CNCDH : AVIS SUR LA COUR PENALE INTERNATIONALE
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=70725
Publie le : 23-01-2013
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le 23/10/12, la Commission
Nationale Consultative des Droits de l'Homme (CNCDH) s'est saisie
de la question du positionnement de la France vis-a-vis du Statut du
Rome portant creation de la Cour penale internationale. Elle appelle
a un engagement plus fort dans ce domaine et rappelle que la France
doit mettre en conformite son droit interne avec ses engagements
internationaux. Dans son avis, la CNCDH s'inquiète du desengagement
de la France vis-a-vis de la Cour penale internationale chargee
de poursuivre les auteurs de " crimes internationaux " (crime de
genocide, crimes contre l'humanite et crimes de guerre). Bien sûr,
nulle mention du genocide armenien. Il est etonnant que le genocide
des Tutsi au Rwanda soit cite selon l'appellation "Genocide rwandais",
generalement utilisee par les negationnistes qui cherchent a valider
la "thèse" de genocides reciproques entre les populations tutsi et
hutu du Rwanda. Le Collectif VAN vous invite a lire cette information
publiee sur le site de la CNCDH le 23 octobre 2012.
CNCDH
Date d'adoption : 23/10/12
Avis sur la Cour penale internationale
La CNCDH se saisit de la question du positionnement de la France
vis-a-vis du Statut du Rome portant creation de la Cour penale
internationale. Elle appelle a un engagement plus fort dans ce domaine
et rappelle que la France doit mettre en conformite son droit interne
avec ses engagements internationaux.
Dans son avis, la CNCDH s'inquiète du desengagement de la France
vis-a-vis de la Cour penale internationale chargee de poursuivre les
auteurs de " crimes internationaux " (crime de genocide, crimes contre
l'humanite et crimes de guerre).
Pour la CNCDH, la France, signataire du Statut de Rome et membre
permanent du Conseil de securite, a un rôle moteur a jouer : promouvoir
et soutenir la Cour, tant dans sa legislation interne que dans ses
arbitrages budgetaires et sa politique diplomatique, dans le respect
de l'independance judiciaire.
La CNCDH demande, comme elle l'avait deja fait dans d'autres avis,
que les conditions très restrictives a l'exercice de la competence
extraterritoriale des tribunaux francais soient revues. Elle appelle a
ce que le Senat et l'Assemblee se saisissent au plus vite de la mise
en conformite de la legislation francaise avec le Statut de Rome. La
Commission souhaite une augmentation des moyens alloues au pôle du
TGI de Paris specialise dans les crimes internationaux.
Elle deplore le manque de mobilisation de la France, comme de
l'ensemble de la Francophonie, pour defendre la presence juridique,
culturelle et linguistique francophone au sein de la Cour.
Par ailleurs, la CNCDH relève des lacunes dans le fonctionnement
interne de la Cour. Elle formule notamment des recommandations sur
la procedure de selection des juges et du Procureur et appelle la
France a soutenir le budget de la CPI afin de garantir une application
satisfaisante du mandat de la Cour.
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COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L'HOMME
Avis sur la Cour penale internationale
Assemblee plenière du 23 octobre 2012
Resume
La Cour penale internationale (CPI), mise en place a la suite
de l'entree en vigueur du Statut de Rome en 2002, est la première
juridiction penale internationale permanente chargee de poursuivre les
personnes soupconnees d'avoir commis un ou des " crimes internationaux
" (crime de genocide, crimes contre l'humanite et crimes de guerre).
Le Statut de Rome rappelle cependant qu'en vertu du principe de
complementarite, les Etats conservent la responsabilite première de
lutter contre l'impunite des auteurs de ces crimes.
L'avis de la CNCDH est le fruit d'une reflexion globale de la CNCDH
sur les dix premières annees de fonctionnement de la Cour et propose
des perspectives d'evolution du système de la Cour ainsi que du rôle de
la France. En sa qualite d'Etat partie au Statut de Rome et de membre
permanent du Conseil de securite, la France a, a l'evidence, un rôle
moteur a jouer tant au regard de ses engagements juridiques vis-a-vis
du Statut de Rome et de ses positions dans le cadre de l'Assemblee des
Etats parties (AEP), que dans ses contacts avec les organes de la Cour.
L'action de la France doit viser a un renforcement de la coherence
et de l'effectivite du système de la CPI, ainsi qu'a la recherche de
son universalite. Elle doit egalement se traduire par un engagement
plus grand et une presence renforcee, afin de preserver le pluralisme
juridique au sein de la Cour, et notamment la tradition de droit
romano germanique.
Engagements juridiques de la France au regard du Statut de Rome
La France doit etre exemplaire, en mettant pleinement en oeuvre dans
son droit interne le principe de complementarite. A cet egard, la CNCDH
rappelle les recommandations deja formulees dans ses avis de 2008 et
de 2010 concernant l'exercice de la competence extraterritoriale des
tribunaux francais pour connaitre des crimes internationaux commis
a l'etranger, par une personne etrangère, contre des personnes
etrangères. Aujourd'hui, cet exercice est rendu très difficile par
l'exigence de conditions cumulatives très restrictives.
Aussi, la CNCDH demande a nouveau que des amendements soient
apportes a la loi du 10 août 2010 portant adaptation du droit penal
a l'institution de la CPI afin de la mettre en conformite avec les
exigences du Statut de Rome.
Par ailleurs, tout en se felicitant de la creation d'un pôle judiciaire
au sein du TGI de Paris specialise dans les crimes de genocide,
contre l'humanite, de guerre et de torture, qui devrait faciliter les
enquetes et les poursuites de ces crimes en France, la CNCDH demande
une augmentation significative des moyens de ce pôle, en adequation
avec le nombre et la complexite des affaires qui y seront traitees.
La France et la Cour penale internationale
A l'issue des auditions menees par la CNCDH, il apparaît que la
strategie diplomatique et la politique juridique de la France sont
aujourd'hui insuffisantes, notamment en ce qui concerne la presence
et la participation a la CPI. L'eclipse de la presence francaise et
francophone, a la suite des dernières elections des juges, revèle
un manque de mobilisation de la France, comme de l'ensemble de la
Francophonie, pour defendre la presence juridique, culturelle et
linguistique francophone au sein de la Cour.
La CNCDH recommande une politique francaise active de presence,
d'engagement et de soutien a la Cour. La politique de presence
necessite par exemple de favoriser le developpement d'une expertise
juridique francaise et francophone au sujet de la CPI. La politique
d'engagement exige une implication plus active et constructive de la
France dans les groupes d'etude et de travail de l'AEP. La politique
de soutien passe enfin par une cooperation effective avec la Cour. La
France, qui fait plutôt figure de " bonne elève " en la matière,
devrait conclure rapidement avec la Cour un accord sur l'execution
des peines d'emprisonnement et sur la reinstallation des victimes
et des temoins. La cooperation des Etats et du Conseil de securite,
en cas de renvoi d'une situation par ce dernier, devrait egalement
etre amelioree et systematisee.
La France qui a soutenu, et parfois meme initie, les resolutions de
renvoi a la Cour par le Conseil de securite a, en tant que membre
permanent, une responsabilite particulière dans la place croissante
faite a la justice penale internationale, et a la CPI en particulier,
dans les relations internationales. La France devrait continuer
a soutenir ce mouvement, tout en oeuvrant pour que soient adoptes
des critères objectifs garantissant une coherence dans les renvois
a la CPI par le Conseil de securite et en veillant a ce que la Cour
dispose des moyens adequats pour mener a bien ces nouvelles affaires.
L'action diplomatique de la France devrait en outre s'employer a ce
que les Etats non parties adhèrent au Statut de Rome, a commencer
par les membres permanents du Conseil de securite. Elle devrait
egalement integrer cette dimension de son action dans les politiques
de cooperation internationale et d'aide au developpement.
Fonctionnement interne de la CPI
Les auditions ont mis en exergue les difficultes de fonctionnement
interne de la CPI sur lesquelles la France peut, dans le respect de
l'independance judiciaire de la Cour, proposer des solutions.
Certains Etats, dont la France, plaident pour une " croissance nominale
zero " du budget de la Cour, alors meme que l'institution est en phase
de croissance. Ce positionnement va a l'encontre d'une application
satisfaisante du mandat de la Cour dans le respect des garanties du
procès equitable. La CNCDH recommande l'adoption par la France d'une
politique budgetaire realiste fondee sur les besoins de la Cour, qui
soit fonction de l'evolution du nombre de situations et d'affaires
qui lui sont soumises.
La CNCDH formule ensuite des recommandations sur la procedure
de selection des juges et du Procureur de la CPI, tant au niveau
international qu'interne, afin de remedier aux critiques recurrentes du
manque de formation, d'experience et de professionnalisme de certains
juges. Au-dela du respect strict des critères poses par le Statut de
Rome, la CNCDH considère que l'experience de la conduite du procès
penal, la disponibilite et la capacite de travail d'un juge devraient
entrer en ligne de compte. Elle recommande egalement une amelioration
du processus national de presentation des candidats francais, afin
qu'il soit plus ouvert et plus transparent.
Enfin, constatant la lenteur des procedures devant la Cour et les
difficultes relatives a la place des temoins, des intermediaires, de
la defense et des victimes, la CNCDH repertorie un certain nombre de
pistes de reflexions. Elle demande plus specifiquement que la France
soutienne le renforcement des moyens institutionnels et financiers
de la defense et promeuve activement, comme elle l'a fait au moment
des negociations du Statut de Rome, la participation effective des
victimes aux procès devant la Cour.
1. Depuis les procès de Nuremberg et de Tokyo, la France a tenu
une place d'avant-garde dans l'action internationale menee contre
l'impunite des crimes les plus graves : genocide, crimes contre
l'humanite et crimes de guerre. Elle a joue un rôle de premier plan
dans la creation des Tribunaux penaux ad hoc, des juridictions penales
hybrides et de la Cour penale internationale (CPI).
2. Dès 1991, la CNCDH a manifeste avec constance son appui determine
a cette contribution majeure en faveur d'un ordre juridique penal
international. A de nombreuses reprises, elle a adopte des avis
circonstancies sur cette question, particulièrement sur le Statut
de Rome portant creation de la CPI - première juridiction penale
internationale permanente - et l'adaptation du droit penal francais
a ce Statut1.
3. A la suite de la première decision de condamnation prononcee le 10
juillet 2012 par la CPI dans l'affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga
Dyilo2, et alors qu'un nombre croissant de situations est soumis
a la Cour3, la CNCDH estime le moment venu d'une reflexion sur les
dix premières annees de fonctionnement de cette juridiction et d'un
bilan realiste de son action. Cette reflexion, tournee vers l'avenir,
vise egalement a proposer des perspectives d'evolution possibles et
souhaitables du système du Statut de Rome.
4. A cet effet, la CNCDH a organise, de decembre 2011 a mars 2012,
une serie d'auditions de personnalites qualifiees, qui ont mis en
lumière la complexite et la multiplicite des enjeux auxquels les
Etats et la Cour doivent faire face. Une mission d'etude de la CNCDH
a La Haye a ensuite permis au groupe de travail de completer les
enseignements tires des auditions avec des informations concrètes,
ainsi que de confronter ses conclusions aux constats et difficultes
pratiques exprimes par les differents services de la Cour.
5. L'experience des tribunaux penaux internationaux dont les mandats
sont en phase d'achèvement apporte en outre une contribution precieuse
a la reflexion, meme si, en raison de differences importantes de nature
et de fonctionnement, celle-ci n'est pas totalement transposable a la
CPI. De meme, des enseignements peuvent etre tires de l'experience des
juridictions hybrides, dont certaines decisions recentes temoignent
de la montee en puissance, sous diverses formes, de la justice penale
internationale4.
6. La CNCDH estime que la France doit etre exemplaire, en mettant
pleinement en oeuvre dans son droit interne le principe de
complementarite consacre dans le Statut de Rome - qui rappelle la
responsabilite première des Etats dans la lutte contre l'impunite
des crimes internationaux5 -, ainsi qu'en en pratiquant une politique
active d'engagement, de presence et de soutien a la CPI. La France a,
a l'evidence, un rôle moteur a jouer tant dans le cadre de l'Assemblee
des Etats parties (AEP) que dans ses relations avec les organes de
la CPI et avec les Etats, parties ou non au Statut de Rome, en vue de
faire mieux prendre en compte ses conceptions juridiques et de viser
a l'universalite, la coherence et l'effectivite du système du Statut
de Rome.
7. La CNCDH estime que la France devrait saisir toute occasion,
tant dans le cadre des Nations Unies, que des reunions periodiques
des Etats parties et de l'Union europeenne, pour renforcer le rôle
que le Statut de Rome doit jouer comme instrument normatif dans les
relations internationales. L'action diplomatique de la France devrait
en particulier viser l'adhesion au Statut de Rome de tous les membres
permanents du Conseil de Securite.
8. La CNCDH formule un ensemble de recommandations a l'intention du
Gouvernement, en particulier du ministère des Affaires etrangères,
mais aussi du ministère de la Justice, qui, semble-t-il, devrait jouer
un rôle plus affirme en ce domaine. Ces recommandations concernent
successivement les engagements juridiques de la France au regard du
Statut de Rome (§§ 9 a 12), le rôle de la France dans ses relations
avec la CPI (§§ 13 a 28), ainsi qu'a l'egard du fonctionnement interne
de la Cour (§§ 29 a 53).
**********
Engagements juridiques de la France au regard du Statut de Rome
9. L'engagement et le soutien de la France a l'integrite et a
l'evolution du Statut de Rome devraient aujourd'hui se renforcer
davantage. La declaration de la France au titre de l'article 124 du
Statut de Rome permettant a un Etat partie de refuser la competence de
la Cour pour les crimes de guerre commis sur son territoire ou par ses
ressortissants, meme si celle-ci a ete retiree depuis, avait constitue
un mauvais signal6. De plus, la France n'a pas encore ratifie les
amendements au Statut de Rome adoptes par la Conference de revision
a Kampala (2010) relatifs d'une part, aux crimes de guerre, d'autre
part, au crime d'agression, ce qui laisse place a des interrogations
sur les intentions reelles de la France a cet egard7.
10. De meme, la mise en conformite du droit francais aux exigences
du Statut de Rome qui aurait dû constituer une priorite aussi bien
diplomatique que juridique, a pu apparaître, malgre les avertissements
repetes de la CNCDH, comme trop lente et trop limitee par rapport
aux dispositions du Statut de Rome ainsi qu'au droit international
humanitaire et coutumier. C'est une initiative parlementaire qui est
a l'origine de la loi du 26 fevrier 2002 relative a la cooperation
avec la Cour penale internationale. Quant a la loi du 9 août 2010
portant adaptation du droit penal a l'institution de la Cour penale
internationale, qui n'a ete inscrite a l'ordre du jour de l'Assemblee
nationale qu'a la veille de la Conference de revision de Kampala,
ses limites de fond ont ete relevees a maintes reprises par la CNCDH,
tant sur le plan des incriminations, que des règles de prescription
et de la competence des tribunaux francais pour les crimes couverts
par le Statut de Rome8. Sur ce dernier point, la CNCDH souligne que
le droit international humanitaire conventionnel et coutumier exige
des Etats l'etablissement de la competence universelle de leurs
juridictions nationales pour connaître des infractions graves au
droit international humanitaire9, qualifiees de crimes de guerre10,
dont la plupart sont d'ailleurs couvertes par le Statut de Rome et
le Code penal francais, a l'exception pour celui-ci de deux de ces
infractions (voir recommandation 2). La CNCDH se rejouit donc que
ses recommandations aient ete prises en compte dans la proposition
de loi deposee sur le bureau du Senat le 6 septembre 2012 tendant a
modifier les conditions d'exercice sur la competence extraterritoriale
des juges francais concernant le crime de genocide, le crime contre
l'humanite et le crime de guerre11.
11. La CNCDH a deja releve que le ministère public se montrait
parfois reticent a engager des poursuites contre les personnes
etrangères suspectees d'actes de torture lorsqu'elles se trouvaient
sur le territoire francais et relevaient donc de la competence
extraterritoriale de la justice francaise12. De plus, la duree de la
procedure judiciaire, une fois celle-ci enclenchee, est revelatrice
d'un certain manque de volonte de la part des autorites francaises
et d'une insuffisance de moyens mis a la disposition de la justice13.
C'est egalement le cas pour les poursuites, qui restent rares en
France, d'auteurs presumes de crimes internationaux14. Cette reticence
s'est par exemple manifestee dans l'affaire Mbarushimana. En France
depuis 2003, C. Mbarushimana n'a fait l'objet d'une information
judiciaire pour son implication dans le genocide rwandais, qu'a partir
de septembre 2010, au moment où la CPI etait sur le point de rendre
public le mandat d'arret emis a son encontre pour son implication
presumee pour des crimes perpetres en Republique democratique du Congo
en 2009-2010, et ce malgre une requete des Nations unies en 200515
et une plainte de 2008 du Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda.
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http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=70725
Publie le : 23-01-2013
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le 23/10/12, la Commission
Nationale Consultative des Droits de l'Homme (CNCDH) s'est saisie
de la question du positionnement de la France vis-a-vis du Statut du
Rome portant creation de la Cour penale internationale. Elle appelle
a un engagement plus fort dans ce domaine et rappelle que la France
doit mettre en conformite son droit interne avec ses engagements
internationaux. Dans son avis, la CNCDH s'inquiète du desengagement
de la France vis-a-vis de la Cour penale internationale chargee
de poursuivre les auteurs de " crimes internationaux " (crime de
genocide, crimes contre l'humanite et crimes de guerre). Bien sûr,
nulle mention du genocide armenien. Il est etonnant que le genocide
des Tutsi au Rwanda soit cite selon l'appellation "Genocide rwandais",
generalement utilisee par les negationnistes qui cherchent a valider
la "thèse" de genocides reciproques entre les populations tutsi et
hutu du Rwanda. Le Collectif VAN vous invite a lire cette information
publiee sur le site de la CNCDH le 23 octobre 2012.
CNCDH
Date d'adoption : 23/10/12
Avis sur la Cour penale internationale
La CNCDH se saisit de la question du positionnement de la France
vis-a-vis du Statut du Rome portant creation de la Cour penale
internationale. Elle appelle a un engagement plus fort dans ce domaine
et rappelle que la France doit mettre en conformite son droit interne
avec ses engagements internationaux.
Dans son avis, la CNCDH s'inquiète du desengagement de la France
vis-a-vis de la Cour penale internationale chargee de poursuivre les
auteurs de " crimes internationaux " (crime de genocide, crimes contre
l'humanite et crimes de guerre).
Pour la CNCDH, la France, signataire du Statut de Rome et membre
permanent du Conseil de securite, a un rôle moteur a jouer : promouvoir
et soutenir la Cour, tant dans sa legislation interne que dans ses
arbitrages budgetaires et sa politique diplomatique, dans le respect
de l'independance judiciaire.
La CNCDH demande, comme elle l'avait deja fait dans d'autres avis,
que les conditions très restrictives a l'exercice de la competence
extraterritoriale des tribunaux francais soient revues. Elle appelle a
ce que le Senat et l'Assemblee se saisissent au plus vite de la mise
en conformite de la legislation francaise avec le Statut de Rome. La
Commission souhaite une augmentation des moyens alloues au pôle du
TGI de Paris specialise dans les crimes internationaux.
Elle deplore le manque de mobilisation de la France, comme de
l'ensemble de la Francophonie, pour defendre la presence juridique,
culturelle et linguistique francophone au sein de la Cour.
Par ailleurs, la CNCDH relève des lacunes dans le fonctionnement
interne de la Cour. Elle formule notamment des recommandations sur
la procedure de selection des juges et du Procureur et appelle la
France a soutenir le budget de la CPI afin de garantir une application
satisfaisante du mandat de la Cour.
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COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L'HOMME
Avis sur la Cour penale internationale
Assemblee plenière du 23 octobre 2012
Resume
La Cour penale internationale (CPI), mise en place a la suite
de l'entree en vigueur du Statut de Rome en 2002, est la première
juridiction penale internationale permanente chargee de poursuivre les
personnes soupconnees d'avoir commis un ou des " crimes internationaux
" (crime de genocide, crimes contre l'humanite et crimes de guerre).
Le Statut de Rome rappelle cependant qu'en vertu du principe de
complementarite, les Etats conservent la responsabilite première de
lutter contre l'impunite des auteurs de ces crimes.
L'avis de la CNCDH est le fruit d'une reflexion globale de la CNCDH
sur les dix premières annees de fonctionnement de la Cour et propose
des perspectives d'evolution du système de la Cour ainsi que du rôle de
la France. En sa qualite d'Etat partie au Statut de Rome et de membre
permanent du Conseil de securite, la France a, a l'evidence, un rôle
moteur a jouer tant au regard de ses engagements juridiques vis-a-vis
du Statut de Rome et de ses positions dans le cadre de l'Assemblee des
Etats parties (AEP), que dans ses contacts avec les organes de la Cour.
L'action de la France doit viser a un renforcement de la coherence
et de l'effectivite du système de la CPI, ainsi qu'a la recherche de
son universalite. Elle doit egalement se traduire par un engagement
plus grand et une presence renforcee, afin de preserver le pluralisme
juridique au sein de la Cour, et notamment la tradition de droit
romano germanique.
Engagements juridiques de la France au regard du Statut de Rome
La France doit etre exemplaire, en mettant pleinement en oeuvre dans
son droit interne le principe de complementarite. A cet egard, la CNCDH
rappelle les recommandations deja formulees dans ses avis de 2008 et
de 2010 concernant l'exercice de la competence extraterritoriale des
tribunaux francais pour connaitre des crimes internationaux commis
a l'etranger, par une personne etrangère, contre des personnes
etrangères. Aujourd'hui, cet exercice est rendu très difficile par
l'exigence de conditions cumulatives très restrictives.
Aussi, la CNCDH demande a nouveau que des amendements soient
apportes a la loi du 10 août 2010 portant adaptation du droit penal
a l'institution de la CPI afin de la mettre en conformite avec les
exigences du Statut de Rome.
Par ailleurs, tout en se felicitant de la creation d'un pôle judiciaire
au sein du TGI de Paris specialise dans les crimes de genocide,
contre l'humanite, de guerre et de torture, qui devrait faciliter les
enquetes et les poursuites de ces crimes en France, la CNCDH demande
une augmentation significative des moyens de ce pôle, en adequation
avec le nombre et la complexite des affaires qui y seront traitees.
La France et la Cour penale internationale
A l'issue des auditions menees par la CNCDH, il apparaît que la
strategie diplomatique et la politique juridique de la France sont
aujourd'hui insuffisantes, notamment en ce qui concerne la presence
et la participation a la CPI. L'eclipse de la presence francaise et
francophone, a la suite des dernières elections des juges, revèle
un manque de mobilisation de la France, comme de l'ensemble de la
Francophonie, pour defendre la presence juridique, culturelle et
linguistique francophone au sein de la Cour.
La CNCDH recommande une politique francaise active de presence,
d'engagement et de soutien a la Cour. La politique de presence
necessite par exemple de favoriser le developpement d'une expertise
juridique francaise et francophone au sujet de la CPI. La politique
d'engagement exige une implication plus active et constructive de la
France dans les groupes d'etude et de travail de l'AEP. La politique
de soutien passe enfin par une cooperation effective avec la Cour. La
France, qui fait plutôt figure de " bonne elève " en la matière,
devrait conclure rapidement avec la Cour un accord sur l'execution
des peines d'emprisonnement et sur la reinstallation des victimes
et des temoins. La cooperation des Etats et du Conseil de securite,
en cas de renvoi d'une situation par ce dernier, devrait egalement
etre amelioree et systematisee.
La France qui a soutenu, et parfois meme initie, les resolutions de
renvoi a la Cour par le Conseil de securite a, en tant que membre
permanent, une responsabilite particulière dans la place croissante
faite a la justice penale internationale, et a la CPI en particulier,
dans les relations internationales. La France devrait continuer
a soutenir ce mouvement, tout en oeuvrant pour que soient adoptes
des critères objectifs garantissant une coherence dans les renvois
a la CPI par le Conseil de securite et en veillant a ce que la Cour
dispose des moyens adequats pour mener a bien ces nouvelles affaires.
L'action diplomatique de la France devrait en outre s'employer a ce
que les Etats non parties adhèrent au Statut de Rome, a commencer
par les membres permanents du Conseil de securite. Elle devrait
egalement integrer cette dimension de son action dans les politiques
de cooperation internationale et d'aide au developpement.
Fonctionnement interne de la CPI
Les auditions ont mis en exergue les difficultes de fonctionnement
interne de la CPI sur lesquelles la France peut, dans le respect de
l'independance judiciaire de la Cour, proposer des solutions.
Certains Etats, dont la France, plaident pour une " croissance nominale
zero " du budget de la Cour, alors meme que l'institution est en phase
de croissance. Ce positionnement va a l'encontre d'une application
satisfaisante du mandat de la Cour dans le respect des garanties du
procès equitable. La CNCDH recommande l'adoption par la France d'une
politique budgetaire realiste fondee sur les besoins de la Cour, qui
soit fonction de l'evolution du nombre de situations et d'affaires
qui lui sont soumises.
La CNCDH formule ensuite des recommandations sur la procedure
de selection des juges et du Procureur de la CPI, tant au niveau
international qu'interne, afin de remedier aux critiques recurrentes du
manque de formation, d'experience et de professionnalisme de certains
juges. Au-dela du respect strict des critères poses par le Statut de
Rome, la CNCDH considère que l'experience de la conduite du procès
penal, la disponibilite et la capacite de travail d'un juge devraient
entrer en ligne de compte. Elle recommande egalement une amelioration
du processus national de presentation des candidats francais, afin
qu'il soit plus ouvert et plus transparent.
Enfin, constatant la lenteur des procedures devant la Cour et les
difficultes relatives a la place des temoins, des intermediaires, de
la defense et des victimes, la CNCDH repertorie un certain nombre de
pistes de reflexions. Elle demande plus specifiquement que la France
soutienne le renforcement des moyens institutionnels et financiers
de la defense et promeuve activement, comme elle l'a fait au moment
des negociations du Statut de Rome, la participation effective des
victimes aux procès devant la Cour.
1. Depuis les procès de Nuremberg et de Tokyo, la France a tenu
une place d'avant-garde dans l'action internationale menee contre
l'impunite des crimes les plus graves : genocide, crimes contre
l'humanite et crimes de guerre. Elle a joue un rôle de premier plan
dans la creation des Tribunaux penaux ad hoc, des juridictions penales
hybrides et de la Cour penale internationale (CPI).
2. Dès 1991, la CNCDH a manifeste avec constance son appui determine
a cette contribution majeure en faveur d'un ordre juridique penal
international. A de nombreuses reprises, elle a adopte des avis
circonstancies sur cette question, particulièrement sur le Statut
de Rome portant creation de la CPI - première juridiction penale
internationale permanente - et l'adaptation du droit penal francais
a ce Statut1.
3. A la suite de la première decision de condamnation prononcee le 10
juillet 2012 par la CPI dans l'affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga
Dyilo2, et alors qu'un nombre croissant de situations est soumis
a la Cour3, la CNCDH estime le moment venu d'une reflexion sur les
dix premières annees de fonctionnement de cette juridiction et d'un
bilan realiste de son action. Cette reflexion, tournee vers l'avenir,
vise egalement a proposer des perspectives d'evolution possibles et
souhaitables du système du Statut de Rome.
4. A cet effet, la CNCDH a organise, de decembre 2011 a mars 2012,
une serie d'auditions de personnalites qualifiees, qui ont mis en
lumière la complexite et la multiplicite des enjeux auxquels les
Etats et la Cour doivent faire face. Une mission d'etude de la CNCDH
a La Haye a ensuite permis au groupe de travail de completer les
enseignements tires des auditions avec des informations concrètes,
ainsi que de confronter ses conclusions aux constats et difficultes
pratiques exprimes par les differents services de la Cour.
5. L'experience des tribunaux penaux internationaux dont les mandats
sont en phase d'achèvement apporte en outre une contribution precieuse
a la reflexion, meme si, en raison de differences importantes de nature
et de fonctionnement, celle-ci n'est pas totalement transposable a la
CPI. De meme, des enseignements peuvent etre tires de l'experience des
juridictions hybrides, dont certaines decisions recentes temoignent
de la montee en puissance, sous diverses formes, de la justice penale
internationale4.
6. La CNCDH estime que la France doit etre exemplaire, en mettant
pleinement en oeuvre dans son droit interne le principe de
complementarite consacre dans le Statut de Rome - qui rappelle la
responsabilite première des Etats dans la lutte contre l'impunite
des crimes internationaux5 -, ainsi qu'en en pratiquant une politique
active d'engagement, de presence et de soutien a la CPI. La France a,
a l'evidence, un rôle moteur a jouer tant dans le cadre de l'Assemblee
des Etats parties (AEP) que dans ses relations avec les organes de
la CPI et avec les Etats, parties ou non au Statut de Rome, en vue de
faire mieux prendre en compte ses conceptions juridiques et de viser
a l'universalite, la coherence et l'effectivite du système du Statut
de Rome.
7. La CNCDH estime que la France devrait saisir toute occasion,
tant dans le cadre des Nations Unies, que des reunions periodiques
des Etats parties et de l'Union europeenne, pour renforcer le rôle
que le Statut de Rome doit jouer comme instrument normatif dans les
relations internationales. L'action diplomatique de la France devrait
en particulier viser l'adhesion au Statut de Rome de tous les membres
permanents du Conseil de Securite.
8. La CNCDH formule un ensemble de recommandations a l'intention du
Gouvernement, en particulier du ministère des Affaires etrangères,
mais aussi du ministère de la Justice, qui, semble-t-il, devrait jouer
un rôle plus affirme en ce domaine. Ces recommandations concernent
successivement les engagements juridiques de la France au regard du
Statut de Rome (§§ 9 a 12), le rôle de la France dans ses relations
avec la CPI (§§ 13 a 28), ainsi qu'a l'egard du fonctionnement interne
de la Cour (§§ 29 a 53).
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Engagements juridiques de la France au regard du Statut de Rome
9. L'engagement et le soutien de la France a l'integrite et a
l'evolution du Statut de Rome devraient aujourd'hui se renforcer
davantage. La declaration de la France au titre de l'article 124 du
Statut de Rome permettant a un Etat partie de refuser la competence de
la Cour pour les crimes de guerre commis sur son territoire ou par ses
ressortissants, meme si celle-ci a ete retiree depuis, avait constitue
un mauvais signal6. De plus, la France n'a pas encore ratifie les
amendements au Statut de Rome adoptes par la Conference de revision
a Kampala (2010) relatifs d'une part, aux crimes de guerre, d'autre
part, au crime d'agression, ce qui laisse place a des interrogations
sur les intentions reelles de la France a cet egard7.
10. De meme, la mise en conformite du droit francais aux exigences
du Statut de Rome qui aurait dû constituer une priorite aussi bien
diplomatique que juridique, a pu apparaître, malgre les avertissements
repetes de la CNCDH, comme trop lente et trop limitee par rapport
aux dispositions du Statut de Rome ainsi qu'au droit international
humanitaire et coutumier. C'est une initiative parlementaire qui est
a l'origine de la loi du 26 fevrier 2002 relative a la cooperation
avec la Cour penale internationale. Quant a la loi du 9 août 2010
portant adaptation du droit penal a l'institution de la Cour penale
internationale, qui n'a ete inscrite a l'ordre du jour de l'Assemblee
nationale qu'a la veille de la Conference de revision de Kampala,
ses limites de fond ont ete relevees a maintes reprises par la CNCDH,
tant sur le plan des incriminations, que des règles de prescription
et de la competence des tribunaux francais pour les crimes couverts
par le Statut de Rome8. Sur ce dernier point, la CNCDH souligne que
le droit international humanitaire conventionnel et coutumier exige
des Etats l'etablissement de la competence universelle de leurs
juridictions nationales pour connaître des infractions graves au
droit international humanitaire9, qualifiees de crimes de guerre10,
dont la plupart sont d'ailleurs couvertes par le Statut de Rome et
le Code penal francais, a l'exception pour celui-ci de deux de ces
infractions (voir recommandation 2). La CNCDH se rejouit donc que
ses recommandations aient ete prises en compte dans la proposition
de loi deposee sur le bureau du Senat le 6 septembre 2012 tendant a
modifier les conditions d'exercice sur la competence extraterritoriale
des juges francais concernant le crime de genocide, le crime contre
l'humanite et le crime de guerre11.
11. La CNCDH a deja releve que le ministère public se montrait
parfois reticent a engager des poursuites contre les personnes
etrangères suspectees d'actes de torture lorsqu'elles se trouvaient
sur le territoire francais et relevaient donc de la competence
extraterritoriale de la justice francaise12. De plus, la duree de la
procedure judiciaire, une fois celle-ci enclenchee, est revelatrice
d'un certain manque de volonte de la part des autorites francaises
et d'une insuffisance de moyens mis a la disposition de la justice13.
C'est egalement le cas pour les poursuites, qui restent rares en
France, d'auteurs presumes de crimes internationaux14. Cette reticence
s'est par exemple manifestee dans l'affaire Mbarushimana. En France
depuis 2003, C. Mbarushimana n'a fait l'objet d'une information
judiciaire pour son implication dans le genocide rwandais, qu'a partir
de septembre 2010, au moment où la CPI etait sur le point de rendre
public le mandat d'arret emis a son encontre pour son implication
presumee pour des crimes perpetres en Republique democratique du Congo
en 2009-2010, et ce malgre une requete des Nations unies en 200515
et une plainte de 2008 du Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda.
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Source/Lien : CNCDH