Antisémitisme
Quand l'État sanctionne l'affreux Antisémitisme de la Turquie
Haaretz
Louis Fishman
Tout au long des deux dernières semaines, l'antisémitisme en Turquie a
déferlé. Beaucoup de citoyens mêlent à leurs critiques sur l'attaque
israélienne sur Gaza une condamnation de l'ensemble des Juifs. Même si
cette tendance ne s'observe pas uniquement en Turquie, le niveau
atteint par le discours de haine a atteint des niveaux dangereux, et
pose des questions sur le futur même de la communauté juive forte de
17 000 personnes. En fait, des menaces directes ont été faites contre
des Juifs de Turquie dans quelques uns des media progouvernementaux ;
la seule conclusion qu'in peut en tirer est que le gouvernement turc
est lui-même largement responsable de cette sinistre situation.
Pendant plus d'une décennie, j'ai vécu en Turquie et au dehors,
observant une société turque se diversifiant au gré des nouvelles
libertés qu'elle appréciait au cours des premières années du mandat
d'Erdogan.
Mais les années passant, les commentaires entre personnes et dans la
presse islamiste m'ont rappelé l'antisémitisme latent qui règne ici,
même si on le considérait généralement comme marginal. Malgré tout,
même aux pires jours, ceux du raid israélien contre la flottille de
Gaza soutenue par la Turquie, ou pendant la seconde guerre du Liban,
une éruption d'antisémitisme comme celle que nous avons vue cette
semaine, caractérisée par un éloge à Hitler, très répandu dans la
presse et les media sociaux, n'avait jamais eu lieu.
Quoi qu'il en soit, pour beaucoup de Juifs turcs ou non-turcs, la vie
continue à peu près normalement, dans la mesure où les atteintes qui
ont eu lieu ne sont pas visibles dans les rues où vivent ou habitent
les communautés.
La phrase entourée, en référence à la photo d'Hitler (traduite en
turc) veut dire : tu nous manque
Cette apparition au grand jour de l'antisémitisme ne date pas de cette
semaine. On l'a vu s'exprimer déjà l'an passé, lors des manifestations
de Gezi. Le gouvernement turc est parvenu à réduire ces manifestations
au silence, mais pas avant que le premier ministre Erdogan n'ait
désigné la " juiverie internationale " comme en étant l'instigatrice,
clamant qu'elles résultaient du travail du " lobby du taux d'intérêt
", une expression souvent attribuée aux financiers juifs et aux
magnats de la presse. Selon le premier ministre turc, le lobby visait
à affaiblir l'économie turque et s'efforçait de faire tomber le
gouvernement turc. Tout en évitant soigneusement d'employer le mot "
juif ", il ne s'est écoulé que peu de temps avant que l'un de ses
ministres ne dérape et ne déclare qu'il n'y avait aucun doute : un
groupe de la juiverie internationale était derrière les manifestations
de Gezi.
Ce qu'il y a de sûr, c'est que moins d'un mois s'était écoulé avant
que le président égyptien Mohammed Morsi soit chassé du pouvoir par un
coup d'état, une bonne gifle à Erdogan, qui se voyait déjà comme une
sorte de mentor pour les Frères Musulmans. Sur les media sociaux,
tandis que les massacres avaient lieu en Égypte, j'étais étonné de
voir le nombre de tweets en Turquie qui attribuaient la chute de Morsi
à une conspiration juive ; en fait, quelques uns allaient jusqu'Ã
déclarer que ceux qui tiraient sur les manifestants n'étaient pas des
Musulmans, mais de Juifs.
Il n'a pas fallu à Erdogan beaucoup de temps pour se dresser et
accuser Israël comme les instigateurs du coup d'état ; mais le
problème était qu'il l'imputait à Bernard-Henri Levy, un intellectuel
juif français, qui n'avait fait qu'assister à une conférence en 2011
sur le Printemps arabe aux côtés d'une membre du parlement de 'époque,
Tzipi Livni. Même si ce n'était qu'une histoire étrangement concoctée,
Erdogan semblait y croire, accompagné en cela par beaucoup de ses
collaborateurs.
Le tournant dans l'histoire de l'antisémitisme turc a été le scandale
de la corruption, qui touchait des hautes personnalités du
gouvernement et qui était analysé par Erdogan comme une tentative de
coup judiciaire fomenté par son ex allié fidèle, Fethullah Gulen,
exilé de lui-même aux États Unis, qui compte de nombreux amis en
Turquie et dans le monde.
Tandis qu'Erdogan devait mettre en place une purge touchant des
milliers d'officiers de police et de juges supposés avoir des liens
avec le mouvement de Gulen, ou appartenant à l " 'état parallèle " un
terme créé par Erdogan, le premier ministre et ses partisans se
souvinrent que Gulen avait critiqué le rôle du gouvernement dans la
flottille de Gaza - c'est ainsi que lui aussi s'est retrouvé blotti
sous l'aile d'Israël.
Étant données toutes ces affaires, il a fallu à Erdogan beaucoup
d'énergie pour maintenir un front de soutien, accueillant et
récompensant de nombreux groupes, parmi lesquels les journaux
antisémites, même marginaux, qui sont dorénavant beaucoup plus proches
des cercles du pouvoir. Tous ces changements ont également provoqué la
transformation de la culture politique de la Turquie, qui s'est
retrouvée extrêmement polarisée. Tout au long de l'année écoulée,
Erdogan s'est régulièrement laissé aller à des propos offensants et
grossiers contre ses opposants.
Il ne fait aucun doute que ces politiques très polarisées lui ont
rapporté une consolidation de sa base conservatrice déjà forte - mais
par l'aliénation de beaucoup d'autres secteurs de la société turque.
Il serait erroné de croire que la " juiverie mondiale " était la seule
cible de ses attaques. Les participants aux manifestations de Gezi ont
été faussement accusés d'avoir attaqué une religieuse et d'avoir
profané une mosquée, des allégations que bien que non prouvées,
étaient reprises dans les plus importants articles et répétées
plusieurs fois par Erdogan. Faisant suite avec la rupture avec le
mouvement Gulen, le langage d'Erdogan a atteint des sommets jamais
atteints auparavant en déclarant la chasse aux sorcières contre ses
membres, déclarant qu' "afin de stériliser cette eau infectée qui a
contaminé le lait, il faut soit le faire bouillir, soit la vaporiser
".
Lorsqu'un groupe représentant les Alévis, la plus importante minorité
de Turquie, a fait connaître son opposition à Erdogan, il mit en doute
de façon offensante leur appartenance à l'Islam. Erdogan a provoqué la
colère de la très petite communauté chiite lorsqu'il expliqua que les
Gulenistes étaient des séditieux et des méchants... encore pires que
les Chiites. En fait, de la même façon, le parlementaire Zafer
Caglayan, en référence au mouvement guleniste, déclara qu'il aurait
compris leurs actes (de trahison) s'ils avaient été juifs,
zoroastriens ou athées ; tout cela amena une sévère condamnation par
la Direction du Rabinat de Turquie.
Comme si les choses n'étaient pas suffisamment polarisées, la Turquie
ira aux urnes en août pour l'élection présidentielle, Erdogan étant
l'un des principaux candidats, offrant un terrain fertile à cette
dernière vague d'antisémitisme. Il semble cependant que plutôt que
d'emprunter une voie modérée, Erdogan ait donné le signal des annonces
radicales, le poussant à user de déclarations encore plus rugueuses
que par le passé. En outre, il faut se rappeler que l'antisémitisme et
l'éloge de Hitler - et les attaques contre Israël - ont donné à des
parties divisées de la société turque le goût de l'unité et des
raisons de se rassembler.
Au cours des deux dernières semaines, les Juifs de Turquie ont été la
cible des plus affreuses campagnes, de menaces les plus honteuses
dirigées contre la communauté, et même contre des touristes juifs
étrangers. Un journaliste a demandé que les Juifs condamnent
publiquement Israël ; ils pourraient sinon subir des pogroms comme la
communauté grecque les a subis en 1955. Dans le même quotidien, Yeni
Akit, on pouvait voir une grille du genre mots croisés avec le
portrait d'Hitler ornant le centre avec le slogan : " Tu nous manques
". Beaucoup de Turcs ont réagi, choqués, mais cela n'est aucunement un
incident isolé. Une agence de presse progouvernementale a tweeté les
termes provocants de l'IHH Humanitarian Relief Foundation, Bulent
Yildirim, qui a déclaré : " Si la communauté juive turque ne met pas
fin aux actes d'Israël, de très vilaines choses peuvent arriver ". Il
a expliqué dans un tweet suivant qu'il était de plus en plus difficile
de contenir ' notre jeunesse ", suggérant en fait que la violence
contre les Juifs turcs était imminente.
Comme si de telles déclarations dans la presse progouvernementale ne
suffisaient pas, un élu du parti au pouvoir l'AKP, Samil Tayyar, a
twitté un message aux Juifs : Que votre race s'éteigne, et puisse
Hitler ne jamis trop s'éloigner. En outre, le maire d'Ankara dévoué Ã
Erdogan Melih Gokcek, s'est distingué en soutenant le chanteur Yildiz
Tilbe qui a fait l'éloge d'Hitler sur Twitter.
C'est à la suite de ces expressions de haine envers les Juifs
qu'Erdogan, dans un discours de campagne électorale, a dit de la
barbarie d'Israël qu'elle était encore pire que celle d'Hitler, une
affirmation qui aura offensé tout Juif, quels que soient ses rapports
avec Israël. Il a poursuivi en atténuant ses propos, déclarant : " Je
n'approuve aucune [mauvaise] attitude envers nos citoyens juifs en
Turquie, en dépit de tout cela. Pourquoi ? Ce sont les citoyens de ce
pays ". Ces mots promouvant finalement le droit à la sécurité des
citoyens juifs de Turquie, apportent trop peu et arrivent trop tard.
Il n'a toujours pas condamné publiquement ni les louanges à Hitler que
des membres de son propre parti ont fait, ni leurs déclarations
antisémites, pas plus qu'il n'a condamné les menaces contre les
membres de la communauté juive de Turquie dans la presse
progouvernementale.
Sur la face éclairée de ce sombre tableau, on voit que si les media
sociaux ont fourni le terreau des déclarations antisémites, ils ont
également mis en lumière la condamnation de l'antisémitisme par de
nombreux journalistes turcs et des individus indignés, avec même des
voix issues de la presse progouvernementale la plus modérée. Il semble
prudent, cependant, de dire que dans les remous de l'atmosphère
d'antisémitisme flagrant, des familles juives plus nombreuses seront
convaincues que le temps est venu de s'en aller, une décision que
beaucoup de Juifs ont prise au cours des dix années coulées. S'ils
restent, ils font le choix de survivre à l'intérieur de leur propre
bulle psychologique et physique, ou de continuer en ignorant le fait
que beaucoup de leurs compatriotes les voient comme des ennemis.
Traduction Gilbert Béguian pour Armenews
jeudi 28 août 2014,
Jean Eckian (c)armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=102772
Quand l'État sanctionne l'affreux Antisémitisme de la Turquie
Haaretz
Louis Fishman
Tout au long des deux dernières semaines, l'antisémitisme en Turquie a
déferlé. Beaucoup de citoyens mêlent à leurs critiques sur l'attaque
israélienne sur Gaza une condamnation de l'ensemble des Juifs. Même si
cette tendance ne s'observe pas uniquement en Turquie, le niveau
atteint par le discours de haine a atteint des niveaux dangereux, et
pose des questions sur le futur même de la communauté juive forte de
17 000 personnes. En fait, des menaces directes ont été faites contre
des Juifs de Turquie dans quelques uns des media progouvernementaux ;
la seule conclusion qu'in peut en tirer est que le gouvernement turc
est lui-même largement responsable de cette sinistre situation.
Pendant plus d'une décennie, j'ai vécu en Turquie et au dehors,
observant une société turque se diversifiant au gré des nouvelles
libertés qu'elle appréciait au cours des premières années du mandat
d'Erdogan.
Mais les années passant, les commentaires entre personnes et dans la
presse islamiste m'ont rappelé l'antisémitisme latent qui règne ici,
même si on le considérait généralement comme marginal. Malgré tout,
même aux pires jours, ceux du raid israélien contre la flottille de
Gaza soutenue par la Turquie, ou pendant la seconde guerre du Liban,
une éruption d'antisémitisme comme celle que nous avons vue cette
semaine, caractérisée par un éloge à Hitler, très répandu dans la
presse et les media sociaux, n'avait jamais eu lieu.
Quoi qu'il en soit, pour beaucoup de Juifs turcs ou non-turcs, la vie
continue à peu près normalement, dans la mesure où les atteintes qui
ont eu lieu ne sont pas visibles dans les rues où vivent ou habitent
les communautés.
La phrase entourée, en référence à la photo d'Hitler (traduite en
turc) veut dire : tu nous manque
Cette apparition au grand jour de l'antisémitisme ne date pas de cette
semaine. On l'a vu s'exprimer déjà l'an passé, lors des manifestations
de Gezi. Le gouvernement turc est parvenu à réduire ces manifestations
au silence, mais pas avant que le premier ministre Erdogan n'ait
désigné la " juiverie internationale " comme en étant l'instigatrice,
clamant qu'elles résultaient du travail du " lobby du taux d'intérêt
", une expression souvent attribuée aux financiers juifs et aux
magnats de la presse. Selon le premier ministre turc, le lobby visait
à affaiblir l'économie turque et s'efforçait de faire tomber le
gouvernement turc. Tout en évitant soigneusement d'employer le mot "
juif ", il ne s'est écoulé que peu de temps avant que l'un de ses
ministres ne dérape et ne déclare qu'il n'y avait aucun doute : un
groupe de la juiverie internationale était derrière les manifestations
de Gezi.
Ce qu'il y a de sûr, c'est que moins d'un mois s'était écoulé avant
que le président égyptien Mohammed Morsi soit chassé du pouvoir par un
coup d'état, une bonne gifle à Erdogan, qui se voyait déjà comme une
sorte de mentor pour les Frères Musulmans. Sur les media sociaux,
tandis que les massacres avaient lieu en Égypte, j'étais étonné de
voir le nombre de tweets en Turquie qui attribuaient la chute de Morsi
à une conspiration juive ; en fait, quelques uns allaient jusqu'Ã
déclarer que ceux qui tiraient sur les manifestants n'étaient pas des
Musulmans, mais de Juifs.
Il n'a pas fallu à Erdogan beaucoup de temps pour se dresser et
accuser Israël comme les instigateurs du coup d'état ; mais le
problème était qu'il l'imputait à Bernard-Henri Levy, un intellectuel
juif français, qui n'avait fait qu'assister à une conférence en 2011
sur le Printemps arabe aux côtés d'une membre du parlement de 'époque,
Tzipi Livni. Même si ce n'était qu'une histoire étrangement concoctée,
Erdogan semblait y croire, accompagné en cela par beaucoup de ses
collaborateurs.
Le tournant dans l'histoire de l'antisémitisme turc a été le scandale
de la corruption, qui touchait des hautes personnalités du
gouvernement et qui était analysé par Erdogan comme une tentative de
coup judiciaire fomenté par son ex allié fidèle, Fethullah Gulen,
exilé de lui-même aux États Unis, qui compte de nombreux amis en
Turquie et dans le monde.
Tandis qu'Erdogan devait mettre en place une purge touchant des
milliers d'officiers de police et de juges supposés avoir des liens
avec le mouvement de Gulen, ou appartenant à l " 'état parallèle " un
terme créé par Erdogan, le premier ministre et ses partisans se
souvinrent que Gulen avait critiqué le rôle du gouvernement dans la
flottille de Gaza - c'est ainsi que lui aussi s'est retrouvé blotti
sous l'aile d'Israël.
Étant données toutes ces affaires, il a fallu à Erdogan beaucoup
d'énergie pour maintenir un front de soutien, accueillant et
récompensant de nombreux groupes, parmi lesquels les journaux
antisémites, même marginaux, qui sont dorénavant beaucoup plus proches
des cercles du pouvoir. Tous ces changements ont également provoqué la
transformation de la culture politique de la Turquie, qui s'est
retrouvée extrêmement polarisée. Tout au long de l'année écoulée,
Erdogan s'est régulièrement laissé aller à des propos offensants et
grossiers contre ses opposants.
Il ne fait aucun doute que ces politiques très polarisées lui ont
rapporté une consolidation de sa base conservatrice déjà forte - mais
par l'aliénation de beaucoup d'autres secteurs de la société turque.
Il serait erroné de croire que la " juiverie mondiale " était la seule
cible de ses attaques. Les participants aux manifestations de Gezi ont
été faussement accusés d'avoir attaqué une religieuse et d'avoir
profané une mosquée, des allégations que bien que non prouvées,
étaient reprises dans les plus importants articles et répétées
plusieurs fois par Erdogan. Faisant suite avec la rupture avec le
mouvement Gulen, le langage d'Erdogan a atteint des sommets jamais
atteints auparavant en déclarant la chasse aux sorcières contre ses
membres, déclarant qu' "afin de stériliser cette eau infectée qui a
contaminé le lait, il faut soit le faire bouillir, soit la vaporiser
".
Lorsqu'un groupe représentant les Alévis, la plus importante minorité
de Turquie, a fait connaître son opposition à Erdogan, il mit en doute
de façon offensante leur appartenance à l'Islam. Erdogan a provoqué la
colère de la très petite communauté chiite lorsqu'il expliqua que les
Gulenistes étaient des séditieux et des méchants... encore pires que
les Chiites. En fait, de la même façon, le parlementaire Zafer
Caglayan, en référence au mouvement guleniste, déclara qu'il aurait
compris leurs actes (de trahison) s'ils avaient été juifs,
zoroastriens ou athées ; tout cela amena une sévère condamnation par
la Direction du Rabinat de Turquie.
Comme si les choses n'étaient pas suffisamment polarisées, la Turquie
ira aux urnes en août pour l'élection présidentielle, Erdogan étant
l'un des principaux candidats, offrant un terrain fertile à cette
dernière vague d'antisémitisme. Il semble cependant que plutôt que
d'emprunter une voie modérée, Erdogan ait donné le signal des annonces
radicales, le poussant à user de déclarations encore plus rugueuses
que par le passé. En outre, il faut se rappeler que l'antisémitisme et
l'éloge de Hitler - et les attaques contre Israël - ont donné à des
parties divisées de la société turque le goût de l'unité et des
raisons de se rassembler.
Au cours des deux dernières semaines, les Juifs de Turquie ont été la
cible des plus affreuses campagnes, de menaces les plus honteuses
dirigées contre la communauté, et même contre des touristes juifs
étrangers. Un journaliste a demandé que les Juifs condamnent
publiquement Israël ; ils pourraient sinon subir des pogroms comme la
communauté grecque les a subis en 1955. Dans le même quotidien, Yeni
Akit, on pouvait voir une grille du genre mots croisés avec le
portrait d'Hitler ornant le centre avec le slogan : " Tu nous manques
". Beaucoup de Turcs ont réagi, choqués, mais cela n'est aucunement un
incident isolé. Une agence de presse progouvernementale a tweeté les
termes provocants de l'IHH Humanitarian Relief Foundation, Bulent
Yildirim, qui a déclaré : " Si la communauté juive turque ne met pas
fin aux actes d'Israël, de très vilaines choses peuvent arriver ". Il
a expliqué dans un tweet suivant qu'il était de plus en plus difficile
de contenir ' notre jeunesse ", suggérant en fait que la violence
contre les Juifs turcs était imminente.
Comme si de telles déclarations dans la presse progouvernementale ne
suffisaient pas, un élu du parti au pouvoir l'AKP, Samil Tayyar, a
twitté un message aux Juifs : Que votre race s'éteigne, et puisse
Hitler ne jamis trop s'éloigner. En outre, le maire d'Ankara dévoué Ã
Erdogan Melih Gokcek, s'est distingué en soutenant le chanteur Yildiz
Tilbe qui a fait l'éloge d'Hitler sur Twitter.
C'est à la suite de ces expressions de haine envers les Juifs
qu'Erdogan, dans un discours de campagne électorale, a dit de la
barbarie d'Israël qu'elle était encore pire que celle d'Hitler, une
affirmation qui aura offensé tout Juif, quels que soient ses rapports
avec Israël. Il a poursuivi en atténuant ses propos, déclarant : " Je
n'approuve aucune [mauvaise] attitude envers nos citoyens juifs en
Turquie, en dépit de tout cela. Pourquoi ? Ce sont les citoyens de ce
pays ". Ces mots promouvant finalement le droit à la sécurité des
citoyens juifs de Turquie, apportent trop peu et arrivent trop tard.
Il n'a toujours pas condamné publiquement ni les louanges à Hitler que
des membres de son propre parti ont fait, ni leurs déclarations
antisémites, pas plus qu'il n'a condamné les menaces contre les
membres de la communauté juive de Turquie dans la presse
progouvernementale.
Sur la face éclairée de ce sombre tableau, on voit que si les media
sociaux ont fourni le terreau des déclarations antisémites, ils ont
également mis en lumière la condamnation de l'antisémitisme par de
nombreux journalistes turcs et des individus indignés, avec même des
voix issues de la presse progouvernementale la plus modérée. Il semble
prudent, cependant, de dire que dans les remous de l'atmosphère
d'antisémitisme flagrant, des familles juives plus nombreuses seront
convaincues que le temps est venu de s'en aller, une décision que
beaucoup de Juifs ont prise au cours des dix années coulées. S'ils
restent, ils font le choix de survivre à l'intérieur de leur propre
bulle psychologique et physique, ou de continuer en ignorant le fait
que beaucoup de leurs compatriotes les voient comme des ennemis.
Traduction Gilbert Béguian pour Armenews
jeudi 28 août 2014,
Jean Eckian (c)armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=102772