Le Monde, France
5 mai 2013 dimanche
La relation franco-turque reste tendue
AUTEUR: Gu. P.
C'est d'Etat à Etat, entre le premier ministre japonais, Shinzo Abe,
et son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, qu'a été ont signé,
vendredi 3 mai, à Ankara, le contrat pour la deuxième centrale
nucléaire turque. Elle sera construite à partir de 2017, à Sinop, sur
la côte de la mer Noire.
A l'image d'Areva, associée au groupe nippon Mitsubishi pour les
quatre réacteurs de cette centrale, les sociétés françaises sont
restées en retrait du dossier, laissant le premier rôle à leur
partenaire. Cette discrétion s'explique par " des raisons politiques
", dit un acteur économique français à Istanbul. Tensions et menaces
de sanctions ont émaillé les relations entre la France et la Turquie
depuis douze ans, du fait, notamment de la reconnaissance par Paris du
génocide arménien de 1915. C'est pourquoi Areva a joué de prudence. Le
contrat signé vendredi est l'un des rares exemples récents de marché
public décroché par une firme française.
Les relations économiques franco-turques fluctuent au gré de crises
politiques successives. Après celle de 2001, déclenchée par la
reconnaissance du génocide de 1915, Ankara a fait planer la menace de
mesures de rétorsion contre les sociétés françaises, en 2006 et en
2012, lorsque Paris a tenté de légiférer sur la pénalisation du
négationnisme.
Malgré une reprise de la coopération depuis janvier, le ministre de
l'économie, Zafer Caglayan, ne cesse de rappeler aux milieux
d'affaires qu'un véritable dégel était suspendu à l'attitude française
sur " la question arménienne ".
Avec 12 milliards d'euros d'échanges bilatéraux en 2012, montant
modeste, la Turquie est le quatrième partenaire de la France, hors
espace européen, derrière les Etats-Unis, la Chine et la Russie.
L'inquiétude a resurgi, dernièrement, alors que l'Elysée étudie la
possibilité d'un nouveau projet de loi pour sanctionner pénalement le
déni du génocide arménien.
" Otage "
Le 24 avril, jour de commémoration du début des déportations, le
ministre de l'éducation, Vincent Peillon, qui représentait le
gouvernement aux cérémonies parisiennes, a qualifié le négationnisme
turc d'" insulte au peuple arménien ". Cette déclaration a été suivie
d'une condamnation du ministère turc des affaires étrangères.
" On s'est dit que c'était reparti pour un tour ", témoigne un
industriel sous couvert de l'anonymat. Une situation dont a joué
Ankara. " Nous tenons les intérêts industriels français en otage ",
souligne un diplomate turc à Paris.
Plusieurs grands projets sont suivis avec attention par les firmes
françaises, notamment dans le secteur des transports. Le consortium
franco-italien Eurosam est par exemple en lice pour un système de
défense antiaérien, contrat estimé à 3 milliards d'euros.
5 mai 2013 dimanche
La relation franco-turque reste tendue
AUTEUR: Gu. P.
C'est d'Etat à Etat, entre le premier ministre japonais, Shinzo Abe,
et son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, qu'a été ont signé,
vendredi 3 mai, à Ankara, le contrat pour la deuxième centrale
nucléaire turque. Elle sera construite à partir de 2017, à Sinop, sur
la côte de la mer Noire.
A l'image d'Areva, associée au groupe nippon Mitsubishi pour les
quatre réacteurs de cette centrale, les sociétés françaises sont
restées en retrait du dossier, laissant le premier rôle à leur
partenaire. Cette discrétion s'explique par " des raisons politiques
", dit un acteur économique français à Istanbul. Tensions et menaces
de sanctions ont émaillé les relations entre la France et la Turquie
depuis douze ans, du fait, notamment de la reconnaissance par Paris du
génocide arménien de 1915. C'est pourquoi Areva a joué de prudence. Le
contrat signé vendredi est l'un des rares exemples récents de marché
public décroché par une firme française.
Les relations économiques franco-turques fluctuent au gré de crises
politiques successives. Après celle de 2001, déclenchée par la
reconnaissance du génocide de 1915, Ankara a fait planer la menace de
mesures de rétorsion contre les sociétés françaises, en 2006 et en
2012, lorsque Paris a tenté de légiférer sur la pénalisation du
négationnisme.
Malgré une reprise de la coopération depuis janvier, le ministre de
l'économie, Zafer Caglayan, ne cesse de rappeler aux milieux
d'affaires qu'un véritable dégel était suspendu à l'attitude française
sur " la question arménienne ".
Avec 12 milliards d'euros d'échanges bilatéraux en 2012, montant
modeste, la Turquie est le quatrième partenaire de la France, hors
espace européen, derrière les Etats-Unis, la Chine et la Russie.
L'inquiétude a resurgi, dernièrement, alors que l'Elysée étudie la
possibilité d'un nouveau projet de loi pour sanctionner pénalement le
déni du génocide arménien.
" Otage "
Le 24 avril, jour de commémoration du début des déportations, le
ministre de l'éducation, Vincent Peillon, qui représentait le
gouvernement aux cérémonies parisiennes, a qualifié le négationnisme
turc d'" insulte au peuple arménien ". Cette déclaration a été suivie
d'une condamnation du ministère turc des affaires étrangères.
" On s'est dit que c'était reparti pour un tour ", témoigne un
industriel sous couvert de l'anonymat. Une situation dont a joué
Ankara. " Nous tenons les intérêts industriels français en otage ",
souligne un diplomate turc à Paris.
Plusieurs grands projets sont suivis avec attention par les firmes
françaises, notamment dans le secteur des transports. Le consortium
franco-italien Eurosam est par exemple en lice pour un système de
défense antiaérien, contrat estimé à 3 milliards d'euros.