VOYAGE EN ARMENIE OCCIDENTALE
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=75190
Publie le : 28-08-2013
Info Collectif VAN -www.collectifvan.org - " Pendant que je regardais
par le hublot de l'avion revenant vers Boston, plusieurs idees m'ont
traverse la tete. La première et la plus importante, c'est la nouvelle
perspective que j'ai acquise. Depuis que je suis petit, on me parle
du genocide armenien et des atrocites survenues. On m'a appris que
1,5 million d'Armeniens ont ete massacres et d'immenses territoires
nous ont ete pris. On m'a enseigne l'importance d'etre armenien et
de conserver vivantes ma culture, ma langue et mon histoire. Bien
qu'il soit difficile pour moi, a 25 ans et vivant en diaspora, de bien
saisir ce que cela signifie vraiment de perdre 1,5 million de frères
et de s~\urs, ce que je suis capable de faire aujourd'hui, en raison
de mon voyage en Armenie occidentale, c'est de reellement apprecier
l'importance que revet pour nous de rester forts dans notre combat
pour la reconnaissance et les reparations. " Le Collectif VAN vous
propose la traduction d'un article en anglais paru sur le site The
Armenian Weekly le 24 août 2013. Le jeune auteur, Raffi Yaboujian,
decrit son voyage en Armenie occidentale (actuelle Turquie), avec
l'exaltation et les references patriotiques en vogue dans les milieux
dachnags (FRA: Federation Revolutionnaire Armenienne).
The Armenian Weekly
le 24 août 2013
Explorer le 'Hayastan' [Nota CVAN : Armenie] que la plupart des gens
ne voient pas : mon voyage en Armenie occidentale
Par Raffi Yaboujian
Alors que j'etais dans l'avion et que je m'ennuyais, fatigue de
regarder des films, je me suis mis a parcourir les photos que j'avais
prises sur mon iPhone. Comme c'est toujours le cas, mes vacances
sont vite passees. Je suis parti pendant 21 jours, et au cours de ces
trois semaines, j'ai visite quatre pays, j'avais donc cinq monnaies
differentes dans mon sac et pas assez d'heures de sommeil. Il est
exact de dire que j'etais fatigue. Mais ce voyage a ete different. Ce
voyage a ete epanouissant. Je quittais le Liban avec quelque chose
que je n'avais pas 21 jours auparavant.
Je me souviens avoir pris des photos du mont Ararat en etant du côte
turc pendant notre voyage, esperant simplement qu'un jour il y aurait
des Armeniens vivant des deux cotes de cette montagne.
Tout Armenien vivant en diaspora, et qui s'est rendu dans la patrie,
sait que c'est une chose qui ne peut etre prise pour acquise. Il existe
un lien special que tout Armenien arrivant en Hayastan [Nota CVAN :
Armenie] ressent. Plusieurs annees avaient passe depuis mon dernier
sejour a Erevan et je ne pouvais pas etre plus content de m'y rendre
a partir du Liban. J'avais entendu dire tant de choses positives sur
la capitale, sur les ameliorations faites depuis ma dernière visite
et j'etais très heureux de voir qu'Erevan se transformait lentement
pour le mieux. Deux jours après mon arrivee a Erevan, j'ai refait
mes valises et j'ai dit au revoir a l'auberge AYF (Armenian Youth
Federation) qui m'avait heberge. L'heure etait venue, pour l'une des
deux raisons qui m'avait fait traverser la moitie du monde (je garde
la deuxième pour moi) : il etait temps de quitter Erevan et de me
diriger vers le territoire ennemi pour explorer l'Armenie historique.
Nous nous etions tous mis d'accord pour nous retrouver le 24 juillet
a 5h45. Il y avait avec moi deux amis de AYF côte Est, venant du New
Jersey. Dans le taxi qui nous emmenait au bureau ARF, tôt le matin, pas
l'un de nous ne savait ce que ces sept nuits nous reservaient. Des gens
commencaient a sortir du bureau petit a petit. En tout, nous etions
27, plus nos 2 chauffeurs. C'etait un bon melange de gens venant
de divers pays du monde. Il y avait un groupe du Liban, quelques
personnes de Teheran, une femme d'Argentine et des locaux vivant en
Hayastan. Nous nous sommes repartis dans les bus de 15 passagers et
avons entame notre voyage vers la frontière Armenie-Georgie. Notre
voyage devait durer huit jours et sept nuits.
Chaque jour, nous devions nous rendre dans differentes villes,
nous arretant dans un hôtel quelques heures pour nous reposer et
repartir le jour suivant. Notre objectif etait de visiter certains des
villages, eglises, villes et châteaux armeniens les plus importants
avant qu'ils ne nous aient ete arraches durant le genocide. Nous
allions aussi essayer de trouver des Armeniens vivant en Turquie,
ce qui s'est avere difficile, car meme aujourd'hui, le gouvernement
turc utilise des tactiques de peur et d'autres methodes pou effacer
lentement toute trace d'Armenien encore existant.
Quand j'ai regarde la frontière armenienne, de la Georgie, c'est la
que ca m'a frappe pour la première fois : j'allais faire partie de
cet infime pourcentage d'Armeniens qui ont la chance de passer les
frontières et d'explorer ce que la plupart des gens considèrent etre
aujourd'hui l'Armenie occidentale. Notre voyage en Georgie fut court.
Nous avons fait un bref arret a Akhalkalak, un village majoritairement
armenien. En fait, le village etait tellement armenien qu'il y avait
une eglise armenienne, mais aussi une statue de Mesrob Machtots [Nota
CVAN : inventeur de l'alphabet armenien] dans le centre ville. Nous
avons poursuivi notre route vers la frontière turque. Les sept jours
suivants allaient filer. En un rien de temps, j'avais visite 13 villes
differentes, vu des sites a couper le souffle, rencontrer des gens
extraordinaires, entendu des histoires epoustouflantes et ressenti
des emotions que je ne peux transcrire avec des mots. Nos bus sont
devenus des unites très soudees, qui perdureraient certainement après
ce voyage.
Ayant visite Ani, Kars, Van, Mouch, Kharpert, Dersim, Tunceli,
Erzeroum, Ispir, Rize, Hopa et Ardahan, je peux dire que chaque
ville a sa propre histoire et que chacune d'elles a apporte son lot
d'emotions, mais quelques lieux, en particulier, se sont distingues
des autres. L'arrivee dans les ruines d'Ani, par exemple, a ete un
moment très special pour tout le monde. En nous approchant des ruines
et en voyant l'immense drapeau turc plante en haut des murs massifs,
je me suis senti un peu mal a l'aise. Il etait etrange d'entendre
notre guide nous expliquer qu'a l'âge d'or d'Ani, sa population etait
de plus de 100 000 personnes et qu'elle etait l'une des villes les
plus importantes de l'epoque. Nous marchions a present dans un champ
où seules subsistaient quelques eglises. C'etait dur a accepter et
encore plus dur d'y penser sachant ce qui aurait pu etre. La frontière
armenienne etait si proche, que j'aurais pu litteralement ramasser une
pierre et la jeter au-dessus de la clôture qui separe les deux pays.
C'est un sentiment qui allait resurgir de nombreuses fois au cours
de ces sept jours.
De tout le voyage, l'un de mes sites preferes fut l'arrivee dans la
ville de Van, poser mes yeux sur le Vana lidj [Nota CVAN : lac de
Van] pour la première fois. C'etait une pure beaute. Kilomètre après
kilomètre, il semblait n'avoir pas de fin. Notre bus ne cessait de
rouler le long de l'eau bleue cristalline et notre groupe avait de
plus en plus envie de sauter dedans, mais les enguers [Nota CVAN:
amis] qui avaient organise le voyage, nous avaient planifie une
excursion surprise. Quand le bus s'est arrete, nous avons detache
notre regard de l'eau pour le tourner vers les montagnes. La-haut,
se trouvait l'eglise Sourp Thomas. Du bus, elle avait l'air d'un
point minuscule au sommet d'une gigantesque montagne. Une heure et
demie après, et 50 epines plantees dans mes jambes, nous avons enfin
atteint le sommet de la montagne. Devant nous se dressait l'eglise
Sourp Thomas et, d'après notre guide, nous etions le premier groupe
de cette taille a y venir depuis 100 ans.
En examinant l'eglise plus attentivement, le deuxième thème recurrent
de mon voyage fut de nouveau present : tout ce que nous visitions
possedait les traces des Armeniens. Que ce soit un khatchkar de pierre
ou des inscriptions en armenien sur les murs, les preuves etaient
indeniables. Ce qui a rendu le trajet jusqu'en haut de la montagne un
peu plus doux, c'est le fait que nous avions pris un drapeau armenien
avec nous. Donc pendant les 30 minutes que nous avons passees la,
nous avons pu en quelque sorte faire revivre les racines armeniennes
de l'eglise Sourp Thomas. La vue du lac de Van du haut de cette eglise
sacree valait a elle seule la difficulte d'arriver au sommet, mais il
etait deja temps de redescendre et de sauter dans l'eau. Elle etait
exactement comme nous l'avions imagine du bus - chaude et claire,
le rafraîchissement ultime après une journee fatigante.
Le jour suivant, nous sommes alles dans l'un de mes endroits preferes,
le Pont Sulukh a Mouch. C'est la que le legendaire fedaï armenien
Kevork Chavouch a ete blesse, puis est mort lors de la bataille. De
voir les endroits dont j'avais entendu parler dans des histoires ou des
chants revolutionnaires etaient surrealiste. Chavouch est une icône
legendaire pour tout Armenien, en raison de ses combats heroïques
contre l'opposition turque et kurde. À ce jour, il est celebre dans
ses histoires et chansons, et l'on s'en souviendra toujours comme
l'un des plus grands revolutionnaires de la riche histoire armenienne.
Le dernier jour de notre voyage, nous nous sommes retrouves dans la
ville de Hopa. Notre programme etait simple : nous devions rouler dans
les parties montagneuses de cette region a une altitude provoquant
des saignements de nez pour voir un petit village d'Armeniens
Hamchentsi[Nota CVAN : Armeniens islamises de la region de Hamchen].
Nous avons pu voir trois familles ce jour-la. Nous avons fait la
connaissance de la famille la plus memorable des trois en dernier,
quand nous avons rencontre une vieille grand-mère armenienne avec ses
deux filles et ses petits-enfants. Ils avaient des racines armeniennes,
et bien que les filles et les petits-enfants n'aient pas vraiment
souvenir de leur heritage armenien, la grand-mère s'est finalement
reconnectee a ses racines armeniennes. Une fois assis dans le patio,
on nous a offert du the, pour 30 personnes - ce qui montre combien
les Armeniens sont hospitaliers envers d'autres Armeniens, où que vous
alliez - et l'un des organisateurs du voyage, U. Haygaz, a commence a
parler avec notre nene Hamchentsi [Nota CVAN: meme]. Après 30 minutes
de paroles chaleureuses, plus quelques implorations et arguments,
il l'a enfin convaincue de chanter pour nous. Tandis que notre groupe
etait assis, concentre sur sa chanson, je me suis senti a l'aise comme
jamais encore pendant ce voyage. Voir et entendre par moi-meme que des
Armeniens existaient encore dans ces villages recules fut un temps
fort comme aucun autre. Et aussi heureux que cette famille l'etait
de nous voir, je pense que ce sont eux qui nous laisseront les plus
fortes impressions.
Donc, pendant que je regardais par le hublot de l'avion revenant
a Boston, plusieurs idees m'ont traverse la tete. La première
et la plus importante, c'est la nouvelle perspective que j'ai
acquise. Depuis que je suis petit, on me parle du genocide armenien
et des atrocites survenues. On m'a appris que 1,5 million d'Armeniens
ont ete massacres et d'immenses territoires nous ont ete pris. On
m'a enseigne l'importance d'etre armenien et de conserver vivantes ma
culture, ma langue et mon histoire. Bien qu'il soit difficile pour moi,
a 25 ans et vivant en diaspora, de bien saisir ce que cela signifie
vraiment de perdre 1,5 million de frères et de s~\urs, ce que je suis
capable de faire aujourd'hui, en raison de mon voyage en Armenie
occidentale, c'est de reellement apprecier l'importance que revet
pour nous de rester forts dans notre combat pour la reconnaissance
et les reparations.
D'avoir ete en mesure d'etablir une connexion concrète avec la terre -
marcher dans les rues, nager, escalader les montagnes et meme respirer
l'air - m'a vraiment fait comprendre que l'on nous a vole nos biens
les plus prestigieux et beaux. Je ne cesse de penser au fait que
chaque endroit visite etait encore plus magnifique que le precedent,
et a ce que l'Armenie serait aujourd'hui si ces terres etaient encore
en notre possession.
C'est de la que viendra la motivation pour notre future generation.
Nous, en tant qu'Armeniens, devons commencer a nous preoccuper
d'accorder plus de valeur a la partie occidentale de l'Armenie. Et
de meme que c'est un devoir pour chaque Armenien, hors d'Armenie,
de se rendre dans la Patrie, la partie occidentale de l'Armenie
ne devrait pas faire exception. Je suis tellement reconnaissant a
AYF-YOARF qui m'a donne l'opportunite de representer la region Ouest,
en tant que membre d'AYF et ARF. Je me souviens avoir pris des photos
du mont Ararat en etant du côte turc pendant notre voyage, esperant
simplement qu'un jour il y aurait des Armeniens vivant des deux cotes
de cette montagne. Bien que cela soit un reve qui pourrait mettre 50
a 100 ans a se realiser, maintenant, je sais pourquoi mes ancetres
sont morts et pourquoi nous, la generation armenienne actuelle,
nous continuons de nous battre.
©Traduction de l'anglais C.Gardon pour le Collectif VAN -27 août 2013
- www.collectifvan.org
Retour a la rubrique
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=75190
Publie le : 28-08-2013
Info Collectif VAN -www.collectifvan.org - " Pendant que je regardais
par le hublot de l'avion revenant vers Boston, plusieurs idees m'ont
traverse la tete. La première et la plus importante, c'est la nouvelle
perspective que j'ai acquise. Depuis que je suis petit, on me parle
du genocide armenien et des atrocites survenues. On m'a appris que
1,5 million d'Armeniens ont ete massacres et d'immenses territoires
nous ont ete pris. On m'a enseigne l'importance d'etre armenien et
de conserver vivantes ma culture, ma langue et mon histoire. Bien
qu'il soit difficile pour moi, a 25 ans et vivant en diaspora, de bien
saisir ce que cela signifie vraiment de perdre 1,5 million de frères
et de s~\urs, ce que je suis capable de faire aujourd'hui, en raison
de mon voyage en Armenie occidentale, c'est de reellement apprecier
l'importance que revet pour nous de rester forts dans notre combat
pour la reconnaissance et les reparations. " Le Collectif VAN vous
propose la traduction d'un article en anglais paru sur le site The
Armenian Weekly le 24 août 2013. Le jeune auteur, Raffi Yaboujian,
decrit son voyage en Armenie occidentale (actuelle Turquie), avec
l'exaltation et les references patriotiques en vogue dans les milieux
dachnags (FRA: Federation Revolutionnaire Armenienne).
The Armenian Weekly
le 24 août 2013
Explorer le 'Hayastan' [Nota CVAN : Armenie] que la plupart des gens
ne voient pas : mon voyage en Armenie occidentale
Par Raffi Yaboujian
Alors que j'etais dans l'avion et que je m'ennuyais, fatigue de
regarder des films, je me suis mis a parcourir les photos que j'avais
prises sur mon iPhone. Comme c'est toujours le cas, mes vacances
sont vite passees. Je suis parti pendant 21 jours, et au cours de ces
trois semaines, j'ai visite quatre pays, j'avais donc cinq monnaies
differentes dans mon sac et pas assez d'heures de sommeil. Il est
exact de dire que j'etais fatigue. Mais ce voyage a ete different. Ce
voyage a ete epanouissant. Je quittais le Liban avec quelque chose
que je n'avais pas 21 jours auparavant.
Je me souviens avoir pris des photos du mont Ararat en etant du côte
turc pendant notre voyage, esperant simplement qu'un jour il y aurait
des Armeniens vivant des deux cotes de cette montagne.
Tout Armenien vivant en diaspora, et qui s'est rendu dans la patrie,
sait que c'est une chose qui ne peut etre prise pour acquise. Il existe
un lien special que tout Armenien arrivant en Hayastan [Nota CVAN :
Armenie] ressent. Plusieurs annees avaient passe depuis mon dernier
sejour a Erevan et je ne pouvais pas etre plus content de m'y rendre
a partir du Liban. J'avais entendu dire tant de choses positives sur
la capitale, sur les ameliorations faites depuis ma dernière visite
et j'etais très heureux de voir qu'Erevan se transformait lentement
pour le mieux. Deux jours après mon arrivee a Erevan, j'ai refait
mes valises et j'ai dit au revoir a l'auberge AYF (Armenian Youth
Federation) qui m'avait heberge. L'heure etait venue, pour l'une des
deux raisons qui m'avait fait traverser la moitie du monde (je garde
la deuxième pour moi) : il etait temps de quitter Erevan et de me
diriger vers le territoire ennemi pour explorer l'Armenie historique.
Nous nous etions tous mis d'accord pour nous retrouver le 24 juillet
a 5h45. Il y avait avec moi deux amis de AYF côte Est, venant du New
Jersey. Dans le taxi qui nous emmenait au bureau ARF, tôt le matin, pas
l'un de nous ne savait ce que ces sept nuits nous reservaient. Des gens
commencaient a sortir du bureau petit a petit. En tout, nous etions
27, plus nos 2 chauffeurs. C'etait un bon melange de gens venant
de divers pays du monde. Il y avait un groupe du Liban, quelques
personnes de Teheran, une femme d'Argentine et des locaux vivant en
Hayastan. Nous nous sommes repartis dans les bus de 15 passagers et
avons entame notre voyage vers la frontière Armenie-Georgie. Notre
voyage devait durer huit jours et sept nuits.
Chaque jour, nous devions nous rendre dans differentes villes,
nous arretant dans un hôtel quelques heures pour nous reposer et
repartir le jour suivant. Notre objectif etait de visiter certains des
villages, eglises, villes et châteaux armeniens les plus importants
avant qu'ils ne nous aient ete arraches durant le genocide. Nous
allions aussi essayer de trouver des Armeniens vivant en Turquie,
ce qui s'est avere difficile, car meme aujourd'hui, le gouvernement
turc utilise des tactiques de peur et d'autres methodes pou effacer
lentement toute trace d'Armenien encore existant.
Quand j'ai regarde la frontière armenienne, de la Georgie, c'est la
que ca m'a frappe pour la première fois : j'allais faire partie de
cet infime pourcentage d'Armeniens qui ont la chance de passer les
frontières et d'explorer ce que la plupart des gens considèrent etre
aujourd'hui l'Armenie occidentale. Notre voyage en Georgie fut court.
Nous avons fait un bref arret a Akhalkalak, un village majoritairement
armenien. En fait, le village etait tellement armenien qu'il y avait
une eglise armenienne, mais aussi une statue de Mesrob Machtots [Nota
CVAN : inventeur de l'alphabet armenien] dans le centre ville. Nous
avons poursuivi notre route vers la frontière turque. Les sept jours
suivants allaient filer. En un rien de temps, j'avais visite 13 villes
differentes, vu des sites a couper le souffle, rencontrer des gens
extraordinaires, entendu des histoires epoustouflantes et ressenti
des emotions que je ne peux transcrire avec des mots. Nos bus sont
devenus des unites très soudees, qui perdureraient certainement après
ce voyage.
Ayant visite Ani, Kars, Van, Mouch, Kharpert, Dersim, Tunceli,
Erzeroum, Ispir, Rize, Hopa et Ardahan, je peux dire que chaque
ville a sa propre histoire et que chacune d'elles a apporte son lot
d'emotions, mais quelques lieux, en particulier, se sont distingues
des autres. L'arrivee dans les ruines d'Ani, par exemple, a ete un
moment très special pour tout le monde. En nous approchant des ruines
et en voyant l'immense drapeau turc plante en haut des murs massifs,
je me suis senti un peu mal a l'aise. Il etait etrange d'entendre
notre guide nous expliquer qu'a l'âge d'or d'Ani, sa population etait
de plus de 100 000 personnes et qu'elle etait l'une des villes les
plus importantes de l'epoque. Nous marchions a present dans un champ
où seules subsistaient quelques eglises. C'etait dur a accepter et
encore plus dur d'y penser sachant ce qui aurait pu etre. La frontière
armenienne etait si proche, que j'aurais pu litteralement ramasser une
pierre et la jeter au-dessus de la clôture qui separe les deux pays.
C'est un sentiment qui allait resurgir de nombreuses fois au cours
de ces sept jours.
De tout le voyage, l'un de mes sites preferes fut l'arrivee dans la
ville de Van, poser mes yeux sur le Vana lidj [Nota CVAN : lac de
Van] pour la première fois. C'etait une pure beaute. Kilomètre après
kilomètre, il semblait n'avoir pas de fin. Notre bus ne cessait de
rouler le long de l'eau bleue cristalline et notre groupe avait de
plus en plus envie de sauter dedans, mais les enguers [Nota CVAN:
amis] qui avaient organise le voyage, nous avaient planifie une
excursion surprise. Quand le bus s'est arrete, nous avons detache
notre regard de l'eau pour le tourner vers les montagnes. La-haut,
se trouvait l'eglise Sourp Thomas. Du bus, elle avait l'air d'un
point minuscule au sommet d'une gigantesque montagne. Une heure et
demie après, et 50 epines plantees dans mes jambes, nous avons enfin
atteint le sommet de la montagne. Devant nous se dressait l'eglise
Sourp Thomas et, d'après notre guide, nous etions le premier groupe
de cette taille a y venir depuis 100 ans.
En examinant l'eglise plus attentivement, le deuxième thème recurrent
de mon voyage fut de nouveau present : tout ce que nous visitions
possedait les traces des Armeniens. Que ce soit un khatchkar de pierre
ou des inscriptions en armenien sur les murs, les preuves etaient
indeniables. Ce qui a rendu le trajet jusqu'en haut de la montagne un
peu plus doux, c'est le fait que nous avions pris un drapeau armenien
avec nous. Donc pendant les 30 minutes que nous avons passees la,
nous avons pu en quelque sorte faire revivre les racines armeniennes
de l'eglise Sourp Thomas. La vue du lac de Van du haut de cette eglise
sacree valait a elle seule la difficulte d'arriver au sommet, mais il
etait deja temps de redescendre et de sauter dans l'eau. Elle etait
exactement comme nous l'avions imagine du bus - chaude et claire,
le rafraîchissement ultime après une journee fatigante.
Le jour suivant, nous sommes alles dans l'un de mes endroits preferes,
le Pont Sulukh a Mouch. C'est la que le legendaire fedaï armenien
Kevork Chavouch a ete blesse, puis est mort lors de la bataille. De
voir les endroits dont j'avais entendu parler dans des histoires ou des
chants revolutionnaires etaient surrealiste. Chavouch est une icône
legendaire pour tout Armenien, en raison de ses combats heroïques
contre l'opposition turque et kurde. À ce jour, il est celebre dans
ses histoires et chansons, et l'on s'en souviendra toujours comme
l'un des plus grands revolutionnaires de la riche histoire armenienne.
Le dernier jour de notre voyage, nous nous sommes retrouves dans la
ville de Hopa. Notre programme etait simple : nous devions rouler dans
les parties montagneuses de cette region a une altitude provoquant
des saignements de nez pour voir un petit village d'Armeniens
Hamchentsi[Nota CVAN : Armeniens islamises de la region de Hamchen].
Nous avons pu voir trois familles ce jour-la. Nous avons fait la
connaissance de la famille la plus memorable des trois en dernier,
quand nous avons rencontre une vieille grand-mère armenienne avec ses
deux filles et ses petits-enfants. Ils avaient des racines armeniennes,
et bien que les filles et les petits-enfants n'aient pas vraiment
souvenir de leur heritage armenien, la grand-mère s'est finalement
reconnectee a ses racines armeniennes. Une fois assis dans le patio,
on nous a offert du the, pour 30 personnes - ce qui montre combien
les Armeniens sont hospitaliers envers d'autres Armeniens, où que vous
alliez - et l'un des organisateurs du voyage, U. Haygaz, a commence a
parler avec notre nene Hamchentsi [Nota CVAN: meme]. Après 30 minutes
de paroles chaleureuses, plus quelques implorations et arguments,
il l'a enfin convaincue de chanter pour nous. Tandis que notre groupe
etait assis, concentre sur sa chanson, je me suis senti a l'aise comme
jamais encore pendant ce voyage. Voir et entendre par moi-meme que des
Armeniens existaient encore dans ces villages recules fut un temps
fort comme aucun autre. Et aussi heureux que cette famille l'etait
de nous voir, je pense que ce sont eux qui nous laisseront les plus
fortes impressions.
Donc, pendant que je regardais par le hublot de l'avion revenant
a Boston, plusieurs idees m'ont traverse la tete. La première
et la plus importante, c'est la nouvelle perspective que j'ai
acquise. Depuis que je suis petit, on me parle du genocide armenien
et des atrocites survenues. On m'a appris que 1,5 million d'Armeniens
ont ete massacres et d'immenses territoires nous ont ete pris. On
m'a enseigne l'importance d'etre armenien et de conserver vivantes ma
culture, ma langue et mon histoire. Bien qu'il soit difficile pour moi,
a 25 ans et vivant en diaspora, de bien saisir ce que cela signifie
vraiment de perdre 1,5 million de frères et de s~\urs, ce que je suis
capable de faire aujourd'hui, en raison de mon voyage en Armenie
occidentale, c'est de reellement apprecier l'importance que revet
pour nous de rester forts dans notre combat pour la reconnaissance
et les reparations.
D'avoir ete en mesure d'etablir une connexion concrète avec la terre -
marcher dans les rues, nager, escalader les montagnes et meme respirer
l'air - m'a vraiment fait comprendre que l'on nous a vole nos biens
les plus prestigieux et beaux. Je ne cesse de penser au fait que
chaque endroit visite etait encore plus magnifique que le precedent,
et a ce que l'Armenie serait aujourd'hui si ces terres etaient encore
en notre possession.
C'est de la que viendra la motivation pour notre future generation.
Nous, en tant qu'Armeniens, devons commencer a nous preoccuper
d'accorder plus de valeur a la partie occidentale de l'Armenie. Et
de meme que c'est un devoir pour chaque Armenien, hors d'Armenie,
de se rendre dans la Patrie, la partie occidentale de l'Armenie
ne devrait pas faire exception. Je suis tellement reconnaissant a
AYF-YOARF qui m'a donne l'opportunite de representer la region Ouest,
en tant que membre d'AYF et ARF. Je me souviens avoir pris des photos
du mont Ararat en etant du côte turc pendant notre voyage, esperant
simplement qu'un jour il y aurait des Armeniens vivant des deux cotes
de cette montagne. Bien que cela soit un reve qui pourrait mettre 50
a 100 ans a se realiser, maintenant, je sais pourquoi mes ancetres
sont morts et pourquoi nous, la generation armenienne actuelle,
nous continuons de nous battre.
©Traduction de l'anglais C.Gardon pour le Collectif VAN -27 août 2013
- www.collectifvan.org
Retour a la rubrique