FRANCOISE ROSSI : MON LIVRE " ENFANTS D'ARARAT " EST POUR TEMOIGNER ET TRANSMETTRE
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=88990
Legende de la Photo : " Encrer - Transmettre - Connaître - Pour faire
Reconnaître ". Francoise Rossi (a gauche) avec le livre "Enfants
d'Ararat" en compagne des quatre generations de la famille de Garo
Mardirosyan. Jirayr Mardirosyan (86 ans), Zareh Mardirosyan (65 ans),
Garo Mardirosyan (37 ans), Anouche Parseriantz, nee Mardirosyan
(34 ans), Taline Parseriantz (4 ans), Ema Parseriantz (6 mois).
Francoise Rossi nee le 17 juin 1971 a Montpellier. " Je pouvais
naitre ailleurs, car a 17 ans je pouvais compter 22 demenagements
" dit-elle qui a suivie la mutation de ses parents de France, en
Martinique, Allemagne et Afrique. " Mais ce fut pour moi une chance
de decouvrir très jeune d'autres modes de vie, d'autres mentalites,
traditions, coutumes, cuisines avec des saveurs et odeurs très variees
" continue Francoise Rossi très a l'aise en communication. Son frère,
a reussi une carrière de manager-designer dans une entreprise chinoise
au Japon, en y epousant une japonaise.
De cette enfance mouvementee " mais agreable ", Francoise Rossi a fait
sa devise " la rencontre avec les gens, l'ecoute pour apprendre, les
connaître et les apprecier sans prejuges " nous confie-t-elle. Après
une scolarite " normale " celle qui se dit " curieuse " et dont la
maman avait pressentie pour le journalisme, va debuter une carrière
dans...le journalisme. Des papiers sur la societe au " Republicain
Lorrain ", un journal interne a la Maison d'arret de Metz, des piges
pour Europe 2 durant le Festival de Cannes puis stage a RMC suivi
de piges, de reportages, de flashs, en passant par le poste de Chef
edition soir, sa carrière etait lancee. Puis elle enchaîne a France
3 Côte d'Azur, la nuit a RMC et le jour a France 3. Mais au bout de
10 ans de carrière, a la naissance de sa fille Carla et de son fils
Andrea quatre ans plus tard, elle decide d'arreter provisoirement sa
carrière journalistique au profit de sa vie familiale. Francoise Rossi
vient de faire paraître son livre " Enfants d'Ararat " sous-titre "
Temoignages pour la reconnaissance du Genocide Armenien " aux editions
L'Harmattan dans la serie " Graveurs de l'Histoire ". La preface du
livre est de Youri Djorkaeff.
" Nouvelles d'Armenie Magazine " : Pourquoi ce livre " Enfants d'Ararat
" ?
Francoise Rossi : Très difficile de repondre ! Mon attachement a la
famille sans doute, a son histoire, a la transmission des valeurs,
savoir qui l'on est c'est savoir d'où l'on vient... très commune comme
reflexion ! Mon envie d'ecrire tout en m'occupant de mes enfants...
Une commande aussi, avant " Enfants d'Ararat ", d'une amie de la
famille. J'avais rencontre sa mère, la femme du general Fourcade. Elle
avait fui l'Indochine avec d'autres femmes et des enfants. Un parcours
singulier, elle faisait des conferences. Sa fille Monique souhaitait
que j'encre son histoire afin de la transmettre a ses enfants et petits
enfants. Cela a abouti a un livre en 2005. Annee de la naissance de
mon fils.
Quelques mois plus tard, l'envie de recommencer a ecrire a ete très
forte. Cette idee d'encrer pour transmettre ne me quittait pas.
j'etais a la recherche d'une histoire a transcrire mais je ne
savais pas comment trouver des personnes interessees par ce travail
d'ecriture de la memoire. Puis au cours d'une conversation avec ma
mère a propos d'un de ses amis qui habite Monaco et qui est d'origine
armenienne, le sujet devait se presenter. De fil en aiguille, nous nous
sommes rendu compte que mon frère avait lui aussi un ami de collège
francais d'origine armenienne, Garo avec qui nous etions toujours en
relation. Malgre son nom se terminant en " Yan ", je n'avais jamais
pris conscience de son origine, une integration tellement reussie
que l'idee qu'il ne soit pas simplement francais ne m'avait jamais
effleuree. Bref j'ai decide de le contacter. Il m'a oriente vers sa
s~\ur, alors responsable de la communication du Conseil Communautaire
Armenien de la Côte d'Azur. Anouche m'a explique qu'il lui semblait
difficile de trouver une personne ou une famille qui accepte de
raconter son histoire, mais qu'en revanche, si l'objectif propose
recueillait un ensemble de temoignages afin de preserver la memoire
de la communaute armenienne si pudique, je pouvais esperer rencontrer
des personnes qui accepteraient de m'accorder leur temoignage, leur
histoire. C'est a cet instant precis qu'est nee l'idee d'ecrire "
Enfants d'Ararat ".
Charles Kechkekian le redacteur en chef de "Parev" m'a alors aide. Il
m'a donne des contacts, publie une annonce dans la revue " Parev ",
bref des documents et des demandes de rencontres ont très vite afflue,
et en quelques semaines mon planning etait plein pour une annee. Et
a chaque rendez-vous, on me disait : " Il faut absolument que vous
contactiez mon cousin qui habite Lyon, Bordeaux, Paris... Est-ce
que le livre va etre traduit en anglais car je voudrais l'envoyer a
ma s~\ur qui habite a Fresno ou a Buenos Aires... ". Je n'avais au
debut de cette aventure jamais imagine une seule seconde l'ampleur
qu'allait prendre ce projet. Pour tout avouer, je ne connaissais rien
a la communaute armenienne, a son histoire. La seule information
que j'avais emanait du livre de collège qui traitait en trois
lignes de l'immigration en France debut des annees 20, a savoir
l'arrivee des Italiens et celle des Armeniens après le genocide
de 1915 ! Je connaissais des bribes d'histoire pour avoir entendu
ou lu des articles dans les medias, mais si je voulais apprehender
correctement les temoignages, comprendre ce qu'on allait me raconter,
je devais apprendre davantage sur les Armeniens. C'est alors que
Gaspard Kayadjanyan s'est propose, et durant des semaines, tous les
mercredis matin il m'a donne pour ainsi dire des cours d'histoire, et
de geopolitique... j'etais paniquee par mon ignorance !!! Mon premier
rendez-vous, je l'ai en fait choisi. Il s'agissait d'une rencontre
avec le père de Garo. Il connaissait mon frère, ma mère, je l'avais
vu quelquefois pour lui donner des nouvelles de mon frère et surtout
il savait que je ne connaissais pas grand-chose sur le sujet. Pour
moi il representait " la securite " pour ce debut de travail. Quand
nous nous sommes quittes je me suis sentie desemparee. Cet homme,
que je connaissais si gai si heureux en famille m'a bouleverse. Il
avait les yeux rougis par l'emotion, la gorge qui se nouait, les mots
qui sortaient difficilement suivant l'evenement relate... Comme par
hasard en sortant de sa boutique, je suis tombee nez a nez avec sa
fille Anouche. Elle m'a demande si ca allait. Je lui ai repondu que
je ne savais pas si j'allais etre capable de continuer ce projet,
que j'avais peur de ne pas arriver a encaisser toutes ces horreurs
! Elle a souri et m'a dit : " ne t'inquiète pas ca va aller ! "
Apparemment elle avait plus confiance en moi que moi en moi-meme
! Bref après trois ou quatre rencontres du meme type, j'ai fui
! J'ai pris ma fille et deux billets d'avion pour aller voir mon
frère a Tokyo. Quelques jours de reflexion, faire le point, une sorte
d'introspection. A mon retour, une discussion avec mon mari et une
decision qui allait de soi : je ne pouvais pas lâcher ! Je ne pouvais
pas abandonner ces personnes, meme s'il n'y en avait eu que trois,
ces personnes si pudiques qui m'ont fait confiance, qui m'ont ouvert
leur c~\ur, leur âme, qui m'ont livre leur histoire, leur souffrance
enfouie depuis tant d'annees... Il n'en etait plus question, je n'en
avais pas le droit, je n'aurais vraiment pas pu vivre avec cela,
d'autant que d'une volonte première a savoir : encrer la memoire pour
la transmettre, s'est greffe la volonte de recueillir ces temoignages
afin de les faire connaître pour qu'enfin soit reconnu ce genocide,
pour qu'enfin toutes ces familles puissent panser leurs plaies qui
ne cessent de saigner, pour qu'enfin elles puissent faire le deuil
de leurs morts et pour que le monde entier dise haut et fort : "
Plus jamais ca ! ". Si je peux apporter ma petite pierre grâce a ce
livre, comme la recuperation d'extraits de certains temoignages par
ceux qui redigent les livres d'histoire pour les classes de collège,
ce serait pour moi un vrai cadeau. Il faut que les jeunes generations
surtout non armeniennes connaissent l'histoire, c'est leur Histoire,
celle de leurs compatriotes francais d'origine armenienne qui se
sont aussi battus pour la France ! Nos enfants ne peuvent rester dans
l'ignorance, nos enfants vont construire l'Europe de demain...
" Nouvelles d'Armenie Magazine " : parlez un peu plus de ces rencontres
que vous avez effectues avec les membres de la communaute armenienne
Francoise Rossi : Ces rencontres ont souvent eu lieu au sein du foyer
familial autour d'un cafe, d'un repas, j'ai d'ailleurs pu apprecier les
dolmas et surtout les keuftes (très proches des polpettes italiennes
de belle maman !). Pour ce qui est des interviews de personnalites
comme Didier Parakian, Alain Manoukian ou Youri Djorkaeff, je peux
vraiment dire que la renommee ne change en rien leur accueil, j'ai
toujours ressenti cette chaleur humaine qui emanait de ces rencontres,
je me suis toujours sentie très a l'aise très rapidement, meme lorsque
je me suis rendue a Marseille dans les bureaux de Didier Parakian
qui avait reussi par je ne sais quel tour de force a reunir près de
dix personnes avec ses parents, oncles et grands-oncles autour de
la meme table en pleine semaine a l'heure qui me convenait pour que
chacun d'entre eux puisse apporter son temoignage et ainsi tenter de
preserver un maximum de details sur cette memoire familiale... J'ai
meme ete invitee a partager le repas en famille, et je n'avais pas
interet a refuser, tout etait prevu !
Les valeurs sont omnipresentes, une veritable ligne de conduite en
plus de cette pudeur la aussi omnipresente quand il s'agit de raconter
les souffrances endurees.
Des recits de vie qui sont d'extraordinaires lecons de vie pour ceux,
comme moi, qui ont eu la chance de ne pas connaître cette tragedie.
Des tranches de vie où les valeurs familiales, la solidarite, la
valeur du travail, le respect des autres, le respect des valeurs
de la Republique sont toujours en toile de fond. Grâce a Didier
Parakian, j'ai pu contacter Alain Manoukian sur Lyon, il s'est rendu
immediatement disponible, il m'a aussi communique le telephone de
son cousin resident dans la cite phoceenne.
Pour ce qui est de Youri Djorkaeff, le contact a ete pris grâce a
un ami de la communaute armenienne de Nice qui connaissait surtout
les parents de Youri. Sa maman a accepte de me raconter son histoire
alors qu'il etait très facile pour elle de raccrocher et de remettre
notre conversation : elle etait en train de faire sa valise avant
d'embarquer a destination de New York pour rejoindre son fils et
ses petits-enfants. Youri est un homme très discret tout en etant
disponible, quelque soit la distance, les mails aidant il faut bien
le dire. Lors de ses venues sur la Côte avec sa famille, j'ai pu
rencontrer sa femme, elle est a l'image de son mari, avec sa peur de
deranger, cette femme est aussi ravissante que discrète, une famille
qui respire le bonheur. Quand on les voit on ressent immediatement cet
amour partage qui perdure aussi grâce aux valeurs familiales comme le
respect des anciens, le respect des autres, a la solidarite... Cette
fois encore, j'etais face a des personnes dont je ne connaissais rien
ou pas grand-chose et il emanait lors de ces rencontres, et ce au-dela
d'une attitude très pudique, une veritable chaleur humaine. C'est
très perturbant comme sentiment. On n'a que très rarement l'occasion
de ressentir cela lorsqu'on part en quatrième vitesse sur un sujet
d'actualite qu'il faut boucler pour le journal du soir !
" Nouvelles d'Armenie Magazine " : Quel est l'objectif de ce livre ?
Francoise Rossi : L'objectif de ce livre tient en six mots : Encrer
- Transmettre - Connaître - Pour Faire Reconnaître. Au depart, ne
connaissant pas l'Histoire des Armeniens, mon objectif s'arretait aux
trois premiers... mais ont evolue... " Nouvelles d'Armenie Magazine
" : Pour quel lectorat ? Francoise Rossi : Ce livre de temoignage
s'adresse a tout public. Et je dirais davantage a ceux qui ne
connaissent pas l'Histoire des Armeniens. Du genocide mais egalement
de cette chaleureuse communaute armenienne de France si accueillante
et si integree tout en gardant ses valeurs culturelles armeniennes,
sa cuisine et ses traditions. Si mon livre pouvait contribuer a faire
connaître davantage les Armeniens de France, pour moi ce serait source
de joie immense.
" Nouvelles d'Armenie Magazine " : Avez-vous eu de nombreuses retombees
presse et medias sur votre livre ?
Francoise Rossi : " Nice-Matin " va faire diffuser mon interview
au sujet de ce livre le 23 avril, d'autres journaux vont egalement
suivre. Parmi les medias, radio France Bleue Azur ainsi que France
3 Côte d'Azur devraient egalement diffuser des interviews. La presse
armenienne, après Armenews.com le site des Nouvelles d'Armenie Magazine
devraient egalement suivre.
Interview realisee par Krikor Amirzayan
lundi 22 avril 2013, Krikor Amirzayan ©armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=88990
Legende de la Photo : " Encrer - Transmettre - Connaître - Pour faire
Reconnaître ". Francoise Rossi (a gauche) avec le livre "Enfants
d'Ararat" en compagne des quatre generations de la famille de Garo
Mardirosyan. Jirayr Mardirosyan (86 ans), Zareh Mardirosyan (65 ans),
Garo Mardirosyan (37 ans), Anouche Parseriantz, nee Mardirosyan
(34 ans), Taline Parseriantz (4 ans), Ema Parseriantz (6 mois).
Francoise Rossi nee le 17 juin 1971 a Montpellier. " Je pouvais
naitre ailleurs, car a 17 ans je pouvais compter 22 demenagements
" dit-elle qui a suivie la mutation de ses parents de France, en
Martinique, Allemagne et Afrique. " Mais ce fut pour moi une chance
de decouvrir très jeune d'autres modes de vie, d'autres mentalites,
traditions, coutumes, cuisines avec des saveurs et odeurs très variees
" continue Francoise Rossi très a l'aise en communication. Son frère,
a reussi une carrière de manager-designer dans une entreprise chinoise
au Japon, en y epousant une japonaise.
De cette enfance mouvementee " mais agreable ", Francoise Rossi a fait
sa devise " la rencontre avec les gens, l'ecoute pour apprendre, les
connaître et les apprecier sans prejuges " nous confie-t-elle. Après
une scolarite " normale " celle qui se dit " curieuse " et dont la
maman avait pressentie pour le journalisme, va debuter une carrière
dans...le journalisme. Des papiers sur la societe au " Republicain
Lorrain ", un journal interne a la Maison d'arret de Metz, des piges
pour Europe 2 durant le Festival de Cannes puis stage a RMC suivi
de piges, de reportages, de flashs, en passant par le poste de Chef
edition soir, sa carrière etait lancee. Puis elle enchaîne a France
3 Côte d'Azur, la nuit a RMC et le jour a France 3. Mais au bout de
10 ans de carrière, a la naissance de sa fille Carla et de son fils
Andrea quatre ans plus tard, elle decide d'arreter provisoirement sa
carrière journalistique au profit de sa vie familiale. Francoise Rossi
vient de faire paraître son livre " Enfants d'Ararat " sous-titre "
Temoignages pour la reconnaissance du Genocide Armenien " aux editions
L'Harmattan dans la serie " Graveurs de l'Histoire ". La preface du
livre est de Youri Djorkaeff.
" Nouvelles d'Armenie Magazine " : Pourquoi ce livre " Enfants d'Ararat
" ?
Francoise Rossi : Très difficile de repondre ! Mon attachement a la
famille sans doute, a son histoire, a la transmission des valeurs,
savoir qui l'on est c'est savoir d'où l'on vient... très commune comme
reflexion ! Mon envie d'ecrire tout en m'occupant de mes enfants...
Une commande aussi, avant " Enfants d'Ararat ", d'une amie de la
famille. J'avais rencontre sa mère, la femme du general Fourcade. Elle
avait fui l'Indochine avec d'autres femmes et des enfants. Un parcours
singulier, elle faisait des conferences. Sa fille Monique souhaitait
que j'encre son histoire afin de la transmettre a ses enfants et petits
enfants. Cela a abouti a un livre en 2005. Annee de la naissance de
mon fils.
Quelques mois plus tard, l'envie de recommencer a ecrire a ete très
forte. Cette idee d'encrer pour transmettre ne me quittait pas.
j'etais a la recherche d'une histoire a transcrire mais je ne
savais pas comment trouver des personnes interessees par ce travail
d'ecriture de la memoire. Puis au cours d'une conversation avec ma
mère a propos d'un de ses amis qui habite Monaco et qui est d'origine
armenienne, le sujet devait se presenter. De fil en aiguille, nous nous
sommes rendu compte que mon frère avait lui aussi un ami de collège
francais d'origine armenienne, Garo avec qui nous etions toujours en
relation. Malgre son nom se terminant en " Yan ", je n'avais jamais
pris conscience de son origine, une integration tellement reussie
que l'idee qu'il ne soit pas simplement francais ne m'avait jamais
effleuree. Bref j'ai decide de le contacter. Il m'a oriente vers sa
s~\ur, alors responsable de la communication du Conseil Communautaire
Armenien de la Côte d'Azur. Anouche m'a explique qu'il lui semblait
difficile de trouver une personne ou une famille qui accepte de
raconter son histoire, mais qu'en revanche, si l'objectif propose
recueillait un ensemble de temoignages afin de preserver la memoire
de la communaute armenienne si pudique, je pouvais esperer rencontrer
des personnes qui accepteraient de m'accorder leur temoignage, leur
histoire. C'est a cet instant precis qu'est nee l'idee d'ecrire "
Enfants d'Ararat ".
Charles Kechkekian le redacteur en chef de "Parev" m'a alors aide. Il
m'a donne des contacts, publie une annonce dans la revue " Parev ",
bref des documents et des demandes de rencontres ont très vite afflue,
et en quelques semaines mon planning etait plein pour une annee. Et
a chaque rendez-vous, on me disait : " Il faut absolument que vous
contactiez mon cousin qui habite Lyon, Bordeaux, Paris... Est-ce
que le livre va etre traduit en anglais car je voudrais l'envoyer a
ma s~\ur qui habite a Fresno ou a Buenos Aires... ". Je n'avais au
debut de cette aventure jamais imagine une seule seconde l'ampleur
qu'allait prendre ce projet. Pour tout avouer, je ne connaissais rien
a la communaute armenienne, a son histoire. La seule information
que j'avais emanait du livre de collège qui traitait en trois
lignes de l'immigration en France debut des annees 20, a savoir
l'arrivee des Italiens et celle des Armeniens après le genocide
de 1915 ! Je connaissais des bribes d'histoire pour avoir entendu
ou lu des articles dans les medias, mais si je voulais apprehender
correctement les temoignages, comprendre ce qu'on allait me raconter,
je devais apprendre davantage sur les Armeniens. C'est alors que
Gaspard Kayadjanyan s'est propose, et durant des semaines, tous les
mercredis matin il m'a donne pour ainsi dire des cours d'histoire, et
de geopolitique... j'etais paniquee par mon ignorance !!! Mon premier
rendez-vous, je l'ai en fait choisi. Il s'agissait d'une rencontre
avec le père de Garo. Il connaissait mon frère, ma mère, je l'avais
vu quelquefois pour lui donner des nouvelles de mon frère et surtout
il savait que je ne connaissais pas grand-chose sur le sujet. Pour
moi il representait " la securite " pour ce debut de travail. Quand
nous nous sommes quittes je me suis sentie desemparee. Cet homme,
que je connaissais si gai si heureux en famille m'a bouleverse. Il
avait les yeux rougis par l'emotion, la gorge qui se nouait, les mots
qui sortaient difficilement suivant l'evenement relate... Comme par
hasard en sortant de sa boutique, je suis tombee nez a nez avec sa
fille Anouche. Elle m'a demande si ca allait. Je lui ai repondu que
je ne savais pas si j'allais etre capable de continuer ce projet,
que j'avais peur de ne pas arriver a encaisser toutes ces horreurs
! Elle a souri et m'a dit : " ne t'inquiète pas ca va aller ! "
Apparemment elle avait plus confiance en moi que moi en moi-meme
! Bref après trois ou quatre rencontres du meme type, j'ai fui
! J'ai pris ma fille et deux billets d'avion pour aller voir mon
frère a Tokyo. Quelques jours de reflexion, faire le point, une sorte
d'introspection. A mon retour, une discussion avec mon mari et une
decision qui allait de soi : je ne pouvais pas lâcher ! Je ne pouvais
pas abandonner ces personnes, meme s'il n'y en avait eu que trois,
ces personnes si pudiques qui m'ont fait confiance, qui m'ont ouvert
leur c~\ur, leur âme, qui m'ont livre leur histoire, leur souffrance
enfouie depuis tant d'annees... Il n'en etait plus question, je n'en
avais pas le droit, je n'aurais vraiment pas pu vivre avec cela,
d'autant que d'une volonte première a savoir : encrer la memoire pour
la transmettre, s'est greffe la volonte de recueillir ces temoignages
afin de les faire connaître pour qu'enfin soit reconnu ce genocide,
pour qu'enfin toutes ces familles puissent panser leurs plaies qui
ne cessent de saigner, pour qu'enfin elles puissent faire le deuil
de leurs morts et pour que le monde entier dise haut et fort : "
Plus jamais ca ! ". Si je peux apporter ma petite pierre grâce a ce
livre, comme la recuperation d'extraits de certains temoignages par
ceux qui redigent les livres d'histoire pour les classes de collège,
ce serait pour moi un vrai cadeau. Il faut que les jeunes generations
surtout non armeniennes connaissent l'histoire, c'est leur Histoire,
celle de leurs compatriotes francais d'origine armenienne qui se
sont aussi battus pour la France ! Nos enfants ne peuvent rester dans
l'ignorance, nos enfants vont construire l'Europe de demain...
" Nouvelles d'Armenie Magazine " : parlez un peu plus de ces rencontres
que vous avez effectues avec les membres de la communaute armenienne
Francoise Rossi : Ces rencontres ont souvent eu lieu au sein du foyer
familial autour d'un cafe, d'un repas, j'ai d'ailleurs pu apprecier les
dolmas et surtout les keuftes (très proches des polpettes italiennes
de belle maman !). Pour ce qui est des interviews de personnalites
comme Didier Parakian, Alain Manoukian ou Youri Djorkaeff, je peux
vraiment dire que la renommee ne change en rien leur accueil, j'ai
toujours ressenti cette chaleur humaine qui emanait de ces rencontres,
je me suis toujours sentie très a l'aise très rapidement, meme lorsque
je me suis rendue a Marseille dans les bureaux de Didier Parakian
qui avait reussi par je ne sais quel tour de force a reunir près de
dix personnes avec ses parents, oncles et grands-oncles autour de
la meme table en pleine semaine a l'heure qui me convenait pour que
chacun d'entre eux puisse apporter son temoignage et ainsi tenter de
preserver un maximum de details sur cette memoire familiale... J'ai
meme ete invitee a partager le repas en famille, et je n'avais pas
interet a refuser, tout etait prevu !
Les valeurs sont omnipresentes, une veritable ligne de conduite en
plus de cette pudeur la aussi omnipresente quand il s'agit de raconter
les souffrances endurees.
Des recits de vie qui sont d'extraordinaires lecons de vie pour ceux,
comme moi, qui ont eu la chance de ne pas connaître cette tragedie.
Des tranches de vie où les valeurs familiales, la solidarite, la
valeur du travail, le respect des autres, le respect des valeurs
de la Republique sont toujours en toile de fond. Grâce a Didier
Parakian, j'ai pu contacter Alain Manoukian sur Lyon, il s'est rendu
immediatement disponible, il m'a aussi communique le telephone de
son cousin resident dans la cite phoceenne.
Pour ce qui est de Youri Djorkaeff, le contact a ete pris grâce a
un ami de la communaute armenienne de Nice qui connaissait surtout
les parents de Youri. Sa maman a accepte de me raconter son histoire
alors qu'il etait très facile pour elle de raccrocher et de remettre
notre conversation : elle etait en train de faire sa valise avant
d'embarquer a destination de New York pour rejoindre son fils et
ses petits-enfants. Youri est un homme très discret tout en etant
disponible, quelque soit la distance, les mails aidant il faut bien
le dire. Lors de ses venues sur la Côte avec sa famille, j'ai pu
rencontrer sa femme, elle est a l'image de son mari, avec sa peur de
deranger, cette femme est aussi ravissante que discrète, une famille
qui respire le bonheur. Quand on les voit on ressent immediatement cet
amour partage qui perdure aussi grâce aux valeurs familiales comme le
respect des anciens, le respect des autres, a la solidarite... Cette
fois encore, j'etais face a des personnes dont je ne connaissais rien
ou pas grand-chose et il emanait lors de ces rencontres, et ce au-dela
d'une attitude très pudique, une veritable chaleur humaine. C'est
très perturbant comme sentiment. On n'a que très rarement l'occasion
de ressentir cela lorsqu'on part en quatrième vitesse sur un sujet
d'actualite qu'il faut boucler pour le journal du soir !
" Nouvelles d'Armenie Magazine " : Quel est l'objectif de ce livre ?
Francoise Rossi : L'objectif de ce livre tient en six mots : Encrer
- Transmettre - Connaître - Pour Faire Reconnaître. Au depart, ne
connaissant pas l'Histoire des Armeniens, mon objectif s'arretait aux
trois premiers... mais ont evolue... " Nouvelles d'Armenie Magazine
" : Pour quel lectorat ? Francoise Rossi : Ce livre de temoignage
s'adresse a tout public. Et je dirais davantage a ceux qui ne
connaissent pas l'Histoire des Armeniens. Du genocide mais egalement
de cette chaleureuse communaute armenienne de France si accueillante
et si integree tout en gardant ses valeurs culturelles armeniennes,
sa cuisine et ses traditions. Si mon livre pouvait contribuer a faire
connaître davantage les Armeniens de France, pour moi ce serait source
de joie immense.
" Nouvelles d'Armenie Magazine " : Avez-vous eu de nombreuses retombees
presse et medias sur votre livre ?
Francoise Rossi : " Nice-Matin " va faire diffuser mon interview
au sujet de ce livre le 23 avril, d'autres journaux vont egalement
suivre. Parmi les medias, radio France Bleue Azur ainsi que France
3 Côte d'Azur devraient egalement diffuser des interviews. La presse
armenienne, après Armenews.com le site des Nouvelles d'Armenie Magazine
devraient egalement suivre.
Interview realisee par Krikor Amirzayan
lundi 22 avril 2013, Krikor Amirzayan ©armenews.com