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Un Bus Humanitaire Pour Le Kurdistan Irakien Avec Elise Boghossian*

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    UN BUS HUMANITAIRE POUR LE KURDISTAN IRAKIEN AVEC ELISE BOGHOSSIAN* (1)

    TEMOIGNAGE

    C'est toujours troublant de revenir ici et de replonger dans cet
    univers. Passer la douane a l'aeroport avec ses panneaux publicitaires
    de telephonie ou Dior, attendre sa valise parmi quelques grappes
    d'europeens, journalistes ou investisseurs petroliers, quitter
    les grands hôtels de luxe de la ville et rouler sur des dizaines de
    kilomètres dans les grandes plaines, pour retrouver les camps les plus
    isoles, les memes refugies avec les memes tenues, rases ou aux cheveux
    longs, le temps semble s'etre arrete sur eux. Meme la dechèterie
    où vivent les yezidis n'a pas change, les grilles faisant office
    de lit, avec ses corbeaux et sa mise en scène, c'est presque beau,
    comme si un artiste avait mis sa patte a l'oeuvre. Le meme decor,
    le meme quotidien, le meme abandon.

    Viyan est venu me chercher a l'aeroport. Il est kurde, pharmacien,
    et fondateur du Kurdistan Medical Charity Foundation. Mon amie Dilnaz,
    la fille de la princesse, me l'avait presente comme un homme de terrain
    très fiable, devoue. Le grand-père de Viyan a ete torture a mort par
    les turcs parce qu'il hebergeait des armeniens en 1915 en Turquie. Son
    père s'est alors echappe a Baghdad, il etait un ami très intime de
    la famille de la princesse. Viyan a suivi ses etudes en Ukraine,
    et il met son temps, son energie, sa vie entière au service des
    refugies, quelques soient leur origine, leur religion, leur langue,
    que ce soit les syriens, les yezidis, les chretiens, les refugies de
    Salaheddin, de Ramadi, de Falluja, les sunnites, les shabaks et les
    kakis. Deux cent benevoles medecins et infirmiers travaillent avec
    lui. Nous avions eu quelques echanges avant mon arrivee en septembre,
    notre collaboration auprès des malades etait reussie et nous sommes
    heureux a l'idee de continuer a travailler ensemble.

    Par rapport a l'ete dernier où les ONG n'etaient pas presentes, on
    ressent une volonte de mettre une vraie organisation en place. Les
    jardins publics de Erbil ont ete vides. La nuit est beaucoup trop
    froide, et les recents afflux massifs de refugies de Kirkouk et
    de Kobane ont eu comme consequence l'ouverture d'anciennes usines,
    l'amenagement de caves ou centres commerciaux desaffectes. Les Nations
    Unies essaient de federer l'ensemble des organisations humanitaires
    et l'UNHCR fournit chaque famille en kit de couvertures et vetements,
    de l'eau, des couches et de la nourriture. Dans les tentes, chaque
    famille preserve son espace. Les chaussures restent a l'entree et
    nous marchons en chaussettes sur la bâche posee au sol, la photo de la
    vierge avec un chapelet sont accroches au pied de vis de l'ampoule, la
    theière est toujours prete sur le petit rechaud a terre, les matelas
    sont empiles avec des couvertures pliees près d'un cageot en bois
    contenant du riz, des aubergines et des tomates, les plus riches ont
    un poste de radio. A l'entree de ces bâtiments abritant entre 400 et
    1500 individus, un ou deux prefabriques permettent d'enregistrer les
    nouveaux arrivants, et des benevoles kurdes ou etrangers repondent
    aux soins de première necessite. Selon la religion des refugies,
    on peut rencontrer aussi un pretre, un imam, etc. Les autorites
    publiques essaient de debaucher des medecins des hôpitaux de la ville,
    eux-memes par ailleurs engorges. Alors quelques soins sont assures,
    notamment auprès des personnes âgees et des enfants. Pour le reste,
    il faut patienter ...

    Dans les plaines environnantes et les villages voisins, c'est bien
    pire encore. Près de dechèteries ou de troupeaux de moutons noirs,
    les camps sont securises par les barbeles et les peshmergues. Les
    epidemies de chaleur de l'ete dernier ont entraîne beaucoup de decès,
    et a l'image des camps, les cimetières sont surcharges. Des tracteurs
    retournent la terre autour des camps pour les agrandir car il a
    fallu heberger des centaines de familles qui sont arrivees la semaine
    dernière. Simplement dans la province de Duhok, a 3h de route au nord
    de Erbil, il y a 17 camps pour 850 000 residents, ca laisse une idee
    du pourcentage de soins reellement pratiques, et le nombre de refugies
    presents sur l'ensemble des trois provinces du Kurdistan. Avec leurs
    cinquante places assises, les tentes amenagees par l'UNICEF essaient
    d'eviter la rupture scolaire auprès des enfants. Mais le desespoir de
    ces familles est tel que les enfants eux-memes semblent deja vieux. On
    les voit parfois jouer entre eux, en improvisant des jeux de billes a
    partir de boue et en faisant des trous dans la terre. Les adolescents
    portent l'eau, vous proposent de cirer vos chaussures, vous supplie
    de leur donner du travail. Originaires de Mosoul, Baghdad, Alep... ,
    les parents sont professeurs, architectes, cordonniers, restaurateurs
    d'objets d'art, cuisiniers. On lit dans leur regard la honte d'etre
    devenu mendiant du jour au lendemain.

    Il y a une explosion des grossesses dans les camps,
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