Announcement

Collapse
No announcement yet.

L'identite Armenienne Et La Crise De Gezi

Collapse
X
 
  • Filter
  • Time
  • Show
Clear All
new posts

  • L'identite Armenienne Et La Crise De Gezi

    L'IDENTITé ARMéNIENNE ET LA CRISE DE GEZI

    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=74476
    Publié le : 19-07-2013

    Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Â" Avant de quitter le
    journal Taraf, j'avais rédigé un article sous le titre "A propos de
    l'identité arménienne" où je précisais que l'identité arménienne,
    au fond, n'était pas une profession, bien qu'on désire souvent nous
    voir porter cet habit en toute occasion. Â" Â" Les Arméniens sont,
    soit tous des traîtres, soit notre part la plus précieuse et la
    plus innocente.

    Ces deux approches exceptionnelles, le racisme positif et le
    racisme négatif, s'érigent en obstacles devant les Arméniens
    qui désirent vivre "normalement". Dès que "l'Arménien précieux"
    décide de devenir un acteur, et refuse de jouer son rôle de bibelot,
    on l'affuble de l'adjectif le plus péjoratif, et vice versa. Â"
    Le Collectif VAN vous propose cet article publié par le journaliste
    arménien de Turquie, Markar Esayan le 12 juillet 2013. L'auteur y
    analyse la crise de Gezi et l'implication de certains Arméniens.

    Markar Esayan

    12 juillet 2013

    L'identité arménienne et la crise de Gezi

    Je ne suis pas sÃ"r que ce thème mérite un article en entier. Il
    nous arrive a tous de surestimer un sujet simplement parce qu'il
    nous touche de trop près. Cependant, me fiant a mes sentiments,
    j'ai finalement jugé qu'il était nécessaire d'écrire un tel
    article. Même si l'analyse porte sur les évènements de Gezi, c'est
    au fond une question perpétuelle, une constante : les Arméniens,
    l'identité arménienne, et comment ils sont percus.

    Avant de quitter le journal Taraf, j'avais rédigé un article sous
    le titre "A propos de l'identité arménienne" où je précisais que
    l'identité arménienne, au fond, n'était pas une profession, bien
    qu'on désire souvent nous voir porter cet habit en toute occasion.

    L'appartenance au peuple arménien n'a, a mes yeux, rien qui la
    différencierait des autres appartenances. Ca n'implique ni une
    supériorité ni l'inverse. Considérer le peuple arménien comme
    supérieur ou, dans une haine de soi, se juger inférieur, reviendrait
    au même, et serait simplement du racisme.

    J'ai subi une discrimination pour une grande partie de mes
    identités juxtaposées, comme beaucoup d'entre vous. Sanctifier cette
    victimisation et me lamenter n'étaient pas de mon goÃ"t. Nous arrivons
    a transformer notre propre être, non pas le monde. Mais chaque fois
    qu'un nouvel individu réussit a le faire, c'est également le monde
    qui se transforme. C'est un peu ca, ce que l'on appelle le changement.

    Tout autre méthode me fait penser plutôt a un champ lexical négatif
    qui va de l'ingénierie sociale jusqu'au fascisme.

    La discrimination que j'ai subie m'a été très utile, dans le sens
    où elle m'a fait réaliser que je l'appliquais moi-même également, a
    d'autres. Parce que blessé, j'en ai très vite pris conscience. Turcs,
    Musulmans, Kurdes et d'autres ne m'étaient donc plus des inconnus,
    mais des personnes ayant des problèmes similaires aux miens. J'ai
    réalisé que c'était notre question commune. Lorsque mon voisin
    n'était pas en sécurité et ne mangeait pas a sa faim, lorsqu'il
    subissait une discrimination quand moi-même j'étais a l'aise,
    cela me concernait. Je me devais d'être concerné. Afin que notre
    égalité établie puisse devenir la garante du système. Je voulais
    que d'autres aussi le comprennent. Et c'est pour cette raison-la que
    j'ai été enclin, non pas a me faire le porte-parole des problèmes
    des Arméniens, mais a considérer ces problèmes comme une partie
    d'une problématique commune, et a les partager en tant que tels.

    Les Arméniens ont en Turquie une fonction très importante et
    cette importance est indépendante de leur nombre. Le génocide
    de 1915 est également la date de naissance des problématiques
    graves comme la question kurde, les divergences et la haine entre
    les peuples de Turquie. C'est par conséquent la question qui pose
    le plus de difficultés a l'inconscient collectif et donc c'est
    celle qui dans le processus de démocratisation et d'amélioration
    en Turquie sera résolue le plus tard. Car c'est la question enfouie
    le plus profondément et la plus difficile a résoudre. L'Arménien,
    c'est le bras dont le Turc et le Kurde ont accepté de se défaire;
    et de couper. C'est une question extrêmement difficile.

    C'est donc pour cela que le mot, l'adjectif "Arménien", l'identité
    arménienne ne peuvent jamais retrouver leur sens naturel dans le
    quotidien, ne peuvent se normaliser. "L'Arménien" est, ou bien très
    mauvais, ou trop, trop bon. Lorsqu'il n'est pas traité plus bas que
    terre, on le sanctifie. Les Arméniens sont, soit tous des traîtres,
    soit notre part la plus précieuse et la plus innocente. Ces deux
    approches exceptionnelles, le racisme positif et le racisme négatif,
    s'érigent en obstacles devant les Arméniens qui désirent vivre
    "normalement". Dès que "l'Arménien précieux" décide de devenir
    un acteur, et refuse de jouer son rôle de bibelot, on l'affuble de
    l'adjectif le plus péjoratif, et vice versa.

    C'est aussi ce qu'il s'est passé a Gezi. Ne tenant compte que
    de la position prise par quelques personnages qui ont un pouvoir
    représentatif, l'Arménien s'est encore mué aux yeux de certains en
    un être miraculeux, un patriote; et aux yeux d'autres, en un traître
    ou un provocateur. Mais en réalité, les Arméniens, comme tous les
    individus vivant en Turquie, sont bien loin de partager toujours les
    mêmes opinions et les mêmes sentiments. On a oublié que les idées
    d'un petit nombre d'Arméniens connus ne pouvaient objectivement
    représenter ni toute la population arménienne de Turquie, qui est
    de 50 000 personnes, ni les 8 millions d'Arméniens dispersés dans
    le monde entier, ni tout leur bagage historique.

    On pourrait prétendre que les personnes représentant la communauté
    ont un peu trop joué de leur titre. Mais finalement, même si ce
    n'est pas glorifiant, c'est tout de même un droit, et c'est a eux
    tôt ou tard d'en rendre compte. Mais ca ne se passe pas comme ca
    en Turquie. On fait payer le prix a l'adjectif "arménien" dans
    sa totalité.

    C'est donc en raison de tout cela que l'identité arménienne
    était en premier plan durant les évènements de Gezi, ce qui
    dépasse de loin le vraisemblable et le compréhensible. Et la,
    nous avons été témoins d'une immoralité grave. La romantisation
    de l'identité arménienne et la sanctification de ses problèmes a
    nui a la concrétisation même de ces problèmes; et c'est a partir
    de la qu'on a essayé de bâtir un discours anti-gouvernemental. On
    arrive toujours a trouver dans ces cas-la quelques Arméniens prêts
    a jouer le rôle principal, ou celui de figurant. On y est arrivé
    d'ailleurs. Cette sorte d'identité crée une opportunité de carrière
    qui ne demande aucun effort de soi et en soi.

    D'ailleurs les lieux communs a user sont la. Ce qui compte est
    d'être présent en tant qu'Arménien et non pas d'avoir des idées
    précieuses.

    Il existe de toute facon des clichés. Il suffit de les répéter
    et de montrer au monde par cette identité comment les Arméniens se
    plaignent du gouvernement.

    "L'Arménien" et l'identité arménienne défendue, l'élément
    minoritaire vient ainsi compléter cette "résistance"
    apolitique, a l'énergie d'autant plus transmissible, parce
    qu'apolitique. Entretemps, une routine a laquelle on était bien
    habitué dans le passé, un cimetière arménien rebâti en taverne,
    un lutteur qui dit une énormité sur les Arméniens, sont bien
    mis en évidence puisque c'est l'AKP qui en est responsable. C'est
    de la que vient la légitimité des accusations. "Le dictateur"
    s'en prend brutalement a une petite minorité et "les défenseurs
    des libertés", une communauté un peu plus nombreuse que l'autre,
    défendent ses droits. C'est encore l'AKP qui a fait tuer Hrant
    Dink. Dans la rhétorique de Gezi, l'identité arménienne comble un
    vide important, pour faire chuter Erdogan.

    Pourtant, c'est en salles de cinéma pour films porno qu'avaient été
    transformées, dans un passé récent, des églises arméniennes;
    et ceci, sous le gouvernement du CHP "laïque et moderne". Et c'est
    le "dictat de l'AKP" qui en 2002 avait abrogé la loi de 1936 qui
    permettait au gouvernement de confisquer les biens des fondations
    arméniennes. Ce sera probablement par "Erdogan, le dictateur" que
    les portes de l'Institut de théologie orthodoxe de Halki seront
    bientôt ouvertes.

    Et les autres?

    Les Arméniens qui ont su analyser que Gezi n'était pas que Gezi,
    et que tout ca va vers une toute autre direction, sont cette fois
    applaudis par une partie des militants de l'AKP avec ces mots-la:
    "Ah, mais c'est un Arménien qui le dit! C'est un Arménien qui vous
    apprend comment être patriote !" Tout ca a beaucoup plus de valeur
    lorsque c'est dit par un Arménien. Et pourquoi donc? N'étions-nous
    pas des citoyens a part entière de ce pays? Est-ce parce que vous
    attendez le pire de notre part, que "le bien" lorsqu'il arrive vous
    rend si heureux?

    Par ailleurs dans certains journaux, on montre du doigt les activistes
    arméniens. Les Arméniens font partie du plan ourdi contre la Turquie.

    Pourquoi seraient-ils plus responsables que d'autres qui ont aussi
    dit et fait n'importe quoi. Est-ce parce que vous vous attendiez au
    pire de leur part, que vous leur en voulez autant pour "cela"?

    Tout cela nous montre une fois encore a quel point le mot "Arménien" a
    dans l'imaginaire populaire une résonnance terrible et surréelle. Ma
    position concernant les évènements de Gezi n'a rien a voir avec
    mon appartenance ethnique. Mais bien qu'indépendante de mon choix,
    ca méritait bien un article.

    Je vous souhaite un bon Ramadan.

    12.07.2013

    Relecture et correction Collectif VAN - 19 juillet 2013 - 07:20 -
    www.collectifvan.org

    Retour a la rubrique

    Source/Lien : Markar Esayan

Working...
X