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Le Temps Des Reformes Et De La Reconstruction Spirituelle, Par Sahag

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    LE TEMPS DES REFORMES ET DE LA RECONSTRUCTION SPIRITUELLE, PAR SAHAG SUKIASYAN

    OPINION

    Le 19 Octobre, les membres de l'Assemblée des délégués de notre
    diocèse vont se réunir a Marseille pour élire le successeur de
    Monseigneur Norvan. Leur tache sera ardue et la succession s'annonce
    difficile. Tout d'abord parce que trouver un candidat alliant les
    qualités personnelles et les compétences de Monseigneur Norvan sera
    une véritable gageure, mais aussi parce que la démission de notre
    Primat et la crise qui en a résulté ont profondément troublé
    et perturbé notre vie ecclésiale et communautaire. Cependant,
    la situation qui prévaut actuellement dans notre communauté n'est
    malheureusement qu'un épiphénomène d'une crise plus globale qui
    perturbe durablement la vie de notre Eglise depuis plusieurs années.

    L'occasion d'un premier bilan pour notre diocèse

    Après plus de quatre-vingt ans d'attente, la fondation de notre
    diocèse permettait d'espérer des transformations fondamentales dans
    notre vie ecclésiale. L'organisation mise en place a partir de 2005/
    2006 n'a peut-être pas produit tous les fruits escomptés, y compris
    pour Mgr. Norvan, mais elle aura au moins eu le grand mérite de créer
    des conditions favorables pour le développement d'une vie ecclésiale
    plus conforme aux exigences évangéliques et a l'ecclésiologie de
    notre Eglise. Certes, l'impatience et la volonté d'agir rapidement de
    ses responsables contrastaient de manière criante avec la période de
    stagnation caractérisée par l'absence de transparence et de dynamisme
    du précédent Primat et de ses collaborateurs, mais il était aussi
    illusoire d'imaginer que tout ce qui n'avait pas été réalisé,
    voire distordu durant des décennies, pourrait être réparé ou
    réalisé en quelques mois. Avant d'aller de l'avant, il nous faudra
    donc faire un bilan de la période qui vient de prendre fin et qui
    comporte malgré tout quelques belles réalisations.

    En prémices a ce bilan, il apparaît de manière évidente que ce qui
    a assurément fait défaut, c'est l'absence de ressources humaines, de
    compétentes dédiées a cette tâche. De véritables équipes auraient
    été nécessaires afin d'organiser et de promouvoir les actions du
    diocèse dans les trois régions et dans les paroisses. Sans doute
    l'accent n'a-t-il pas été suffisamment mis sur cette dimension. Mais
    surtout, dans le même temps, le peu de moyens humains et financiers
    dont nous disposions a été gâché, englouti, par la triste Â"
    affaire de Nice Â".

    Au lieu de nous préoccuper de catéchèse pour nos fidèles, de
    pastorale pour nos familles et d'enseignement pour nos enfants, nous
    avons dÃ" consacrer notre énergie et nos maigres moyens matériels a
    résoudre par le recours a la Justice ce qui aurait dÃ" être soigné
    par la Charité.

    Pour de multiples raisons, cette catastrophique Â" affaire de
    Nice Â" avec ce prêtre Â" ingérable Â" comme l'écrivait notre
    Primat dans sa lettre de démission adressée au Catholicos, a été
    instrumentalisée par certains acteurs de la vie communautaires qui
    n'avaient visiblement d'autre but que d'empêcher la création des
    structures diocésaines. Il conviendra donc de faire une analyse
    objective de cette crise pour établir les responsabilités des uns
    et des autres, et surtout pour rétablir la pleine communion de cette
    communauté aujourd'hui divisée avec le diocèse et l'Eglise toute
    entière, Eglise dont elle est aujourd'hui coupée. Par ailleurs,
    la défense de ce prêtre par le Catholicos jusqu'a sa condamnation
    par la Justice, et après même sa condamnation, reste pour tous
    incompréhensible alors que d'autres ecclésiastiques ont été
    sanctionnés pour des motifs infiniment moins graves. Sa Sainteté
    demandait a Mgr. Norvan de défendre ce prêtre Â" au nom de l'honneur
    de sa soutane Â". Ce prêtre n'a pas eu, lui, le souci de préserver
    l'honneur de sa propre soutane, de son évêque, de son Patriarche
    et de son Eglise toute entière. Pour la première fois en près
    d'un siècle d'histoire de la communauté arménienne de France,
    un de nos prêtres a été condamné par un tribunal.

    Tous ces événements participent en réalité d'une crise profonde
    qui, malgré ce que l'on peut lire dans une certaine presse d'Arménie
    et de la Diaspora, n'est pas le fruit d'un complot qui viserait a
    déstabiliser l'Eglise Apostolique Arménienne ou a nuire a l'unité
    du peuple arménien et a la sécurité de l'Arménie. Cette version
    de la Â" théorie du complot Â" appliquée a l'Eglise arménienne est
    tout simplement ridicule et relève du conte pour enfant. Nous n'avons
    malheureusement nul besoin de comploteurs pour nuire a notre Eglise.

    Le Primat d'Erevan a lui tout seul suffit a organiser la chose.

    Nous reconnaître pécheurs

    Un des principes de base de l'ecclésiologie des Eglises
    traditionnelles, dont la notre, est que bien que composée de pécheurs
    - c'est a dire de gens moralement Â" mal portants Â" - l'Eglise,
    en tant que corps mystique du Christ est sainte. Mais aujourd'hui,
    la lucidité et le réalisme doivent nous faire admettre que, bien
    que sainte, notre Eglise est visiblement malade, alors que chacun
    d'entre nous se croit en bonne santé et qu'aucun d'entre nous ne se
    reconnaît pécheur.

    Pour autant, les fidèles et les religieux d'aujourd'hui ne sont
    pas entièrement responsables de cette situation qui n'est pas
    nouvelle et qui s'ancre dans une histoire dont nous sommes bien
    involontairement les héritiers. Nos difficultés a répondre a cette
    situation proviennent en grande partie du fait que nous n'avons pas
    la connaissance de cette histoire et surtout d'idée claire de ce
    qu'est l'Eglise.

    La situation est complexe et grave mais naturellement pas
    désespérée.

    Chacun d'entre nous, d'où qu'il se trouve, au regard de sa vocation
    et de ses compétences, pourra, et devra, contribuer a la réduction
    de ces tensions et a rétablir la paix et la concorde dans notre
    communauté.

    Il y aura du travail pour tous, a condition de bien le vouloir.

    Sortir de la crise

    Les regards des fidèles de notre diocèse, mais aussi ceux de très
    nombreux autres membres de l'Eglise arménienne a travers le monde,
    seront tournés vers cette assemblée de nos délégués diocésains
    qui se réunira a Marseille le 19 Octobre. Ceux-ci donneraient un
    signal fort a l'ensemble de l'Eglise en élisant comme Primat un
    homme qui saura être a la fois un père spirituel, un pasteur,
    et naturellement un administrateur efficace, un homme a l'écoute
    des fidèles, qui saura les représenter auprès du Catholicos et du
    Conseil Spirituel Suprême.

    Nos prières les accompagneront a l'occasion de cette réunion.

    Mais, outre l'élection du nouveau Primat, cette assemblée devra
    aussi veiller a rétablir la confiance a l'égard de l'institution
    ecclésiale.

    Elle doit pour cela :

    1- Demander et obtenir des membres du Conseil Spirituel Suprême
    de saint Etchmiadzine de revenir sur la formulation finale de leur
    communiqué du 30 AoÃ"t qui constitue une véritable injustice a
    l'égard de l'un de leurs aînés et d'un valeureux serviteur de
    l'Eglise et du Catholicossat suprême. Nul n'est infaillible et le
    repentir est agréable au Seigneur. Il y va de l'honneur d'un homme,
    notre Primat, du leur, et de celui de toute notre communauté de
    France. Ne pas entendre cela serait une grave faute.

    2- Transmettre au Conseil de discipline du saint Siège d'Etchmiadzine
    le dossier du père Vatché Hayrapétyan, déja condamné par la
    Justice de notre pays, et qui tout récemment a tenu sur une chaîne
    de télévision câblée américaine des propos infondés et calomnieux
    a l'égard de notre Primat.

    3- Reprendre sans tarder le dialogue avec tous les fidèles de la
    communauté de Nice afin de hâter leur retour au sein de notre
    diocèse et de rétablir la concorde dans cette communauté meurtrie.

    Nous recentrer sur la mission première de l'Eglise.

    La récente convocation d'un synode général des évêques a Saint
    Etchmiadzine a été un événement important non tant par son ordre
    du jour mais par sa dimension symbolique puisque pour la première
    fois depuis des siècles, il réunissait les deux Catholicos et
    l'ensemble des évêques des quatre sièges hiérarchiques de l'Eglise
    arménienne.

    Toutefois, l'affirmation très symbolique de cette unité ne saurait
    nous satisfaire et surtout répondre aux attentes et aux besoins des
    fidèles de notre Eglise.

    Au dela de la question de l'élection du nouveau primat, la tache qui
    nous attend est immense pour mettre aussi fin a la crise générale
    de l'Eglise arménienne. La question doit donc être débattue a
    l'échelle de toute l'Eglise et pour se faire, la convocation d'un
    concile comparable a celui de Vatican II ou a celui que préparent les
    Eglises Orthodoxes s'avère a terme absolument incontournable. Mais
    il nous faudra organiser très méthodiquement la chose au lieu de
    nous contenter plus longtemps de mesures ponctuelles et cosmétiques
    comme nous le faisons depuis trop longtemps. L'idée d'un tel
    concile n'est ni nouvelle ni révolutionnaire puisque le Catholicos
    Kévork V avait souhaité le convoquer en 1917, il y aura bientôt un
    siècle. La situation de l'Arménie au moment de la Révolution russe,
    puis pendant toute la période soviétique, n'avait pas permis sa
    tenue. Aujourd'hui, les conditions pour sa convocation sont réunies
    mais elle présuppose une préparation de plusieurs années et la
    constitution de diverses commissions qui axeront les débats sur
    les questions primordiales du Magistère de l'Eglise, de l'Autorité
    en son sein, des divers types de Vocations (pastorale, monastique,
    des laïcs, hommes et femmes), de la place et du rôle de l'Eglise
    dans notre vie sociale et d'autres domaines a définir ensemble.

    Mais avant tout, et plus que jamais dans son histoire, l'Eglise
    arménienne doit aujourd'hui réaffirmer sa vocation fondamentale,
    la même depuis le baptême du roi Drtad et de la reine Achkhen :
    l'Evangélisation. Ainsi, Â" Ayant déposée tous les soucis du
    monde Â", elle pourra alors ce recentrer sur sa vraie mission. Pour
    y parvenir, il lui faut avant toute chose s'émanciper de la tutelle
    des politiques. Elle doit cesser d'accepter d'être instrumentalisée
    par les pouvoirs qui se succèdent en Arménie et les partis et les
    clans en diaspora. L'exemple de sa Sainteté Vazken 1er, d'heureuse
    mémoire, doit nous inspirer ce chemin, lui qui avait su avec adresse
    assumer pleinement ses fonctions de Pasteur de tous les Arméniens
    et de représentation de l'Eglise auprès d'un Etat dont le moins que
    l'on puisse dire est qu'il n'était pas favorable a la Religion. C'est
    après avoir reconquis son indépendance et renoué avec sa vocation,
    après avoir retrouvé la confiance de ses fidèles, qu'elle pourra
    les éclairer a la lumière des Evangiles et de sa Tradition sur
    des questions aussi fondamentales que les rapports au sein de la
    société, la bioéthique, les problèmes sociétaux. Sans vouloir
    m'immiscer dans les affaires intérieures de la République d'Arménie,
    il me semble d'ailleurs qu'aujourd'hui seule l'Eglise serait capable
    d'instaurer dans la société arménienne des rapports d'amour et de
    respect dans un pays où les rapports de force et de domination sont la
    règle, a condition de le vouloir et de s'en donner les moyens. Dans
    ce domaine, le colloque consacré aux relations entre l'Etat et
    l'Eglise qui par une extraordinaire coïncidence va se tenir en fin
    de semaine a Etchmiadzine, risque d'être aussi décevant que celui
    qui avait eu lieu sur le même thème en Mars 2000. Si cette question
    intéresse au premier chef les citoyens de la République d'Arménie,
    elle n'est pas non plus sans importance et sans conséquences pour
    nous, Arméniens de la Diaspora. Un seul Arménien de France a-t-il
    d'ailleurs été invité a ce colloque ? Nous le suivrons malgré tout
    avec intérêt même si nous ne nous faisons pas beaucoup d'illusions
    sur ses conclusions et sur son impact sur notre vie spirituelle tant
    en Arménie qu'en Diaspora.

    Un concile pour entrer de plain-pied dans le 3ème millénaire

    En Juin 2012, un colloque présidé par sa Sainteté le Catholicos
    avait été organisé par le conseil de la cathédrale saint Sahak
    et saint Mesrop de Marseille. Le thème qui m'avait été confié
    était Â" Comment l'Eglise arménienne peut-elle entrer dans le 3ème
    millénaire et répondre a tous ses défis ? Â". Sans aucune intention
    de provocation, j'avais alors débuté mon exposé en affirmant qu'il
    lui faudrait d'abord commencer par sortir du 20ème siècle que nous
    n'avons pas encore collectivement quitté. Pour des raisons évidentes,
    il me semble que ce siècle ne prendra véritablement fin pour nous
    qu'en 2015.

    Pour l'heure, la plus grande initiative de sa Sainteté Karékine
    II serait indubitablement de convoquer ce concile qui s'impose de
    manière aussi pressante, en concertation avec les trois autres sièges
    hiérarchiques de notre Eglise. Cette assemblée pourrait se tenir
    sur plusieurs semaines, voire plusieurs sessions de plusieurs semaines
    pour permettre aux diverses commissions de travailler efficacement.

    Cela implique avant tout de trouver les hommes et les femmes disposant
    des compétences nécessaires pour nourrir et animer ces débats. Nous
    le savons tous : Â" Pour tout peuple, il n'y a de richesse que ses
    hommes et ses femmes Â". Nous trouverons bien ensuite les moyens
    financiers nécessaires. L'expérience de l'Eglise Catholique en France
    a la fin du 19ème et au début du 20ème siècle démontre que la
    bonne santé spirituelle n'est pas conditionnée par la construction
    de milliers d'églises comme cela a été le cas. Aujourd'hui, dans
    un pays où l'on vend et transforme nombre d'églises et de couvents
    en habitations, en commerces, en hôtels, voire que l'on détruit,
    cette même Eglise de France invite ses fidèles a une Â" nouvelle
    évangélisation Â" en lui consacrant tous les moyens humains et
    matériels disponibles.

    Nous aussi, comme les autres Chrétiens de notre pays, nous avons
    avant tout faim de Â" la Parole de Dieu Â". Et c'est surtout du Â"
    Pain de Vie Â" que nous avons besoin, pas d'idéologie ni de luttes
    de pouvoir. Pour recevoir pleinement cette Parole (L'Evangile) et ce
    Pain (L'Eucharistie), commencons par reconnaître que nous sommes
    tous pécheurs. Dans un langage plus profane, faisons notre auto
    critique, et mettons nous tous au travail. Agé de soixante-seize
    ans au moment de son élection au siège patriarcal de Cilicie, au
    moment où les survivants du Génocide devaient reconstruire l'Eglise
    en même temps que leurs propres existences, sa Sainteté Karékine
    1er Hovsépian déclarait Â" Ô³Õ¸O~@Õ® Õ¯Õ¡Õµ, Õ¯Õ¡Õµ Õ¸O~B Õ¯Õ¡Õµ Â"
    (Du travail, il y en a, il y en aura encore et encore). En vérité,
    une même mission, aussi démesurée que la sienne, mais tout aussi
    exaltante, nous attend nous aussi. Les ouvriers ne doivent pas manquer.

    Que le Seigneur inspire et guide aussi nos délégués dans leur
    mission samedi prochain.

    vendredi 18 octobre 2013, Ara ©armenews.com
    http://www.armenews.com/article.php3?id_article=94047

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