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Commémorer le génocide dans un habitus négationniste post-génocidair

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    Turquie
    Commémorer le génocide dans un habitus négationniste post-génocidaire


    par Ayse Gunaysu

    The Armenian Weekly, 02.10.2013 (traduction Georges Festa)

    Dilara Balcı, dans son ouvrage qui relate en détail comment les
    non-musulmans furent représentés dans l'industrie du cinéma turc
    jusqu'aux années 1980 (1), rapporte une anecdote qui éclaire
    grandement l'environnement dans lequel les Arméniens, descendants de
    survivants du génocide, ont vécu en Turquie.

    En 1979, Nubar Terziyan, aujourd'hui disparu, un des acteurs vétérans
    du cinéma turc, fit paraître une annonce dans plusieurs journaux pour
    exprimer ses condoléances à l'occasion de la mort d'Ayhan IÅ?ık, autre
    idole nationale, célèbre pour sa belle prestance. On y lisait : «
    Ayhan, mon fils, le monde est éphémère, la mort est notre destin Ã
    tous, et pourtant jamais tu ne mourras, car toujours tu vivras dans
    nos cÅ`urs par millions. En cela tu es béni... Ton oncle, Nubar
    Terziyan. » Peu après, la famille d'Ayhan IÅ?ık publia un rectificatif
    dans la presse, entendu comme une déclaration publique. Il était écrit
    : « Il ne saurait y avoir un lien quelconque entre l'annonce
    soussignée « Ton oncle, Nubar Terziyan » et notre cher Ayhan IÅ?ık.
    [...] Nous avons le regret de l'annoncer, car cela nous semble
    nécessaire. » (2)

    Comme dans de nombreuses cultures, « fils » est un terme affectueux en
    turc, utilisé par les aînés lorsqu'ils s'adressent à un proche, plus
    jeune. Et « oncle » est son équivalent, usité par un junior, lorsqu'il
    s'adresse à un proche, plus gé. En dépit de ce fait bien connu, la
    plus légère possibilité que quelqu'un pût prendre la chose au sérieux
    et penser qu'Ayhan IÅ?ık fût apparenté à Terziyan terrorisa (et en même
    temps ulcéra) la famille d'IÅ?ık, au point que le profond sentiment,
    exprimé au départ, fut omis et remplacé par une marque publique de
    racisme.

    « Géographie du génocide et du déni »

    L'humiliation de Nubar Terziyan et la réaction de la famille d'IÅ?ık ne
    sont qu'une des multiples manifestations quotidiennes de la vie dans
    un « habitus négationniste post-génocidaire, » pour reprendre
    l'expression de Talin Suciyan dans sa thèse de doctorat soutenue Ã
    l'université Louis-et-Maximilien de Munich. Cette thèse vise à «
    écrire une histoire post-génocidaire de l'existence des Arméniens en
    Turquie, qui est restée dans la géographie du génocide et du déni. Le
    crime continue d'être reproduit à travers le déni, tandis que victimes
    et témoins continuent de vivre aux côtés des perpétrateurs. Le
    témoignage des victimes et des témoins est réduit au silence, nié, et
    Ã mesure que le crime s'avère parfait, leurs mémoires, leurs
    témoignages sont bouleversés. »

    Comme le démontre avec force Suciyan, en se fondant sur des sources
    primaires arméniennes, cela se passait à l'époque où ces foyers
    arméniens, qui demeuraient encore après le génocide, dispersés Ã
    travers les diverses provinces d'Asie Mineure, furent systématiquement
    chassés de la région et concentrés à Istanbul où, pensait-on, ils
    seraient plus aisément et directement sous contrôle. Ces foyers
    étaient voués à mener leur existence dans la « réalité ordinaire,
    banale, d'un habitus négationniste post-génocidaire, » Ã savoir le «
    contexte social et politique frondeur, plus invisible, les réalités
    quotidiennes. » Cet habitus fut le cadre dans lequel la politique, les
    pratiques et les agissements anti-Arméniens prirent - et continuent de
    prendre - place durant toute l'ère républicaine en Turquie. Il «
    délimite l'existence juridique, culturelle, sociale et économique des
    non-musulmans, en général, et celle des autres groupes ethniques,
    religieux ou politiques, dont les litiges avec l'Etat demeurent non
    résolus, » écrit Suciyan, renvoyant aux campagnes anti-Arméniens qui «
    ont servi à reproduire le sentiment anti-arménien dans le pays, tenir
    Ã l'écart les paroles des victimes du génocide durant des années, et
    réduire au silence ceux qui étaient restés en Turquie. » Elle continue
    : « Appeler les Arméniens à se représenter dans un climat
    anti-Arménien signifiait non seulement ignorer l'anéantissement de
    leurs familles, mais aussi ignorer le fait qu'eux-mêmes étaient des
    enfants de survivants. Les Arméniens de Turquie étaient ainsi censés
    s'intégrer à l'habitus négationniste, en Å`uvrant dans le cadre de ce
    même habitus. » Suciyan met en doute la pertinence de la formule «
    minorité-majorité », utilisée pour poser le problème en Turquie : « Il
    ne s'agit pas simplement d'une affaire juridique, mais de l'habitus
    négationniste, lequel joue un rôle décisif, même s'il n'agit pas
    seulement dans la production et l'engendrement de dispositifs
    d'exclusion ; il constitue aussi un modèle de citoyenneté et, par
    conséquent, une réalité sociale, incarnant une adhésion d'ordre
    affectif à cette formulation négationniste. » (3)

    Cet « habitus » est diamétralement opposé Ã l'environnement social,
    culturel et intellectuel de l'après-Shoah en Allemagne, où l'on ne
    peut marcher dans les rues de Berlin, par exemple, sans que soit
    rappelée la Shoah.

    Istanbul : scène du crime

    lire la suite, voir lien plus bas

    dimanche 6 octobre 2013,
    Jean Eckian ©armenews.com
    http://www.armenews.com/article.php3?id_article`681

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