TURQUIE : CHANGEMENTS SUBIS APRÈS LA MORT DE HRANT DINK
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=76262
Publie le : 17-10-2013
Info Collectif VAN -www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
invite a lire cet article publie sur le site Repair Future - Reparer
le futur le 13 juin 2013.
Repair Future - Reparer le futur
Cree le jeudi 13 juin 2013 20:44
Par Guillaume Perrier, Correspondant du journal "Le Monde" a Istanbul
La mort de Hrant Dink a-t-elle change la Turquie ?
Six ans ont passe depuis la mort de Hrant Dink, un après-midi d'hiver,
a Istanbul, sur le large trottoir de l'avenue Halaskargazi, devant
l'immeuble abritant l'hebdomadaire armeno-turc Agos. Six ans qu'il a
ete terrasse par la haine anti-armenienne. Dans les locaux du journal,
son bureau encombre est reste quasiment intact. A l'entree d'Agos,
une double porte blindee a ete installee. Le petit journal qu'il
avait fonde dans les annees 90, a survecu a Hrant et, mieux encore,
s'est developpe, enrichi, a gagne en visibilite. Le nombre de ses
abonnes a explose et la compagnie aerienne Turkish Airlines lui a
meme donne le droit de figurer sur les presentoirs de l'aeroport,
aux côtes des journaux turcs. Une reconnaissance inesperee.
En six ans, depuis ce tragique 19 janvier, la Turquie a beaucoup
change. Le pays a gagne en assurance, s'est developpe economiquement,
s'est herisse de tours, de mosquees et de centres commerciaux. Recep
Tayyip Erdogan a remporte deux elections de plus, mis l'armee au
pas... Et la question armenienne qui hante la Turquie depuis 1915 a
indeniablement gagne en visibilite. Un coin du tabou fondateur de
la republique turque a ete leve, les histoires orales et ecrites,
les projets culturels foisonnent. La mort de Hrant Dink a cree
un electrochoc, soulevant une emotion insoupconnable pour la mort
d'un Armenien. Le jour des funerailles, près de 100 000 personnes
avaient pris place dans ce cortège funèbre qui accompagnait le
journaliste au cimetière. Serree par la douleur, cette foule
endeuillee brandissait les petits panneaux ronds et noirs devenus
celèbres portant l'inscription, en turc, en kurde et en armenien :
" Nous sommes tous Hrant. Nous sommes tous armeniens ". La encore,
cette reaction spontanee fut une surprise, reconfortante pour les
milliers d'Armeniens d'Istanbul petrifies par la peur. Un espoir pour
tous les democrates turcs et pour les amis de Hrant Dink. Sa mort,
au moins, aura peut-etre servi a quelque chose se disait-on en 2007.
A l'epoque Ani et Garabet Balikci, un couple d'Armeniens d'Istanbul,
n'avaient pas ose aller manifester. A vrai dire, cela ne leur avait
meme pas effleure l'esprit. Quand on est Armenien en Turquie, a moins
d'avoir le courage et le charisme de Hrant Dink, on se tait, on se fait
discret, on courbe l'echine. Hormis quelques jeunes activistes comme
ceux de Nor Zartonk, les militants des droits de l'Homme, une poignee
d'intellectuels et quelques fortes tetes, l'immense majorite des
Armeniens de Turquie vit muree dans le silence et la solitude. Et cela,
la mort de Hrant Dink n'y a rien change. Les Balikci n'ont participe
ni au rassemblement devant Agos, organise chaque 19 janvier ni aux
commemorations publiques du 24-Avril, organisees pour la première
fois en 2010 par l'Association des droits de l'Homme d'Istanbul
(IHD) et par quelques intellectuels turcs sur la place Taksim. Ils
avaient pourtant ete frappes dans leur chair par la mort du patron
d'Agos. En eliminant le porte-voix des Armeniens de Turquie, les
meurtriers avaient lance une menace implicite a toute la communaute,
le reliquat des deux millions d'Armeniens qui vivaient en Turquie
avant le Genocide. Mais depuis 2012, Ani et Garabet sont de toutes
les manifestations. La famille n'a plus rien a perdre.
Ce qui a change pour les Balikci depuis la mort de Hrant Dink, c'est
qu'ils ont perdu leur fils. Sevag, un garcon de 20 ans, effectuait son
service militaire obligatoire dans une caserne isolee de la region
de Batman. Il a ete abattu par balles le 24 avril 2011, le jour de
Pâques et le jour de l'anniversaire du declenchement du Genocide, par
l'un de ses congenères, Kivanc Agaoglu, un jeune militant lie au BBP,
un parti d'extreme droite. " Un Armenien tue un 24-Avril en Turquie,
tout le monde sait très bien ce que cela signifie ", s'insurgeait
un ami de la famille sur la tombe du jeune homme a Sisli. Sevag est
l'une des dernières victimes du Genocide armenien, un processus qui
se poursuit tant que les horreurs du passe n'ont pas ete reconnues,
digerees. Six ans après, la haine armenienne tue encore. " Avec Hrant
Dink, cela faisait 1 500 000 +1. Avec mon fils, ca fait 1 500 000 +2
", resume Ani, la mère endeuillee.
Comme pour Hrant Dink, les autorites ont cherche a minimiser la portee
du meurtre. Des pressions ont ete exercees sur les temoins et sur la
Justice. " Il y a beaucoup de similitudes entre les deux affaires ",
estime l'avocat Cem Halavurt qui a travaille sur les deux dossiers.
Beaucoup de ressemblances entre Ogun Samast et Kivanc Agaoglu, deux
jeunes Turcs biberonnes au nationalisme et au racisme anti-armenien.
Ogun Samast a ete condamne mais comme un tueur isole, ayant agi
seul ou presque. Les hauts fonctionnaires mis en cause par l'avocate
Fethiye Cetin n'ont jamais ete inquietes ni meme auditionnes. Certains
responsables de la police ou des renseignements ont ete promus. Le
gouverneur Muammer Guler est devenu ministre de l'Interieur. Dans le
cas de Sevag, c'est un tribunal militaire qui est charge de juger le
tireur. Kivanc Agaoglu, comparaît libre, a chaque audience, face aux
parents de la victime. Le procureur a requis entre deux et six ans
de prison ferme. Ce qui serait une peine bien legère pour un possible
crime raciste qui remue 100 ans d'histoire.
Plus choquant encore, le gouvernement a nomme au poste de mediateur
de la republique (ombudsman), une fonction creee pour satisfaire les
critères democratiques de l'Union europeenne, un ancien juge de la
cour de Cassation Mehmet Nihat Omeroglu. Ce meme juge avait ete l'un de
ceux qui avaient condamne Hrant Dink pour insulte a l'identite turque
au titre de l'article 301 du code penal turc. Signe que les reseaux
paraetatiques soupconnes d'avoir commandite le crime, sont encore
bien vivants et beneficient toujours d'une certaine complaisance des
autorites. Signe que l'ideologie qui a pris Hrant Dink pour cible
n'a guère faibli.
La serie d'agressions contre des vieilles dames armeniennes du
quartier de Samatya, au cours de l'hiver dernier, a encore un peu
plus renforce cette peur qui taraude les Armeniens de Turquie. Une
octogenaire a ete retrouvee egorgee, une autre a perdu un ~\il. Les
autorites ont rapidement rejete la thèse de crimes racistes affirmant
qu'il s'agissait de l'acte d'un voleur. Trois mois après les faits,
la police a arrete un suspect, un Armenien d'Istanbul, âge de 38 ans.
Rassurant, en apparence. Pourtant l'affaire n'est pas encore totalement
elucidee et l'arrestation est loin d'avoir apaise les peurs.
L'assassinat de Hrant Dink a eveille certaines consciences. Mais
il a aussi revigore les vieux demons nationalistes. Le 24 Avril
2010, lorsque quelques centaines de citoyens turcs se rassemblèrent
sur la place Taksim, derrière un message pourtant très prudent :
" Nous partageons cette peine ", quelques grappes de militants du
Parti des travailleurs, d'autres des foyers Alperen, lies au BBP,
hurlaient leur haine de l'autre côte de la place. Pour separer les deux
groupes, on avait enferme les manifestants pacifiques dans une cage de
barrières metalliques, tandis que les militants extremistes etaient
libres de leurs allees et venues. On objectera que ces groupuscules
nationalistes ne representent pas grand-chose electoralement. Mais que
pèsent reellement les democrates et les Turcs eclaires dans ce debat?
Si les 30 000 signataires de la petition lancee en 2008 par quelques
intellectuels turcs pour " demander pardon " aux Armeniens avaient
provoque un sursaut citoyen remarquable, que penser des 120 000
signatures rassemblees en deux temps trois mouvements par l'Azerbaïdjan
pour la reconnaissance du " genocide " de Khojali ? Si la visibilite
qu'a gagnee Agos< et les editoriaux de Turcs eclaires comme Orhan
Kemal Cengiz ou Ali Bayramoglu constituent un reel progrès, que penser
des campagnes racistes et des prejuges anti-armeniens vehicules a
longueur de pages, en toute impunite par la presse grand public et
par certains deputes du parti au pouvoir ?
Et si les 100 000 qui participaient aux funerailles de Hrant Dink en
2007 etaient un raz-de-maree, comment qualifier les 200 000 personnes
qui ont envahi le centre d'Istanbul en fevrier 2012 a l'occasion du
20e anniversaire des massacres de Khojali ? " Nous sommes tous de
Khojali ", " Vous etes tous Armeniens, vous etes tous des bâtards ",
scandaient-ils. Le prefet et le ministre de l'Interieur ont apporte
leur caution a ce deferlement hostile, annonce a grands renforts de
publicite par la Mairie d'Istanbul. Les slogans etaient inscrits sur
de petits panneaux ronds, comme ceux des amis de Hrant Dink.
L'inversion des rôles, si caracteristique de l'outrage negationniste.
Cette manifestation anti-armenienne, en grande partie financee par
les petrodollars azeris, a consacre ce que le politologue Cengiz
Aktar a appele la " sous-traitance de la politique armenienne de la
Turquie a l'Azerbaïdjan ". Tirant profit de sa rente petrolière et
gazière, le regime Aliev a diffuse dans toute l'Europe sa propagande
anti-armenienne et pese sur la politique interieure turque. En
pratiquant le chantage energetique, Bakou est parvenue a faire capoter
la diplomatie du football. Après la signature sans lendemain des
protocoles entre la Turquie et l'Armenie, l'espoir d'une normalisation
des relations s'est evanoui. A l'approche du centenaire du Genocide,
en 2015, les positions se sont figees. Le mince espoir ne du sursaut
citoyen dans les mois et annees qui ont suivi la mort de Hrant Dink,
semble aujourd'hui bien tenu.
Retour a la rubrique
Source/Lien : Repair - Reparer le futur
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La mort de Hrant Dink a-t-elle change la Turquie ?
Six ans ont passe depuis la mort de Hrant Dink, un après-midi d'hiver,
a Istanbul, sur le large trottoir de l'avenue Halaskargazi, devant
l'immeuble abritant l'hebdomadaire armeno-turc Agos. Six ans qu'il a
ete terrasse par la haine anti-armenienne. Dans les locaux du journal,
son bureau encombre est reste quasiment intact. A l'entree d'Agos,
une double porte blindee a ete installee. Le petit journal qu'il
avait fonde dans les annees 90, a survecu a Hrant et, mieux encore,
s'est developpe, enrichi, a gagne en visibilite. Le nombre de ses
abonnes a explose et la compagnie aerienne Turkish Airlines lui a
meme donne le droit de figurer sur les presentoirs de l'aeroport,
aux côtes des journaux turcs. Une reconnaissance inesperee.
En six ans, depuis ce tragique 19 janvier, la Turquie a beaucoup
change. Le pays a gagne en assurance, s'est developpe economiquement,
s'est herisse de tours, de mosquees et de centres commerciaux. Recep
Tayyip Erdogan a remporte deux elections de plus, mis l'armee au
pas... Et la question armenienne qui hante la Turquie depuis 1915 a
indeniablement gagne en visibilite. Un coin du tabou fondateur de
la republique turque a ete leve, les histoires orales et ecrites,
les projets culturels foisonnent. La mort de Hrant Dink a cree
un electrochoc, soulevant une emotion insoupconnable pour la mort
d'un Armenien. Le jour des funerailles, près de 100 000 personnes
avaient pris place dans ce cortège funèbre qui accompagnait le
journaliste au cimetière. Serree par la douleur, cette foule
endeuillee brandissait les petits panneaux ronds et noirs devenus
celèbres portant l'inscription, en turc, en kurde et en armenien :
" Nous sommes tous Hrant. Nous sommes tous armeniens ". La encore,
cette reaction spontanee fut une surprise, reconfortante pour les
milliers d'Armeniens d'Istanbul petrifies par la peur. Un espoir pour
tous les democrates turcs et pour les amis de Hrant Dink. Sa mort,
au moins, aura peut-etre servi a quelque chose se disait-on en 2007.
A l'epoque Ani et Garabet Balikci, un couple d'Armeniens d'Istanbul,
n'avaient pas ose aller manifester. A vrai dire, cela ne leur avait
meme pas effleure l'esprit. Quand on est Armenien en Turquie, a moins
d'avoir le courage et le charisme de Hrant Dink, on se tait, on se fait
discret, on courbe l'echine. Hormis quelques jeunes activistes comme
ceux de Nor Zartonk, les militants des droits de l'Homme, une poignee
d'intellectuels et quelques fortes tetes, l'immense majorite des
Armeniens de Turquie vit muree dans le silence et la solitude. Et cela,
la mort de Hrant Dink n'y a rien change. Les Balikci n'ont participe
ni au rassemblement devant Agos, organise chaque 19 janvier ni aux
commemorations publiques du 24-Avril, organisees pour la première
fois en 2010 par l'Association des droits de l'Homme d'Istanbul
(IHD) et par quelques intellectuels turcs sur la place Taksim. Ils
avaient pourtant ete frappes dans leur chair par la mort du patron
d'Agos. En eliminant le porte-voix des Armeniens de Turquie, les
meurtriers avaient lance une menace implicite a toute la communaute,
le reliquat des deux millions d'Armeniens qui vivaient en Turquie
avant le Genocide. Mais depuis 2012, Ani et Garabet sont de toutes
les manifestations. La famille n'a plus rien a perdre.
Ce qui a change pour les Balikci depuis la mort de Hrant Dink, c'est
qu'ils ont perdu leur fils. Sevag, un garcon de 20 ans, effectuait son
service militaire obligatoire dans une caserne isolee de la region
de Batman. Il a ete abattu par balles le 24 avril 2011, le jour de
Pâques et le jour de l'anniversaire du declenchement du Genocide, par
l'un de ses congenères, Kivanc Agaoglu, un jeune militant lie au BBP,
un parti d'extreme droite. " Un Armenien tue un 24-Avril en Turquie,
tout le monde sait très bien ce que cela signifie ", s'insurgeait
un ami de la famille sur la tombe du jeune homme a Sisli. Sevag est
l'une des dernières victimes du Genocide armenien, un processus qui
se poursuit tant que les horreurs du passe n'ont pas ete reconnues,
digerees. Six ans après, la haine armenienne tue encore. " Avec Hrant
Dink, cela faisait 1 500 000 +1. Avec mon fils, ca fait 1 500 000 +2
", resume Ani, la mère endeuillee.
Comme pour Hrant Dink, les autorites ont cherche a minimiser la portee
du meurtre. Des pressions ont ete exercees sur les temoins et sur la
Justice. " Il y a beaucoup de similitudes entre les deux affaires ",
estime l'avocat Cem Halavurt qui a travaille sur les deux dossiers.
Beaucoup de ressemblances entre Ogun Samast et Kivanc Agaoglu, deux
jeunes Turcs biberonnes au nationalisme et au racisme anti-armenien.
Ogun Samast a ete condamne mais comme un tueur isole, ayant agi
seul ou presque. Les hauts fonctionnaires mis en cause par l'avocate
Fethiye Cetin n'ont jamais ete inquietes ni meme auditionnes. Certains
responsables de la police ou des renseignements ont ete promus. Le
gouverneur Muammer Guler est devenu ministre de l'Interieur. Dans le
cas de Sevag, c'est un tribunal militaire qui est charge de juger le
tireur. Kivanc Agaoglu, comparaît libre, a chaque audience, face aux
parents de la victime. Le procureur a requis entre deux et six ans
de prison ferme. Ce qui serait une peine bien legère pour un possible
crime raciste qui remue 100 ans d'histoire.
Plus choquant encore, le gouvernement a nomme au poste de mediateur
de la republique (ombudsman), une fonction creee pour satisfaire les
critères democratiques de l'Union europeenne, un ancien juge de la
cour de Cassation Mehmet Nihat Omeroglu. Ce meme juge avait ete l'un de
ceux qui avaient condamne Hrant Dink pour insulte a l'identite turque
au titre de l'article 301 du code penal turc. Signe que les reseaux
paraetatiques soupconnes d'avoir commandite le crime, sont encore
bien vivants et beneficient toujours d'une certaine complaisance des
autorites. Signe que l'ideologie qui a pris Hrant Dink pour cible
n'a guère faibli.
La serie d'agressions contre des vieilles dames armeniennes du
quartier de Samatya, au cours de l'hiver dernier, a encore un peu
plus renforce cette peur qui taraude les Armeniens de Turquie. Une
octogenaire a ete retrouvee egorgee, une autre a perdu un ~\il. Les
autorites ont rapidement rejete la thèse de crimes racistes affirmant
qu'il s'agissait de l'acte d'un voleur. Trois mois après les faits,
la police a arrete un suspect, un Armenien d'Istanbul, âge de 38 ans.
Rassurant, en apparence. Pourtant l'affaire n'est pas encore totalement
elucidee et l'arrestation est loin d'avoir apaise les peurs.
L'assassinat de Hrant Dink a eveille certaines consciences. Mais
il a aussi revigore les vieux demons nationalistes. Le 24 Avril
2010, lorsque quelques centaines de citoyens turcs se rassemblèrent
sur la place Taksim, derrière un message pourtant très prudent :
" Nous partageons cette peine ", quelques grappes de militants du
Parti des travailleurs, d'autres des foyers Alperen, lies au BBP,
hurlaient leur haine de l'autre côte de la place. Pour separer les deux
groupes, on avait enferme les manifestants pacifiques dans une cage de
barrières metalliques, tandis que les militants extremistes etaient
libres de leurs allees et venues. On objectera que ces groupuscules
nationalistes ne representent pas grand-chose electoralement. Mais que
pèsent reellement les democrates et les Turcs eclaires dans ce debat?
Si les 30 000 signataires de la petition lancee en 2008 par quelques
intellectuels turcs pour " demander pardon " aux Armeniens avaient
provoque un sursaut citoyen remarquable, que penser des 120 000
signatures rassemblees en deux temps trois mouvements par l'Azerbaïdjan
pour la reconnaissance du " genocide " de Khojali ? Si la visibilite
qu'a gagnee Agos< et les editoriaux de Turcs eclaires comme Orhan
Kemal Cengiz ou Ali Bayramoglu constituent un reel progrès, que penser
des campagnes racistes et des prejuges anti-armeniens vehicules a
longueur de pages, en toute impunite par la presse grand public et
par certains deputes du parti au pouvoir ?
Et si les 100 000 qui participaient aux funerailles de Hrant Dink en
2007 etaient un raz-de-maree, comment qualifier les 200 000 personnes
qui ont envahi le centre d'Istanbul en fevrier 2012 a l'occasion du
20e anniversaire des massacres de Khojali ? " Nous sommes tous de
Khojali ", " Vous etes tous Armeniens, vous etes tous des bâtards ",
scandaient-ils. Le prefet et le ministre de l'Interieur ont apporte
leur caution a ce deferlement hostile, annonce a grands renforts de
publicite par la Mairie d'Istanbul. Les slogans etaient inscrits sur
de petits panneaux ronds, comme ceux des amis de Hrant Dink.
L'inversion des rôles, si caracteristique de l'outrage negationniste.
Cette manifestation anti-armenienne, en grande partie financee par
les petrodollars azeris, a consacre ce que le politologue Cengiz
Aktar a appele la " sous-traitance de la politique armenienne de la
Turquie a l'Azerbaïdjan ". Tirant profit de sa rente petrolière et
gazière, le regime Aliev a diffuse dans toute l'Europe sa propagande
anti-armenienne et pese sur la politique interieure turque. En
pratiquant le chantage energetique, Bakou est parvenue a faire capoter
la diplomatie du football. Après la signature sans lendemain des
protocoles entre la Turquie et l'Armenie, l'espoir d'une normalisation
des relations s'est evanoui. A l'approche du centenaire du Genocide,
en 2015, les positions se sont figees. Le mince espoir ne du sursaut
citoyen dans les mois et annees qui ont suivi la mort de Hrant Dink,
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