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Géorgie : vers un Caucase apaisé ? par Laurent Leylekian

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    REVUE DE PRESSE
    Géorgie : vers un Caucase apaisé ? par Laurent Leylekian


    Le résultat des élections législatives qui se sont déroulées le 1er
    octobre en Géorgie aura sans doute des répercussions sur la situation
    régionale bien au-delà des frontières de cette petite république
    caucasienne. Mais la question est de savoir jusqu'où et comment. Car,
    si l'on doit souligner la nature relativement démocratique du scrutin
    qui donne les clés du gouvernement au 'Rêve géorgien' de M.
    Ivanichvili, les inflexions que celui-ci entend porter à la politique
    nationale ont certainement fait l'objet de tractations entre les
    grands acteurs régionaux et internationaux, comme en témoigne
    peut-être la rencontre entre Anders Rasmussen, le secrétaire général
    de l'Otan, et Sergueï Lavrov, le Ministre russe des Affaires
    étrangères, quelques jours avant le vote.

    Et sur ce point, il faut sans doute plus s'attendre à un changement de
    style qu'à des bouleversements radicaux. Si, durant le scrutin, le
    Mouvement national uni du président Saakachvili a présenté à l'envie
    son adversaire comme l'homme de la Russie, il fallait y voir tout au
    plus une tactique qui visait à décrédibiliser Ivanichvili vis-à-vis de
    l'électorat géorgien. Or, on notera que le nouveau premier Ministre
    -un homme ayant effectivement fait fortune en Russie et possédant la
    nationalité française- réserve son premier déplacement international
    pour les Etats-Unis, selon lui le `principal partenaire et ami` de la
    Géorgie. En outre il été chaudement félicité par l'Otan qui a
    souligné, par la voix de son secrétaire général, `un moment historique
    dans l'évolution de la Géorgie vers la démocratie`. A contrario, au
    moment d'écrire cet article, le ministère russe des Affaires
    étrangères n'avait toujours pas commenté le scrutin, ce qui témoigne
    sans doute du malaise persistant de Moscou devant la volonté réitérée
    d'Ivanichvili de voir son pays rejoindre l'Otan.

    Une chose est sûre néanmoins, les outrances du président Saakachvili
    envers la Russie appartiendraient désormais au passé. On peut
    raisonnablement considérer que les électeurs géorgiens ont sanctionné
    la politique agressive qui a abouti à la perte des régions d'Abkhazie
    et d'Ossétie du Sud désormais indépendantes de facto et puissamment
    soutenues par Moscou. Lesdits électeurs pourraient même pousser
    définitivement l'ancienne coqueluche de l'Occident vers la porte de
    sortie si d'aventure Rêve géorgien atteignait la majorité
    constitutionnelle (lien payant).

    Ainsi, si M. Ivanichli parvient à contenir les tendances centrifuges
    des forces qui l'ont portées au pouvoir, mais s'il parvient également
    à établir un modus vivendi avec le président actuel pendant qu'il est
    encore là, on peut espérer que le rétablissement de relations apaisées
    avec Moscou bénéficie à toute la région. Car la politique nationaliste
    de Saakachvili constituait également une source régulière de tension
    avec l'Arménie et l'Azerbaïdjan voisins en raison du comportement de
    Tbilissi envers ses minorités. En particulier, la population
    essentiellement arménienne du Djavakhk (Samskhe-Javakhétie), région
    géorgienne limitrophe de l'Arménie, subissait jusqu'à peu une
    oppression féroce faite d'intimidations politiques, d'arrestations
    arbitraires -telle celle emblématique de Vahagn Chakhalyan- mais aussi
    d'une ingénierie ethnique particulièrement délétère consistant en
    l'installation artificielle de Turcs meskhètes au c`ur de la province.
    A Tbilissi même -qui abritait encore la plus importante population
    arménienne de la Transcaucasie russe en 1900- la transformation
    d'églises arméniennes en églises géorgiennes sous la férule d'un
    clergé acquis à la cause nationaliste n'allait pas pour apaiser les
    tensions.

    Au-delà même de la question des minorités et du respect de leurs
    droits civiques et socioculturels -notamment en matière d'enseignement
    de leur langue- l'amélioration des relations russo-géorgiennes devrait
    également inciter la Géorgie à ne plus `punir` Erevan de son alliance
    avec Moscou en bloquant comme elle le faisait régulièrement le transit
    énergétique ou manufacturier de et vers l'Arménie. A cet égard, on
    peut espérer que les programmes européens d'intégration régionale, tel
    Traceca, donnent enfin toute leur mesure en conférant aux ports de
    Batoum et de Poti un véritable rôle de porte d'entrée pour les trois
    républiques.

    Une telle vision relève cependant encore de l'irénisme : d'une part,
    il faudrait que les espoirs de démocratisation et d'apaisement placés
    dans Ivanichvili s'avèrent justifiés, ce qui est loin d'être acquis.
    Les intimidations électorales alléguées de même que la récente
    déclaration ambiguë d'Ivanichvili visant ses concitoyens appartenant à
    la minorité arménienne du pays jettent le doute en la matière. En
    outre, indépendamment de ses mérites propres et des bénéfices qu'ils
    porteraient en termes d'intégration régionale, le rapprochement
    russo-géorgien pourrait contrarier des intérêts énergétiques supposés
    : supposés car il semble désormais clair que les réserves gazières et
    pétrolières http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_r%C3%A9serves_de_p%C3%A9trole_p rouv%C3%A9es
    de l'Azerbaïdjan sont marginales.

    Si Bakou manipule plus que jamais une rhétorique belliqueuse vis-à-vis
    de la république autodéterminée du Haut-Karabagh et de l'Arménie, et
    si les risques de guerre sont effectivement plus élevés que jamais,
    c'est bien que la manne s'épuise, et avec elle l'intérêt de l'Occident
    pour un régime par ailleurs peu fréquentable.

    Quant à l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan, son importance est devenue
    secondaire depuis que Moscou s'est assuré le transit des réserves
    d'Asie centrale par ses propres tuyaux. Au regard de ces
    considérations, il ne serait pas surprenant que la victoire électorale
    d'Ivanichvili ne fasse que consacrer le retour de la Russie dans une
    région finalement trop lointaine et trop peu intéressante pour des
    capacités de projection américaines déclinantes.

    Dans ce contexte, seuls les fondés de pouvoir régionaux de l'oncle Sam
    pourraient éventuellement redouter la nouvelle donne géorgienne. Mais
    Ankara, qui a actuellement d'autres chats à fouetter et qui est, elle
    aussi, très dépendante du gaz russe, pourrait finalement trouver
    intérêt à une détente. La Turquie n'a finalement pas forcément intérêt
    à rester otage de Bakou en pratiquant un blocus inepte de l'Arménie.
    La question reste de savoir si elle l'a compris.

    http://www.huffingtonpost.fr/laurent-leylekian/georgie-vers-un-caucase-apaise_b_1954232.html

    dimanche 14 octobre 2012,
    Stéphane ©armenews.com



    From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
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