FRANCOIS HOLLANDE ENTAME UN SEMESTRE MEMORIEL CHARGE ET COMPLIQUE
L'Opinion.fr
mardi 13 janvier 2015 03:41 PM GMT
Liberation des camps, genocide armenien, victoire de 1945, massacre de
Setif, entrees au Pantheon : les mois a venir seront riches en
anniversaires très politiques
par Jean-Dominique Merchet
ENCART: Après une annee 2014 dominee par le centenaire de la Première
guerre mondiale et le soixante-dixième anniversaire de la Liberation,
le premier semestre 2015 sera marquee par des rendez-vous memoriels
importants : la liberation des camps dont celui d'Auschwitz, le
genocide armenien, la victoire alliee de 1945, les massacres de Setif
en Algerie et l'entree au Pantheon de quatre personnalites francaises.
A peine la page des ceremonies et manifestations consecutives aux
attaques terroristes sera-t-elle tournee que Francois Hollande va
devoir affronter un semestre memoriel a la fois charge et complique.
En la matière, le calendrier fait loi. Première date : le 27 janvier,
avec la commemoration internationale de la liberation du camp
d'extermination d'Auschwitz, en Pologne. Le president de la Republique
s'y rendra. Les autorites polonaises souhaitent que chaque delegation
nationale soit limitee a douze personnes.
Si ce chiffre est respecte, la liste sera delicate a etablir puisqu'il
faudra dire non a beaucoup, alors que l'emotion causee par les meurtres
antisemites est a son comble. Au plan diplomatique, alors que la France
et l'Allemagne multiplient les efforts en vue d'une desescalade en
Ukraine, le Kremlin vient d'annoncer que Vladimir Poutine n'avait
pas ete invite a cette ceremonie, ce qui ne devrait contribuer a la
detente en Europe. Une decision surprenante puisque c'est l'armee
sovietique qui a libere Auschwitz le 27 janvier 1945. En France,
les premiers mois de l'annee seront places sous la memoire des camps,
avec, par exemple, une ceremonie de l'Union des deportes d'Auschwitz,
le 1er fevrier a l'Hôtel de Ville de Paris ou la Journee du souvenir
de la Deportation qui prendra cette annee une dimension particulière,
le 26 avril.
Deuxième temps fort : le centenaire du genocide armenien. Francois
Hollande se rendra a Erevan, capitale de l'Armenie, le 24 avril. Des
commemorations devraient avoir lieu en France, où vit une importante
communaute armenienne. Au niveau diplomatique, le dossier est très
delicat dans les relations avec la Turquie, qui ne reconnaît pas ce
genocide. Or, Ankara est un partenaire important de la France dans
la lutte contre les reseaux djihadistes et le regime syrien de Bachar
al-Assad. Le Premier ministre Ahmet Davutoglu etait present dimanche
a Paris pour la Marche republicaine. Les Turcs ne comprendraient pas
que la France ne soit pas representee a haut niveau a leurs propres
ceremonies de la bataille de Gallipoli, le " Verdun " des Dardanelles
en 1915, qu'ils organisent le meme jour que le centenaire du genocide
armenien.
Troisième moment : le 8 mai, date de la victoire des allies en Europe.
Des ceremonies auront lieu le 7 mai, a Reims, où le marechal Keitel
avait signe la reddition de l'armee allemande en 1945. Si les
choses sont relativement simples a organiser a Paris, le president
de la Republique se rendra-t-il a Moscou pour y assister au defile
de la Victoire qui est, en Russie, fetee le 9 mai ? Selon toute
vraisemblance, Vladimir Poutine - qui etait venu en Normandie le 6
juin 2014 - devrait y convier les dirigeants du monde entier.
Difficile de ne pas y aller lorsque l'on sait le rôle essentiel que
joua l'armee sovietique dans la defaite des nazis. Mais difficile
egalement d'aller assister a une colossale demonstration de force
militaire, quand on refuse de livrer le Mistral a cause de la crise
ukrainienne.
Et le 8 mai, c'est aussi l'anniversaire de Setif. Le jour de la
victoire en Europe, l'armee francaise bombardait la region algerienne
de Setif où un soulèvement nationaliste venait d'avoir lieu. Le bilan,
toujours imprecis, se situe entre 5 000 et 10 000 morts. Setif est
un lieu de memoire essentiel de l'Algerie independante. A plusieurs
reprises, les ambassadeurs de France dans le pays se sont rendus
aux ceremonies reconnaissant la responsabilite de notre pays dans ce
massacre. Le 70
e anniversaire sera-t-il l'occasion d'une participation de plus
haut niveau politique, au moins d'un ministre regalien (Affaires
etrangères, Defense, etc.) ? L'Elysee n'a pas tranche mais le dossier
est delicat. Les nostalgiques de l'Algerie francaise mais aussi le
Maroc - qui n'apprecierait pas un geste très pro-algerien - sont
en embuscade.
Quatrième date : le 27 mai avec l'entree au Pantheon de
Pierre Brossolette, Jean Zay, Geneviève Tillion et Geneviève de
Gaulle-Anthonioz, comme l'a decide Francois Hollande en fevrier 2014,
afin de saluer " l'esprit de Resistance ". La pantheonisation de Jean
Zay a deja suscite des polemiques parmi les anciens militaires et les
milieux d'extreme-droite qui reprochent au ministre du Front populaire,
assassine par la Milice, d'avoir ecrit, dans sa jeunesse, un poème
insultant le drapeau francais. Pierre Brossolette est conteste par
certains defenseurs de la memoire de Jean Moulin alors que Germaine
Tillion suscite des reserves pour son engagement pro-algerien. Autant
de dossiers a deminer soigneusement, notamment au travers des discours
prononces. Sur les questions de memoire, trois plumes sont a l'oeuvre
a l'Elysee : le journaliste Pierre-Louis Basse, la directrice adjointe
du cabinet Constance Rivière et le haut-fonctionnaire expert du rap,
Pierre-Yves Bocquet
Cinquième et dernier rendez-vous important, qui ne devrait pas creer
de difficultes particulières, le 70
e anniversaire de l'Ordre de la Liberation, le 18 juin, avec
l'inauguration de son musee renove, aux Invalides. Comme l'Opinion
le revelait en decembre, les Compagnons de la Liberation seront a
l'honneur du defile du 14-Juillet, au travers des derniers d'entre eux
(dix-huit a ce jour) et des unites militaires elles-memes Compagnons.
Parions enfin que, le 18 juin, la France oubliera volontiers de
celebrer le bicentenaire de Waterloo.
From: A. Papazian
L'Opinion.fr
mardi 13 janvier 2015 03:41 PM GMT
Liberation des camps, genocide armenien, victoire de 1945, massacre de
Setif, entrees au Pantheon : les mois a venir seront riches en
anniversaires très politiques
par Jean-Dominique Merchet
ENCART: Après une annee 2014 dominee par le centenaire de la Première
guerre mondiale et le soixante-dixième anniversaire de la Liberation,
le premier semestre 2015 sera marquee par des rendez-vous memoriels
importants : la liberation des camps dont celui d'Auschwitz, le
genocide armenien, la victoire alliee de 1945, les massacres de Setif
en Algerie et l'entree au Pantheon de quatre personnalites francaises.
A peine la page des ceremonies et manifestations consecutives aux
attaques terroristes sera-t-elle tournee que Francois Hollande va
devoir affronter un semestre memoriel a la fois charge et complique.
En la matière, le calendrier fait loi. Première date : le 27 janvier,
avec la commemoration internationale de la liberation du camp
d'extermination d'Auschwitz, en Pologne. Le president de la Republique
s'y rendra. Les autorites polonaises souhaitent que chaque delegation
nationale soit limitee a douze personnes.
Si ce chiffre est respecte, la liste sera delicate a etablir puisqu'il
faudra dire non a beaucoup, alors que l'emotion causee par les meurtres
antisemites est a son comble. Au plan diplomatique, alors que la France
et l'Allemagne multiplient les efforts en vue d'une desescalade en
Ukraine, le Kremlin vient d'annoncer que Vladimir Poutine n'avait
pas ete invite a cette ceremonie, ce qui ne devrait contribuer a la
detente en Europe. Une decision surprenante puisque c'est l'armee
sovietique qui a libere Auschwitz le 27 janvier 1945. En France,
les premiers mois de l'annee seront places sous la memoire des camps,
avec, par exemple, une ceremonie de l'Union des deportes d'Auschwitz,
le 1er fevrier a l'Hôtel de Ville de Paris ou la Journee du souvenir
de la Deportation qui prendra cette annee une dimension particulière,
le 26 avril.
Deuxième temps fort : le centenaire du genocide armenien. Francois
Hollande se rendra a Erevan, capitale de l'Armenie, le 24 avril. Des
commemorations devraient avoir lieu en France, où vit une importante
communaute armenienne. Au niveau diplomatique, le dossier est très
delicat dans les relations avec la Turquie, qui ne reconnaît pas ce
genocide. Or, Ankara est un partenaire important de la France dans
la lutte contre les reseaux djihadistes et le regime syrien de Bachar
al-Assad. Le Premier ministre Ahmet Davutoglu etait present dimanche
a Paris pour la Marche republicaine. Les Turcs ne comprendraient pas
que la France ne soit pas representee a haut niveau a leurs propres
ceremonies de la bataille de Gallipoli, le " Verdun " des Dardanelles
en 1915, qu'ils organisent le meme jour que le centenaire du genocide
armenien.
Troisième moment : le 8 mai, date de la victoire des allies en Europe.
Des ceremonies auront lieu le 7 mai, a Reims, où le marechal Keitel
avait signe la reddition de l'armee allemande en 1945. Si les
choses sont relativement simples a organiser a Paris, le president
de la Republique se rendra-t-il a Moscou pour y assister au defile
de la Victoire qui est, en Russie, fetee le 9 mai ? Selon toute
vraisemblance, Vladimir Poutine - qui etait venu en Normandie le 6
juin 2014 - devrait y convier les dirigeants du monde entier.
Difficile de ne pas y aller lorsque l'on sait le rôle essentiel que
joua l'armee sovietique dans la defaite des nazis. Mais difficile
egalement d'aller assister a une colossale demonstration de force
militaire, quand on refuse de livrer le Mistral a cause de la crise
ukrainienne.
Et le 8 mai, c'est aussi l'anniversaire de Setif. Le jour de la
victoire en Europe, l'armee francaise bombardait la region algerienne
de Setif où un soulèvement nationaliste venait d'avoir lieu. Le bilan,
toujours imprecis, se situe entre 5 000 et 10 000 morts. Setif est
un lieu de memoire essentiel de l'Algerie independante. A plusieurs
reprises, les ambassadeurs de France dans le pays se sont rendus
aux ceremonies reconnaissant la responsabilite de notre pays dans ce
massacre. Le 70
e anniversaire sera-t-il l'occasion d'une participation de plus
haut niveau politique, au moins d'un ministre regalien (Affaires
etrangères, Defense, etc.) ? L'Elysee n'a pas tranche mais le dossier
est delicat. Les nostalgiques de l'Algerie francaise mais aussi le
Maroc - qui n'apprecierait pas un geste très pro-algerien - sont
en embuscade.
Quatrième date : le 27 mai avec l'entree au Pantheon de
Pierre Brossolette, Jean Zay, Geneviève Tillion et Geneviève de
Gaulle-Anthonioz, comme l'a decide Francois Hollande en fevrier 2014,
afin de saluer " l'esprit de Resistance ". La pantheonisation de Jean
Zay a deja suscite des polemiques parmi les anciens militaires et les
milieux d'extreme-droite qui reprochent au ministre du Front populaire,
assassine par la Milice, d'avoir ecrit, dans sa jeunesse, un poème
insultant le drapeau francais. Pierre Brossolette est conteste par
certains defenseurs de la memoire de Jean Moulin alors que Germaine
Tillion suscite des reserves pour son engagement pro-algerien. Autant
de dossiers a deminer soigneusement, notamment au travers des discours
prononces. Sur les questions de memoire, trois plumes sont a l'oeuvre
a l'Elysee : le journaliste Pierre-Louis Basse, la directrice adjointe
du cabinet Constance Rivière et le haut-fonctionnaire expert du rap,
Pierre-Yves Bocquet
Cinquième et dernier rendez-vous important, qui ne devrait pas creer
de difficultes particulières, le 70
e anniversaire de l'Ordre de la Liberation, le 18 juin, avec
l'inauguration de son musee renove, aux Invalides. Comme l'Opinion
le revelait en decembre, les Compagnons de la Liberation seront a
l'honneur du defile du 14-Juillet, au travers des derniers d'entre eux
(dix-huit a ce jour) et des unites militaires elles-memes Compagnons.
Parions enfin que, le 18 juin, la France oubliera volontiers de
celebrer le bicentenaire de Waterloo.
From: A. Papazian