L'IRRESISTIBLE MONTEE DE LA VIOLENCE PANTURQUE, PAR ARA TORANIAN
Ara
armenews.com
mercredi 30 janvier 2013
Quel rapport entre une vieille armenienne egorgee en Turquie et une
militante kurde executee en France ? A priori aucun. Et pourtant,
comment ne pas s'interroger sur le fond commun qui lie la serie
d'agressions dont ont ete victimes a Istanbul le mois dernier des
Armeniennes âgees, dont l'une a ete tuee et l'autre laissee pour
morte, et l'assassinat de trois militantes kurdes a Paris le 9 janvier
? Ces crimes partagent en effet entre eux une unite de temps, leurs
cibles sont des femmes, mais surtout elles appartiennent aux minorites
honnies par Ankara. On ne peut certes en deduire qu'une meme main a
frappe dans l'un et l'autre cas, ou que ces atrocites obeissent a un
plan concerte. Mais on ne saurait non plus faire abstraction du fait
qu'elles s'inscrivent dans un contexte très particulier. Celui de
la montee en puissance de l'Etat turc sous l'impulsion d'un parti,
l'AKP, qui professe une ideologie où le nationalisme le dispute a
l'islamisme, avec un impact detonnant sur les mentalites locales. En
alimentant les fantasmes lies a un retour au Califat ottoman et en
stimulant les reves de reconquete, ce nouveau panturquisme constitue
en lui-meme un vecteur de violence. Son empreinte est visible dans les
orientations de la diplomatie d'Ankara au Moyen-Orient, caracterisee
par des tentatives diverses et variees d'accroître son influence sur
le monde arabe et musulman et ce, jusqu'a apporter son soutien aux
pires mouvements djihadistes, le cas echeant.
En Europe et en France, on en percoit la trace a travers un certain
nombre d'initiatives visant clairement a mobiliser l'emigration turque
(qui dans sa grande majorite resiste a cette instrumentalisation), en
particulier contre les " allegations armeniennes ". Ces ambitions se
sont traduites par des demonstrations de forces, notamment au moment
des debats au Parlement sur la loi incriminant le negationnisme (
manifestation turque du 29 janvier 2011 a Paris). Un rapport de la
DCRI repris par Le Point en mars dernier sous le titre " Les loups
sont entres dans Paris " dressait un tableau accablant et precis
sur les differents aspects de cette resurgence du " fascislamisme "
turc que l'Europe ne veut pas voir et que les autorites francaises
sous-estiment. Pourtant, c'est bien dans ce climat alimente par le
negationnisme du genocide armenien et la promotion d'un racisme et
d'un antisemitisme de plus en plus debride, qu'a pousse ce regain
de violence, qu'on pu se mettre en place des contrats criminels et
s'operer des passages a l'acte, comme ceux qui ont touche ces femmes,
ici et la-bas. Voila le lien entre ces terrifiantes manifestations
de barbarie anti-armeniennes et antikurdes. Il tient tout entier dans
la percee panturque d'Ankara.
Ce constat s'impose aujourd'hui d'autant plus que la Turquie fait
preuve d'un savoir-faire diplomatique remarquable pour conforter ses
velleites de devenir leader au Moyen-Orient. L'appui militaire que
lui ont procure a cet effet les Etats-Unis, en la dotant recemment
de missiles " Patriots ", concourt a la legitimer dans sa logique
de domination regionale. Et les initiatives comme l'invalidation de
la loi penalisant la negation du genocide armenien l'an dernier en
France, dont il ne fait nul doute qu'elle a ete interpretee comme une
manifestation de faiblesse ou de complaisance a son endroit, lèvent
les ultimes digues morales et politiques qui auraient pu contribuer
a canaliser son irresistible ascension, dont le corollaire violent
se fait deja sentir.
Le problème fondamental de cet etat est qu'il n'a jamais ete puni
pour ses crimes et qu'il ne voit donc aucune raison de changer
de comportement. Voila pourquoi, en cette periode de conquete
internationale de ce pays pas comme les autres, il est plus que jamais
necessaire de tirer la lecon des experiences passees. Ce qui devrait
se traduire par la mise en place de toute mesure susceptible de faire
barrage aux vieux demons de la Turquie, comme on a endigue ceux de
l'Allemagne, l'autre grand Etat genocidaire du XXe siècle. Faute de
dispositions en ce sens, dans le domaine la reconnaissance du genocide
armenien, du respect des minorites et de la lutte antiraciste, on
s'expose a voir les memes causes reproduire les memes effets, et le
sang couler a nouveau. Comme en Anatolie ou a Istanbul ces derniers
jours. Mais aussi, helas, en plein Paris.
Ara Toranian
mercredi 30 janvier 2013, Ara ©armenews.com
Ara
armenews.com
mercredi 30 janvier 2013
Quel rapport entre une vieille armenienne egorgee en Turquie et une
militante kurde executee en France ? A priori aucun. Et pourtant,
comment ne pas s'interroger sur le fond commun qui lie la serie
d'agressions dont ont ete victimes a Istanbul le mois dernier des
Armeniennes âgees, dont l'une a ete tuee et l'autre laissee pour
morte, et l'assassinat de trois militantes kurdes a Paris le 9 janvier
? Ces crimes partagent en effet entre eux une unite de temps, leurs
cibles sont des femmes, mais surtout elles appartiennent aux minorites
honnies par Ankara. On ne peut certes en deduire qu'une meme main a
frappe dans l'un et l'autre cas, ou que ces atrocites obeissent a un
plan concerte. Mais on ne saurait non plus faire abstraction du fait
qu'elles s'inscrivent dans un contexte très particulier. Celui de
la montee en puissance de l'Etat turc sous l'impulsion d'un parti,
l'AKP, qui professe une ideologie où le nationalisme le dispute a
l'islamisme, avec un impact detonnant sur les mentalites locales. En
alimentant les fantasmes lies a un retour au Califat ottoman et en
stimulant les reves de reconquete, ce nouveau panturquisme constitue
en lui-meme un vecteur de violence. Son empreinte est visible dans les
orientations de la diplomatie d'Ankara au Moyen-Orient, caracterisee
par des tentatives diverses et variees d'accroître son influence sur
le monde arabe et musulman et ce, jusqu'a apporter son soutien aux
pires mouvements djihadistes, le cas echeant.
En Europe et en France, on en percoit la trace a travers un certain
nombre d'initiatives visant clairement a mobiliser l'emigration turque
(qui dans sa grande majorite resiste a cette instrumentalisation), en
particulier contre les " allegations armeniennes ". Ces ambitions se
sont traduites par des demonstrations de forces, notamment au moment
des debats au Parlement sur la loi incriminant le negationnisme (
manifestation turque du 29 janvier 2011 a Paris). Un rapport de la
DCRI repris par Le Point en mars dernier sous le titre " Les loups
sont entres dans Paris " dressait un tableau accablant et precis
sur les differents aspects de cette resurgence du " fascislamisme "
turc que l'Europe ne veut pas voir et que les autorites francaises
sous-estiment. Pourtant, c'est bien dans ce climat alimente par le
negationnisme du genocide armenien et la promotion d'un racisme et
d'un antisemitisme de plus en plus debride, qu'a pousse ce regain
de violence, qu'on pu se mettre en place des contrats criminels et
s'operer des passages a l'acte, comme ceux qui ont touche ces femmes,
ici et la-bas. Voila le lien entre ces terrifiantes manifestations
de barbarie anti-armeniennes et antikurdes. Il tient tout entier dans
la percee panturque d'Ankara.
Ce constat s'impose aujourd'hui d'autant plus que la Turquie fait
preuve d'un savoir-faire diplomatique remarquable pour conforter ses
velleites de devenir leader au Moyen-Orient. L'appui militaire que
lui ont procure a cet effet les Etats-Unis, en la dotant recemment
de missiles " Patriots ", concourt a la legitimer dans sa logique
de domination regionale. Et les initiatives comme l'invalidation de
la loi penalisant la negation du genocide armenien l'an dernier en
France, dont il ne fait nul doute qu'elle a ete interpretee comme une
manifestation de faiblesse ou de complaisance a son endroit, lèvent
les ultimes digues morales et politiques qui auraient pu contribuer
a canaliser son irresistible ascension, dont le corollaire violent
se fait deja sentir.
Le problème fondamental de cet etat est qu'il n'a jamais ete puni
pour ses crimes et qu'il ne voit donc aucune raison de changer
de comportement. Voila pourquoi, en cette periode de conquete
internationale de ce pays pas comme les autres, il est plus que jamais
necessaire de tirer la lecon des experiences passees. Ce qui devrait
se traduire par la mise en place de toute mesure susceptible de faire
barrage aux vieux demons de la Turquie, comme on a endigue ceux de
l'Allemagne, l'autre grand Etat genocidaire du XXe siècle. Faute de
dispositions en ce sens, dans le domaine la reconnaissance du genocide
armenien, du respect des minorites et de la lutte antiraciste, on
s'expose a voir les memes causes reproduire les memes effets, et le
sang couler a nouveau. Comme en Anatolie ou a Istanbul ces derniers
jours. Mais aussi, helas, en plein Paris.
Ara Toranian
mercredi 30 janvier 2013, Ara ©armenews.com