OPINION
Le potentiel d'une pétition : la voix d'un peuple, par Liliane Daronian
Une pétition à l'attention de la Conseillère fédérale, Simonetta
Sommaruga, Cheffe du Département fédéral de justice et police à Berne
et à l'attention de la Cour européennes des droits de l'homme, est
mise en ligne du 4 janvier au 18 mars 2014. Cette pétition s'élève
contre un arrêt de la Cour, datée du 17 décembre 2013, qui donne
raison au négateur du génocide arménien D. Perinçek et condamne la
Suisse pour atteinte à la liberté d'expression. La Suisse a jusqu'au
17 mars pour intenter un recours contre ce jugement.
L'arrêt extraordinairement grave de la Cour européenne des droits de
l'homme qui encourage le négationnisme a transformé soudain en de
véritables cibles tous ceux qui se réclament d'une appartenance
arménienne. Il produit des dégts, des souffrances, des dangers. Il
blesse les Arméniens dans leur soif inextinguible de justice. Nous le
savons, et plus encore le savent les Arméniens vivant en Turquie. Le
peuple arménien n'est pas seulement diffamé, c'est son droit à
l'existence qui est mis en jeu, mis en joue. Et au-delà des Arméniens,
l'effet destructeur d'un tel arrêt touche, en maltraitant la dignité
humaine, l'humanité entière. L'ironie diabolique, vertigineuse, qui
veut que le Conseil constitutionnel du pays dit des droits de l'homme
ait eu sa part dans cet arrêt de la Cour, donne le coup de grce.
C'est donc le monde à l'envers, le règne du désordre, l'ordre logique
des choses inversé : c'est Carnaval !
L'arrêt de la CEDH apparaît comme un support qui permet le passage
d'un message crypté adressé par la Turquie aux Arméniens : « Que les
festivités de 2015 commencent, nous serons ceux qui défendent les
valeurs universelles, vous apparaîtrez, vous les Arméniens, comme ceux
qui les piétinent. »
C'est donc une pétition d'une nature très particulière qu'il nous est
donné de signer. Elle figure potentiellement une bataille cruciale, de
ces batailles qui dans l'histoire en ont appelé au sursaut du peuple
arménien. Comment provoquer le sursaut lorsque le danger n'apparaît
pas d'emblée sous une forme concrète, par exemple sous la forme d'une
armée composée de soldats de chair et d'os ? Pourtant vous êtes
attaqués, vous le ressentez, vous êtes attaqués dans ce qui fait ce
que vous êtes. Vous le ressentez douloureusement si déjà vous ne
l'avez pas refoulé, et en cela vous avez la démonstration que oui,
vraiment, la négation d'un génocide c'est bien sa perpétuation, c'est
bien, au-delà des `propos attentatoires à la mémoire des victimes et
diffamatoires à l'égard des descendants` le prolongement de
l'intention génocidaire parmi les générations survivantes.
Faisant face à l `arrêt de la CEDH, cette pétition propose de faire
front, encourageant la Suisse à rester ferme, à ne pas plier, à
intenter un recours. Elle donne l'opportunité de transformer le
ressenti intime, personnel, en expression collective. La démarche est
résolument démocratique : chacun s'exprime au moment d'apposer sa
signature. À l'arrivée, cela devient l'expression de la volonté
d'exister d'un peuple, et pour tous les humanistes, les universalistes
l'occasion d'exprimer que l'égale dignité des peuples est l'une des
conditions de l'égale dignité des hommes.
C'est dire qu'il faut aborder cette pétition tout autrement. Avec
ambition. D'abord, il faut bien réaliser - et le faire vite car le
temps presse - que cette pétition, nous donne peut-être pour la
première fois l'occasion de nous exprimer - grce à internet, aux
réseaux sociaux - ensemble en tant que peuple, l'Arménie et la
diaspora, où que nous nous trouvions sur la planète. Cette pétition
est un test pour 2015. Elle exprime notre blessure, nos droits, le
droit des peuples à l'existence, la défense du principe de la dignité
humaine. Elle n'est pas l'expression de telle ou telle association,
pas même celle du CCAF qui en a pris l'initiative, mais une expérience
de démocratie directe pour le peuple arménien partout où il se trouve,
une expérience de démocratie directe pour tous les démocrates sur la
ligne de la défense de la dignité humaine, y compris et surtout pour
les démocrates turcs.
À l'heure où j'écris, nous n'en sommes même pas à 1000 signatures. Il
en faudrait 100000 pour le moins. Un « intellectuel » qui sévit sur
internet aux ordres de la politique négationniste de la Turquie,
rigole tant qu'il peut : il relève, en fanfaronnant, le peu de
signataires et prévient : « Cette pétition est un cri de rage qui se
perdra dans le désert ». Peut-être fait-il inconsciemment référence à
tous ceux qui ont laissé leur vie dans d'autres déserts ? Dans un
autre temps ? N'est-ce pas ?
Alors le sursaut est indispensable. Manquer ce rendez-vous serait
lamentable pour chacun d'entre nous et chacune de nos instances. Le
champ de bataille n'est ni Avaraïr, ni Sardarabad, il est cette
fois-ci sur internet et il faut se battre : à chacun son carnet
d'adresses, aux associations, aux grandes organisations implantées
dans divers pays leur mobilisation maximum, à chacun ses réseaux, ses
sites, ses pages Facebook ... Aux spécialistes en communication, leurs
conseils ... Aux créateurs de tous ordres, leurs créations ...
Allo quoi !!! Réagissez !!!
Il a raison l' « intellectuel » : j'ai la rage, tu as la rage, nous
avons la rage !!
Liliane Daronian
Paris, le 10.01.2014
samedi 11 janvier 2014,
Ara ©armenews.com
Le potentiel d'une pétition : la voix d'un peuple, par Liliane Daronian
Une pétition à l'attention de la Conseillère fédérale, Simonetta
Sommaruga, Cheffe du Département fédéral de justice et police à Berne
et à l'attention de la Cour européennes des droits de l'homme, est
mise en ligne du 4 janvier au 18 mars 2014. Cette pétition s'élève
contre un arrêt de la Cour, datée du 17 décembre 2013, qui donne
raison au négateur du génocide arménien D. Perinçek et condamne la
Suisse pour atteinte à la liberté d'expression. La Suisse a jusqu'au
17 mars pour intenter un recours contre ce jugement.
L'arrêt extraordinairement grave de la Cour européenne des droits de
l'homme qui encourage le négationnisme a transformé soudain en de
véritables cibles tous ceux qui se réclament d'une appartenance
arménienne. Il produit des dégts, des souffrances, des dangers. Il
blesse les Arméniens dans leur soif inextinguible de justice. Nous le
savons, et plus encore le savent les Arméniens vivant en Turquie. Le
peuple arménien n'est pas seulement diffamé, c'est son droit à
l'existence qui est mis en jeu, mis en joue. Et au-delà des Arméniens,
l'effet destructeur d'un tel arrêt touche, en maltraitant la dignité
humaine, l'humanité entière. L'ironie diabolique, vertigineuse, qui
veut que le Conseil constitutionnel du pays dit des droits de l'homme
ait eu sa part dans cet arrêt de la Cour, donne le coup de grce.
C'est donc le monde à l'envers, le règne du désordre, l'ordre logique
des choses inversé : c'est Carnaval !
L'arrêt de la CEDH apparaît comme un support qui permet le passage
d'un message crypté adressé par la Turquie aux Arméniens : « Que les
festivités de 2015 commencent, nous serons ceux qui défendent les
valeurs universelles, vous apparaîtrez, vous les Arméniens, comme ceux
qui les piétinent. »
C'est donc une pétition d'une nature très particulière qu'il nous est
donné de signer. Elle figure potentiellement une bataille cruciale, de
ces batailles qui dans l'histoire en ont appelé au sursaut du peuple
arménien. Comment provoquer le sursaut lorsque le danger n'apparaît
pas d'emblée sous une forme concrète, par exemple sous la forme d'une
armée composée de soldats de chair et d'os ? Pourtant vous êtes
attaqués, vous le ressentez, vous êtes attaqués dans ce qui fait ce
que vous êtes. Vous le ressentez douloureusement si déjà vous ne
l'avez pas refoulé, et en cela vous avez la démonstration que oui,
vraiment, la négation d'un génocide c'est bien sa perpétuation, c'est
bien, au-delà des `propos attentatoires à la mémoire des victimes et
diffamatoires à l'égard des descendants` le prolongement de
l'intention génocidaire parmi les générations survivantes.
Faisant face à l `arrêt de la CEDH, cette pétition propose de faire
front, encourageant la Suisse à rester ferme, à ne pas plier, à
intenter un recours. Elle donne l'opportunité de transformer le
ressenti intime, personnel, en expression collective. La démarche est
résolument démocratique : chacun s'exprime au moment d'apposer sa
signature. À l'arrivée, cela devient l'expression de la volonté
d'exister d'un peuple, et pour tous les humanistes, les universalistes
l'occasion d'exprimer que l'égale dignité des peuples est l'une des
conditions de l'égale dignité des hommes.
C'est dire qu'il faut aborder cette pétition tout autrement. Avec
ambition. D'abord, il faut bien réaliser - et le faire vite car le
temps presse - que cette pétition, nous donne peut-être pour la
première fois l'occasion de nous exprimer - grce à internet, aux
réseaux sociaux - ensemble en tant que peuple, l'Arménie et la
diaspora, où que nous nous trouvions sur la planète. Cette pétition
est un test pour 2015. Elle exprime notre blessure, nos droits, le
droit des peuples à l'existence, la défense du principe de la dignité
humaine. Elle n'est pas l'expression de telle ou telle association,
pas même celle du CCAF qui en a pris l'initiative, mais une expérience
de démocratie directe pour le peuple arménien partout où il se trouve,
une expérience de démocratie directe pour tous les démocrates sur la
ligne de la défense de la dignité humaine, y compris et surtout pour
les démocrates turcs.
À l'heure où j'écris, nous n'en sommes même pas à 1000 signatures. Il
en faudrait 100000 pour le moins. Un « intellectuel » qui sévit sur
internet aux ordres de la politique négationniste de la Turquie,
rigole tant qu'il peut : il relève, en fanfaronnant, le peu de
signataires et prévient : « Cette pétition est un cri de rage qui se
perdra dans le désert ». Peut-être fait-il inconsciemment référence à
tous ceux qui ont laissé leur vie dans d'autres déserts ? Dans un
autre temps ? N'est-ce pas ?
Alors le sursaut est indispensable. Manquer ce rendez-vous serait
lamentable pour chacun d'entre nous et chacune de nos instances. Le
champ de bataille n'est ni Avaraïr, ni Sardarabad, il est cette
fois-ci sur internet et il faut se battre : à chacun son carnet
d'adresses, aux associations, aux grandes organisations implantées
dans divers pays leur mobilisation maximum, à chacun ses réseaux, ses
sites, ses pages Facebook ... Aux spécialistes en communication, leurs
conseils ... Aux créateurs de tous ordres, leurs créations ...
Allo quoi !!! Réagissez !!!
Il a raison l' « intellectuel » : j'ai la rage, tu as la rage, nous
avons la rage !!
Liliane Daronian
Paris, le 10.01.2014
samedi 11 janvier 2014,
Ara ©armenews.com