A MARSEILLE, UNE ASSOCIATION RECUEILLE DES MILLIERS DE DOCUMENTS SUR L'IMMIGRATION ARMENIENNE
Agence France Presse
27 fevrier 2013 mercredi 8:17 AM GMT
A Marseille, terre d'asile des refugies armeniens après la première
guerre mondiale, une association recueille, dans un fonds unique en
Europe qu'elle a commence a numeriser, tout document relatif a cette
diaspora pour qui la memoire occupe une "place infinie".
"Notre but, c'est d'echanger avec les autres, croiser les memoires
et transmettre aux jeunes generations, dans un souci d'ouverture",
explique a l'AFP le president de l'Association pour la recherche
et l'archivage de la memoire armenienne (Aram), Jacques Ouloussian,
dans le local de l'association creee en 1997, situe dans le quartier
paisible de Saint-Jerôme.
A l'occasion du lancement du site internet d'Aram (www.webaram.com)
debut janvier, une bibliothèque numerique de plus de 40.000 pages a ete
mise en ligne et consultable gratuitement, grâce a l'aide financière
des collectivites locales mais egalement du ministère de la Culture.
Un partenariat signe en 2012 avec le Madenataran, la bibliothèque
nationale d'Armenie, va par ailleurs permettre de mutualiser la
diffusion de tous ces documents numerises, en attendant un prochain
"accord-cadre" avec les Archives nationales de France.
Car "les Armeniens sont un peuple du livre: quand il ne vous reste plus
rien, seule subsiste votre langue, c'est pourquoi la memoire prend une
place infinie dans notre culture", explique Christian Varoujan Artin,
le fils du fondateur d'Aram.
Au menu du site: journaux, livres rares, affiches et documents, la
majorite en langue armenienne, mais aussi photos de classe, disques du
label Ararat, et des registres rares comme celui contenant la liste
des 5.441 refugies armeniens debarques a Marseille dès 1922, ou bien
l'acte de naissance du cineaste Henri Verneuil, ne Achod Malakian un
7 decembre 1920 et arrive bebe dans la cite phoceenne avec ses parents.
Designant un petit ouvrage jauni, M. Artin explique qu'il s'agit d'un
"très rare +Guide de Marseille en langue armenienne+ datant de 1926
a l'attention des refugies".
Entre alors au local Andre Marikian, 65 ans, livret de famille en
main, qui vient chercher de l'aide pour sa mère, qui n'a jamais
eu de papiers. "Mon père est decede il y a trois mois et pour une
histoire de succession, je dois prouver l'identite de ma mère,
or c'est impossible: elle vit en France depuis 80 ans, ses fils ont
fait le service militaire, mais c'est comme si elle n'existait pas!",
confie-t-il, emu.
"Si votre mère a ete enregistree en arrivant, vous la trouverez
ici", le rassure M. Artin, en lui montrant les registres originaux
du camp Oddo, où furent regroupes, face au port, les Armeniens
fuyant les massacres en Turquie. On y lit la profession, l'âge, la
ville d'origine, la date d'arrivee et celle de depart, ainsi que
la destination de chaque refugie: "parti aux Etats-Unis, loge en
ville etc...".
Rapidement, les jeunes Armeniens trouvent du travail sur les docks,
dans les sucreries, savonneries et huileries, "la France manquant de
bras après l'hecatombe de la guerre", rappelle M. Artin.
La petite colonie de quelque 400 commercants et negociants armeniens,
installes a Marseille depuis le Moyen-Age, s'agrandit d'un coup:
"entre 1922 et 1924, quelque 60.000 refugies debarquent", jusqu'a
atteindre 20% de la population marseillaise, precise-t-il.
Puis les immigres, après avoir construit eglises et ecoles, se
regroupent en associations qui permettent, outre "d'ecrire les
souvenirs du pays perdu" explique M. Ouloussian, de "creer du lien
social afin de ne pas laisser les orphelins seuls".
Ces associations seront primordiales a l'entree en guerre en 1939
car elles permettront de lever rapidement des listes d'Armeniens
mobilisables qui refusent d'etre des "assistes" selon M. Artin,
pour defendre leur patrie d'adoption, dont le plus celèbre d'entre
eux sera le resistant Missak Manouchian, debarque a Marseille en 1925.
En montrant a l'entree du local des cartons où s'entassent les dons,
qu'il faut trier avant numerisation, le president lance un appel:
"surtout ne jetez rien!".
Agence France Presse
27 fevrier 2013 mercredi 8:17 AM GMT
A Marseille, terre d'asile des refugies armeniens après la première
guerre mondiale, une association recueille, dans un fonds unique en
Europe qu'elle a commence a numeriser, tout document relatif a cette
diaspora pour qui la memoire occupe une "place infinie".
"Notre but, c'est d'echanger avec les autres, croiser les memoires
et transmettre aux jeunes generations, dans un souci d'ouverture",
explique a l'AFP le president de l'Association pour la recherche
et l'archivage de la memoire armenienne (Aram), Jacques Ouloussian,
dans le local de l'association creee en 1997, situe dans le quartier
paisible de Saint-Jerôme.
A l'occasion du lancement du site internet d'Aram (www.webaram.com)
debut janvier, une bibliothèque numerique de plus de 40.000 pages a ete
mise en ligne et consultable gratuitement, grâce a l'aide financière
des collectivites locales mais egalement du ministère de la Culture.
Un partenariat signe en 2012 avec le Madenataran, la bibliothèque
nationale d'Armenie, va par ailleurs permettre de mutualiser la
diffusion de tous ces documents numerises, en attendant un prochain
"accord-cadre" avec les Archives nationales de France.
Car "les Armeniens sont un peuple du livre: quand il ne vous reste plus
rien, seule subsiste votre langue, c'est pourquoi la memoire prend une
place infinie dans notre culture", explique Christian Varoujan Artin,
le fils du fondateur d'Aram.
Au menu du site: journaux, livres rares, affiches et documents, la
majorite en langue armenienne, mais aussi photos de classe, disques du
label Ararat, et des registres rares comme celui contenant la liste
des 5.441 refugies armeniens debarques a Marseille dès 1922, ou bien
l'acte de naissance du cineaste Henri Verneuil, ne Achod Malakian un
7 decembre 1920 et arrive bebe dans la cite phoceenne avec ses parents.
Designant un petit ouvrage jauni, M. Artin explique qu'il s'agit d'un
"très rare +Guide de Marseille en langue armenienne+ datant de 1926
a l'attention des refugies".
Entre alors au local Andre Marikian, 65 ans, livret de famille en
main, qui vient chercher de l'aide pour sa mère, qui n'a jamais
eu de papiers. "Mon père est decede il y a trois mois et pour une
histoire de succession, je dois prouver l'identite de ma mère,
or c'est impossible: elle vit en France depuis 80 ans, ses fils ont
fait le service militaire, mais c'est comme si elle n'existait pas!",
confie-t-il, emu.
"Si votre mère a ete enregistree en arrivant, vous la trouverez
ici", le rassure M. Artin, en lui montrant les registres originaux
du camp Oddo, où furent regroupes, face au port, les Armeniens
fuyant les massacres en Turquie. On y lit la profession, l'âge, la
ville d'origine, la date d'arrivee et celle de depart, ainsi que
la destination de chaque refugie: "parti aux Etats-Unis, loge en
ville etc...".
Rapidement, les jeunes Armeniens trouvent du travail sur les docks,
dans les sucreries, savonneries et huileries, "la France manquant de
bras après l'hecatombe de la guerre", rappelle M. Artin.
La petite colonie de quelque 400 commercants et negociants armeniens,
installes a Marseille depuis le Moyen-Age, s'agrandit d'un coup:
"entre 1922 et 1924, quelque 60.000 refugies debarquent", jusqu'a
atteindre 20% de la population marseillaise, precise-t-il.
Puis les immigres, après avoir construit eglises et ecoles, se
regroupent en associations qui permettent, outre "d'ecrire les
souvenirs du pays perdu" explique M. Ouloussian, de "creer du lien
social afin de ne pas laisser les orphelins seuls".
Ces associations seront primordiales a l'entree en guerre en 1939
car elles permettront de lever rapidement des listes d'Armeniens
mobilisables qui refusent d'etre des "assistes" selon M. Artin,
pour defendre leur patrie d'adoption, dont le plus celèbre d'entre
eux sera le resistant Missak Manouchian, debarque a Marseille en 1925.
En montrant a l'entree du local des cartons où s'entassent les dons,
qu'il faut trier avant numerisation, le president lance un appel:
"surtout ne jetez rien!".