LE TEMPS DES REFORMES ET DE LA RECONSTRUCTION SPIRITUELLE, PAR SAHAG SUKIASYAN
OPINION
Le 19 Octobre, les membres de l'Assemblée des délégués de notre
diocèse vont se réunir a Marseille pour élire le successeur de
Monseigneur Norvan. Leur tache sera ardue et la succession s'annonce
difficile. Tout d'abord parce que trouver un candidat alliant les
qualités personnelles et les compétences de Monseigneur Norvan sera
une véritable gageure, mais aussi parce que la démission de notre
Primat et la crise qui en a résulté ont profondément troublé
et perturbé notre vie ecclésiale et communautaire. Cependant,
la situation qui prévaut actuellement dans notre communauté n'est
malheureusement qu'un épiphénomène d'une crise plus globale qui
perturbe durablement la vie de notre Eglise depuis plusieurs années.
L'occasion d'un premier bilan pour notre diocèse
Après plus de quatre-vingt ans d'attente, la fondation de notre
diocèse permettait d'espérer des transformations fondamentales dans
notre vie ecclésiale. L'organisation mise en place a partir de 2005/
2006 n'a peut-être pas produit tous les fruits escomptés, y compris
pour Mgr. Norvan, mais elle aura au moins eu le grand mérite de créer
des conditions favorables pour le développement d'une vie ecclésiale
plus conforme aux exigences évangéliques et a l'ecclésiologie de
notre Eglise. Certes, l'impatience et la volonté d'agir rapidement de
ses responsables contrastaient de manière criante avec la période de
stagnation caractérisée par l'absence de transparence et de dynamisme
du précédent Primat et de ses collaborateurs, mais il était aussi
illusoire d'imaginer que tout ce qui n'avait pas été réalisé,
voire distordu durant des décennies, pourrait être réparé ou
réalisé en quelques mois. Avant d'aller de l'avant, il nous faudra
donc faire un bilan de la période qui vient de prendre fin et qui
comporte malgré tout quelques belles réalisations.
En prémices a ce bilan, il apparaît de manière évidente que ce qui
a assurément fait défaut, c'est l'absence de ressources humaines, de
compétentes dédiées a cette tâche. De véritables équipes auraient
été nécessaires afin d'organiser et de promouvoir les actions du
diocèse dans les trois régions et dans les paroisses. Sans doute
l'accent n'a-t-il pas été suffisamment mis sur cette dimension. Mais
surtout, dans le même temps, le peu de moyens humains et financiers
dont nous disposions a été gâché, englouti, par la triste Â"
affaire de Nice Â".
Au lieu de nous préoccuper de catéchèse pour nos fidèles, de
pastorale pour nos familles et d'enseignement pour nos enfants, nous
avons dÃ" consacrer notre énergie et nos maigres moyens matériels a
résoudre par le recours a la Justice ce qui aurait dÃ" être soigné
par la Charité.
Pour de multiples raisons, cette catastrophique Â" affaire de
Nice Â" avec ce prêtre Â" ingérable Â" comme l'écrivait notre
Primat dans sa lettre de démission adressée au Catholicos, a été
instrumentalisée par certains acteurs de la vie communautaires qui
n'avaient visiblement d'autre but que d'empêcher la création des
structures diocésaines. Il conviendra donc de faire une analyse
objective de cette crise pour établir les responsabilités des uns
et des autres, et surtout pour rétablir la pleine communion de cette
communauté aujourd'hui divisée avec le diocèse et l'Eglise toute
entière, Eglise dont elle est aujourd'hui coupée. Par ailleurs,
la défense de ce prêtre par le Catholicos jusqu'a sa condamnation
par la Justice, et après même sa condamnation, reste pour tous
incompréhensible alors que d'autres ecclésiastiques ont été
sanctionnés pour des motifs infiniment moins graves. Sa Sainteté
demandait a Mgr. Norvan de défendre ce prêtre Â" au nom de l'honneur
de sa soutane Â". Ce prêtre n'a pas eu, lui, le souci de préserver
l'honneur de sa propre soutane, de son évêque, de son Patriarche
et de son Eglise toute entière. Pour la première fois en près
d'un siècle d'histoire de la communauté arménienne de France,
un de nos prêtres a été condamné par un tribunal.
Tous ces événements participent en réalité d'une crise profonde
qui, malgré ce que l'on peut lire dans une certaine presse d'Arménie
et de la Diaspora, n'est pas le fruit d'un complot qui viserait a
déstabiliser l'Eglise Apostolique Arménienne ou a nuire a l'unité
du peuple arménien et a la sécurité de l'Arménie. Cette version
de la Â" théorie du complot Â" appliquée a l'Eglise arménienne est
tout simplement ridicule et relève du conte pour enfant. Nous n'avons
malheureusement nul besoin de comploteurs pour nuire a notre Eglise.
Le Primat d'Erevan a lui tout seul suffit a organiser la chose.
Nous reconnaître pécheurs
Un des principes de base de l'ecclésiologie des Eglises
traditionnelles, dont la notre, est que bien que composée de pécheurs
- c'est a dire de gens moralement Â" mal portants Â" - l'Eglise,
en tant que corps mystique du Christ est sainte. Mais aujourd'hui,
la lucidité et le réalisme doivent nous faire admettre que, bien
que sainte, notre Eglise est visiblement malade, alors que chacun
d'entre nous se croit en bonne santé et qu'aucun d'entre nous ne se
reconnaît pécheur.
Pour autant, les fidèles et les religieux d'aujourd'hui ne sont
pas entièrement responsables de cette situation qui n'est pas
nouvelle et qui s'ancre dans une histoire dont nous sommes bien
involontairement les héritiers. Nos difficultés a répondre a cette
situation proviennent en grande partie du fait que nous n'avons pas
la connaissance de cette histoire et surtout d'idée claire de ce
qu'est l'Eglise.
La situation est complexe et grave mais naturellement pas
désespérée.
Chacun d'entre nous, d'où qu'il se trouve, au regard de sa vocation
et de ses compétences, pourra, et devra, contribuer a la réduction
de ces tensions et a rétablir la paix et la concorde dans notre
communauté.
Il y aura du travail pour tous, a condition de bien le vouloir.
Sortir de la crise
Les regards des fidèles de notre diocèse, mais aussi ceux de très
nombreux autres membres de l'Eglise arménienne a travers le monde,
seront tournés vers cette assemblée de nos délégués diocésains
qui se réunira a Marseille le 19 Octobre. Ceux-ci donneraient un
signal fort a l'ensemble de l'Eglise en élisant comme Primat un
homme qui saura être a la fois un père spirituel, un pasteur,
et naturellement un administrateur efficace, un homme a l'écoute
des fidèles, qui saura les représenter auprès du Catholicos et du
Conseil Spirituel Suprême.
Nos prières les accompagneront a l'occasion de cette réunion.
Mais, outre l'élection du nouveau Primat, cette assemblée devra
aussi veiller a rétablir la confiance a l'égard de l'institution
ecclésiale.
Elle doit pour cela :
1- Demander et obtenir des membres du Conseil Spirituel Suprême
de saint Etchmiadzine de revenir sur la formulation finale de leur
communiqué du 30 AoÃ"t qui constitue une véritable injustice a
l'égard de l'un de leurs aînés et d'un valeureux serviteur de
l'Eglise et du Catholicossat suprême. Nul n'est infaillible et le
repentir est agréable au Seigneur. Il y va de l'honneur d'un homme,
notre Primat, du leur, et de celui de toute notre communauté de
France. Ne pas entendre cela serait une grave faute.
2- Transmettre au Conseil de discipline du saint Siège d'Etchmiadzine
le dossier du père Vatché Hayrapétyan, déja condamné par la
Justice de notre pays, et qui tout récemment a tenu sur une chaîne
de télévision câblée américaine des propos infondés et calomnieux
a l'égard de notre Primat.
3- Reprendre sans tarder le dialogue avec tous les fidèles de la
communauté de Nice afin de hâter leur retour au sein de notre
diocèse et de rétablir la concorde dans cette communauté meurtrie.
Nous recentrer sur la mission première de l'Eglise.
La récente convocation d'un synode général des évêques a Saint
Etchmiadzine a été un événement important non tant par son ordre
du jour mais par sa dimension symbolique puisque pour la première
fois depuis des siècles, il réunissait les deux Catholicos et
l'ensemble des évêques des quatre sièges hiérarchiques de l'Eglise
arménienne.
Toutefois, l'affirmation très symbolique de cette unité ne saurait
nous satisfaire et surtout répondre aux attentes et aux besoins des
fidèles de notre Eglise.
Au dela de la question de l'élection du nouveau primat, la tache qui
nous attend est immense pour mettre aussi fin a la crise générale
de l'Eglise arménienne. La question doit donc être débattue a
l'échelle de toute l'Eglise et pour se faire, la convocation d'un
concile comparable a celui de Vatican II ou a celui que préparent les
Eglises Orthodoxes s'avère a terme absolument incontournable. Mais
il nous faudra organiser très méthodiquement la chose au lieu de
nous contenter plus longtemps de mesures ponctuelles et cosmétiques
comme nous le faisons depuis trop longtemps. L'idée d'un tel
concile n'est ni nouvelle ni révolutionnaire puisque le Catholicos
Kévork V avait souhaité le convoquer en 1917, il y aura bientôt un
siècle. La situation de l'Arménie au moment de la Révolution russe,
puis pendant toute la période soviétique, n'avait pas permis sa
tenue. Aujourd'hui, les conditions pour sa convocation sont réunies
mais elle présuppose une préparation de plusieurs années et la
constitution de diverses commissions qui axeront les débats sur
les questions primordiales du Magistère de l'Eglise, de l'Autorité
en son sein, des divers types de Vocations (pastorale, monastique,
des laïcs, hommes et femmes), de la place et du rôle de l'Eglise
dans notre vie sociale et d'autres domaines a définir ensemble.
Mais avant tout, et plus que jamais dans son histoire, l'Eglise
arménienne doit aujourd'hui réaffirmer sa vocation fondamentale,
la même depuis le baptême du roi Drtad et de la reine Achkhen :
l'Evangélisation. Ainsi, Â" Ayant déposée tous les soucis du
monde Â", elle pourra alors ce recentrer sur sa vraie mission. Pour
y parvenir, il lui faut avant toute chose s'émanciper de la tutelle
des politiques. Elle doit cesser d'accepter d'être instrumentalisée
par les pouvoirs qui se succèdent en Arménie et les partis et les
clans en diaspora. L'exemple de sa Sainteté Vazken 1er, d'heureuse
mémoire, doit nous inspirer ce chemin, lui qui avait su avec adresse
assumer pleinement ses fonctions de Pasteur de tous les Arméniens
et de représentation de l'Eglise auprès d'un Etat dont le moins que
l'on puisse dire est qu'il n'était pas favorable a la Religion. C'est
après avoir reconquis son indépendance et renoué avec sa vocation,
après avoir retrouvé la confiance de ses fidèles, qu'elle pourra
les éclairer a la lumière des Evangiles et de sa Tradition sur
des questions aussi fondamentales que les rapports au sein de la
société, la bioéthique, les problèmes sociétaux. Sans vouloir
m'immiscer dans les affaires intérieures de la République d'Arménie,
il me semble d'ailleurs qu'aujourd'hui seule l'Eglise serait capable
d'instaurer dans la société arménienne des rapports d'amour et de
respect dans un pays où les rapports de force et de domination sont la
règle, a condition de le vouloir et de s'en donner les moyens. Dans
ce domaine, le colloque consacré aux relations entre l'Etat et
l'Eglise qui par une extraordinaire coïncidence va se tenir en fin
de semaine a Etchmiadzine, risque d'être aussi décevant que celui
qui avait eu lieu sur le même thème en Mars 2000. Si cette question
intéresse au premier chef les citoyens de la République d'Arménie,
elle n'est pas non plus sans importance et sans conséquences pour
nous, Arméniens de la Diaspora. Un seul Arménien de France a-t-il
d'ailleurs été invité a ce colloque ? Nous le suivrons malgré tout
avec intérêt même si nous ne nous faisons pas beaucoup d'illusions
sur ses conclusions et sur son impact sur notre vie spirituelle tant
en Arménie qu'en Diaspora.
Un concile pour entrer de plain-pied dans le 3ème millénaire
En Juin 2012, un colloque présidé par sa Sainteté le Catholicos
avait été organisé par le conseil de la cathédrale saint Sahak
et saint Mesrop de Marseille. Le thème qui m'avait été confié
était Â" Comment l'Eglise arménienne peut-elle entrer dans le 3ème
millénaire et répondre a tous ses défis ? Â". Sans aucune intention
de provocation, j'avais alors débuté mon exposé en affirmant qu'il
lui faudrait d'abord commencer par sortir du 20ème siècle que nous
n'avons pas encore collectivement quitté. Pour des raisons évidentes,
il me semble que ce siècle ne prendra véritablement fin pour nous
qu'en 2015.
Pour l'heure, la plus grande initiative de sa Sainteté Karékine
II serait indubitablement de convoquer ce concile qui s'impose de
manière aussi pressante, en concertation avec les trois autres sièges
hiérarchiques de notre Eglise. Cette assemblée pourrait se tenir
sur plusieurs semaines, voire plusieurs sessions de plusieurs semaines
pour permettre aux diverses commissions de travailler efficacement.
Cela implique avant tout de trouver les hommes et les femmes disposant
des compétences nécessaires pour nourrir et animer ces débats. Nous
le savons tous : Â" Pour tout peuple, il n'y a de richesse que ses
hommes et ses femmes Â". Nous trouverons bien ensuite les moyens
financiers nécessaires. L'expérience de l'Eglise Catholique en France
a la fin du 19ème et au début du 20ème siècle démontre que la
bonne santé spirituelle n'est pas conditionnée par la construction
de milliers d'églises comme cela a été le cas. Aujourd'hui, dans
un pays où l'on vend et transforme nombre d'églises et de couvents
en habitations, en commerces, en hôtels, voire que l'on détruit,
cette même Eglise de France invite ses fidèles a une Â" nouvelle
évangélisation Â" en lui consacrant tous les moyens humains et
matériels disponibles.
Nous aussi, comme les autres Chrétiens de notre pays, nous avons
avant tout faim de Â" la Parole de Dieu Â". Et c'est surtout du Â"
Pain de Vie Â" que nous avons besoin, pas d'idéologie ni de luttes
de pouvoir. Pour recevoir pleinement cette Parole (L'Evangile) et ce
Pain (L'Eucharistie), commencons par reconnaître que nous sommes
tous pécheurs. Dans un langage plus profane, faisons notre auto
critique, et mettons nous tous au travail. Agé de soixante-seize
ans au moment de son élection au siège patriarcal de Cilicie, au
moment où les survivants du Génocide devaient reconstruire l'Eglise
en même temps que leurs propres existences, sa Sainteté Karékine
1er Hovsépian déclarait Â" Ô³Õ¸O~@Õ® Õ¯Õ¡Õµ, Õ¯Õ¡Õµ Õ¸O~B Õ¯Õ¡Õµ Â"
(Du travail, il y en a, il y en aura encore et encore). En vérité,
une même mission, aussi démesurée que la sienne, mais tout aussi
exaltante, nous attend nous aussi. Les ouvriers ne doivent pas manquer.
Que le Seigneur inspire et guide aussi nos délégués dans leur
mission samedi prochain.
vendredi 18 octobre 2013, Ara ©armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=94047
OPINION
Le 19 Octobre, les membres de l'Assemblée des délégués de notre
diocèse vont se réunir a Marseille pour élire le successeur de
Monseigneur Norvan. Leur tache sera ardue et la succession s'annonce
difficile. Tout d'abord parce que trouver un candidat alliant les
qualités personnelles et les compétences de Monseigneur Norvan sera
une véritable gageure, mais aussi parce que la démission de notre
Primat et la crise qui en a résulté ont profondément troublé
et perturbé notre vie ecclésiale et communautaire. Cependant,
la situation qui prévaut actuellement dans notre communauté n'est
malheureusement qu'un épiphénomène d'une crise plus globale qui
perturbe durablement la vie de notre Eglise depuis plusieurs années.
L'occasion d'un premier bilan pour notre diocèse
Après plus de quatre-vingt ans d'attente, la fondation de notre
diocèse permettait d'espérer des transformations fondamentales dans
notre vie ecclésiale. L'organisation mise en place a partir de 2005/
2006 n'a peut-être pas produit tous les fruits escomptés, y compris
pour Mgr. Norvan, mais elle aura au moins eu le grand mérite de créer
des conditions favorables pour le développement d'une vie ecclésiale
plus conforme aux exigences évangéliques et a l'ecclésiologie de
notre Eglise. Certes, l'impatience et la volonté d'agir rapidement de
ses responsables contrastaient de manière criante avec la période de
stagnation caractérisée par l'absence de transparence et de dynamisme
du précédent Primat et de ses collaborateurs, mais il était aussi
illusoire d'imaginer que tout ce qui n'avait pas été réalisé,
voire distordu durant des décennies, pourrait être réparé ou
réalisé en quelques mois. Avant d'aller de l'avant, il nous faudra
donc faire un bilan de la période qui vient de prendre fin et qui
comporte malgré tout quelques belles réalisations.
En prémices a ce bilan, il apparaît de manière évidente que ce qui
a assurément fait défaut, c'est l'absence de ressources humaines, de
compétentes dédiées a cette tâche. De véritables équipes auraient
été nécessaires afin d'organiser et de promouvoir les actions du
diocèse dans les trois régions et dans les paroisses. Sans doute
l'accent n'a-t-il pas été suffisamment mis sur cette dimension. Mais
surtout, dans le même temps, le peu de moyens humains et financiers
dont nous disposions a été gâché, englouti, par la triste Â"
affaire de Nice Â".
Au lieu de nous préoccuper de catéchèse pour nos fidèles, de
pastorale pour nos familles et d'enseignement pour nos enfants, nous
avons dÃ" consacrer notre énergie et nos maigres moyens matériels a
résoudre par le recours a la Justice ce qui aurait dÃ" être soigné
par la Charité.
Pour de multiples raisons, cette catastrophique Â" affaire de
Nice Â" avec ce prêtre Â" ingérable Â" comme l'écrivait notre
Primat dans sa lettre de démission adressée au Catholicos, a été
instrumentalisée par certains acteurs de la vie communautaires qui
n'avaient visiblement d'autre but que d'empêcher la création des
structures diocésaines. Il conviendra donc de faire une analyse
objective de cette crise pour établir les responsabilités des uns
et des autres, et surtout pour rétablir la pleine communion de cette
communauté aujourd'hui divisée avec le diocèse et l'Eglise toute
entière, Eglise dont elle est aujourd'hui coupée. Par ailleurs,
la défense de ce prêtre par le Catholicos jusqu'a sa condamnation
par la Justice, et après même sa condamnation, reste pour tous
incompréhensible alors que d'autres ecclésiastiques ont été
sanctionnés pour des motifs infiniment moins graves. Sa Sainteté
demandait a Mgr. Norvan de défendre ce prêtre Â" au nom de l'honneur
de sa soutane Â". Ce prêtre n'a pas eu, lui, le souci de préserver
l'honneur de sa propre soutane, de son évêque, de son Patriarche
et de son Eglise toute entière. Pour la première fois en près
d'un siècle d'histoire de la communauté arménienne de France,
un de nos prêtres a été condamné par un tribunal.
Tous ces événements participent en réalité d'une crise profonde
qui, malgré ce que l'on peut lire dans une certaine presse d'Arménie
et de la Diaspora, n'est pas le fruit d'un complot qui viserait a
déstabiliser l'Eglise Apostolique Arménienne ou a nuire a l'unité
du peuple arménien et a la sécurité de l'Arménie. Cette version
de la Â" théorie du complot Â" appliquée a l'Eglise arménienne est
tout simplement ridicule et relève du conte pour enfant. Nous n'avons
malheureusement nul besoin de comploteurs pour nuire a notre Eglise.
Le Primat d'Erevan a lui tout seul suffit a organiser la chose.
Nous reconnaître pécheurs
Un des principes de base de l'ecclésiologie des Eglises
traditionnelles, dont la notre, est que bien que composée de pécheurs
- c'est a dire de gens moralement Â" mal portants Â" - l'Eglise,
en tant que corps mystique du Christ est sainte. Mais aujourd'hui,
la lucidité et le réalisme doivent nous faire admettre que, bien
que sainte, notre Eglise est visiblement malade, alors que chacun
d'entre nous se croit en bonne santé et qu'aucun d'entre nous ne se
reconnaît pécheur.
Pour autant, les fidèles et les religieux d'aujourd'hui ne sont
pas entièrement responsables de cette situation qui n'est pas
nouvelle et qui s'ancre dans une histoire dont nous sommes bien
involontairement les héritiers. Nos difficultés a répondre a cette
situation proviennent en grande partie du fait que nous n'avons pas
la connaissance de cette histoire et surtout d'idée claire de ce
qu'est l'Eglise.
La situation est complexe et grave mais naturellement pas
désespérée.
Chacun d'entre nous, d'où qu'il se trouve, au regard de sa vocation
et de ses compétences, pourra, et devra, contribuer a la réduction
de ces tensions et a rétablir la paix et la concorde dans notre
communauté.
Il y aura du travail pour tous, a condition de bien le vouloir.
Sortir de la crise
Les regards des fidèles de notre diocèse, mais aussi ceux de très
nombreux autres membres de l'Eglise arménienne a travers le monde,
seront tournés vers cette assemblée de nos délégués diocésains
qui se réunira a Marseille le 19 Octobre. Ceux-ci donneraient un
signal fort a l'ensemble de l'Eglise en élisant comme Primat un
homme qui saura être a la fois un père spirituel, un pasteur,
et naturellement un administrateur efficace, un homme a l'écoute
des fidèles, qui saura les représenter auprès du Catholicos et du
Conseil Spirituel Suprême.
Nos prières les accompagneront a l'occasion de cette réunion.
Mais, outre l'élection du nouveau Primat, cette assemblée devra
aussi veiller a rétablir la confiance a l'égard de l'institution
ecclésiale.
Elle doit pour cela :
1- Demander et obtenir des membres du Conseil Spirituel Suprême
de saint Etchmiadzine de revenir sur la formulation finale de leur
communiqué du 30 AoÃ"t qui constitue une véritable injustice a
l'égard de l'un de leurs aînés et d'un valeureux serviteur de
l'Eglise et du Catholicossat suprême. Nul n'est infaillible et le
repentir est agréable au Seigneur. Il y va de l'honneur d'un homme,
notre Primat, du leur, et de celui de toute notre communauté de
France. Ne pas entendre cela serait une grave faute.
2- Transmettre au Conseil de discipline du saint Siège d'Etchmiadzine
le dossier du père Vatché Hayrapétyan, déja condamné par la
Justice de notre pays, et qui tout récemment a tenu sur une chaîne
de télévision câblée américaine des propos infondés et calomnieux
a l'égard de notre Primat.
3- Reprendre sans tarder le dialogue avec tous les fidèles de la
communauté de Nice afin de hâter leur retour au sein de notre
diocèse et de rétablir la concorde dans cette communauté meurtrie.
Nous recentrer sur la mission première de l'Eglise.
La récente convocation d'un synode général des évêques a Saint
Etchmiadzine a été un événement important non tant par son ordre
du jour mais par sa dimension symbolique puisque pour la première
fois depuis des siècles, il réunissait les deux Catholicos et
l'ensemble des évêques des quatre sièges hiérarchiques de l'Eglise
arménienne.
Toutefois, l'affirmation très symbolique de cette unité ne saurait
nous satisfaire et surtout répondre aux attentes et aux besoins des
fidèles de notre Eglise.
Au dela de la question de l'élection du nouveau primat, la tache qui
nous attend est immense pour mettre aussi fin a la crise générale
de l'Eglise arménienne. La question doit donc être débattue a
l'échelle de toute l'Eglise et pour se faire, la convocation d'un
concile comparable a celui de Vatican II ou a celui que préparent les
Eglises Orthodoxes s'avère a terme absolument incontournable. Mais
il nous faudra organiser très méthodiquement la chose au lieu de
nous contenter plus longtemps de mesures ponctuelles et cosmétiques
comme nous le faisons depuis trop longtemps. L'idée d'un tel
concile n'est ni nouvelle ni révolutionnaire puisque le Catholicos
Kévork V avait souhaité le convoquer en 1917, il y aura bientôt un
siècle. La situation de l'Arménie au moment de la Révolution russe,
puis pendant toute la période soviétique, n'avait pas permis sa
tenue. Aujourd'hui, les conditions pour sa convocation sont réunies
mais elle présuppose une préparation de plusieurs années et la
constitution de diverses commissions qui axeront les débats sur
les questions primordiales du Magistère de l'Eglise, de l'Autorité
en son sein, des divers types de Vocations (pastorale, monastique,
des laïcs, hommes et femmes), de la place et du rôle de l'Eglise
dans notre vie sociale et d'autres domaines a définir ensemble.
Mais avant tout, et plus que jamais dans son histoire, l'Eglise
arménienne doit aujourd'hui réaffirmer sa vocation fondamentale,
la même depuis le baptême du roi Drtad et de la reine Achkhen :
l'Evangélisation. Ainsi, Â" Ayant déposée tous les soucis du
monde Â", elle pourra alors ce recentrer sur sa vraie mission. Pour
y parvenir, il lui faut avant toute chose s'émanciper de la tutelle
des politiques. Elle doit cesser d'accepter d'être instrumentalisée
par les pouvoirs qui se succèdent en Arménie et les partis et les
clans en diaspora. L'exemple de sa Sainteté Vazken 1er, d'heureuse
mémoire, doit nous inspirer ce chemin, lui qui avait su avec adresse
assumer pleinement ses fonctions de Pasteur de tous les Arméniens
et de représentation de l'Eglise auprès d'un Etat dont le moins que
l'on puisse dire est qu'il n'était pas favorable a la Religion. C'est
après avoir reconquis son indépendance et renoué avec sa vocation,
après avoir retrouvé la confiance de ses fidèles, qu'elle pourra
les éclairer a la lumière des Evangiles et de sa Tradition sur
des questions aussi fondamentales que les rapports au sein de la
société, la bioéthique, les problèmes sociétaux. Sans vouloir
m'immiscer dans les affaires intérieures de la République d'Arménie,
il me semble d'ailleurs qu'aujourd'hui seule l'Eglise serait capable
d'instaurer dans la société arménienne des rapports d'amour et de
respect dans un pays où les rapports de force et de domination sont la
règle, a condition de le vouloir et de s'en donner les moyens. Dans
ce domaine, le colloque consacré aux relations entre l'Etat et
l'Eglise qui par une extraordinaire coïncidence va se tenir en fin
de semaine a Etchmiadzine, risque d'être aussi décevant que celui
qui avait eu lieu sur le même thème en Mars 2000. Si cette question
intéresse au premier chef les citoyens de la République d'Arménie,
elle n'est pas non plus sans importance et sans conséquences pour
nous, Arméniens de la Diaspora. Un seul Arménien de France a-t-il
d'ailleurs été invité a ce colloque ? Nous le suivrons malgré tout
avec intérêt même si nous ne nous faisons pas beaucoup d'illusions
sur ses conclusions et sur son impact sur notre vie spirituelle tant
en Arménie qu'en Diaspora.
Un concile pour entrer de plain-pied dans le 3ème millénaire
En Juin 2012, un colloque présidé par sa Sainteté le Catholicos
avait été organisé par le conseil de la cathédrale saint Sahak
et saint Mesrop de Marseille. Le thème qui m'avait été confié
était Â" Comment l'Eglise arménienne peut-elle entrer dans le 3ème
millénaire et répondre a tous ses défis ? Â". Sans aucune intention
de provocation, j'avais alors débuté mon exposé en affirmant qu'il
lui faudrait d'abord commencer par sortir du 20ème siècle que nous
n'avons pas encore collectivement quitté. Pour des raisons évidentes,
il me semble que ce siècle ne prendra véritablement fin pour nous
qu'en 2015.
Pour l'heure, la plus grande initiative de sa Sainteté Karékine
II serait indubitablement de convoquer ce concile qui s'impose de
manière aussi pressante, en concertation avec les trois autres sièges
hiérarchiques de notre Eglise. Cette assemblée pourrait se tenir
sur plusieurs semaines, voire plusieurs sessions de plusieurs semaines
pour permettre aux diverses commissions de travailler efficacement.
Cela implique avant tout de trouver les hommes et les femmes disposant
des compétences nécessaires pour nourrir et animer ces débats. Nous
le savons tous : Â" Pour tout peuple, il n'y a de richesse que ses
hommes et ses femmes Â". Nous trouverons bien ensuite les moyens
financiers nécessaires. L'expérience de l'Eglise Catholique en France
a la fin du 19ème et au début du 20ème siècle démontre que la
bonne santé spirituelle n'est pas conditionnée par la construction
de milliers d'églises comme cela a été le cas. Aujourd'hui, dans
un pays où l'on vend et transforme nombre d'églises et de couvents
en habitations, en commerces, en hôtels, voire que l'on détruit,
cette même Eglise de France invite ses fidèles a une Â" nouvelle
évangélisation Â" en lui consacrant tous les moyens humains et
matériels disponibles.
Nous aussi, comme les autres Chrétiens de notre pays, nous avons
avant tout faim de Â" la Parole de Dieu Â". Et c'est surtout du Â"
Pain de Vie Â" que nous avons besoin, pas d'idéologie ni de luttes
de pouvoir. Pour recevoir pleinement cette Parole (L'Evangile) et ce
Pain (L'Eucharistie), commencons par reconnaître que nous sommes
tous pécheurs. Dans un langage plus profane, faisons notre auto
critique, et mettons nous tous au travail. Agé de soixante-seize
ans au moment de son élection au siège patriarcal de Cilicie, au
moment où les survivants du Génocide devaient reconstruire l'Eglise
en même temps que leurs propres existences, sa Sainteté Karékine
1er Hovsépian déclarait Â" Ô³Õ¸O~@Õ® Õ¯Õ¡Õµ, Õ¯Õ¡Õµ Õ¸O~B Õ¯Õ¡Õµ Â"
(Du travail, il y en a, il y en aura encore et encore). En vérité,
une même mission, aussi démesurée que la sienne, mais tout aussi
exaltante, nous attend nous aussi. Les ouvriers ne doivent pas manquer.
Que le Seigneur inspire et guide aussi nos délégués dans leur
mission samedi prochain.
vendredi 18 octobre 2013, Ara ©armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=94047