LE MUSEE DE CILICIE D'ANTELIAS, UN LIVRE OUVERT SUR L'HISTOIRE ET LA VIE
L'Orient-Le Jour, Liban
24 avril 2013
Edgar DAVIDIAN | 24/04/2013
Commemoration du genocide armenien Histoire, temoignage et richesse
culturelle d'un patrimoine inalienable. Celui de l'Armenie et de sa
diaspora. En ce 24 avril, jour de deuil et de prière, jour où les
Armeniens se souviennent de leurs morts, des routes de l'exode et de
l'exil, un regard sur le musee de Cilicie d'Antelias, ecrin pour plus
de 350 ~\uvres d'art.
La peinture et la sculpture armeniennes, venues des siècles les plus
recules, ont des racines profondes avec les civilisations les plus
raffinees au carrefour des grands empires engloutis depuis des
lustres.
Reflet d'un peuple laborieux, inventif, porte aux arts et aux valeurs
morales, empreint du sens religieux chretien, ces expressions
artistiques attestent depuis toujours de l'esprit d'un pays, du
caractère d'une terre, des remous de l'histoire, des varietes d'un
paysage, de l'elan jamais assoupi de citoyens porteurs de message.
Message de paix, de travail et d'amour de la vie.
Cette peinture et ces sculptures ouvrent des embranchements multiples
dont les assises remontent a l'âge des premiers alphabets, premier
trace de toute ligne et dessin ainsi que des enluminures sacrees et
profanes.
Face aux invasions, les Armeniens ont toujours fait preuve, dans leur
histoire aux innombrables rebondissements, d'une volonte farouche de
conserver leur identite nationale. Une identite qui se perpetue bien
entendu aujourd'hui dans la Republique d'Armenie, qui a rejoint les
Etats independants depuis decembre 1991, sortant ainsi definitivement
de la tutelle de la Russie, mais aussi a travers la diaspora dispersee
aux quatre points cardinaux, après le genocide de 1915.
Sylhouette de Guvder.
Avec la creation du musee de Cilicie a Antelias, au siège du
catholicossat armenien, voila un espace de plus de 1500 m2 consacre a
la peinture et la sculpture. Espace qui se definit comme l'incarnation
d'un art prospère. Un art tonique, certes, aux contours souvent graves
et melancoliques, mais representant l'expression habitee et illuminee
de plus d'un horizon. Expression dotee d'une volonte de creer, de
temoigner, de dire la verite.
Un art qui refleurit non seulement sur les terres du pays de Gregoire
l'Illuminateur, mais aussi a travers des frontières lointaines de la
mère patrie. La où bat le c~\ur de chaque enfant des legs de la
richesse culturelle d'Ardachès, de Tigrane, Vartan Mamikonian,
Komitas, Siamento...
Dans ce passe regorgeant de tresors et de faits historiques vibre
l'âme d'un peuple. Et c'est a cet enchaînement de la vie, a ce maillon
d'une chaîne d'armenite que convie ce musee dedie a la virtuosite des
pinceaux, des palettes, des chevalets, des truelles et des burins.
Essence de l'âme armenienne
Sont exposees ici des ~\uvres dont les plus anciennes remontent au
XVIIe siècle. Des images saintes de la Vierge a l'enfant Jesus aux
representations les plus modernes, aussi bien figuratives
qu'abstraites, cet art a pour point commun non seulement l'essence de
l'âme armenienne, mais aussi un savoir-faire immemorial.
Pour ces artistes de tous crins et appartenant a plus de cinq siècles
differents, le pouvoir de l'imaginaire, l'audace a braver les
interdits, le credo chretien et le lyrisme patriotique viennent se
greffer au talent.
Une tournee au milieu de ces toiles et de ces statuaires s'impose.
Pour mieux saisir les nuances, decrypter les sensibilites, redecouvrir
la fraîcheur native des couleurs et capter la vibrante diversite d'une
narration picturale a multiples facettes.
Flânerie qui, des pinceaux des peintres anonymes du siècle de Sayat
Nova aux ~\uvres les plus recentes, atteste de la variete, de la
vigueur et de la source intarissable d'une inspiration a l'ecoute
d'une terre, d'un peuple, d'une foi, des emois personnels et
interieurs, du cheminement de l'histoire.
Dominee par les coiffes et les barbes majestueuses des grands prelats,
bercee par les silhouettes des eglises en flanc de vallee, au sommet
d'une montagne ou simplement posees au c~\ur d'un haut plateau,
enrichie par un fier esprit de solitude et de reverie, fixee par de
saisissants portraits de personnages aux regards meditatifs et
magnetiques, cernee par les scènes de deportation, de massacre et de
lutte pour la survie, cette peinture appartient a un monde a la fois
pieux, doux et tourmente.
Groung, l'oiseau migrateur symbole de l'armenite.
Un monde sorti du ventre d'un inconscient collectif dont les points
communs sont la determination a vaincre l'adversite, la foi en la
mansuetude de Dieu, l'art de restituer la realite ou d'en dejouer les
pièges. Avec ce subtil usage des couleurs grenat.
Des peintres anonymes du XVIIe siècle qui ont signe des ~\uvres a
consonances religieuses ou clericales aux paysages d'Edgar Chahine, en
passant par le peloton d'artistes qui ont pour noms Assadour,
Guiragossian, Torossian, Hounanian, Berberian, Guvder, Carzou et
Jansem - pour ne citer que ceux-la -, la peinture mele ici, en un
bouillonnant panache, toutes les generations, toutes les tendances et
toutes les inspirations.
Il va sans dire qu'il y a la, entre ces murs endiguant la spiritualite
et le sens esthetique du peuple armenien, non seulement les errances
de l'histoire, la douleur des deuils et la force de l'espoir, mais
aussi presque tous les details d'un repertoire accusant l'aspect
sombre des jours noirs ainsi que les moments de joie de tout parcours
humain.
Livre ouvert de la vie que ce musee, mais avec des inegalites, des
lacunes voire des absences. Et meme certains artistes ne sont pas
parfois representes au meilleur de leur production. Qu'importe.
Par-dela ces petites reserves, ce precieux assemblage, embryon de
toute vie artistique, presente ou future, est sans conteste un
precieux temoignage. Non seulement du point de vue d'un humanisme
jamais en berne, mais aussi des richesses picturales qui accompagnent
les pages de l'histoire.
" Khatchkar " et sculpture moderne
D'une marine d'Aïvasovsky et ses vagues lisses ou mugissantes, aux
rides en traits de serpes des personnages marques au fer rouge du
destin de Jansem, en passant par les temples et les lieux de culte
detruits de Hounanian... voila entre contemplation, fatalite et
renaissance une quintessence de certains points saillants du parcours
du peuple armenien.
Une ~\uvre de Jansem.
La sculpture, point d'orgueil d'un peuple qui s'est illustre par les
Khatchkar (croix sculptees en dentelles sur pierres), a aussi une
place de choix dans cette aire dediee a perpetuer les valeurs
intellectuelles, artistiques, creatives et esthetiques de tous les
Armeniens du monde.
Plus d'une vingtaine de maîtres de la pierre, du bois et du bronze
pour ces formes lisses, rugueuses, luisantes ou mates qui jonglent,
dans une fantaisie domptee, avec les rigoureuses lois de l'equilibre.
Mais pour cette eloquence du marbre et des matières rebelles a tout
assouplissement, au souffle renouvele par les sculpteurs armeniens dès
la seconde moitie du XIXe siècle, on retrouve, outre certains
bas-reliefs ou statuettes nees d'un melange de modelage et de touches
adroites, beaucoup de bustes. Bustes qui renvoient a la representation
de personnages influents ou de prelats hauts places a la tete de la
hierarchie clericale. Des sculpteurs, tels Dikran et Zaven Khedeshian,
offrent la beaute de la pierre travaillee pour parler surtout du
visage humain. ~Luvres remarquables pour des bustes aux regards et
expressions vivants.
Et dans ce monde jailli des nervures, des protuberances, des
rugosites, des nodosites, de la porosite des roches, arrive un nouvel
invite sur les socles-presentoirs où le bronze, ferme, dur, d'une
brillance discrète, est roi. Et on nomme la sculpture Resurrection de
Raffi Tokatlian.
Avec ferveur et piete, transcendant les douleurs de l'univers, voila
une representation finement ciselee de la renaissance divine. À
l'image d'un peuple qui, tel un Phenix, n'en finit pas de renaître et
de deployer ses ailes, meme en cet espace museal, sanctuaire et
gardien des valeurs ancestrales et modernes armeniennes.
Lire aussi
Un siècle après le genocide, les Armeniens islamises du Dersim veulent
affirmer leur existence
Pour memoire
24 avril 1915 : on s'en souvient...
" Les Armeniens de Cilicie ", une patrie devenue paradis perdu
Le catholicossat armenien de Cilicie reclame la restitution des biens
confisques par l'Empire ottoman (reserve aux abonnes)
http://www.lorientlejour.com/article/811565/le-musee-de-cilicie-dantelias-un-livre-ouvert-sur-lhistoire-et-la-vie.html
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
L'Orient-Le Jour, Liban
24 avril 2013
Edgar DAVIDIAN | 24/04/2013
Commemoration du genocide armenien Histoire, temoignage et richesse
culturelle d'un patrimoine inalienable. Celui de l'Armenie et de sa
diaspora. En ce 24 avril, jour de deuil et de prière, jour où les
Armeniens se souviennent de leurs morts, des routes de l'exode et de
l'exil, un regard sur le musee de Cilicie d'Antelias, ecrin pour plus
de 350 ~\uvres d'art.
La peinture et la sculpture armeniennes, venues des siècles les plus
recules, ont des racines profondes avec les civilisations les plus
raffinees au carrefour des grands empires engloutis depuis des
lustres.
Reflet d'un peuple laborieux, inventif, porte aux arts et aux valeurs
morales, empreint du sens religieux chretien, ces expressions
artistiques attestent depuis toujours de l'esprit d'un pays, du
caractère d'une terre, des remous de l'histoire, des varietes d'un
paysage, de l'elan jamais assoupi de citoyens porteurs de message.
Message de paix, de travail et d'amour de la vie.
Cette peinture et ces sculptures ouvrent des embranchements multiples
dont les assises remontent a l'âge des premiers alphabets, premier
trace de toute ligne et dessin ainsi que des enluminures sacrees et
profanes.
Face aux invasions, les Armeniens ont toujours fait preuve, dans leur
histoire aux innombrables rebondissements, d'une volonte farouche de
conserver leur identite nationale. Une identite qui se perpetue bien
entendu aujourd'hui dans la Republique d'Armenie, qui a rejoint les
Etats independants depuis decembre 1991, sortant ainsi definitivement
de la tutelle de la Russie, mais aussi a travers la diaspora dispersee
aux quatre points cardinaux, après le genocide de 1915.
Sylhouette de Guvder.
Avec la creation du musee de Cilicie a Antelias, au siège du
catholicossat armenien, voila un espace de plus de 1500 m2 consacre a
la peinture et la sculpture. Espace qui se definit comme l'incarnation
d'un art prospère. Un art tonique, certes, aux contours souvent graves
et melancoliques, mais representant l'expression habitee et illuminee
de plus d'un horizon. Expression dotee d'une volonte de creer, de
temoigner, de dire la verite.
Un art qui refleurit non seulement sur les terres du pays de Gregoire
l'Illuminateur, mais aussi a travers des frontières lointaines de la
mère patrie. La où bat le c~\ur de chaque enfant des legs de la
richesse culturelle d'Ardachès, de Tigrane, Vartan Mamikonian,
Komitas, Siamento...
Dans ce passe regorgeant de tresors et de faits historiques vibre
l'âme d'un peuple. Et c'est a cet enchaînement de la vie, a ce maillon
d'une chaîne d'armenite que convie ce musee dedie a la virtuosite des
pinceaux, des palettes, des chevalets, des truelles et des burins.
Essence de l'âme armenienne
Sont exposees ici des ~\uvres dont les plus anciennes remontent au
XVIIe siècle. Des images saintes de la Vierge a l'enfant Jesus aux
representations les plus modernes, aussi bien figuratives
qu'abstraites, cet art a pour point commun non seulement l'essence de
l'âme armenienne, mais aussi un savoir-faire immemorial.
Pour ces artistes de tous crins et appartenant a plus de cinq siècles
differents, le pouvoir de l'imaginaire, l'audace a braver les
interdits, le credo chretien et le lyrisme patriotique viennent se
greffer au talent.
Une tournee au milieu de ces toiles et de ces statuaires s'impose.
Pour mieux saisir les nuances, decrypter les sensibilites, redecouvrir
la fraîcheur native des couleurs et capter la vibrante diversite d'une
narration picturale a multiples facettes.
Flânerie qui, des pinceaux des peintres anonymes du siècle de Sayat
Nova aux ~\uvres les plus recentes, atteste de la variete, de la
vigueur et de la source intarissable d'une inspiration a l'ecoute
d'une terre, d'un peuple, d'une foi, des emois personnels et
interieurs, du cheminement de l'histoire.
Dominee par les coiffes et les barbes majestueuses des grands prelats,
bercee par les silhouettes des eglises en flanc de vallee, au sommet
d'une montagne ou simplement posees au c~\ur d'un haut plateau,
enrichie par un fier esprit de solitude et de reverie, fixee par de
saisissants portraits de personnages aux regards meditatifs et
magnetiques, cernee par les scènes de deportation, de massacre et de
lutte pour la survie, cette peinture appartient a un monde a la fois
pieux, doux et tourmente.
Groung, l'oiseau migrateur symbole de l'armenite.
Un monde sorti du ventre d'un inconscient collectif dont les points
communs sont la determination a vaincre l'adversite, la foi en la
mansuetude de Dieu, l'art de restituer la realite ou d'en dejouer les
pièges. Avec ce subtil usage des couleurs grenat.
Des peintres anonymes du XVIIe siècle qui ont signe des ~\uvres a
consonances religieuses ou clericales aux paysages d'Edgar Chahine, en
passant par le peloton d'artistes qui ont pour noms Assadour,
Guiragossian, Torossian, Hounanian, Berberian, Guvder, Carzou et
Jansem - pour ne citer que ceux-la -, la peinture mele ici, en un
bouillonnant panache, toutes les generations, toutes les tendances et
toutes les inspirations.
Il va sans dire qu'il y a la, entre ces murs endiguant la spiritualite
et le sens esthetique du peuple armenien, non seulement les errances
de l'histoire, la douleur des deuils et la force de l'espoir, mais
aussi presque tous les details d'un repertoire accusant l'aspect
sombre des jours noirs ainsi que les moments de joie de tout parcours
humain.
Livre ouvert de la vie que ce musee, mais avec des inegalites, des
lacunes voire des absences. Et meme certains artistes ne sont pas
parfois representes au meilleur de leur production. Qu'importe.
Par-dela ces petites reserves, ce precieux assemblage, embryon de
toute vie artistique, presente ou future, est sans conteste un
precieux temoignage. Non seulement du point de vue d'un humanisme
jamais en berne, mais aussi des richesses picturales qui accompagnent
les pages de l'histoire.
" Khatchkar " et sculpture moderne
D'une marine d'Aïvasovsky et ses vagues lisses ou mugissantes, aux
rides en traits de serpes des personnages marques au fer rouge du
destin de Jansem, en passant par les temples et les lieux de culte
detruits de Hounanian... voila entre contemplation, fatalite et
renaissance une quintessence de certains points saillants du parcours
du peuple armenien.
Une ~\uvre de Jansem.
La sculpture, point d'orgueil d'un peuple qui s'est illustre par les
Khatchkar (croix sculptees en dentelles sur pierres), a aussi une
place de choix dans cette aire dediee a perpetuer les valeurs
intellectuelles, artistiques, creatives et esthetiques de tous les
Armeniens du monde.
Plus d'une vingtaine de maîtres de la pierre, du bois et du bronze
pour ces formes lisses, rugueuses, luisantes ou mates qui jonglent,
dans une fantaisie domptee, avec les rigoureuses lois de l'equilibre.
Mais pour cette eloquence du marbre et des matières rebelles a tout
assouplissement, au souffle renouvele par les sculpteurs armeniens dès
la seconde moitie du XIXe siècle, on retrouve, outre certains
bas-reliefs ou statuettes nees d'un melange de modelage et de touches
adroites, beaucoup de bustes. Bustes qui renvoient a la representation
de personnages influents ou de prelats hauts places a la tete de la
hierarchie clericale. Des sculpteurs, tels Dikran et Zaven Khedeshian,
offrent la beaute de la pierre travaillee pour parler surtout du
visage humain. ~Luvres remarquables pour des bustes aux regards et
expressions vivants.
Et dans ce monde jailli des nervures, des protuberances, des
rugosites, des nodosites, de la porosite des roches, arrive un nouvel
invite sur les socles-presentoirs où le bronze, ferme, dur, d'une
brillance discrète, est roi. Et on nomme la sculpture Resurrection de
Raffi Tokatlian.
Avec ferveur et piete, transcendant les douleurs de l'univers, voila
une representation finement ciselee de la renaissance divine. À
l'image d'un peuple qui, tel un Phenix, n'en finit pas de renaître et
de deployer ses ailes, meme en cet espace museal, sanctuaire et
gardien des valeurs ancestrales et modernes armeniennes.
Lire aussi
Un siècle après le genocide, les Armeniens islamises du Dersim veulent
affirmer leur existence
Pour memoire
24 avril 1915 : on s'en souvient...
" Les Armeniens de Cilicie ", une patrie devenue paradis perdu
Le catholicossat armenien de Cilicie reclame la restitution des biens
confisques par l'Empire ottoman (reserve aux abonnes)
http://www.lorientlejour.com/article/811565/le-musee-de-cilicie-dantelias-un-livre-ouvert-sur-lhistoire-et-la-vie.html
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress