TURQUIE : ACCEPTER L'HISTOIRE DANS SA GLOBALITE
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=75050
Publie le : 20-08-2013
Info Collectif VAN -www.collectifvan.org - "Nous apprenons que l'on
detruit les dernières maisons anciennes des quartiers de Mouch. On
les detruit pour construire des logements neufs et une mosquee. Elles
appartiennent a une epoque où Armeniens et non-Armeniens vivaient la
côte a côte ; où, il y aura bientôt un siècle, la plaine de Mouch etait
largement peuplee d'Armeniens, et la ville au moins pour moitie." Le
Collectif VAN diffuse ici la lettre ouverte de Kegham Kevonian,
publiee le 19 août 2013 sur le site de Nam.
NAM
le 19 août 2013
Lettre ouverte au sujet des destructions commises a Mouch
par Kegham Kevonian
Nous apprenons que l'on detruit les dernières maisons anciennes des
quartiers de Mouch. On les detruit pour construire des logements
neufs et une mosquee ; egalement, je le crains, pour qu'a son tour,
l'Histoire se dissimule a notre vue et disparaisse, qu'elle ne trouble
l'avenir par sa presence importune. Car l'Histoire, en Turquie,
est confuse et paree de multiples visages. Pareillement a Mouch,
où les Armeniens ont ete presents depuis les temps les plus anciens,
comme ils l'ont ete dans toutes les provinces orientales, avant qu'on
ne leur enlève le simple droit de vivre. Qu'importe a ce compte que
les maisons qu'on detruit ont appartenu ou non a des Armeniens. Elles
appartiennent a une epoque où Armeniens et non-Armeniens vivaient
la côte a côte ; où, il y aura bientôt un siècle, la plaine de Mouch
etait largement peuplee d'Armeniens, et la ville au moins pour moitie.
Leur protection apparaît encore plus imperative, si l'on se rappelle
que les quartiers de Mouch a forte concentration armenienne ont ete
reduits a l'etat de decombres en 1915 ; et que ce qu'il en reste,
debout ou en ruines, vient temoigner d'un passe sur lequel il faut
porter un regard conscient, affranchi de l'absurde idee que le Pays
doit n'appartenir qu'a une seule nation.
Les Armeniens ne sont pas tombes hors des chemins de l'Histoire,
et en raison meme du fait que l'actuelle Turquie est aussi le pays
des Armeniens, ils compteront parmi les elements constitutifs de
son avenir. C'est avec cette conviction que j'ecris ces lignes. Je
les ecris aussi en tant que petit-fils du premier et dernier depute
armenien de Mouch, Kegham Der Garabedian, sauve de justesse de la rafle
du 24 avril et decede a Constantinople en 1918. Je me suis rendu a
Mouch, où lui-meme a vecu. J'ai vu les plaies de cette mienne ville ;
j'ai cherche les six eglises et les deux chapelles qu'y possedaient
les Armeniens, les prelatures nationale et catholique armeniennes,
les ecoles ; j'ai erre dans le grand cimetière, y decouvrant des
excavations, des pierres brisees ou renversees ; j'ai vu aussi de
vieilles maisons : celles qu'on detruit aujourd'hui. Et je pose cette
question : n'a-t-on pas detruit suffisamment de choses deja ; l'heure
n'est-elle donc pas venue d'accepter l'Histoire dans sa pluralite
et sa globalite, de se presenter en justes devant les generations a
venir ? Dans une declaration, deux deputes de Mouch ont legitimement
associe leurs voix aux protestations qui se sont elevees dès l'origine
contre ce programme immobilier, grâce auxquelles celui-ci s'est trouve
recemment suspendu. Mais que dire de ce qui a deja ete accompli a
la hâte, et comment croire que la demolition ne reprendra pas a la
première occasion ? À vrai dire, le seul acte fonde des autorites en
place ne peut consister desormais qu'a changer ce programme contre un
projet nouveau, en instaurant autour des quartiers anciens de Mouch
un cordon de protection, en restaurant les maisons qui demeurent et
en reedifiant celles qui peuvent encore l'etre. Ce sera aussi leur
merite, avec tout cela, qu'elles se demandent quand et de quelle facon
seront rendus aux Armeniens les cimetières, les eglises, ainsi que
tous les autres edifices nationaux de Mouch, qui ne valent pas moins
d'etre sauves de l'aneantissement, s'ils existent toujours. C'est la
non seulement mon propos et ma ferme attente, mais ceux de beaucoup
d'autres.
Kegham Kevonian
Le 14 août 2013, a Paris Traduit de l'armenien.
Retour a la rubrique
Source/Lien : NAM
From: A. Papazian
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=75050
Publie le : 20-08-2013
Info Collectif VAN -www.collectifvan.org - "Nous apprenons que l'on
detruit les dernières maisons anciennes des quartiers de Mouch. On
les detruit pour construire des logements neufs et une mosquee. Elles
appartiennent a une epoque où Armeniens et non-Armeniens vivaient la
côte a côte ; où, il y aura bientôt un siècle, la plaine de Mouch etait
largement peuplee d'Armeniens, et la ville au moins pour moitie." Le
Collectif VAN diffuse ici la lettre ouverte de Kegham Kevonian,
publiee le 19 août 2013 sur le site de Nam.
NAM
le 19 août 2013
Lettre ouverte au sujet des destructions commises a Mouch
par Kegham Kevonian
Nous apprenons que l'on detruit les dernières maisons anciennes des
quartiers de Mouch. On les detruit pour construire des logements
neufs et une mosquee ; egalement, je le crains, pour qu'a son tour,
l'Histoire se dissimule a notre vue et disparaisse, qu'elle ne trouble
l'avenir par sa presence importune. Car l'Histoire, en Turquie,
est confuse et paree de multiples visages. Pareillement a Mouch,
où les Armeniens ont ete presents depuis les temps les plus anciens,
comme ils l'ont ete dans toutes les provinces orientales, avant qu'on
ne leur enlève le simple droit de vivre. Qu'importe a ce compte que
les maisons qu'on detruit ont appartenu ou non a des Armeniens. Elles
appartiennent a une epoque où Armeniens et non-Armeniens vivaient
la côte a côte ; où, il y aura bientôt un siècle, la plaine de Mouch
etait largement peuplee d'Armeniens, et la ville au moins pour moitie.
Leur protection apparaît encore plus imperative, si l'on se rappelle
que les quartiers de Mouch a forte concentration armenienne ont ete
reduits a l'etat de decombres en 1915 ; et que ce qu'il en reste,
debout ou en ruines, vient temoigner d'un passe sur lequel il faut
porter un regard conscient, affranchi de l'absurde idee que le Pays
doit n'appartenir qu'a une seule nation.
Les Armeniens ne sont pas tombes hors des chemins de l'Histoire,
et en raison meme du fait que l'actuelle Turquie est aussi le pays
des Armeniens, ils compteront parmi les elements constitutifs de
son avenir. C'est avec cette conviction que j'ecris ces lignes. Je
les ecris aussi en tant que petit-fils du premier et dernier depute
armenien de Mouch, Kegham Der Garabedian, sauve de justesse de la rafle
du 24 avril et decede a Constantinople en 1918. Je me suis rendu a
Mouch, où lui-meme a vecu. J'ai vu les plaies de cette mienne ville ;
j'ai cherche les six eglises et les deux chapelles qu'y possedaient
les Armeniens, les prelatures nationale et catholique armeniennes,
les ecoles ; j'ai erre dans le grand cimetière, y decouvrant des
excavations, des pierres brisees ou renversees ; j'ai vu aussi de
vieilles maisons : celles qu'on detruit aujourd'hui. Et je pose cette
question : n'a-t-on pas detruit suffisamment de choses deja ; l'heure
n'est-elle donc pas venue d'accepter l'Histoire dans sa pluralite
et sa globalite, de se presenter en justes devant les generations a
venir ? Dans une declaration, deux deputes de Mouch ont legitimement
associe leurs voix aux protestations qui se sont elevees dès l'origine
contre ce programme immobilier, grâce auxquelles celui-ci s'est trouve
recemment suspendu. Mais que dire de ce qui a deja ete accompli a
la hâte, et comment croire que la demolition ne reprendra pas a la
première occasion ? À vrai dire, le seul acte fonde des autorites en
place ne peut consister desormais qu'a changer ce programme contre un
projet nouveau, en instaurant autour des quartiers anciens de Mouch
un cordon de protection, en restaurant les maisons qui demeurent et
en reedifiant celles qui peuvent encore l'etre. Ce sera aussi leur
merite, avec tout cela, qu'elles se demandent quand et de quelle facon
seront rendus aux Armeniens les cimetières, les eglises, ainsi que
tous les autres edifices nationaux de Mouch, qui ne valent pas moins
d'etre sauves de l'aneantissement, s'ils existent toujours. C'est la
non seulement mon propos et ma ferme attente, mais ceux de beaucoup
d'autres.
Kegham Kevonian
Le 14 août 2013, a Paris Traduit de l'armenien.
Retour a la rubrique
Source/Lien : NAM
From: A. Papazian