur anti-syrienne était surtout le fait des chrétiens, mais
je la constate aussi parmi les sunnites libanais », ajoute Jad
Jabbour, scolastique jésuite et responsable du Réseau jésuite pour les
réfugiés. Officiellement établi au Liban depuis le 1er décembre, JRS a
lancé, dès juin 2012, diverses initiatives en faveur de 150 familles
syriennes, essentiellement musulmanes, réfugiées dans la Bekaa. «
Pendant longtemps, le gouvernement libanais ne parlait pas des
réfugiés syriens ou minimisait leur nombre », poursuit Jad Jabbour qui
voit là « une manière de nier la gravité des événements » en Syrie.
Pourtant sur le terrain, Jad Jabbour et son équipe de bénévoles
constataient que ces réfugiés étaient de plus en plus nombreux et que
les aides ne suffisaient pas. « Ils se sentent délaissés par le monde
entier qui ne fait rien pour les aider », résume-t-il, évoquant la
manière dont les réfugiés chrétiens expriment leur « grande nostalgie
de Noël » : « Ils nous racontent ce qu'ils vivaient dans leur
quartier, la manière dont ils préparaient les fêtes, les magasins où
ils s'approvisionnaient. » Jad Jabbour constate aussi une réelle
différence, dans leur perception de l'avenir, entre réfugiés musulmans
et chrétiens : « Les premiers considèrent que cette épreuve va
déboucher sur du positif ; les seconds pensent que ça ne pourra
qu'être pire ! »
Une partie des chrétiens libanais fait preuve cependant d'une belle
générosité envers les chrétiens de Syrie C'est le cas à Zahlé, grosse
ville de la Bekaa où, depuis mars 2011, se sont installées 400
familles chrétiennes syriennes. Pour leur venir en aide, Mgr Issam
Darwish, dynamique archevêque gréco-catholique de Zahlé et de la
Bekaa, a créé deux comités : l'un, avec une assistante sociale
salariée, pour pallier aux difficultés matérielles des familles
démunies ; l'autre avec trois prêtres, pour accompagner
spirituellement ces familles. Habitué à lever des fonds auprès de la
communauté chrétienne de Zahlé, ainsi qu'en Australie où il a vécu
quinze ans, Mgr Darwish a pu distribuer cette année pour 10 000 EUR de
fioul de chauffage et pour 2000 EUR de matériel scolaire. « Le 24
décembre à 21 heures, comme chaque année, je célébrerai Noël à la
prison de Zahlé, mais le 25 à 10 h 30, la grand-messe dans la
cathédrale accueillera sûrement beaucoup de Syriens catholiques »,
assure-t-il.
L'archevêché de la Bekaa dispose également de deux foyers où sont
hébergés une quarantaine de jeunes chrétiens syriens. « Nous sommes en
train de contacter les maires des villages pour leur demander s'ils
ont des maisons à louer et du travail pour les réfugiés syriens »,
poursuit Mgr Darwish. Au même étage de l'archevêché, des bénévoles de
l'Association gréco-catholique de bienfaisance finissent d'emballer
600 cadeaux de Noël, en les classant par ge et par sexe. « C'est nous
qui achetons tous ces jouets », insiste Georges Chammas,
vice-président de cette association vieille de cent vingt-sept ans qui
dispose d'un budget annuel de 100 000 EUR, dont une moitié provient
des rentes rapportées par les propriétés immobilières de l'archevêché.
Autre bel exemple de générosité libanaise : celui de Najat. Cette
enseignante chrétienne du collège jésuite Notre-Dame de Jamhour, à
Beyrouth, a hébergé chez elle entre décembre 2011 et février 2012, une
famille syrienne catholique de trois enfants ayant fui en taxi leur
ville de Koussair, dans la région de Homs. « Ils étaient entrés en
contact avec un jésuite de Jamhour mais, lui, ne savait où les envoyer
Comme j'avais de la place, j'ai proposé de les dépanner », sourit
Najat avant d'ajouter que, ce soir de décembre 2011, elle a entendu
résonner en elle le verset de l'Évangile : « J'étais étranger et vous
m'avez accueilli ». « J'ai vu Jésus en eux », poursuit avec modestie
la jeune femme qui continue de rendre régulièrement visite à ses
protégés. Le père qui était commerçant, a rapidement trouvé du travail
; depuis peu, il tient un salon de coiffure pour hommes dans la
banlieue nord de Beyrouth, à proximité de l'école protestante où le
fils de 9 ans et les jumeaux de 5 ans ont pu être inscrits
gratuitement. La mère a également trouvé un emploi de couturière. Si
bien qu'avec ces deux salaires, le couple a déniché un appartement
suffisamment grand pour accueillir les parents de la mère, arrivés
d'Alep au printemps 2012, puis la belle-soeur de la mère venue avec
ses deux jeunes enfants. « L'an dernier, nous étions allés à la messe
de Noël ensemble ; nous avons continué tous les dimanches ; et ce
Noël, nous serons à nouveau ensemble », conclut Najat.
Du côté protestant aussi, on se démène pour les réfugiés syriens. Dans
l'étroit local de l'association pentecôtiste « Triumphant Mercy
Lebanon » (la grce triomphante du Liban), en plein quartier arménien
d'Achrafieh, à Beyrouth, trois bénévoles confectionnent des dizaines
de gteaux au chocolat. La vente de ces gteaux rapporte chaque mois
quelque 180 EUR, ce qui, ajoutés aux dons récoltés auprès de la
communauté pentecôtiste, permet de distribuer 300 EUR de colis
alimentaires mensuels aux réfugiés syriens. « Nous n'aidons que les
chrétiens car les musulmans reçoivent beaucoup d'aides de la part du
Qatar et du Koweit », affirme Janane Matar, l'épouse du pasteur
pentecôtiste. « Souvent aussi, il nous faut aider les familles
libanaises qui accueillent, car elles ne peuvent subvenir aux besoins
de 6 ou 8 personnes supplémentaires », poursuit Janane, qui, comme
tant d'autres Libanais, s'inquiète de l'enlisement de la situation. «
Que le régime Assad reste ou s'en aille, c'est égal Nous ne pourrons
pas durer des années comme ça, à accueillir des dizaines de milliers
de réfugiés syriens ! »