" LA MEMOIRE ET LA CONSTITUTION " PAR PATRICK DEVEDJIAN
Ara
armenews.com
mercredi 18 janvier 2012
A entendre certains historiens, non seulement ils devraient avoir le
monopole de l'histoire mais ils pourraient egalement dire le droit !
Qu'est-ce qu'une loi memorielle ?
Ce serait " une loi declarant, voire imposant, le point de vue
officiel d'un Etat sur des evenements historiques ", d'après le
Collectif Liberte pour l'Histoire. Cette distinction parmi les lois a
ete inventee par le " lobby " des historiens et n'appartient a aucune
categorie juridique. Car toute loi commemorative est memorielle.
Le 11 janvier 2012, l'Assemblee nationale a vote le Projet de loi
" fixant au 11 novembre la commemoration de tous les morts pour la
France ". Le 14 juillet a ete institue fete nationale par la loi
en 1880 en reference a la prise de la Bastille et a la Fete de la
Federation comme fondement de notre pacte republicain. Une nation
a le droit de se faire une idee de son passe pour asseoir le projet
qu'elle construit pour son avenir.
Elle peut aussi definir des evenements du passe pour determiner des
droits : c'est le cas de toutes les lois de reparation. Je pense a
l'Alsace et a la reintegration des " malgre-nous " après 1945.
La memoire est presente en permanence dans le debat politique, elle
est sous-jacente a beaucoup de lois. Interdire au Parlement de se
referer a l'histoire aurait des consequences considerables.
Que dit la Constitution ?
M. Badinter affirme que la loi de 2001 reconnaissant le genocide
des Armeniens comme le texte qui vient d'etre vote par l'Assemblee
nationale pour penaliser le negationnisme outrancier, seraient
inconstitutionnels. Il n'a guère d'autre argument que celui qu'il a
ecrit dans un rapport sur " le risque d'inconstitutionnalite des lois
memorielles " et qui se borne a enoncer que " a l'evidence, l'article
34 de la Constitution (qui definit la loi et limite son domaine) ne
permet pas au Parlement de se prononcer sur un evenement historique ".
Or l'article 34 (1) de la Constitution enumère de manière non
limitative les principaux domaines de la loi et la jurisprudence du
Conseil constitutionnel a conduit a une extension de fait du domaine
de la loi.
Mais surtout l'article 34 a pour objet de distinguer la " Loi ",
votee par le Parlement, du " Règlement " sujet de l'article 37 qui
definit le domaine reglementaire dans lequel le Gouvernement peut
prendre des decrets, c'est-a-dire tout ce qui n'est pas precisement
compris dans le domaine de la loi.
Le debat se limite donc au fait de savoir a quel domaine appartient
la reconnaissance du genocide : comme il ne peut s'agir du
domaine reglementaire, il s'agit bien du domaine de la loi. Car la
reconnaissance du genocide des Armeniens est un acte politique. Il
est donc du domaine naturel du Parlement. Il ferait beau voir qu'on
interdise au Parlement de proclamer des positions politiques !
Dire que la Constitution " ne permet pas ", c'est faire croire qu'elle
interdit, or elle ne parle pas des lois memorielles. En France,
ce qui n'est pas interdit formellement, est autorise naturellement.
La menace d'une Question Prealable de Constitutionnalite (QPC) de
la loi de 2001 sur la reconnaissance du genocide a d'autant moins
de sens que la QPC est destinee a proteger les libertes publiques et
ne peut donner lieu a annulation que si la disposition mise en cause
represente une menace a cet egard.
Ce ne peut etre le cas de la loi de 2001 qui est seulement declarative
et n'est assortie d'aucune contrainte envers qui que ce soit.
Quant a la proposition de loi actuellement en debat, elle entre
formellement dans le champ de l'article 34 qui prevoit que la
definition et la sanction des infractions sont du domaine de la loi.
On est d'autant moins justifie a craindre une atteinte a la liberte
d'expression que c'est uniquement le negationnisme " outrancier " qui
est vise. Il s'agit en fait de la propagande diffusee sur le territoire
national par un Etat etranger et visant certains de ses citoyens.
L'histoire appartient a tout le monde, nul ne saurait s'en arroger
le monopole. Les historiens professionnels ont souvent ecrit sous
l'influence d'une ideologie. On connaît ainsi des histoires très
contradictoires de la Revolution Francaise. Certes l'Histoire est en
permanence reecrite, on repondra que la Loi aussi, et qu'elle peut
toujours l'etre...
--------------------------------------------------------------------------------
(1) Article 34 : La loi fixe les règles concernant : - les droits
civiques et les garanties fondamentales accordees aux citoyens pour
l'exercice des libertes publiques ; la liberte, le pluralisme et
l'independance des medias ; les sujetions imposees par la Defense
nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ; -la
nationalite, l'etat et la capacite des personnes, les regimes
matrimoniaux, les successions et liberalites ; - la determination
des crimes et delits ainsi que les peines qui leur sont applicables ;
la procedure penale ; l'amnistie ; la creation de nouveaux ordres de
juridiction et le statut des magistrats ; - l'assiette, le taux et les
modalites de recouvrement des impositions de toutes natures ; le regime
d'emission de la monnaie. La loi fixe egalement les règles concernant :
- le regime electoral des assemblees parlementaires, des assemblees
locales et des instances representatives des Francais etablis hors
de France ainsi que les conditions d'exercice des mandats electoraux
et des fonctions electives des membres des assemblees deliberantes
des collectivites territoriales ; - la creation de categories
d'etablissements publics ; -les garanties fondamentales accordees aux
fonctionnaires civils et militaires de l'Etat ; -les nationalisations
d'entreprises et les transferts de propriete d'entreprises du secteur
public au secteur prive. La loi determine les principes fondamentaux :
-de l'organisation generale de la Defense nationale ; - de la libre
administration des collectivites territoriales, de leurs competences
et de leurs ressources ; -de l'enseignement ; -de la preservation de
l'environnement ; -du regime de la propriete, des droits reels et des
obligations civiles et commerciales ; -du droit du travail, du droit
syndical et de la securite sociale. Les lois de finances determinent
les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous
les reserves prevues par une loi organique. Les lois de financement
de la securite sociale determinent les conditions generales de son
equilibre financier et, compte tenu de leurs previsions de recettes,
fixent ses objectifs de depenses, dans les conditions et sous les
reserves prevues par une loi organique. Des lois de programmation
determinent les objectifs de l'action de l'Etat.Les orientations
pluriannuelles des finances publiques sont definies par des lois de
programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'equilibre des
comptes des administrations publiques. Les dispositions du present
article pourront etre precisees et completees par une loi organique.
Ara
armenews.com
mercredi 18 janvier 2012
A entendre certains historiens, non seulement ils devraient avoir le
monopole de l'histoire mais ils pourraient egalement dire le droit !
Qu'est-ce qu'une loi memorielle ?
Ce serait " une loi declarant, voire imposant, le point de vue
officiel d'un Etat sur des evenements historiques ", d'après le
Collectif Liberte pour l'Histoire. Cette distinction parmi les lois a
ete inventee par le " lobby " des historiens et n'appartient a aucune
categorie juridique. Car toute loi commemorative est memorielle.
Le 11 janvier 2012, l'Assemblee nationale a vote le Projet de loi
" fixant au 11 novembre la commemoration de tous les morts pour la
France ". Le 14 juillet a ete institue fete nationale par la loi
en 1880 en reference a la prise de la Bastille et a la Fete de la
Federation comme fondement de notre pacte republicain. Une nation
a le droit de se faire une idee de son passe pour asseoir le projet
qu'elle construit pour son avenir.
Elle peut aussi definir des evenements du passe pour determiner des
droits : c'est le cas de toutes les lois de reparation. Je pense a
l'Alsace et a la reintegration des " malgre-nous " après 1945.
La memoire est presente en permanence dans le debat politique, elle
est sous-jacente a beaucoup de lois. Interdire au Parlement de se
referer a l'histoire aurait des consequences considerables.
Que dit la Constitution ?
M. Badinter affirme que la loi de 2001 reconnaissant le genocide
des Armeniens comme le texte qui vient d'etre vote par l'Assemblee
nationale pour penaliser le negationnisme outrancier, seraient
inconstitutionnels. Il n'a guère d'autre argument que celui qu'il a
ecrit dans un rapport sur " le risque d'inconstitutionnalite des lois
memorielles " et qui se borne a enoncer que " a l'evidence, l'article
34 de la Constitution (qui definit la loi et limite son domaine) ne
permet pas au Parlement de se prononcer sur un evenement historique ".
Or l'article 34 (1) de la Constitution enumère de manière non
limitative les principaux domaines de la loi et la jurisprudence du
Conseil constitutionnel a conduit a une extension de fait du domaine
de la loi.
Mais surtout l'article 34 a pour objet de distinguer la " Loi ",
votee par le Parlement, du " Règlement " sujet de l'article 37 qui
definit le domaine reglementaire dans lequel le Gouvernement peut
prendre des decrets, c'est-a-dire tout ce qui n'est pas precisement
compris dans le domaine de la loi.
Le debat se limite donc au fait de savoir a quel domaine appartient
la reconnaissance du genocide : comme il ne peut s'agir du
domaine reglementaire, il s'agit bien du domaine de la loi. Car la
reconnaissance du genocide des Armeniens est un acte politique. Il
est donc du domaine naturel du Parlement. Il ferait beau voir qu'on
interdise au Parlement de proclamer des positions politiques !
Dire que la Constitution " ne permet pas ", c'est faire croire qu'elle
interdit, or elle ne parle pas des lois memorielles. En France,
ce qui n'est pas interdit formellement, est autorise naturellement.
La menace d'une Question Prealable de Constitutionnalite (QPC) de
la loi de 2001 sur la reconnaissance du genocide a d'autant moins
de sens que la QPC est destinee a proteger les libertes publiques et
ne peut donner lieu a annulation que si la disposition mise en cause
represente une menace a cet egard.
Ce ne peut etre le cas de la loi de 2001 qui est seulement declarative
et n'est assortie d'aucune contrainte envers qui que ce soit.
Quant a la proposition de loi actuellement en debat, elle entre
formellement dans le champ de l'article 34 qui prevoit que la
definition et la sanction des infractions sont du domaine de la loi.
On est d'autant moins justifie a craindre une atteinte a la liberte
d'expression que c'est uniquement le negationnisme " outrancier " qui
est vise. Il s'agit en fait de la propagande diffusee sur le territoire
national par un Etat etranger et visant certains de ses citoyens.
L'histoire appartient a tout le monde, nul ne saurait s'en arroger
le monopole. Les historiens professionnels ont souvent ecrit sous
l'influence d'une ideologie. On connaît ainsi des histoires très
contradictoires de la Revolution Francaise. Certes l'Histoire est en
permanence reecrite, on repondra que la Loi aussi, et qu'elle peut
toujours l'etre...
--------------------------------------------------------------------------------
(1) Article 34 : La loi fixe les règles concernant : - les droits
civiques et les garanties fondamentales accordees aux citoyens pour
l'exercice des libertes publiques ; la liberte, le pluralisme et
l'independance des medias ; les sujetions imposees par la Defense
nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ; -la
nationalite, l'etat et la capacite des personnes, les regimes
matrimoniaux, les successions et liberalites ; - la determination
des crimes et delits ainsi que les peines qui leur sont applicables ;
la procedure penale ; l'amnistie ; la creation de nouveaux ordres de
juridiction et le statut des magistrats ; - l'assiette, le taux et les
modalites de recouvrement des impositions de toutes natures ; le regime
d'emission de la monnaie. La loi fixe egalement les règles concernant :
- le regime electoral des assemblees parlementaires, des assemblees
locales et des instances representatives des Francais etablis hors
de France ainsi que les conditions d'exercice des mandats electoraux
et des fonctions electives des membres des assemblees deliberantes
des collectivites territoriales ; - la creation de categories
d'etablissements publics ; -les garanties fondamentales accordees aux
fonctionnaires civils et militaires de l'Etat ; -les nationalisations
d'entreprises et les transferts de propriete d'entreprises du secteur
public au secteur prive. La loi determine les principes fondamentaux :
-de l'organisation generale de la Defense nationale ; - de la libre
administration des collectivites territoriales, de leurs competences
et de leurs ressources ; -de l'enseignement ; -de la preservation de
l'environnement ; -du regime de la propriete, des droits reels et des
obligations civiles et commerciales ; -du droit du travail, du droit
syndical et de la securite sociale. Les lois de finances determinent
les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous
les reserves prevues par une loi organique. Les lois de financement
de la securite sociale determinent les conditions generales de son
equilibre financier et, compte tenu de leurs previsions de recettes,
fixent ses objectifs de depenses, dans les conditions et sous les
reserves prevues par une loi organique. Des lois de programmation
determinent les objectifs de l'action de l'Etat.Les orientations
pluriannuelles des finances publiques sont definies par des lois de
programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'equilibre des
comptes des administrations publiques. Les dispositions du present
article pourront etre precisees et completees par une loi organique.