Announcement

Collapse
No announcement yet.

La Turquie, étape forcée pour les chrétiens de Syrie persécutés

Collapse
X
 
  • Filter
  • Time
  • Show
Clear All
new posts

  • La Turquie, étape forcée pour les chrétiens de Syrie persécutés

    Le Figaro , France
    Jeudi 26 Septembre 2013

    La Turquie, étape forcée pour les chrétiens de Syrie persécutés

    Marchand, Laure


    SON GRAND-PÈRE a été égorgé, décapité, « puis ils ont joué avec sa
    tête », raconte une vieille dame syrienne, foulard noué sous son
    menton tatoué à l'encre. C'était lors du génocide des Arméniens
    perpétré par les autorités ottomanes pendant la Première Guerre
    mondiale. Sa famille à elle était syriaque mais entre les diverses
    minorités chrétiennes, les sabres n'ont pas toujours fait la
    différence. « Cela s'est passé pas loin d'ici », poursuit-elle.

    À une trentaine de kilomètres de Mardin, ville du sud-est de la
    Turquie, où elle est aujourd'hui réfugiée avec Jean, son fils, sa
    belle-fille et ses deux petits-enfants. La famille Eilo a passé un
    siècle à fuir les persécutions. Elle a d'abord échappé aux massacres
    de 1915 en partant s'installer à Hassaké, grande ville à majorité
    kurde, dans le nord-est de la Syrie actuelle. Près d'un siècle plus
    tard, en 2013, elle a fait le chemin inverse, retournant en Turquie.
    Cette fois-ci à cause des djihadistes. « Ils font des incursions dans
    le centre d'Hassaké, certains ne parlent même pas arabe, raconte Jean,
    qui était ptissier. Ils ont kidnappé mon beau-frère devant chez lui
    et l'ont torturé. Il a fallu vendre sa maison pour pouvoir payer la
    rançon. » Dès sa libération, ils ont traversé la frontière toute
    proche. « À Hassaké, les seuls chrétiens qui restent sont les vieux
    qui sont isolés et les plus pauvres qui n'ont pas les moyens d'en
    partir. »Environ trois cents chrétiens du nord de la Syrie se trouvent
    actuellement dans cette région turque frontalière, partie de la
    Mésopotamie. « Les arrivées ont commencé l'an dernier, détaille Ayhan
    Gürkan, un des responsables de la petite communauté syriaque de la
    ville de Midyat. Le roulement est permanent, les nouveaux arrivants
    remplacent ceux qui partent pour l'Europe clandestinement. » La
    majorité a quitté la Syrie à cause des violences des rebelles
    fondamentalistes contre les chrétiens.Melek Haccar vient également
    d'Hassaké. Assis dans la fraîcheur de la cour de l'église Mor
    Barsavmo, qui résonne des cris d'enfants syriens, il serre son fils
    contre lui. Et il explique, les yeux remplis d'effroi, le contexte de
    l'enlèvement de son neveu de 8 ans, il y a trois mois : « Notre
    quartier n'est pas protégé par les forces kurdes, qui ont déjà fort à
    faire dans les zones kurdes de la ville. Des gens d'al-Qaida l'ont
    kidnappé dans la rue. Ils ont eu les renseignements grce à des
    complicités. » Tout en tenant son fils de plus en fort dans ses bras,
    ce charpentier de profession raconte que l'enfant a été séquestré 15
    jours et que les ravisseurs appelaient son père avec un téléphone
    satellite pour qu'il entende son fils le supplier de venir le libérer.
    Ce qui fut obtenu contre l'équivalent de 20 000 dollars. « Nous
    l'avons récupéré dans la maison d'un chef arabe, il a fallu lui donner
    de l'argent, à lui aussi. » Le mois dernier, ils ont décidé de fuir
    vers Midyat « déguisés en musulmans, avec des tchadors pour les
    femmes, pour ne pas être enlevés aux check-points tenus par al-Qaida
    ».Ayhan Gürkan s'inquiète de ce flot de départs. « Pour l'instant,
    nous faisons face et parvenons à assurer le logement, mais si Kameshli
    (ville syrienne sous contrôle kurde de l'autre côté de la frontière,
    NDLR) tombe entre les mains d'al-Qaida, ce sont 50 000 chrétiens qui
    vont arriver d'un coup. » Les autorités turques viennent de construire
    un camp réservé aux Syriens de confession chrétienne, juste derrière
    le monastère de Midyat, sur un terrain donné par un homme d'affaires
    syriaque local. Pour le moment, seules trois familles y sont
    hébergées, dont celle de Melek Haccar. Lui aussi est originaire d'ici,
    de cette région de Turquie appelée le Tur Abdin, qui signifie
    littéralement « la Montagne des serviteurs de Dieu ». Ses églises,
    dont la pierre prend une couleur dorée dans le soleil déclinant,
    témoignent d'une présence chrétienne historique. La communauté a subi
    une hémorragie tout au long du XXe siècle et elle ne compte plus que
    quelques milliers de membres.L'arrivée des chrétiens de Syrie
    pourrait-elle redonner vie à la Montagne des serviteurs de Dieu ?
    Melek Haccar est retourné à Mardin, la ville de son grand-père qui
    était tailleur de pierre. « Il avait réussi à fuir pendant le génocide
    en marchant sur des cadavres. Je suis allé demander où se trouvait la
    maison qui appartenait à «Melik Haccar, le tailleur de pierre». Elle
    existe toujours, des Turcs habitent dedans. » Ce père de famille
    espère désormais rejoindre l'Allemagne, via la Grèce et l'Italie,
    comme l'a fait son frère. Il ne se voit plus d'avenir en Syrie et en
    Turquie, « il n'y a plus de places pour les chrétiens ». Pour ce
    chrétien d'Orient, la terre de ses ancêtres n'est plus qu'une étape
    sur la route de l'exode.



    From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
Working...
X