REVUE DE PRESSE
A Mardin, les réfugiés chrétiens veulent retourner en Syrie
Après avoir compté tous les noms du registre sur lequel il est penché,
le P. Gabriel Akyüz lève les yeux. Sa tête est surmontée d'une calotte
noire. Au sein de l'Église assyrienne d'Orient, ce prêtre appartient Ã
la branche des syriaques orthodoxes. Défronçant les sourcils, il soule
enin : > C'est le nombre de Syriens qu'accueille, en ce mois
d'été, la paroisse des Quarante Martyrs de Mardin, à moins de
cinquante kilomètres de la frontière syrienne. Cent trois, soit une
part inime des deux millions de déplacés qui ont gagné la Turquie ces
trois dernières années, pour fuir les combats qui ravagent la Syrie
depuis le printemps 2011. La nuit estivale n'en init pas de tomber sur
l'élégante église syriaque aux pierres jaunes. Nichée au fond d'une
vaste cour, elle se fait presque oublier tant les alentours sont
animés. Une quarantaine de réfugiés achèvent leur repas, ofert par la
paroisse. Dans quelques heures, chacun retrouvera la famille
chrétienne qui l'accueille. En attendant, pas question de se séparer.
D'un improbable terrain de volley s'échappent des cris d'enfants.
Adossés à des murets, les hommes fument par petits groupes, les femmes
discutent autour d'une fontaine asséchée. Elles n'ont qu'un mot à la
bouche : Syrie. Ces réfugiés viennent pour la plupart de la ville de
Hassaké, à une petite centaine de kilomètres de là . Mardin, splendide
cité mésopotamienne btie à lanc de colline et qui devrait bientôt
entrer au patrimoine mondial de l'Unesco, n'est pas une destination
d'exil parmi d'autres. > Ces > furent ceux commis par le régime turc,
pendant la Première Guerre mondiale, contre toutes les minorités
chrétiennes de l'Empire ottoman. C'est de Mardin qu'est originaire Mgr
Ignace Maloyan, évêque arménien tué en 1915 et béatiié en 2001 par
Jean-Paul II. Mais outre les Arméniens, de nombreux syriaques
orthodoxes furent massacrés ou déportés entre 1914 et 1920.
Aujourd'hui, les familles réunies autour de la fontaine sont leurs
descendants. Cette région du nord de la Mésopotamie est actuellement
peuplée majoritairement par des Kurdes. Elle a toujours abrité des
chrétiens, et en particulier des syriaques : elle constitue même leur
berceau historique. Son nom, Tur Abdin, signiie littéralement >. Au centre de l'arc de cercle qui
entoure la fontaine, une quinquagénaire en impose. Appartenant Ã
l'élite culturelle en Syrie, comme la plupart des réfugiés qui
l'accompagnent, Rowida Kawriah parle d'une voix calme. Son ils Jack
traduit l'arabe mélodieux de sa mère en un anglais plutôt luide. Marcelle Azar aussi, est consciente de l'amère ironie de la
situation. > Car pour
Marcelle, la Turquie n'est pas un pays d'avenir, pas même une terre
d'asile. >, lche-t-elle sans nuance, avant
d'ajouter qu'>.
Le constat semble dur, quand on sait ce que vivent, au même moment,
les chrétiens des pays voisins. Mais Marcelle insiste. > De son
côté, Rowida renchérit : > À six kilomètres, un
majestueux monastère déie l'aridité du paysage. Avec ses pierres
dorées au soleil, ses clochers transperçant l'azur du ciel et son
vaste cloître parsemé de plantes fuchsia, Deyrulzafaran n'a rien de Son fils Jack, ingénieur
informatique hautement qualiié, n'a pas trouvé d'emploi correspondant
à ses compétences, depuis son arrivée à Mardin, il y a bientôt deux
ans. Peu importe que leurs racines soient ici. Cent ans après leur
départ pour la Syrie, ces familles n'attendent qu'une chose : repasser
la frontière dans l'autre sens.
From: Baghdasarian
A Mardin, les réfugiés chrétiens veulent retourner en Syrie
Après avoir compté tous les noms du registre sur lequel il est penché,
le P. Gabriel Akyüz lève les yeux. Sa tête est surmontée d'une calotte
noire. Au sein de l'Église assyrienne d'Orient, ce prêtre appartient Ã
la branche des syriaques orthodoxes. Défronçant les sourcils, il soule
enin : > C'est le nombre de Syriens qu'accueille, en ce mois
d'été, la paroisse des Quarante Martyrs de Mardin, à moins de
cinquante kilomètres de la frontière syrienne. Cent trois, soit une
part inime des deux millions de déplacés qui ont gagné la Turquie ces
trois dernières années, pour fuir les combats qui ravagent la Syrie
depuis le printemps 2011. La nuit estivale n'en init pas de tomber sur
l'élégante église syriaque aux pierres jaunes. Nichée au fond d'une
vaste cour, elle se fait presque oublier tant les alentours sont
animés. Une quarantaine de réfugiés achèvent leur repas, ofert par la
paroisse. Dans quelques heures, chacun retrouvera la famille
chrétienne qui l'accueille. En attendant, pas question de se séparer.
D'un improbable terrain de volley s'échappent des cris d'enfants.
Adossés à des murets, les hommes fument par petits groupes, les femmes
discutent autour d'une fontaine asséchée. Elles n'ont qu'un mot à la
bouche : Syrie. Ces réfugiés viennent pour la plupart de la ville de
Hassaké, à une petite centaine de kilomètres de là . Mardin, splendide
cité mésopotamienne btie à lanc de colline et qui devrait bientôt
entrer au patrimoine mondial de l'Unesco, n'est pas une destination
d'exil parmi d'autres. > Ces > furent ceux commis par le régime turc,
pendant la Première Guerre mondiale, contre toutes les minorités
chrétiennes de l'Empire ottoman. C'est de Mardin qu'est originaire Mgr
Ignace Maloyan, évêque arménien tué en 1915 et béatiié en 2001 par
Jean-Paul II. Mais outre les Arméniens, de nombreux syriaques
orthodoxes furent massacrés ou déportés entre 1914 et 1920.
Aujourd'hui, les familles réunies autour de la fontaine sont leurs
descendants. Cette région du nord de la Mésopotamie est actuellement
peuplée majoritairement par des Kurdes. Elle a toujours abrité des
chrétiens, et en particulier des syriaques : elle constitue même leur
berceau historique. Son nom, Tur Abdin, signiie littéralement >. Au centre de l'arc de cercle qui
entoure la fontaine, une quinquagénaire en impose. Appartenant Ã
l'élite culturelle en Syrie, comme la plupart des réfugiés qui
l'accompagnent, Rowida Kawriah parle d'une voix calme. Son ils Jack
traduit l'arabe mélodieux de sa mère en un anglais plutôt luide. Marcelle Azar aussi, est consciente de l'amère ironie de la
situation. > Car pour
Marcelle, la Turquie n'est pas un pays d'avenir, pas même une terre
d'asile. >, lche-t-elle sans nuance, avant
d'ajouter qu'>.
Le constat semble dur, quand on sait ce que vivent, au même moment,
les chrétiens des pays voisins. Mais Marcelle insiste. > De son
côté, Rowida renchérit : > À six kilomètres, un
majestueux monastère déie l'aridité du paysage. Avec ses pierres
dorées au soleil, ses clochers transperçant l'azur du ciel et son
vaste cloître parsemé de plantes fuchsia, Deyrulzafaran n'a rien de Son fils Jack, ingénieur
informatique hautement qualiié, n'a pas trouvé d'emploi correspondant
à ses compétences, depuis son arrivée à Mardin, il y a bientôt deux
ans. Peu importe que leurs racines soient ici. Cent ans après leur
départ pour la Syrie, ces familles n'attendent qu'une chose : repasser
la frontière dans l'autre sens.
From: Baghdasarian